Rapport n° 464 (2022-2023) de M. Gérard LONGUET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 29 mars 2023

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N° 464

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement ,

Par M. Gérard LONGUET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) :

671 , 808 et T.A. 78

Sénat :

341 et 465 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

• Première lecture

Réunie le 29 mars 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Gérard Longuet sur le projet de loi n° 341 (2022-2023) visant à protéger le groupe EDF d'un démembrement, déposée à l'Assemblée nationale le 27 décembre 2022 par le député Philippe Brun. Cette proposition de loi a été examinée par la commission des finances de l'Assemblée nationale et adoptée en séance publique le 9 février 2023.

La commission a adopté cinq amendements :

• l'amendement COM-4 supprime l'article 1 er , qui vise à la nationalisation d'électricité de France. En effet, une offre publique d'achat simplifiée étant déjà en cours, une telle disposition est inutile dans son objet et potentiellement nocive dans ses effets en menaçant la sécurité juridique de l'opération de marché. Par conséquent, l'amendement COM-6 supprime l'article 3 relatif à la commission administrative nationale d'évaluation ;

• l'amendement COM-5 , sous amendé ( COM-9 ) par M. Victorin Lurel et le groupe socialiste, procède à la réécriture de l'article 2. En effet, plutôt que de figer les activités d'EDF en créant un groupe public unifié, il est proposé d'inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise, et de maintenir une part d'actionnariat salarié. Par ailleurs, l'amendement précise que l'activité d'EDF s'exerce conformément au code de l'énergie, et s'inscrit ainsi dans un corpus juridique complexe, issu du droit national et européen. Enfin, le sous-amendement vise à indiquer que la société anonyme est « d'intérêt national » ;

• l'amendement COM-7 prévoit l'extension des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) à l'ensemble des TPE et des petites communes sans considération de puissance électrique souscrite ;

• l'amendement COM-8 supprime les gages prévus par l'auteur de la proposition de loi. En effet, la proposition n'ayant aucun coût pour les finances publiques, ceux-ci sont superflus.

I. L'ILLUSION D'UN RETOUR À LA NATIONALISATION DE 1946, AU RISQUE D'EMPÊCHER LES ÉVOLUTIONS INDISPENSABLES DE L'ENTREPRISE ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

A. LA NATIONALISATION D'EDF, UNE MESURE D'AFFICHAGE

Appliquant sur ce point le programme national de la résistance , l'article 1 er de la loi n°46-628 du 8 avril 1946 disposait que sont « nationalisés : la production, le transport, la distribution, l'importation et l'exportation de l'électricité . » À cette occasion est créé « Électricité de France », établissement public industriel et commercial (EPIC) qui ne deviendra une société anonyme (SA) que bien plus tard, en 2005.

La transformation de l'EPIC en société trouve alors plusieurs explications. D'abord, sur le fondement du cadre européen des aides d'État, la Commission européenne avait alors demandé à la France de supprimer « la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'EPIC » 1 ( * ) cette évolution permet d'écarter les risques liés au contentieux des aides d'État. Elle permet également à l'entreprise de diversifier les leviers de financement de l'entreprise, en lui ouvrant la possibilité d'augmentations de capital pour financer son développement. Enfin, le passage à une société anonyme émancipe EDF du principe de spécialité de l'EPIC et lui ouvre la faculté de diversifier son offre de services, à l'heure où la concurrence sur le marché de la fourniture d'électricité se développe .

Cependant, la santé financière de l'entreprise s'est très nettement dégradée depuis l'ouverture de son capital. Ainsi, en 2022, les activités de production et de commercialisation d'électricité d'EDF ont connu un EBITDA 2 ( * ) négatif de 23 milliards d'euros. D'après le rapport annuel de l'entreprise, « le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29,1 milliards d'euros en EBITDA ». Alors que l'EBITDA de l'ensemble des activités d'EDF est redressé par les résultats positifs de filiales (pour se situer à - 5 milliards d'euros) l'endettement financier net d'EDF était de 64,5 milliards d'euros en fin d'exercice 2022.

