EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er

Nationalisation d'EDF

. Le présent article prévoit d'inscrire dans la loi la nationalisation de la société Électricité de France.

Alors qu'une offre publique d'achat a été initiée par l'État pour acquérir l'intégralité des actions et obligations convertibles en actions, la société EDF va, dans les mois à venir, être intégralement détenue par État. La nationalisation prévue au présent article est donc superflue.

En cohérence avec l'amendement COM-5 proposé par le rapporteur à l'article 2, qui vise à inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise EDF, la commission a adopté un amendement COM-4 supprimant le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, ISSUE DE LA NATIONALISATION 1946, A ÉTÉ OUVERTE AUX CAPITAUX PRIVÉS EN 2005, ET SES ACTIONS FONT DÉSORMAIS L'OBJET, DE LA PART DE L'ÉTAT, D'UNE OFFRE PUBLIQUE D'ACHAT SIMPLIFIÉ

A. LA SOCIÉTÉ ÉLÉCTRICITÉ DE FRANCE, ISSUE DE LA NATIONALISATION EN 1946, A SUBI DES TRANSFORMATIONS PROFONDES DANS LE CONTEXTE DE LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La nationalisation de 1946, une intervention de l'État planificateur

Alors que le programme national de la résistance (PNR) visait à « promouvoir [des] réformes indispensables » parmi lesquelles le « retour à la nation des grands moyens de production, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques », la loi n°46-628 du 8 avril 1946 procède à la nationalisation de l'électricité et du gaz et crée Électricité de France et Gaz de France.

L'article 1 er de la loi dispose en effet que sont « nationalisés : la production, la distribution, l'importation et l'exportation de l'électricité . » La gestion de ces entreprises est confiée à l'établissement public industriel et commercial (EPIC) EDF, tandis que la distribution est gérée par EDF, service de distribution.

La nationalisation concerne un grand nombre d'entreprises, réparties sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, les contours précis de la nouvelle entreprise n'ont été arrêtés qu'au terme de plusieurs années de procédure. Comme le rappelle Catherine Vuillermot dans ses travaux sur la nationalisation de l'électricité en France en 1946, « la production électrique était en effet assurée par 86 centrales thermiques et par 300 centrales hydrauliques, dépendances respectives de 54 et 100 sociétés privées. Les réseaux de transport se partageaient entre 86 sociétés. Quant à la distribution de l'électricité, 1150 entreprises géraient le marché. Enfin, 251 sociétés étaient responsables de 724 exploitations gazières de tailles variées » 9 ( * ) . Ainsi, pour mener à bien les nationalisations, « une vingtaine de décrets de nationalisation intégrale ou partielle, mais aussi des dizaines de rectificatifs et d'annulations de transferts composent le quotidien et la réalité de la nationalisation de l'énergie électrique et gazière en France . » 10 ( * )

Ces nationalisations et la création d'EDF ont accompagné le premier Plan de modernisation et d'équipement, plus connu sous le nom de plan « Monnet », qui prévoyait notamment une augmentation rapide de la capacité de production électrique (+ 42 % en à peine quatre ans), pour faire face aux enjeux de la reconstruction. Il s'agit donc de rationaliser les efforts et de moderniser les structures du pays.

Le statut de l'entreprise EDF, issu de la loi de 1946, a été maintenu jusqu'à la libéralisation du marché de l'énergie, au début des années 2000.

2. L'ouverture du capital d'EDF en 2005 intervient dans le contexte de libéralisation du marché de l'énergie

La première étape 11 ( * ) de la libéralisation du marché de l'énergie a été franchie dans les années 1990 avec l'adoption du premier « Paquet énergie ». La directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité indique, dans un considérant, que « le marché intérieur de l'électricité doit être mis en place progressivement pour que l'industrie électrique puisse s'adapter à son nouvel environnement de manière souple et rationnelle et pour tenir compte de la diversité actuelle de l'organisation des réseaux électriques . » La directive prévoit une extension progressive du marché de fourniture d'énergie jusqu'en 2003 . Ainsi, la libéralisation aura lieu en trois étapes : en 1999, deux ans après l'entrée en vigueur de la directive, la part du marché ouverte à la concurrence doit être au moins égale à la consommation communautaire moyenne des clients de plus de 40 gigawattheure par an, soit environ 20 % du marché européen et 200 sites en France.

En 2000, ce seuil est fixé à 20 gigawattheure, soit environ 30 % du marché européen correspondant à 1 600 sites en France, et, six ans plus tard, à 9 gigawattheure, soit 34 % du marché et 3 100 sites en France.

La directive distingue trois fonctions : la production d'électricité, le transport sur des lignes haute tension, et la distribution sur des lignes moyenne et basse tension. Le transport et la distribution relevant de monopoles naturels, il est prévu que soit mis en place un mécanisme d'accès des tiers au réseau (ATR) sous la surveillance du régulateur national, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en France . S'il reste intégré au sein d'une entreprise de production, le gestionnaire du réseau de transport (GRT) doit être indépendant des autres activités.

Le deuxième « Paquet énergie » est adopté en 2003. La directive 2003/54/CE vise cette fois-ci à l'ouverture à la concurrence pour l'ensemble des clients non résidentiels en 2004 et tous les clients finals d'électricité en 2007.

Ouverture du marché de la fourniture d'électricité

NB : les seuils en gigawattheure présentés correspondent aux seuils applicables en France. En effet, les seuils de la directive de 1996 doivent être transposés par l'équivalence des parts de marché au niveau européen et national.

Source : energie-info.fr

C'est dans ce contexte de libéralisation du marché de l'électricité que la France fait le choix de transformer l'établissement public industriel et commercial (EPIC) EDF en société anonyme . La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières procède à cette transformation pour EDF et Gaz de France.

Alors que, sur le fondement du cadre européen des aides d'État, la Commission européenne avait demandé à la France de supprimer « la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'EPIC » 12 ( * ) la transformation en société anonyme permet d'écarter les risques liés au contentieux des aides d'État. Elle permet également à l'entreprise de diversifier ses leviers de financement, en lui ouvrant la possibilité d'augmentations de capital pour financer son développement. Enfin, le passage à une société anonyme émancipe EDF du principe de spécialité de l'EPIC et lui ouvre la faculté de diversifier son offre de services, à l'heure où la concurrence sur le marché de la fourniture d'électricité se développe .

La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE fixe l'essentiel des règles applicables à ce jour et constitue « la pierre angulaire de la mise en oeuvre du marché de l'électricité ». Elle renforce en particulier les conditions de la séparation entre les activités de production d'électricité et d'exploitation des réseaux.

B. L'OFFRE PUBLIQUE D'ACHAT SIMPLIFIÉE INITIÉE PAR LE GOUVERNEMENT INTERVIENT DANS UN CONTEXTE DE GRANDE DIFFICULTÉ FINANCIÈRE POUR L'ENTREPRISE ELECTRICITÉ DE FRANCE

1. La décision de l'État d'acquérir 100 % des actions d'EDF intervient alors que l'entreprise traverse des difficultés financières

Alors qu'EDF faisait déjà face à des difficultés financières très importantes dans un contexte de faible disponibilité du parc nucléaire , la décision du Gouvernement d'augmenter pour 2022 de 20 térawattheure le volume du droit d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) a fait porter par l'entreprise un coût évalué à 8,2 milliards d'euros par celle-ci.

La mise en place de l'Arenh par la loi Nome

La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité, dite loi Nome, a créé le droit d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Il permet de garantir, dans des conditions fixées par l'État, l'accès à l'énergie nucléaire à un prix compétitif pour les fournisseurs alternatifs et ainsi stimuler la concurrence jusqu'à décembre 2025.

Afin d'assurer une juste rémunération à Électricité de France, le prix, réexaminé chaque année, est représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires. Il tient compte de l'addition :

1° D'une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité ;

2° Des coûts d'exploitation ;

3° Des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation ;

4° Des coûts prévisionnels des charges de long terme des exploitants d'installations nucléaires pour la gestion des matières et déchets radioactifs.

Source : La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité, dite loi Nome

Comme l'a relevé Luc Rémont devant le Conseil d'administration d'EDF le 16 février dernier « les résultats 2022 ont été fortement pénalisés par la baisse de notre production d'électricité, ainsi que par les mesures régulatoires exceptionnelles mises en place en France dans des conditions de marché difficiles. » 13 ( * )

Ainsi, en 2022, les activités de production et de commercialisation d'électricité d'EDF ont connu un EBIDTA 14 ( * ) négatif de 23 milliards d'euros. D'après le rapport annuel de l'entreprise, « le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29,1 milliards d'euros en EBITDA ». Alors l'EBITDA de l'ensemble des activités d'EDF est redressé par les résultats positifs de filiales (pour se situer à - 5 milliards d'euros) l'endettement financier net d'EDF était de 64,5 milliards d'euros en fin d'exercice 2022.

