B. LES INSUFFISANCES DES DISPOSITIONS JURIDIQUES PERMETTANT DE LUTTER CONTRE LES FRAUDES EN MATIÈRE ARTISTIQUE

Plusieurs travaux ont eu pour objet, au cours des dernières années, d'évaluer la pertinence et l'efficacité de la prévention et de la détection des faux artistiques 1 ( * ) . Ils ont permis de mettre en évidence le caractère inadapté de la loi du 6 février 1895 sur les fraudes en matière artistique et l'importance d'une réforme de la législation pour adapter le dispositif répressif aux enjeux contemporains du marché de l'art international.

« Le délit même de fraude artistique devrait être repensé »
Jean-Claude Marin, Procureur général près la Cour de Cassation (nov. 2017)
.

Adoptée en 1895 dans le but de protéger les acquéreurs contre la prolifération des faux artistiques ainsi que les artistes victimes de ces fausses attributions, la loi Bardoux apparait en effet désormais comme un texte désuet, d'application limitée et aux effets peu dissuasifs . Elle ne permet pas de poursuivre la plupart des faussaires et des marchands d'art mal intentionnés.

Son champ d'application est trop restrictif pour recouvrir l'étendue des faux dans leur réalité actuelle : elle couvre uniquement les catégories d'oeuvres d'art en vogue à la Belle Époque (peinture, sculpture, dessin, gravure, musique), et au sein de celles-ci, celles qui ne sont pas tombées dans le domaine public et qui sont revêtues d'une signature apocryphe , laissant de côté tous les faux sans signature ainsi que les faux sans auteur identifié.

Les peines de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende fixées par la loi sont bien moins sévères que celles prévues pour des infractions pénales approchantes .

Certes, la loi Bardoux n'est pas le seul texte à pouvoir s'appliquer pour réprimer les fraudes artistiques. Plusieurs infractions de droit commun - en particulier l'escroquerie, la tromperie, la contrefaçon et le faux et usage de faux - peuvent permettre de sanctionner les coupables de telles fraudes, mais leur champ d'application, qui n'est pas propre au marché de l'art, n'est pas pleinement adapté pour réprimer, dans sa globalité, le phénomène des faux artistiques .

En revanche, le décret dit « Marcus » du 3 mars 1981 vise à sanctionner spécifiquement les vendeurs d'oeuvres d'art et d'objets de collection qui frauderaient sur la terminologie applicable à ces biens lors de transactions. Cependant, il est exclusivement opposable aux vendeurs et la peine infligée aux contrevenants reste limitée à une amende d'un montant maximal de 1 500 euros.


* 1 On peut citer, en particulier, le colloque organisé par la Cour de Cassation le 17 novembre 2017 relatif à la question du « faux en art », ainsi que le colloque organisé le 17 mars 2022 par l'institut Art & Droit visant à restituer les travaux du groupe d'études mis en place en son sein à compter de 2018 pour réfléchir à la question des fraudes artistiques.

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