C'est dans ce contexte de grande difficulté que le Gouvernement a fait le choix d'engager une offre publique d'achat simplifiée (OPAS), portant sur les actions et obligations convertibles échangeables en actions nouvelles ou existantes (Oceane). Annoncée en juillet 2022, cette OPAS a été ouverte en novembre dernier, grâce au vote des crédits nécessaires en loi de finances rectificative pour 2022. D'après le Gouvernement « l'urgence climatique et la situation géopolitique imposent des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité » 3 ( * ) .

En tout état de cause, l'OPAS en cours rend inutile la mention d'une nationalisation. En effet, hormis la dimension symbolique de l'opération, la mention d'une nationalisation est inutile dans son objet, et potentiellement nocive dans ses effets. En effet, si la présente proposition de loi entrait en vigueur avant le terme de la procédure d'OPAS initiée par le Gouvernement et la procédure de retrait obligatoire, celle-ci ne serait plus conforme au procédé choisi par le législateur. Les dispositions prévues par la présente proposition de loi auraient des conséquences très incertaines sur la procédure en cours.

Ainsi, plutôt que de mettre inutilement en cause l'opération de marché, l'amendement COM-5 à l'article 2 vise à garantir la détention par l'État d'EDF au 1 er janvier 2024 sans imposer de moyen au Gouvernement. Parvenant ainsi au même résultat que l'article 1 er , le rapporteur propose de supprimer celui-ci par l'amendement COM-4 .

B. LA CRÉATION D'UN GROUPE PUBLIC UNIFIÉ EST PORTEUSE DE DAVANTAGE D'INCERTITUDES QUE DE VÉRITABLES SOLUTIONS

Alors que le droit national et européen fixe des règles exigeantes en matière d'organisation du groupe EDF, la solution retenue par la proposition de loi visant à définir les contours d'un « groupe public unifié » est très insatisfaisante .

En effet, il n'est aucunement souhaitable de rigidifier le cadre d'action d'EDF et d'interdire à l'entreprise de céder des participations dans l'ensemble de ses filiales intervenant dans « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [ou encore] la prestation de services énergétiques ». Cette énumération porte une contrainte disproportionnée sur les évolutions de l'entreprise : il est absolument vital pour EDF de pouvoir céder certaines de ses filiales, réaliser des montages capitalistiques pour accompagner la mise en oeuvre de projets d'infrastructures, ou encore retrouver des marges de manoeuvre financières pour garantir le financement d'une électricité bon marché et décarbonée dans une économie ouverte et compétitive.

Ainsi, l'amendement COM-5 propose de maintenir EDF sous forme de société anonyme et d'augmenter du niveau minimal de détention par l'État dans l'entreprise EDF, de plus de 70 % à 100 %, afin de garantir l'intervention du Parlement en cas de projet de réouverture de son capital. Sans avoir pour objectif de figer définitivement la structure capitalistique d'EDF, la détermination par la loi d'une participation de l'État à hauteur de 100 % impose au Gouvernement de saisir le Parlement de toute nouvelle évolution de la participation publique au capital de la société.

L'amendement permet également le maintien d'une part d'actionnaires salariés : il est nécessaire que l'État montre lui-même l'exemple en maintenant au sein d'EDF la possibilité pour les salariés d'être actionnaires de leur entreprise. De plus, la présence d'un actionnariat salarié permet de pondérer le rôle de l'État, dont les principales décisions depuis une décennie ont considérablement affaibli EDF.

Enfin, l'amendement dispose que l'entreprise EDF doit exercer ses activités conformément aux dispositions du code de l'énergie. Plutôt qu'une énumération équivoque des activités d'EDF, cette disposition inscrit l'entreprise dans le corpus juridique développé et exigeant, issu du droit national et du droit de l'Union européenne. En particulier, l' organisation des filiales de transport et de distribution résulte d'un équilibre juridique complexe, permettant de garantir la structuration concurrentielle du marché . La proposition de loi, qui n'aborde pas la question essentielle de l'organisation du marché, fait donc l'impasse sur le coeur du sujet et risque uniquement de pénaliser l'entreprise publique. Enfin, le sous-amendement COM-9 , adopté à l'initiative de M. Victorin Lurel et du groupe socialiste, vise à indiquer que la société anonyme EDF est « d'intérêt national ».