2. Les conditions de l'offre publique d'achat et le retrait obligatoire

Le 6 juillet 2022, à l'occasion de son discours de politique générale, la Première ministre a annoncé l'intention de l'État français de détenir l'ensemble du capital d'EDF . Le choix d'une offre publique d'achat simplifiée (OPAS) a été rendu public le 19 juillet, sous réserve de l'adoption par le Parlement des crédits nécessaires en loi de finances rectificative.

Répartition de la détention des actions EDF au 31 octobre 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après la note d'information sur l'offre publique d'achat visant les actions et les obligations à option de conversion et ou/ d'échange en actions nouvelles et existantes.

Comme l'a relevé le Gouvernement dans la note d'information adossée à l'OPAS « l'urgence climatique et la situation géopolitique imposent des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité » 15 ( * ) .

L'objectif affiché par l'État est également d'être en capacité « de mener de manière accélérée plusieurs chantiers décisifs annoncés par le président de la République dans son discours de Belfort, notamment le programme de construction de six réacteurs de technologie European Pressurized Reactor 2 (« EPR2 ») d'ici 2050 ».

Le prix proposé par l'État pour les actions EDF, à savoir 12 euros, représente une prime de 53,0 % par rapport à la cotation de l'action à la veille de l'annonce par la Première ministre de l'intention d'acquérir l'ensemble des actions disponibles .

Cette prime est de 34,3 % par rapport à la moyenne des cours de bourse pondérée par les volumes de l'action sur les douze derniers mois au 5 juillet 2022. Cette prime semble conforme aux primes offertes pour ce type d'opération. Ainsi, d'après la quatorzième édition de l'Observatoire des offres publiques, parue en janvier 2023, les primes médianes des offres publiques se situent entre 15 et 32 %.

Prime médiane offerte aux détenteurs des actions
par rapport au dernier cours

Source : Observatoire des offres publiques 2022, 14 e édition, Ernst and Young, janvier 2023

Une procédure a néanmoins été engagée devant la Cour d'appel de Paris par le fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) en actions EDF, Énergie En Actions, et l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires (Adam).

L'État s'est engagé à attendre le résultat de cette procédure avant d'initier le retrait obligatoire de la cote . Celui-ci permet, lorsque les titres qui n'ont pas été apportés à l'offre représentent moins de 10 % du capital et des droits de vote, de contraindre les détenteurs à céder leur titre. À ce jour, 95,82 % du capital d'EDF est détenu par l'État.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA NATIONALISATION DE LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

Le présent article vise à mettre en oeuvre la nationalisation de l'entreprise EDF . Sans remettre en cause explicitement l'opération de marché engagée par le Gouvernement, elle vise au même objectif, à savoir le transfert à l'État de la propriété du capital d'EDF détenue par des agents privés.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NATIONALISATION SUPERFLUE

La terminologie employée par la proposition de loi, à savoir la nationalisation, rappelle la loi de 1946 et les grandes ambitions de la reconstruction au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, hormis cette dimension symbolique , la mention d'une nationalisation est inutile dans son objet, et nocive dans ses effets.

L'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) mise en oeuvre par le Gouvernement aboutit précisément au même résultat que la nationalisation. C'est en particulier ce que soulignent les réponses apportées par l'Agence des participations de l'État au questionnaire du rapporteur : « il n'y pas de différence de finalité entre la nationalisation par la loi et l'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) conduite par l'État toutes deux conduisant in fine à ce qu'EDF soit bien détenue à 100 % par l'État, et de fait une entreprise publique . Il n'y a ainsi aucune distinction entre une entreprise publique détenue à 100 % et une entreprise nationalisée ».

De plus, la référence à la nationalisation constitue un facteur d'insécurité juridique.

En effet, si la présente proposition de loi entrait en vigueur avant le terme de la procédure d'OPAS initiée par le Gouvernement et la procédure de retrait obligatoire, celle-ci ne serait plus conforme au procédé choisi par le législateur. Les dispositions prévues par la présente proposition de loi auraient des conséquences très incertaines sur la procédure en cours.

Ainsi, plutôt que de mettre inutilement en cause l'opération en cours, l'amendement COM-5 proposé par le rapporteur à l'article 2 vise à garantir la détention par l'État d'EDF au 1 er janvier 2024 sans imposer de moyen au Gouvernement. Parvenant ainsi au même résultat que le présent article, la commission a adopté un amendement COM-4 , supprimant le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

ARTICLE 2

Organisation du groupe et incessibilité du capital d'EDF

. Le présent article prévoit de transformer l'entreprise Électricité de France en « groupe public unifié ». Il liste les activités de l'entreprise, dont les actions devront être incessibles : elles concernent aussi bien « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [que] la prestation de services énergétiques ».

Cette définition très large des activités d'EDF est source d'insécurité juridique, les implications de la notion de « groupe public unifié » étant très incertaines. Alors que l'entreprise EDF devra demain faire face à des défis sans précédent pour assurer la fourniture d'une électricité décarbonée et compétitive, rigidifier le périmètre de ses activités ne semble pas opportun.

La commission a adopté un amendement COM-5 modifiant l'article 2, pour prévoir de fixer, au niveau législatif, la détention par l'État de 100 % du capital d'EDF. La détention publique devra néanmoins être minorée par la part détenue par les salariés de l'entreprise.

Par ailleurs, l'amendement adopté par la commission dispose qu'EDF exerce ses activités conformément aux dispositions du code de l'énergie. En effet, l'activité de l'entreprise doit s'inscrire dans un corpus juridique issu du droit national et du droit de l'Union européenne. En particulier, l'organisation des filiales de transport et de distribution résulte d'un équilibre juridique complexe, permettant de garantir la structuration concurrentielle du marché.

Enfin, la commission a adopté un sous-amendement COM-9 proposé par M. Victorin Lurel et le groupe socialiste, visant à préciser que la société EDF est une société anonyme « d'intérêt national ».

La commission propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, UNE ENTREPRISE STRATÉGIQUE SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT ET DONT LA STRUCTURE A DÛ ÊTRE ADAPTÉE À L'ORGANISATION DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE

A. L'ORGANISATION DU GROUPE EDF RÉPOND À L'ORGANISATION ACTUELLE DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE

La directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité distingue trois fonctions : la production d'électricité, le transport sur des lignes haute tension, et la distribution sur des lignes moyenne et basse tension .

Le transport et la distribution relevant de monopoles naturels, il est prévu que soit mis en place un mécanisme d'accès des tiers au réseau (ATR). La directive de 1996 dispose également que le gestionnaire du réseau de transport (GRT) doit être indépendant des autres activités lorsqu'il reste intégré au sein d'une entreprise de production.

Dans un premier temps, l'article 12 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a introduit ce principe dans le droit interne en prévoyant l'indépendance de la gestion du réseau de transport, sans pour autant séparer strictement cette activité des autres activités d'EDF.

Quatre ans plus tard, l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières sépare les activités de transport en créant la société RTE, distincte d'EDF , et « dont le capital est détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public . » Par ailleurs, l'article 13 de la loi prévoit la constitution d'un service chargé de la gestion du réseau de distribution « indépendant, sur le plan de l'organisation et de la prise de décision, des autres activités » Cette activité a été intégrée à une nouvelle filiale en janvier 2008 : Électricité réseau de distribution France (ERDF).

La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE fixe l'essentiel des règles applicables à ce jour et constitue « la pierre angulaire de la mise en oeuvre du marché de l'électricité ». Elle renforce en particulier les conditions de la séparation entre les activités de production d'électricité et d'exploitation des réseaux, afin de garantir l'accès des tiers aux réseaux.

Les gestionnaires de transport d'électricité doivent ainsi relever de l'un des trois régimes prévus par la directive, à savoir la séparation intégrale de la propriété des infrastructures de transport, « ownership unbundling » (OU), la création d'un gestionnaire de réseau indépendant, sans remise en cause de la propriété, « independent system operator » (ISO), ou le recours à un opérateur de transport indépendant, « independent transmission operator » (ITO). C'est ce dernier modèle qui est retenu pour RTE, la détention restant majoritairement à Électricité de France . Le capital de cette filiale doit, en application de l'article L. 111-42 du code de l'énergie, être « détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ».

Par ailleurs, en application de l'article 43 de la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, l'évolution d'une entreprise verticalement intégrée vers un statut de séparation intégrale de la propriété des infrastructures de transport, « ownership unbundling » (OU) ne peut être « en aucune circonstance empêchée ».

Ainsi, les activités de production et de commercialisation d'EDF ont été progressivement distinguées de la gestion des infrastructures de transport et de distribution. La structure capitalistique actuelle du groupe permet ainsi de répondre à l'exigence d'ouverture à la concurrence du marché.

B. LA VIE DE L'ENTREPRISE EDF EST SOUMISE AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

Depuis la nationalisation de l'entreprise jusqu'à la libéralisation du marché de l'électricité, les principales évolutions de l'entreprise EDF ont été soumises au vote du Parlement. En effet, alors que les avancées du marché européen de l'énergie ont été adoptées au sein de l'Union européenne par voie de directive, elles ont rendu nécessaire l'intervention du Parlement lors de la transposition des mesures de niveau législatif.

De plus, des règles de détention capital sont déterminées par la loi : ainsi, l'article L. 111-67 du code de l'énergie prévoit que la participation de l'État dans EDF doit être supérieure à 70 % et que l'entreprise RTE, en vertu de l'article L. 111-42 du même code, doit être intégralement détenue par EDF, l'État, ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public.

Par ailleurs, le Parlement est saisi de plusieurs décisions majeures intéressant la vie de l'entreprise.

Ainsi, en vertu de l'article 13 de la Constitution et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, la nomination du président directeur général d'EDF est soumise au vote des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Président de la République ne peut procéder à sa nomination lorsque l'addition des votes négatifs représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

De plus, les évolutions structurelles du marché de l'électricité nécessitent l'intervention du Parlement . En témoigne le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, en cours d'examen devant le Parlement. De plus, en application de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, « avant le 1 er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique . »

Enfin, les évolutions des règles européennes issues des discussions en cours sur le « market design » seront également soumises au Parlement lors de la transposition des directives européennes .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE GEL, AU NIVEAU LÉGISLATIF, DU PÉRIMÈTRE DES ACTIVITÉS D'EDF

L'article 2 procède à la réécriture de l'article L. 111-67 du code de l'énergie . Il supprime, ce faisant, la référence au seuil de détention par l'État de 70 % des parts de la société anonyme EDF.

Dans sa rédaction issue du présent article, l'article L. 111-67 du code de l'énergie disposerait que l'entreprise EDF est « un groupe public unifié ». Cette formulation, qui n'a pas de définition juridique précise, correspond à celle retenue par le législateur à propos de la société nationale des chemins de fer français (SNCF).

Les 1°, 2° et 3° listent les différentes activités d'EDF devant faire partie du groupe public unifié. Ainsi, sont concernés « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [ou encore] la prestation de services énergétiques ».

Enfin, l'article prévoit que le capital de l'entreprise est « intégralement détenu par l'État, ou, dans la limite de 2 % du capital, par des salariés de l'entreprise. Il est incessible . »

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : FIGER LE PÉRIMÈTRE DES ACTIVITÉS D'EDF, UNE IDÉE MALHEUREUSE, ALORS QU'EDF EST CONFRONTÉ À DE NOMBREUX DÉFIS

A. UNE RÉDACTION SOURCE D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET QUI N'EST PAS CONFORME AUX RÈGLES DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La rédaction de l'article est source d'insécurité juridique

La notion de « groupe public unifié », à laquelle a recours le présent article, n'a qu'un seul précédent, celui de la société nationale des chemins de fer français (SNCF). Hors cet exemple, la notion ne connaît pas de définition juridique précise. Les indications données par l'auteur de la proposition de loi, à savoir « sauver l'unité de groupe EDF », empêcher « la vente d'Enedis, de Dalkia, ou d'EDF Energies Nouvelles », laissent imaginer qu'il s'agit de figer la structure du groupe.

En effet, le caractère incessible des actions conduit à considérer que les participations d'EDF dans l'ensemble des entreprises intervenant dans les secteurs mentionnés par l'article pourraient ainsi être figées .

Si les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'écarter du champ de l'article les cessions d'activités réalisées à l'étranger, celui-ci n'en pourrait pas moins faire planer un risque juridique sur toute cession de la part d'EDF.

Comme le relève l'entreprise EDF elle-même dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, la rédaction est « très imprécise et en conséquence difficile à interpréter. »

2. Des évolutions qui entrent en contradiction avec le droit européen

En fixant le principe d'un groupe public unifié, comprenant les activités de transport et dont les actions seraient incessibles, le dispositif de l'article s'inscrit en contradiction avec les règles issues du droit de l'Union européenne . En effet, l'entreprise Réseau de transport d'électricité (RTE) relève du statut d'opérateur de transport indépendant (ITO) prévu par le droit européen, c'est-à-dire que la détention majoritaire par EDF a été maintenue mais que RTE doit fournir des garanties très avancées d'indépendance de gestion.

Cependant, alors les évolutions du statut d'ITO vers la séparation intégrale de la propriété ne peuvent être « en aucune circonstance empêchées » 16 ( * ) , la rédaction de l'article 2 s'inscrit en contradiction avec cette règle. Elle bloquerait au niveau législatif toute évolution du statut de RTE, ce qui est contraire au droit de l'Union, et n'est pas souhaitable du point de vue économique. En effet, le statut d'ITO freine la capacité de RTE à mener des acquisitions dans les autres États membres de l'Union européenne : un gestionnaire de réseau de transport (GRT) sous statut ITO ne peut pas acheter de GRT relevant d'un autre statut. Pour renforcer le développement de RTE, une évolution de statut via une cession des parts détenues par EDF à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou à l'Agence des participations de l'État (APE) pourrait être utile au développement de l'entreprise.

B. L'OPPORTUNITÉ ÉCONOMIQUE DE FIGER LES ACTIVITÉS D'EDF APPARAÎT CONTESTABLE

1. Dans un marché de l'énergie en mutation, la priorité doit être de permettre à EDF de produire une énergie décarbonée et compétitive

La rigidité de fonctionnement et de gestion proposée par l'article 2 s'inscrit en contradiction avec la fluidité et le caractère mouvant du marché de l'électricité. Celui-ci devrait connaitre des mutations de grande ampleur pour répondre à l'impératif de décarbonation de l'économie.

La priorité doit être de produire massivement une électricité décarbonée et compétitive. Les dispositions de la proposition de loi, aussi bien intentionnées soient-elles, ignorent ces réalités et ces enjeux.

En rigidifiant l'organisation d'EDF et sa structure capitalistique, elles semblent vouloir l'extraire des règles de fonctionnement du marché de l'énergie . Le déni des réalités d'un marché complexe risque uniquement d'affaiblir EDF : l'entreprise devra au contraire pouvoir nouer de nouveaux partenariats, construire des montages capitalistiques complexes pour renforcer sa présence sur les marchés à l'étranger, indispensables à la relance de l'industrie nucléaire.

Les mesures proposées entraveraient le développement et la performance du groupe. Il faut laisser à EDF la capacité et les moyens de s'adapter pour faire face aux enjeux industriels, sociaux, environnementaux et économiques auxquels il fait face .

L'amendement COM-5 , modifié par le sous-amendement COM-9 de notre collègue Victorin Lurel et du groupe socialiste, adoptés par la commission, revient donc sur la notion de « groupe public unifié » et sur l'énumération des activités du groupe, évitant ainsi de rigidifier le cadre d'action de l'entreprise et lui permettre de répondre, sans obstacle législatif, aux grands défis énergétiques de demain. Le sous-amendement ajou

2. Le maintien d'une société anonyme détenue par l'État et par les actionnaires salariés

Plutôt que d'énumérer de façon équivoque les activités d'EDF, l'amendement COM-5 adopté par la commission vise à inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise EDF, tout en maintenant la présence d'actionnaires salariés.

L'augmentation du niveau minimal de détention par l'État dans l'entreprise EDF, prévue à l'article L. 111-67 du code de l'énergie, de plus de 70 % à 100 %, permet de garantir l'intervention du Parlement si le Gouvernement souhaitait procéder à la réouverture de son capital. Cette modification n'a pas pour objectif de figer définitivement la détention du capital d'EDF : une nouvelle loi pourra modifier ce seuil, mais il faudra donc que le Parlement en soit saisi.