II. LA NÉCESSITÉ D'ÉTENDRE L'ÉLIGIBILITÉ DES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) À L'ENSEMBLE DES TPE POUR LES PROTÉGER DES FLUCTUATIONS DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES LEÇONS TIRÉES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ IMPOSENT D'ÉLARGIR LES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE

Sans que cette condition soit requise par le droit de l'Union européenne , le bénéfice des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) est limité aux TPE et aux petites communes qui disposent d'un compteur électrique d'une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA). Cette condition exclut notamment une grande majorité de boulangers, de restaurateurs, de fleuristes et d'autres secteurs économiques dont les activités supposent une forte consommation d'électricité. Ces TPE non éligibles aux TRVe sont bien souvent celles qui animent la vie locale de proximité . Elles jouent un rôle fondamental de lien social et contribuent très directement à l'intérêt général. Les boulangers en sont l'archétype.

Les TPE non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquence, à la protection apportée par le bouclier tarifaire, ont été particulièrement exposées à la hausse des prix de l'électricité , en particulier celles qui ont dû renouveler leur contrat en 2022. Pour elles, le dispositif de « sur-amortisseur », décidé en urgence en février dernier , doit leur garantir un prix ne pouvant dépasser 280 euros/MWh en moyenne sur l'année 2023.

Il convient de tirer les leçons de cette crise en protégeant de façon structurelle l'ensemble des TPE des fluctuations intempestives des marchés européen de l'énergie. Pour ce faire, l'amendement COM-7 propose d'étendre de façon pérenne l'éligibilité des TRVe à l'ensemble des TPE en supprimant la condition limitative relative à la puissance d'électricité souscrite dans leur contrat. L'intérêt de cette évolution est partagé tant par la CRE que par EDF . Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas suivi les conseils du régulateur de l'énergie qui, dès l'automne dernier, lui avait suggéré cette solution. Si cette extension avait été anticipée, de nombreuses TPE aujourd'hui en grande difficulté n'auraient pas été si exposées à la crise des prix de l'électricité et les mesures improvisées en urgence au mois de février dernier, et qui commencent tout juste à produire leurs effets, n'auraient pas été nécessaires .

B. PLUSIEURS DISPOSITIONS ACTUELLES DE L'ARTICLE 3 BIS, INOPÉRANTES ET JURIDIQUEMENT PROBLÉMATIQUES, DOIVENT ÊTRE ÉCARTÉES

Dans sa version actuelle, l'article 3 bis présente plusieurs difficultés d'ordre juridique que l'amendement COM-7 propose de résoudre :

- premièrement , l'extension , même pour la seule année 2023, du bénéfice des TRVe à l'ensemble des entreprises jusqu'aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit de l'Union européenne et ne pourrait être appliquée ;

- deuxièmement , la disposition prévoyant que les offres aux TRVe devraient se substituer aux contrats en cours pourrait être frappée d' inconstitutionnalité en ce qu'elle porterait une atteinte disproportionnée au principe de liberté contractuelle. En toute hypothèse, cette disposition ferait l'objet de contentieux et les fournisseurs se verraient allouer des indemnités par les consommateurs ou la puissance publique.

Par ailleurs, cette disposition ne serait pas opérationnelle puisque, d'une part la construction par la CRE des nouveaux TRVe prendra plusieurs mois et, d'autre part, à très court terme, sans application du bouclier tarifaire, ces nouveaux TRVe ne seraient pas plus intéressants que les dispositifs d'aide existants.