En effet, le Parlement n'a pas été formellement associé au processus de nationalisation d'EDF, réalisé selon une procédure d'offre publique d'achat simplifiée (OPAS), et a uniquement été appelé à voter les crédits budgétaires nécessaires à cette OPAS.

Par ailleurs, l'amendement adopté par la commission vise à maintenir au niveau législatif le statut de société anonyme de l'entreprise EDF . Alors que la formule retenue par l'Assemblée nationale de « groupe public unifié » est facteur d'incertitudes et d'insécurité juridique, il est nécessaire de maintenir la possibilité pour EDF de procéder aux évolutions stratégiques et aux cessions qui lui seront indispensables pour assurer la pérennité de son modèle économique.

Enfin, le maintien d'une part d'actionnaires salariés s'inscrit en cohérence avec les évolutions de la loi PACTE : il est nécessaire que l'État montre lui-même l'exemple en maintenant au sein d'EDF la possibilité pour les salariés d'être actionnaires de leur entreprise. La présence d'un actionnariat salarié permet également de pondérer le rôle de l'État, dont les principales décisions depuis une décennie ont considérablement affaibli EDF.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Création d'une commission administrative chargée de déterminer la valeur des actions d'EDF

. Le présent article prévoit la création d'une commission administrative nationale d'évaluation si l'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) portant sur les actions et obligations convertibles en actions de la société anonyme Électricité de France n'était pas menée à son terme au 1 er juillet 2023.

En cohérence avec la suppression de la nationalisation prévue à l'article 1 er , la commission a adopté un amendement COM-6 supprimant le présent article.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA MISE EN PLACE D'UNE COMMISSION ADMINISTRATIVE NATIONALE D'ÉVALUATION POUR ESTIMER LA VALEUR DES ACTIONS DE L'ENTREPRISE EDF

Afin de mettre en oeuvre la nationalisation prévue à l'article 1 er , le présent article prévoit la création d'une « commission administrative nationale d'évaluation présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée du gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'État, du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation et d'un membre du Conseil économique, social et environnemental désigné par le président de cette assemblée ».

Cette commission aurait pour mission de fixer la valeur d'échange des actions de la société EDF dans le cadre de la nationalisation.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA NATIONALISATION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 1 ER ÉTANT SUPERFLUE, LA COMMISSION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 3 EST INUTILE

La commission ayant supprimé la nationalisation prévue par l'article 1 er , dans la mesure où elle est rendue superflue par l'offre publique d'achat simplifiée en cours, elle a également supprimé la commission d'évaluation chargée d'évaluer la valeur d'échange des actions.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité

. Le présent article prévoit d'étendre de façon structurelle le périmètre des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) aux très petites entreprises (TPE) disposant d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (kVA) ainsi que, pour l'année 2023, aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

L'article dispose également que l'ensemble des fournisseurs proposent des TRVe pour les TPE et prévoit qu'au cours de l'année 2023 ces TRVe peuvent se substituer aux contrats en cours.

Alors que les TPE non éligibles aux TRVe ont été très durement affectées par la crise des prix de l'électricité, il convient de tirer les leçons de cette situation et d'étendre le bénéfice des TRVe à l'ensemble des TPE sans considération de puissance électrique souscrite. C'est le sens de l'amendement COM-7 adopté par la commission.

Les autres dispositions de l'article 3 bis étant, pour certaines, contraires au droit européen, pour d'autres inopérantes ou sources de dangereux risques juridiques, elles doivent être écartées.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : SEULS LES MÉNAGES ET LES TPE DISPOSANT D'UN PETIT COMPTEUR ÉLECTRIQUE SONT ÉLIGIBLES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) ET BÉNÉFICIAIRES DU BOUCLIER TARIFAIRE SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) PROTÈGENT SUR LE LONG TERME LEURS BÉNÉFICIAIRES DES FLUCTUATIONS INTEMPESTIVES DES MARCHÉS DE GROS DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Le droit européen autorise les TRVe pour les ménages et les microentreprises

L'article 5 de la directive du 5 juin 2019 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité 17 ( * ) permet aux États membres de réaliser des interventions publiques dans le domaine de la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux ménages et aux microentreprises . La directive définit la microentreprise comme « une entreprise qui emploie moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros » .

Selon les dispositions de cet article, ces interventions doivent néanmoins respecter une série de conditions strictes, et notamment l'exigence que ces tarifs réglementés soient établis « à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective » .

Les critères qu'une intervention sur les prix de l'électricité des ménages et des microentreprises doit respecter en vertu des dispositions de l'article 5 de la directive du 5 juin 2019

Selon l'article 5, les interventions publiques dans le domaine de la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux ménages et aux microentreprises doivent :

- poursuivre « un objectif d'intérêt économique général » et ne pas aller « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » ;

- être « clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables » ;

- « garantir aux entreprises d'électricité un égal accès aux clients » ;

- être « limitées dans le temps et proportionnées en ce qui concerne leurs bénéficiaires » ;

- ne pas entrainer « de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché d'une manière discriminatoire » ;

- être « assorties d'un ensemble de mesures permettant de parvenir à une concurrence effective et d'une méthode d'évaluation des progrès en ce qui concerne ces mesures » ;

- être « fixées à l'aide d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs » ;

- être « établies à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective » ;

- être « conçues de façon à réduire au minimum tout impact négatif sur le marché de gros de l'électricité » ;

- « garantir que tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont la possibilité de choisir des offres du marché concurrentielles » ;

- garantir que « tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont le droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires » ;

- ne pas se traduire par « des subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix de fourniture réglementés » .

Source : article 5 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE

Dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, le cadre européen a été temporairement assoupli par les dispositions du règlement du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie 18 ( * ) . Ce règlement 19 ( * ) prévoit notamment qu'exceptionnellement, pour la seule année 2023, les petites et moyennes entreprises (PME) 20 ( * ) pourraient bénéficier d'une intervention publique dans la fixation du prix de leur fourniture d'électricité. Toutefois, cette intervention temporaire, qui pourrait prendre la forme de tarifs réglementés, doit respecter plusieurs conditions strictes dont le fait que ces tarifs doivent être fixés en tenant compte « de la consommation annuelle du bénéficiaire ces cinq dernières années » et que dans l'hypothèse où les prix étaient établis à un niveau inférieur aux coûts, les fournisseurs doivent être indemnisés. En France , cette intervention publique a pris la forme des dispositifs d'amortisseur ou d'aides au guichet (voir infra ).

2. Les dispositions du code de l'énergie encadrent l'application des TRVe au niveau national

Le chapitre I er du titre II du livre I er du code de l'énergie définit les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz. Prévue par l'article L121-5 du même code, la mission de service public de fourniture d'électricité consistant à assurer la fourniture d'électricité, sur l'ensemble du territoire, aux clients bénéficiaires des TRVe incombe à EDF et aux entreprises locales de distribution (ELD).

Prévus par l'article L337-1 du code de l'énergie, au niveau national, les TRVe sont régis par les dispositions législatives des articles L337-1 à L337-16 ainsi que par les normes réglementaires des R337-18 à R337-24 du même code.

a) En France métropolitaine, le périmètre des TRVe est circonscrit aux ménages et aux TPE dont le compteur électrique ne dépasse pas une puissance de 36 kilovoltampères (kVA)

Le périmètre actuel des TRVe est défini par les articles L337-7 et L337-8 du code de l'énergie.

Ainsi, l'article L337-7 circonscrit l'éligibilité des TRVe aux ménages (qualifiés de « consommateurs finals domestiques ») et aux petits « consommateurs finals non domestiques » (c'est-à-dire essentiellement des TPE ou de petites communes ) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

Il assortit cette éligibilité à la condition que la puissance d'électricité souscrite des sites concernés soit inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA).

Cette disposition exclut ainsi du périmètre d'éligibilité aux TRVe les TPE dont les activités nécessitent des niveaux de consommation électrique élevés, notamment en raison de l'utilisation d'une chambre froide, et qui disposent de compteurs d'une puissance supérieure à 36 kVA. C'est notamment le cas de la majorité des boulangers, des bouchers, des fleuristes et des petits restaurateurs. Les TRVe proposés aux clients ayant souscrit des puissances supérieures à 36 kVA ont été supprimés le 1 er janvier 2016.

L'article L337-8 prévoit quant à lui que les TRVe bénéficient à l'ensemble consommateurs finals pour leurs sites localisés dans des zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental.