En effet, les analyses juridiques convergent pour considérer que sauf à adopter une interprétation très extensive de la loi de finances pour 2023, le dispositif de bouclier tarifaire ne pourrait pas s'appliquer à l'extension de TRVe prévue à l'article 3 bis . C'est d'ailleurs ce qui a permis d'assurer sa recevabilité financière au regard des dispositions de l'article 40 de la Constitution. Et quand bien même une interprétation extensive autoriserait l'application du bouclier, le Gouvernement , selon les dispositions de la loi de finances pour 2023, conserverait un pouvoir discrétionnaire et ne serait en rien tenu d'étendre le bouclier au bénéfice de ces nouveaux tarifs ;

- troisièmement , l'article prévoit que l'ensemble des fournisseurs d'électricité , et non plus seulement EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), proposent des TRVe . Cette mission, qui s'accompagne d'obligations de service public prévues par l'article 121-5 du code de l'énergie, comme celle de jouer le rôle de fournisseur en dernier ressort, ne peut pas être imposée à l'ensemble des fournisseurs .

Il ressort de ces analyses et de l'opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVe, qu'à très court terme, un soutien opérationnel et concret aux TPE et aux PME ne peut passer que par une accélération de la mise en oeuvre et/ou un renforcement des dispositifs d'amortisseur et de « sur-amortisseur ».

AVANT PROPOS

I. L'ILLUSION D'UN RETOUR VERS LE PASSÉ DOUBLÉ D'UN RISQUE DE PARALYSIE DURABLE D'EDF ET D'AFFAIBLISSEMENT DE LA POSITION FRANÇAISE DANS LES NÉGOCIATIONS EUROPÉENNES

En prévoyant de nationaliser EDF et de figer ses missions, les dispositions de la proposition de loi fleurent bon le programme du Conseil national de la résistance (CNR) et la loi du 8 avril 1946 4 ( * ) sur la nationalisation de l'électricité et du gaz. À travers ses articles 1 et 2, elle laisse entrevoir un mythe, celui d'un retour vers un passé qui, pour être souhaitable, n'en est pas moins illusoire . Depuis 1946, l'organisation des marchés, les usages et les technologies ont connu des évolutions majeures et le monde de l'électricité continuera, dans les années et décennies à venir, à connaître de très profondes mutations .

Aujourd'hui, nous sommes à l'aube de nouvelles mutations d'ampleur qui résultent de l'impératif de décarbonation . Les usages de l'électron vont se démultiplier et la consommation d'électricité va exploser. Il nous faudra produire beaucoup plus massivement une électricité décarbonée, modulable et la plus compétitive possible. Cette tâche est devant nous et EDF y jouera le premier rôle. Elle passera avant tout par la relance de l'industrie nucléaire , un choix de mix électrique qui nous donne aujourd'hui un potentiel de compétitivité que beaucoup de nos partenaires nous envient. Ce potentiel doit aujourd'hui être mieux valorisé . C'est le sens et l'enjeu du projet de réforme du marché européen de l'électricité actuellement en négociations. Avec d'autres textes européens desquels dépend également la place du nucléaire dans la décarbonation de nos économies, elle sera la clé de voute de l'avenir d'EDF et de notre industrie de production électrique.

Les dispositions de la proposition de loi , aussi bien intentionnées soient-elles, ignorent ces réalités et ces enjeux . En rigidifiant l'organisation d'EDF et sa structure capitalistique, elles semblent vouloir l'extraire des règles de fonctionnement du marché de l'énergie . Le déni des réalités d'un marché complexe risque uniquement d'affaiblir EDF face aux défis considérables que l'entreprise va devoir affronter. Dans un monde de l'électricité en pleine révolution, EDF doit faire preuve de réactivité. Elle devra pouvoir nouer des partenariats et construire des montages capitalistiques complexes pour renforcer sa présence sur les marchés à l'étranger, sans lesquels il est impensable d'envisager la pérennité de l'industrie nucléaire.

Outre ces considérations propres à EDF, dans le cadre des négociations sur la réforme du marché de l'électricité ou encore de la taxonomie européenne, les dispositions actuelles de la proposition de loi pourraient être exploitées par les adversaires de la France au Conseil et conduire à affaiblir nos positions . Compte-tenu des enjeux majeurs en matière de compétitivité économique que revêtent ces réformes, ce risque ne peut être ignoré.

Enfin, plus que « nationaliser » EDF et figer ses activités, le rapporteur considère qu'il faudrait bien davantage recréer un véritable ministère de l'industrie autonome et concevoir enfin une stratégie industrielle de long terme ambitieuse en matière de production énergétique.

II. IL N'EST PAS SOUHAITABLE DE SCLÉROSER EDF À L'HEURE OÙ LE SECTEUR DE L'ÉLECTRICITÉ S'APPRÊTE À VIVRE UNE RÉVOLUTION

A. UN PROCESSUS PROFOND DE DÉCARBONATION DES USAGES ET D'ÉLECTRIFICATION DE NOS ÉCONOMIES

Les impératifs de la transition écologique nous imposent une dynamique profonde de décarbonation de nos modes de vie. Cette décarbonation concerne l'ensemble des secteurs et sera particulièrement sensible dans le domaine industriel . Elle se traduira par une électrification de pans entiers de notre économie. Ainsi, la consommation électrique est vouée à croître de manière très sensible.

Les travaux prospectifs de RTE , exposés dans le cadre de l'étude « futurs énergétiques 2050 », prévoyaient, s'agissant du scénario maximal, une croissance de la consommation électrique de 60 % d'ici 2050 , soit une consommation annuelle de 754 TWh à cette échéance. Cependant, et le PDG d'EDF a pu le signaler au rapporteur, des paramètres nouveaux , tenant notamment aux projections relatives à la production d'hydrogène par électrolyse, conduiront probablement la consommation électrique à des niveaux supérieurs encore à cette projection.

Sur le marché européen, la confrontation de l'offre et de la demande d'électrons connaîtra des révolutions dont, à cette heure, on ne perçoit encore que les contours. Certes, des possibilités de pilotage de la demande pourront être mises en oeuvre, mais elles trouveront leurs limites et EDF, plus que tout autre acteur du secteur de l'énergie, devra pouvoir s'adapter aux évolutions du marché.

En rigidifiant le périmètre d'activité d'EDF, les dispositions de cette proposition de loi, aussi bien intentionnées soient-elles, nient ces perspectives aussi prometteuses que difficiles à cerner. EDF devra disposer de la souplesse suffisante pour évoluer et se développer dans un univers mouvant et encore difficile à anticiper. Sa capacité à réagir aux évolutions de son environnement sera décisive : elle pourrait conditionner sa pérennité même. Or l'insécurité juridique et les rigidités qui découleraient des dispositions actuelles de l'article 2 constitueraient à l'évidence un handicap majeur.

B. L'OFFRE DE PRODUCTION D'ÉLECTRICITÉ DOIT ÊTRE MASSIVEMENT ACCRUE

L'enjeu majeur des prochaines années et des prochaines décennies est celui de l'accroissement massif de nos capacités de production d'électricité. En France, la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire installé, à travers notamment le chantier dit de « grand carénage » est essentielle dans cet objectif, de même que le programme de nouveau nucléaire. Le choix du nucléaire s'impose d'un point de vue économique : en raisonnant en coûts complets, le nucléaire reste et restera le choix économiquement le plus efficient pour produire des électrons.

Les investissements massifs imposés par la décarbonation de notre économie concernent bien entendu également les réseaux de transport et de distribution d'électricité. À ce titre, RTE comme Enedis ont annoncé des trajectoires d'investissements en forte augmentation dans les années qui viennent. Après avoir investi 1,7 milliard d'euros dans le réseau de transport en 2023, RTE devrait porter ses efforts à plus de 2 milliards d'euros en 2024 avant de dépasser les 3 milliards d'euros à horizon 2029. De son côté, Enedis, dont les investissements dans les réseaux de distribution ont atteint 4,4 milliards d'euros en 2022, vient d'annoncer un programme ambitieux qui devrait les porter à 5 milliards d'euros en 2032 avec un pic à 5,5 milliards d'euros en 2027.