Au 30 septembre 2022, d'après le bilan de l'ouverture des marchés de détail de l'énergie pour le troisième trimestre 2022 publié par la CRE en mars 2023, 21,5 millions de ménages en France bénéficient d'une offre au TRVe . Par ailleurs, 1,5 million de sites non résidentiels (principalement des TPE et des petites communes) disposent également d'une offre aux TRVe. Parallèlement, environ 12,5 millions de ménages et 3,7 millions de sites non résidentiels (entreprises, collectivités, associations, etc ) détiennent des abonnements auprès de fournisseurs alternatifs d'électricité.

L'article L337-4 du code de l'énergie prévoit que « les TRVe sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures » .

L'article R337-18 détaille la composition des TRVe qui sont déclinés en trois catégories tarifaires elles-mêmes déclinées en options tarifaires.

Les catégories tarifaires se composent :

- du tarif « bleu » pour les sites des consommateurs finals dont la puissance souscrite ne dépasse pas 36 kVA ;

- du tarif « jaune » pour les sites des consommateurs finals situés en ZNI, raccordés en basse tension et dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA ;

- du tarif « vert » pour les sites des consommateurs finals raccordés en haute tension dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kVA.

b) Les modalités du calcul des TRVe selon la méthode dite de « l'empilement des coûts » les exposent de plus en plus aux variations des prix de gros du marché européen de l'électricité

Les TRVe sont considérés comme des tarifs « intégrés » devant couvrir aussi bien les coûts de production que les coûts de commercialisation et d'acheminement de l'électricité.

En application de l'article L337-4 du code de l'énergie, la CRE a pour mission de transmettre aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie des propositions motivées de TRVe .

Pour sa partie hors taxes, la méthodologie de détermination du niveau des TRVe réalisée par le CRE respecte le principe de « l'empilement des coûts » . Issue d'une réforme de novembre 2014, cette méthodologie doit rendre ce tarif reproductible et « contestable » par tout fournisseur alternatif, c'est-à-dire, selon l'exigence formulée par le Conseil d'État, « la faculté pour un opérateur concurrent d'EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d'électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés » 21 ( * ) .

Elle est définie par l' article L. 337-6 du code de l'énergie qui précise que « les tarifs réglementés de vente d'électricité sont établis par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture » . Cette tarification « par empilement » est précisée aux articles R. 337-18 à R. 337-24 du code de l'énergie.

Aussi, les TRVe sont déterminés par l'addition des coûts suivants :

- le coût d'approvisionnement de la part relevant des droits théoriques au dispositif de l'Arenh , fixé à un montant, censé refléter les coûts de production du parc nucléaire, de 42 euros par mégawattheure aujourd'hui très nettement inférieur aux prix du marché de l'électricité ;

- le coût d'approvisionnement du complément de fourniture après achat des volumes d'Arenh (dit « complément de marché » ) et relevant des achats de produits à terme sur les marchés de gros de l'électricité, qui explique la dépendance partielle des TRVe aux évolutions des prix de gros sur le marché européen ;

- le coût d'approvisionnement en capacité , établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d'obligation de capacité ;

- le coût d'acheminement par les réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

- le coût de commercialisation 22 ( * ) ;

- et enfin la rémunération de l'activité de fourniture d'électricité.

Description de la détermination des TRVe par la CRE
selon la méthodologie de l'empilement des coûts

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Le complément de marché calculé par la CRE correspond à la moyenne des prix de marché à terme pour une année donnée lissée sur 24 mois . Ce système permet d'atténuer l'exposition des TRVe à l'évolution des prix de gros de l'électricité.

Dans le calcul réalisé par la CRE pour 2023 23 ( * ) (avant application du bouclier tarifaire) le complément de marché représente 33 % de la part d'approvisionnement en électricité dans la construction des TRVe, soit environ 17 % du total des TRVe HT .

Pour mesurer l'exposition globale des TRVe aux évolutions des prix du marché de gros de l'électricité, il convient d'ajouter la part relative au coût du complément d'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité consécutif à l'écrêtement de l'Arenh . En effet, dans la mesure où les demandes d'Arenh sont systématiquement supérieures au volume d'Arenh plafonné en 2023 à 100 térawattheures (TWh), le volume pris en compte pour la détermination des TRVe, qui correspond aux droits théoriques d'Arenh est écrêté et une part d'approvisionnement de marché complémentaire doit être inclue dans le calcul. Pour calculer cette part, la CRE prend en compte une moyenne des prix à terme des deux derniers mois de l'année qui précède l'année de livraison.

Au total, les TRVe se trouvent désormais exposés aux prix de marché à hauteur d'environ 50 % de la part approvisionnement. Dans un rapport de juillet 2022 sur l'organisation des marchés de l'électricité, la Cour des comptes souligne l'exposition de plus en plus forte depuis 2019 des TRVe aux prix de marché, notamment en raison du complément de marché consécutif à l'écrêtement des volumes d'Arenh.

Évolution de la part « fourniture d'énergie » (Arenh et marché) des TRVe

entre 2016 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Cette évolution constitue l'une des explications de la hausse significative du niveau des TRVe TTC depuis 2014.

Évolution des différentes composantes des TRVe toutes taxes comprises (TTC) destinés aux ménages entre 2013 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

En 2023 , du fait du prolongement de la crise des prix de l'électricité, les propositions de TRVe faites par la CRE 24 ( * ) (avant application du bouclier tarifaire 2023) ont conduit à des augmentations de près de 80 % par rapport aux TRVe proposés en 2022 25 ( * ) (eux-mêmes avant application du bouclier tarifaire 2022) qui avaient déjà augmenté de 45 % par rapport aux tarifs en vigueur en 2021.

Pour les TPE et les petites communes, les TRVe proposés par la CRE en 2023 avant application du dispositif de bouclier tarifaire s'établissaient ainsi, en moyenne, à 344 euros/MWh hors taxes (HT) contre 128 euros/MWh en 2021 , soit une multiplication par 2,7 en deux ans.

Évolution moyenne du niveau des TRVe hors taxes (HT) proposés par la CRE entre 2022 et 2023

(en euros / MWh)

CEE : certificats d'économie d'énergie

Source : délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité

3. Le cadre et l'objet des TRVe ont également été précisés par la jurisprudence

Dans sa décision d'Assemblée ANODE du 18 mai 2018 26 ( * ) , le Conseil d'État a considéré que les TRVe, bien que constituant une dérogation à l'article L410-2 du code du commerce qui dispose que « les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence » , étaient légitimes dans la mesure où ils poursuivaient un objectif économique général de stabilité des prix de l'électricité 27 ( * ) .

Dans cette même décision, en s'appuyant sur le droit de l'Union européenne, il a confirmé que le périmètre des TRVe devait être circonscrit aux seuls consommateurs domestiques ainsi qu'à ceux qui avaient un profil de consommation similaire , c'est-à-dire les artisans, les petits commerçants ou les professions libérales.

Le Conseil d'État a également confirmé ces considérants dans sa décision ANODE du 6 novembre 2019 28 ( * ) . Il y précise notamment qu' une réglementation permettant aux « entreprises moyennes et aux entreprises de taille intermédiaire, de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'électricité n'est pas proportionnée à l'objectif de stabilité des prix » et ne pourrait être appliquée sans méconnaître le droit de l'Union européenne.

B. DES MESURES ONT ÉTÉ PRISES POUR ACCOMPAGNER LES MÉNAGES ET LES ENTREPRISES FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉLECTRCITÉ

Face aux conséquences de la crise des prix de l'énergie qui s'est notamment traduite dans les factures d'électricité des consommateurs, plusieurs mesures ont été votées par le Parlement pour venir en aide aux ménages et aux entreprises.

En 2022 comme en 2023, les tarifs de l'accise sur l'électricité , l'ancienne taxe intérieure de consommation finale d'électricité (TICFE), ont été abaissés à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne (soit 1 euro/MWh pour les ménages et 0,5 euro/MWh pour les professionnels). Cette mesure, dont le coût avoisine les 10 milliards d'euros annuels pour l'État, concerne l'ensemble des consommateurs finals d'électricité, à l'exception des secteurs économiques qui disposaient déjà de tarifs très réduits situés au niveau des minimas européens.

En 2022 comme en 2023, un dispositif de bouclier tarifaire a été mis en oeuvre pour limiter la hausse des prix de l'électricité de l'ensemble des consommateurs finals éligibles aux TRVe , c'est-à-dire les ménages et les petits consommateurs non domestiques (TPE et petites communes) disposant d'un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kVA . Ce dispositif, fondé par le versement de compensations aux fournisseurs via le budget de l'État, a été calibré pour , en dérogation aux niveaux de tarifs proposés par la CRE, contenir en moyenne la hausse des TRVe à 4 % en 2022 puis 15 % en 2023.