C. NOUS AVONS PLUS QUE JAMAIS BESOIN D'UNE BASE SOLIDE DE PRODUCTION ÉLECTRIQUE STABLE, DISPONIBLE ET PILOTABLE

Alors que les capacités de production d'énergies renouvelables (EnR) se développent et que leur croissance doit être accélérée par les dispositions adoptées récemment par le Parlement dans le cadre de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, la France a plus que jamais besoin d'une source d'électricité stable, abondante et pilotable .

En effet, en termes de production d'électricité nous restons à ce jour dépendants de deux contraintes incontournables : les électrons ne se stockent pas, et ils se transportent mal (les pertes en ligne annuelles liées au transport de l'électricité en France atteignent un peu plus de 2 % du volume total de l'électricité acheminée). Or, les capacités de production d'EnR sont intermittentes et par conséquent ne peuvent couvrir à elles seules des besoins qui sont, par définition, continus. Le développement des capacités de production d'EnR conforte donc la nécessité de disposer d'une électricité que l'on peut piloter pour assurer, à tout moment, l'équilibre entre la demande et l'offre d'électrons.

Alors qu'auparavant EDF ne modulait sa production qu'en fonction de la demande, de plus en plus, elle est désormais amenée à la moduler pour l'adapter à l'offre des capacités de production d'EnR. La complémentarité fondamentale entre les capacités nucléaires et hydroélectriques joue un rôle tout à fait majeur au regard de cet enjeu de modulation de la production électrique nationale.

D. UN SECTEUR DE LA PRODUCTION ÉLECTRIQUE DONT LES CARTES SERONT NÉCESSAIREMENT REBATTUES

Nous l'avons constaté ces dernières années, les techniques et les technologies de production d'énergie évoluent rapidement. Mais peut être plus frappantes encore sont les fluctuations de l'opinion et des pouvoirs publics à leur endroit. Cette réalité doit impérativement conduire à maintenir la souplesse nécessaire dans les choix stratégiques d'EDF et donc à ne pas figer sa structure capitalistique.

La tendance au développement des contrats privés de gré à gré (« B2B » pour business to business ) dans le domaine de l'électricité va prendre de la consistance dans le cadre des impératifs de décarbonation des process industriels. Cette tendance pourra profiter à des entreprises concurrentes d'EDF spécialisées et très performantes sur ce segment.

Le marché de l'électricité promet d'être très mouvant dans les années et décennies à venir, les cartes vont nécessairement y être rebattues et EDF doit pouvoir s'y adapter sans subir de contraintes normatives excessives. Les besoins de flexibilité d'EDF sont également renforcés par les rôles et les modalités multiples selon lesquelles elle peut intervenir dans le nucléaire : tantôt constructeur, tantôt exploitant propriétaire ou non, tantôt équipementier. Selon les cas, ces différents rôles peuvent se combiner. Les dispositions de la présente proposition de loi font l'impasse sur cette réalité .

En outre, il apparaît évident aujourd'hui que l'époque où la France pouvait rebâtir à elle seule une filière industrielle telle que la production nucléaire en ne s'appuyant que sur son territoire et son marché est révolue . Sans le projet Hinkley Point , la filière n'aurait pas pu être préservée. Aussi, dans la perspective de la relance de l'industrie nucléaire nationale, le programme du grand carénage ne suffira pas et EDF aura besoin de trouver des marchés à l'export et de nouer des partenariats internationaux pour partager les financements et les risques des projets. La rédaction équivoque de l'article 2 de la proposition de loi et les risques juridiques qu'elle emporte pourraient sérieusement compromettre les possibilités et perspectives d'EDF dans ce domaine et, en conséquence, mettre en danger la relance de la filière nucléaire nationale.