L'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a créé un dispositif dit d'amortisseur visant à réduire les factures d'électricité des TPE et collectivités locales non éligibles au bouclier tarifaire, des PME, des associations ou encore des établissements publics .

L'application de l'amortisseur conduit à réduire la facture des clients éligibles, pour la moitié des volumes d'électricité consommés, de l'écart entre le prix de l'électricité de leur contrat et un prix de référence de 180 euros/MWh, cette réduction étant plafonnée à 320 euros/MWh , ce qui revient à considérer que pour les contrats dont le prix de l'électricité est supérieur à 500 euros, la fraction supérieure à ce niveau ne fait pas l'objet d'aides publiques.

L'aide maximale découlant de ces paramètres, si l'on raisonne sur l'intégralité de la consommation du client 29 ( * ) est ainsi de 160 euros/MWh .

Première illustration du mécanisme d'amortisseur

Source : ministère de la transition écologique

Deuxième illustration du mécanisme d'amortisseur (avec atteinte du plafond)

Source : ministère de la transition écologique

En raison notamment des difficultés rencontrées par le secteur de la boulangerie, le Gouvernement, après une concertation avec les fournisseurs, a mis en oeuvre, par voie réglementaire, un dispositif spécifique destiné aux TPE ayant renouvelé leur contrat de fourniture d'électricité en 2022 et qui ne sont pas éligibles aux TRVe.

Ce dispositif, dit de « sur-amortisseur » dans la mesure où il fonctionne selon les mêmes modalités que l'amortisseur mais avec des paramètres calibrés différemment, doit permettre de leur garantir en 2023 un prix de l'électricité de 230 euros/MWh et 280 euros/MWh en intégrant le coût du tarif d'utilisation du réseau public de l'électricité (TURPE).

Les entreprises éligibles sont celles :

- qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros, pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA ;

- ayant signé ou renouvelé un contrat de fourniture d'électricité au titre de 2023 entre le 1 er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 ;

- dont le prix de la part variable de l'électricité hors taxes, hors acheminement, moyen en euros par MWh résultant de leur contrat pour l'année 2023 excède 280 euros/MWh en moyenne annuelle.

Source : commission des finances

À ces dispositifs s'ajoute également un mécanisme d'aides de guichet pour le paiement des factures de gaz et d'électricité pour lequel toutes les entreprises sont éligibles à condition de respecter deux critères :

- un prix de l'énergie ayant augmenté de plus de 50 % sur la période considérée par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

- des dépenses d'énergie d'au moins 3 % du chiffre d'affaires sur la période considérée.

Enfin, les entreprises mises en difficulté ont également pu bénéficier du report de paiement d'impôts et de cotisations sociales, de mesures d'étalement du paiement de leurs factures d'énergie ainsi que d'un mécanisme de garantie publique sur les contrats de fourniture d'énergie.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DES TRVE À TOUTES LES TPE DE FAÇON STRUCTURELLE AINSI QU'AUX PME ET AUX ETI POUR L'ANNÉE 2023

Les dispositions de l'article 3 bis sont issues d'un amendement n° CF28 déposé par le député M. Philippe Brun, rapporteur du texte, au stade de l'examen de la proposition de loi par la commission des finances de l'Assemblée Nationale, de deux sous-amendements n° CF38 et n° CF46 déposés par des députés du groupe LFI-NUPES, également adoptés au stade de l'examen en commission, ainsi que d'un amendement n° 39, déposé par des députés du groupe LFI-NUPES, adopté au stade de l'examen du texte en séance publique.

Le I de l'article 3 bis procède à une réécriture de l'article L337-8 du code de l'énergie .

Les modifications du I de l'article L337-8 (les alinéas 3 à 5 de l'article 3 bis ) se traduisent :

- d'une part par l'extension pérenne de l'éligibilité aux TRVe pour l'ensemble des petits consommateurs finals non domestiques au sens du droit européen (TPE, petites communes), sans considération de puissance électrique souscrite , c'est-à-dire, y compris pour les consommateurs qui disposent d'un compteur supérieur à 36 kVA ;

- d'autre part de l'extension temporaire, pour la seule année 2023 de l'éligibilité aux TRVe aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu'aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) 30 ( * ) .

Le premier amendement déposé par le député Philippe Brun (n° CF28) était beaucoup plus restreint puisqu'il ne proposait qu'une extension temporaire pour l'année 2023 de l'éligibilité aux TRVe pour les seuls petits consommateurs non domestiques (TPE, petites communes) disposant d'une puissance souscrite supérieure à 36 kVA. Ce sont les sous-amendements déposés par des députés du groupe LFI-NUPES qui ont considérablement étendu le champ des dispositions de l'article 3 bis en prévoyant :

- d'une part que l'extension de l'éligibilité aux TRVe pour les petits consommateurs non domestiques ne soit plus temporaire mais pérenne (sous-amendement n° CF38) ;

- et d'autre part l'extension de l'éligibilité aux TRVe pour les PME et les ETI (sous-amendement n° CF46).

Les modifications du II du même article L337-8 prévoient quant à elles :

- qu'en dérogation aux dispositions du code de l'énergie, l'ensemble des fournisseurs d'électricité proposent des offres TRVe aux petits consommateurs finals non domestiques (TPE et petites communes) ;

- qu'en 2023, ces TRVe peuvent se substituer aux contrats de fourniture en cours ;

- qu' aucune compensation de l'État prévue au titre du B du VIII de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 ne puisse être versée aux fournisseurs pour compenser leurs pertes de recettes.

Enfin, le II de l'article 3 bis dispose que les extensions des TRVe prévues au I du même article sont notifiées à la Commission européenne en vertu des règles relatives à l'encadrement des aides d'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : LA NÉCESSITÉ D'ÉTENDRE L'ÉLIGIBILITÉ DES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE POUR LES PROTÉGER DES FLUCTUATIONS DU PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES LEÇONS TIRÉES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ IMPOSENT D'ÉLARGIR LES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE

Les TPE non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquence, à la protection apportée par le bouclier tarifaire, ont été particulièrement exposées à la hausse des prix de l'électricité. C'est tout particulièrement le cas de toutes celles qui ont vu leur contrat de fourniture d'électricité arriver à échéance au cours de l'année 2022 et qui ont eu à le renouveler au moment de l'acmé de la crise des prix de l'électricité. Certains contrats signés en 2022 ont pu atteindre des niveaux de prix extrêmement élevés. Pour l'ensemble des TPE qui se trouvent dans cette situation, le dispositif de « sur-amortisseur » , décidé en urgence par le Gouvernement au mois de février dernier, doit leur garantir un prix de fourniture HT ne pouvant dépasser un montant de 280 euros/MWh en moyenne sur l'année 2023.

Ces TPE non éligibles aux TRVe, dont les activités nécessitent une consommation d'électricité importante, sont bien souvent celles qui animent la vie locale de proximité des centres villes. Elles jouent un rôle fondamental de lien social et de cohésion des territoires , bien souvent, elles contribuent très directement à l'intérêt général. Les boulangers en sont bien entendu l'archétype . Cependant, les boulangers, qui ont symbolisé ces derniers mois les profondes difficultés rencontrées par les TPE, sont loin d'être les seuls à connaître une telle situation. Les bouchers, les fleuristes, les petits restaurateurs ou autres artisans sont également au nombre de ces TPE qui ont été exposées de façon brutale à l'explosion des prix de l'électricité.

La confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a présenté au rapporteur des situations très concrètes d'entreprises en graves difficultés. À titre d'exemple, une entreprise de polyculture, qui a renouvelé son contrat en juillet dernier a reçu une première facture de 150 000 euros pour les mois de janvier-février 2023 contre 220 000 euros pour l'ensemble de l'année auparavant. Une autre entreprise spécialisée dans la confection et le montage de bracelets de montre en métal pour l'horlogerie de luxe envisageait un développement qui nécessitait l'acquisition de nouvelles machines et la souscription à une puissance électrique supérieure à 36 kVA, ce qui lui ferait perdre le bénéfice des TRVe et du bouclier tarifaire. Aujourd'hui, elle hésite entre renoncer à son développement ou bien investir dans un groupe électrogène qui serait un non-sens écologique.

Malgré les alertes multiples, le Gouvernement a réagi de façon très tardive puisque c'est tout au long de l'année 2022, et tout particulièrement au cours du second semestre, que les contrats, généralement conclus pour deux à trois ans, qui arrivaient à échéance étaient remplacés par des offres à des tarifs souvent astronomiques.

Pour le rapporteur, il apparaît indispensable de tirer les leçons de cette crise et de la situation catastrophique dans laquelle elle a plongé nombre de TPE , menaçant parfois leur survie même, en les protégeant de façon structurelle des fluctuations intempestives des marchés européens de l'énergie. Pour ce faire, il est nécessaire d'étendre de façon pérenne l'éligibilité des TRVe à l'ensemble des TPE en supprimant la condition limitative relative à la puissance d'électricité souscrite dans leur contrat. Ce critère prévu par le code de l'énergie n'est nullement exigé par le droit de l'Union européenne qui autorise l'application des TRVe aux microentreprises sans considérations relatives à la nature de leur consommation électrique.

Au cours de ses auditions, le rapporteur a pu constater que l'intérêt de cette évolution était partagé tant par la CRE que par EDF . Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas suivi les conseils du régulateur de l'énergie qui, dès l'automne dernier, lui avait suggéré cette solution. Si cette extension avait été anticipée, de nombreuses TPE aujourd'hui en grande difficulté n'auraient pas été si exposées à la crise des prix de l'électricité et les mesures budgétaires complémentaires improvisées en urgence au mois de février dernier, et qui commencent tout juste à produire leurs effets, n'auraient pas été nécessaires . Nos TPE auraient fait l'économie d'une « usine à gaz » supplémentaire et le dispositif d'amortisseur allégé de sa version spécifiquement dédiée aux TPE aurait été un peu plus lisible pour ses bénéficiaires.

Pour cette raison, l'amendement COM-7 adopté par la commission vise à étendre de façon pérenne le bénéfice des TRVe à l'ensemble des TPE . Pour se faire, il supprime, au premier alinéa du I de l'article L337-7 du code de l'énergie, la mention relative au critère de la puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA.

À ce stade il est malheureusement regrettable que l'on ne dispose d'aucun chiffre fiable permettant ne serait-ce que d'approcher le nombre de TPE concernées et leur consommation d'électricité. Selon les sources, les chiffres varient de quelques dizaines de milliers à 600 000 pour une consommation de moins de 10 TWh à 20 TWh. La CRE, qui sera amenée à construire ces nouveaux tarifs , opération pour laquelle elle aura besoin d'informations précises sur ces nouveaux bénéficiaires et leurs profils de consommation et qui nécessitera une concertation avec les fournisseurs pour arrêter les modalités de construction des nouveaux tarifs, ne dispose à ce jour d'aucune donnée sur ces consommateurs finals.

B. PLUSIEURS DISPOSITIONS ACTUELLES DE L'ARTICLE 3 BIS SONT INOPÉRANTES ET JURIDIQUEMENT PROBLÉMATIQUES

Dans sa version actuelle, l'article 3 bis présente plusieurs difficultés d'ordre juridique qu'il convient de résoudre.

Premièrement, l'extension , même pour la seule année 2023, du bénéfice des TRVe à l'ensemble des entreprises jusqu'à celles qui répondent aux critères des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit de l'Union européenne et serait donc inapplicable .

Si elle entrait en vigueur avant la réponse de la Commission européenne à sa notification, comme le laisse à penser la rédaction actuelle de l'article, elle serait d'une part immanquablement contestée au titre du contrôle de conventionalité et, d'autre part, à la suite du rejet, qui ne fait aucun doute, de la Commission européenne, l'État se verrait contraint, par des procédures très complexes, de réclamer aux entreprises qui auraient reçu des aides de ce type leur remboursement intégral. Cette situation serait susceptible de mettre en péril l'équilibre économique de certaines d'entre elles .

Deuxièmement, l'article prévoit que pour 2023, des offres aux TRVe se substitueraient aux contrats de fournitures en cours . Cette disposition présente un risque significatif d'inconstitutionnalité dans la mesure où le juge constitutionnel pourrait considérer qu'elle porterait une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de la liberté contractuelle . En toute hypothèse, cette disposition ferait l'objet de contentieux de la part des fournisseurs qui, à travers un contrôle de conventionalité de la loi et au titre des exigences du droit de l'Union européenne, devraient se voir allouer des indemnités qui seraient versées par les consommateurs ou la puissance publique .

Par ailleurs, cette disposition ne serait pas opérationnelle dans la mesure où, d'une part la construction par la CRE des nouveaux TRVe prendra plusieurs mois et, d'autre part, à court terme, sans application du dispositif de bouclier tarifaire, ces nouveaux TRVe ne seraient pas plus intéressants pour leurs bénéficiaires que les dispositifs d'aide existants.

En effet, les analyses juridiques convergent pour considérer que sauf à adopter une interprétation très extensive de l'article 181 de la loi de finances pour 2023, le dispositif de bouclier tarifaire qu'il prévoit pour 2023 ne pourrait pas s'appliquer à l'extension des TRVe proposée par l'article 3 bis . C'est d'ailleurs ce qui a permis d'assurer sa recevabilité financière au regard des exigences de l'article 40 de la Constitution. Quand bien même une interprétation extensive des dispositions de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 autoriserait l'application du bouclier tarifaire à cette extension, les ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, et donc le Gouvernement , qui selon les termes de ce même article, « peuvent », par arrêté, s'opposer à des tarifs qui auraient été proposés par la CRE, ne seraient en rien tenus de mettre en oeuvre ce bouclier au bénéfice de ces nouveaux tarifs et le pouvoir exécutif conserverait un pouvoir discrétionnaire en la matière.

Or, dans l'hypothèse même où la CRE disposerait des informations nécessaires pour le faire, de nouveaux TRVe qui seraient établis aujourd'hui sans délai de mise en oeuvre pour les fournisseurs et qui ne bénéficieraient pas du bouclier tarifaire atteindraient des montants supérieurs au prix de 280 euros/MWh garanti pour les TPE par le mécanisme de « sur-amortisseur ». S'il n'est pas possible, faute de données disponibles, de présupposer les niveaux auxquels la CRE fixerait ces nouveaux tarifs, les TRVe moyens pour les TPE éligibles qu'elle a établis pour 2023 avant application du bouclier tarifaire atteignaient 344 euros/MWh, soit plus de 60 euros/MWh de plus que le prix garanti par le dispositif de « sur-amortisseur ».

De surcroît, un nouveau TRVe applicable immédiatement ne permettrait pas aux fournisseurs d'anticiper leur approvisionnement sur les marchés pour satisfaire ces nouvelles offres tarifaires, la condition qui assure le principe de stabilité des TRVe. Aussi, pour respecter les règles conventionnelles, légales, réglementaires et jurisprudentielles de construction des TRVe, la CRE serait-elle nécessairement amenée à les fixer à un niveau plus élevé encore.

Troisièmement, l'article prévoit que l'ensemble des fournisseurs d'électricité, et non plus seulement EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), proposent des TRVe . Cette mission, qui s'accompagne d'obligations de service public prévues par l'article 121-5 du code de l'énergie, comme celle de jouer le rôle de fournisseur en dernier ressort, ne peut pas être imposée à l'ensemble des fournisseurs.

Il ressort de ces analyses et de l'opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVe, qu' à très court terme, un soutien opérationnel et concret aux TPE et aux PME ne peut passer que par une accélération de la mise en oeuvre et/ou un renforcement des dispositifs d'amortisseur et de « sur-amortisseur ». Or, si ces mécanismes montent progressivement en puissance, le rapporteur a été frappé par les situations de non recours qui lui ont été rapportées , notamment lors de son audition de la CPME.

En effet, face à la complexité, la superposition et l'enchevêtrement des différents dispositifs, de nombreux chefs d'entreprises ont du mal à y voir clair , à avoir une idée précise du fonctionnement des différents mécanismes et à prendre conscience de leur éligibilité à tel ou tel. Par ailleurs, toujours d'après la CPME, certains attendent de recevoir leurs premières factures de l'année 2023 , dont l'envoi a parfois été retardé, pour réaliser les démarches nécessaires auprès de leurs fournisseurs.

Concernant le dispositif d'amortisseur et de « sur-amortisseur » les TPE et PME doivent par exemple remplir une attestation auprès de leur fournisseur. À ce jour seuls 60 % des entreprises potentiellement éligibles auraient effectué la démarche alors que l'échéance pour transmettre cette attestation est fixée au 31 mars 2023 pour les contrats de fourniture ayant été signés avant le 28 février 2023. Compte-tenu de cette situation, le rapporteur considère que ce délai devra nécessairement être prolongé pour réduire au maximum le taux de non recours à ces dispositifs.

Par ailleurs, si au regard des premiers enseignements tirés des débuts de sa mise en oeuvre il s'avérait que cette mesure n'était pas suffisamment bien calibrée pour protéger nos TPE, le Gouvernement devrait impérativement la consolider . À ce stade , et alors que son déploiement ne fait que commencer, il apparaît néanmoins qu' un véritable bilan de la mesure serait prématuré.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 ter (nouveau)

Demande de rapport sur l'opportunité de la nationalisation d'électricité de Mayotte

. Le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.

Sous réserve d'un amendement de coordination COM-12 , la commission a adopté le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : ÉLECTRICITÉ DE MAYOTTE EST CHARGÉE DE LA FOURNITURE D'ÉLECTRICITÉ SUR LE TERRITOIRE DE MAYOTTE

L'entreprise électricité de Mayotte (EDM), détenue conjointement par l'État, EDF et le conseil départemental de Mayotte est une société anonyme d'économie mixte (SAEM), créée en 1997. Elle est chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l'électricité sur l'archipel.

Les moyens de production et de transport de haute tension appartiennent en pleine propriété à Électricité de Mayotte, tandis que les réseaux de tension inférieure à 50 kilovolts et de distribution font l'objet d'une concession de 30 ans par le conseil départemental.

Électricité de Mayotte en chiffres

EDM gère environ :

- 51.400 points de livraison, soit 98% de la population au sens du recensement ;

- 26 kms de réseaux dont la tension est supérieure à 50kV ;

- 450 kms de réseaux dont la tension est comprise entre 1 et 50 kV ;

- 600 kms de réseaux de distribution.

La production est assurée par deux centrales thermiques d'une puissance de 107 MW, complétée par un parc photovoltaïque atteignant une puissance de 25 MW.

Source : Électricité de Mayotte

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR L'OPPORTUNITÉ DE NATIONALISER ÉLECTRICITÉ DE MAYOTTE

L'article 3 ter est issu d'un amendement de notre collègue députée Mme Estelle Youssoupha, adopté malgré un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement.

Il vise à ce que soit remis au Parlement par le Gouvernement un rapport « sur l'application et l'extension à Mayotte des objectifs définis à l'article 2. Ce rapport présente de manière détaillée l'intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire . »

D'après l'article, le rapport devra être remis avant le 31 août 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT APPUYÉE PAR LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE MAYOTTE

En réponse à la demande de contribution du rapporteur, Électricité de Mayotte a indiqué n'avoir « jamais éprouvé de difficultés, et n'en éprouve pas dans les conditions actuelles, à lever des financements externes pour porter les investissements de production et de réseaux », des progrès particulièrement important ayant été réalisés en matière de délestage, « divisés par cinq ».

Notre collègue députée Mme Estelle Youssoupha a évoqué l'éventualité d'une augmentation des prix portant à 2 000 euros la pose d'un compteur lors des débats à l'Assemblée nationale. En réponse, EDM a indiqué au rapporteur que l'ensemble des tarifications annexes étaient régies par le contrat de concession du conseil départemental et ne pouvaient faire l'objet d'évolution sans son accord .

Ainsi, comme le relève EDM dans sa contribution, « la mise en service d'un raccordement existant est facturée 14 EUR (pour un client résidentiel en tarif bleu). Les tarifs de raccordement (sans installation préalable existante) varient de 280 EUR (raccordement aérien) à 525 EUR (raccordement souterrain), soit un niveau de 5 à 7 fois inférieur à celui pratiqué en métropole (ou dans l'ile voisine de la Réunion). »

Cependant, le conseil départemental de Mayotte indique, dans ses réponses au rapporteur, que, « dans une perspective de transition énergétique, l'obligation de faire muter l'outil industriel EDM, le mode de production de l'électricité, le modèle économique associé, ainsi que la nécessité de garantir la continuité de service public rendent souhaitable sa nationalisation à très court terme . »

La commission des finances a par conséquent pris acte de cette demande. Elle a néanmoins adopté un amendement COM-12 visant à tirer les conséquences de la réécriture de l'article 2 sur la demande de rapport prévue au présent article .

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Gage de recevabilité financière

. Le présent article prévoit deux gages financiers.

Les dispositions de la proposition de loi ne supposent ni pertes de recettes, ni création de charge publique. Aussi, les gages financiers prévus par l'article 4 sont inutiles.

En conséquence, par l'adoption de l'amendement COM-8 , la commission a supprimé l'article.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DEUX GAGES FINANCIERS DESTINÉS À COMPENSER LA PERTE DE RECETTES ET LA CHARGE GÉNÉRÉS POUR L'ÉTAT PAR LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Dans le but de compenser une perte de recettes et la création d'une charge nouvelle pour l'État qui auraient été générées par ses dispositions, la proposition de loi prévoit, à son article 4, deux gages financiers.

Le I prévoit ainsi que la perte de recettes générée pour l'État soit compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les tabacs.

Le II dispose quant à lui que la charge générée pour l'État soit également compensée par la création d'une autre taxe additionnelle sur les tabacs.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DANS LA MESURE OÙ LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI N'ENTRAÎNENT, NI PERTE DE RECETTES, NI CHARGE PUBLIQUE, LES GAGES SONT SUPERFÉTATOIRES

Les crédits nécessaires au rachat par l'État de 100 % du capital d'EDF via une procédure d'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) ont déjà été adoptés par le Parlement en loi de finances. Aussi, la nationalisation d'EDF prévue à l'article 1 er ne se traduirait-elle pas par une charge nouvelle pour l'État.

Par ailleurs, et conformément à la position des services du ministère de la transition écologique et de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), étendre le périmètre des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) comme il est prévu à l'article 3 bis n'induit pas l'extension du dispositif dit de « bouclier tarifaire » et, par conséquent, ne se traduirait pas par le versement de compensations budgétaires de l'État aux fournisseurs d'électricité.

Les dispositions de la présente proposition de loi n'occasionnant ni perte de recettes, ni nouvelle dépense pour l'État, les gages proposés par l'article 4 sont superfétatoires . Pour cette raison, la commission a adopté un amendement COM-8 supprimant cet article.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.


* 9 La nationalisation de l'électricité en France en 1946 : le problème de l'indemnisation, Catherine Vuillermot, Annales historiques de l'électricité 2003/1 (N° 1), pages 53 à 69.

* 10 Ibid

* 11 Une étape embryonnaire ayant été franchie par la directive n° 90/377 du 29 juin 1990 qui garantit la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d'électricité, via la communication de données statistiques sur les prix, par catégories de consommateurs, et de la directive n° 90/547 du 29 octobre 1990 relative au transit d'électricité , qui pose le principe de l'acceptation du transit international d'électricité entre les gestionnaires de grands réseaux électriques à haute tension.

* 12 Lettre du 16 octobre 2002 de M. Mario Monti, commissaire européen, à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, citée par M. Jean-Claude LENOIR, député, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz aux entreprises électriques et gazières, 8 juin 2004.

* 13 Communiqué de presse d'EDF, 17 février 2023.

* 14 Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA), soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

* 15 Note d'information de l'État français sur l'offre publique d'achat sur les actions et Oceane de l'entreprise EDF.

* 16 Article 43 de la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/Union européenne.

* 17 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

* 18 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 19 À ses articles 12 et 13.

* 20 Qui n'excèdent pas 250 salariés et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan n'excèdent pas respectivement 50 millions d'euros et 43 millions d'euros.

* 21 CE, 7 janvier 2015, ANODE.

* 22 Les coûts de commercialisation retenus par la CRE sont ceux d'EDF.

* 23 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 24 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 25 Délibération n° 2022-08 de la CRE du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 26 CE, Assemblée, 18 mai 2018, ANODE.

* 27 Le Conseil d'État considère ainsi que « l'entrave à la réalisation d'un marché de l'électricité concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée peut être regardée comme poursuivant l'objectif d'intérêt économique général de stabilité des prix ».

* 28 CE, 6 novembre 2019, ANODE.

* 29 Seule 50 % de sa consommation fait l'objet d'un soutien par le mécanisme d'amortisseur.

* 30 Qui emploient moins de 4 999 salariés et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 milliard d'euros ou dont le bilan n'excède pas 2 milliards d'euros.

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