III. LA PROPOSITION DE LOI FAIT L'IMPASSE SUR LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ ET LES ENJEUX DE SA RÉFORME

A. SI LE FONCTIONNEMENT MARGINAL ACTUEL DE LA FORMATION DES PRIX SUR LE MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ PERMET DE GARANTIR SON ÉQUILIBRE, IL PÉNALISE LES CONSOMMATEURS DES PAYS COMME LA FRANCE QUI ONT FAIT DE LONGUE DATE LE CHOIX D'UN MIX ÉLECTRIQUE DÉCARBONÉ

Dans le cadre du marché européen de l'énergie, et selon le principe dit de « l'ordre de mérite » ou de la « vente au coût marginal », la formation du prix de gros de l'électricité est déterminée par le coût de production de la dernière centrale appelée pour satisfaire la demande. C'est la centrale dite « marginale ». En règle générale, en Europe , en cas de pic de consommation, il s'agit souvent d'une centrale à gaz .

Cette modalité de fixation des prix de gros de l'électricité explique la dépendance des prix de l'électricité aux fluctuations du prix des combustibles fossiles utilisés pour produire de l'électricité. Le prix de l'électricité sur les marchés « spot » à court terme est extrêmement dépendant de l'évolution du prix des intrants qui alimentent les centrales électriques marginales et donc particulièrement des cours du gaz .

Ce fonctionnement marginal de la formation des prix de l'électricité sur le marché européen a pour vocation d'assurer l'équilibre entre offre et demande et d'éviter les situations de déficit d'offre. En effet, pour satisfaire l'ensemble de la demande, il rend possible la mise en route de centrales aux performances très faibles et peu productives en raison de coûts de production élevés.

Si cette règle a pour vocation d'optimiser le fonctionnement du système électrique européen et son interconnexion, il en résulte un prix de l'électricité en France élevé quand bien même, du fait de son mix décarboné, les coûts de production de l'électricité y sont modérés et faiblement dépendants des combustibles fossiles , en particuliers du prix du gaz naturel.

En France, d'après le bilan électrique de réseau de transport d'électricité (RTE), en 2022, 62,7 % de l'électricité a été produite à partir d'énergie nucléaire pour seulement 10 % à partir de gaz naturel. Il est à noter que 2022 était une année exceptionnelle marquée par la faiblesse historique des capacités de production nucléaire qui représentent structurellement une part plus importante encore du mix électrique.

Évolution de la production totale d'électricité en France par source
et part de la production décarbonée (2017-2022)

(en térawattheure - TWh)

Source : bilan électrique 2022 de réseau de transport d'électricité (RTE)

Si une part significative de l'électricité en Europe reste produite à partir d'énergies fossiles (20 % à partir de gaz et 13 % à partir de charbon), la France a fait le choix d'un mix électrique très différent, décarboné à plus de 87 % d'après le bilan électrique 2022 de RTE (92 % en 2021).

Répartition de la production d'électricité en France en 2022
entre sources d'énergies

Source : commission des finances d'après le bilan électrique 2022 de RTE

La France dispose tout de même encore de treize tranches de centrales à cycle combiné au gaz auxquelles elle recourt pour assurer l'équilibre entre offre et demande en hiver en cas de tension sur le système électrique. Par ailleurs, en hiver, la France recourt aussi à des importations d'électricité produite par des centrales thermiques chez ses voisins.

Le marché européen de l'électricité est de plus en plus interconnecté . Il fonctionne de plus en plus comme une seule et même plaque sur laquelle transitent les électrons, d'un pays à l'autre, à une fréquence unique de 50 Hertz. Cette tendance s'amplifie à mesure que de nouvelles capacités d'interconnexions sont développées. Le fonctionnement de cette plaque d'échange d'électrons permet notamment de protéger les européens de situations de black-out massifs 5 ( * ) comme peuvent les connaître les États-Unis faute d'un réseau de transport électrique unifié sur l'ensemble du territoire 6 ( * ) . Sur cette plaque, selon l'analyse de RTE, la France joue déjà un véritable rôle de « hub ».

Le dimensionnement des capacités d'interconnexions est à l'origine des écarts que l'on constate entre les prix spots de court terme d'un pays européen à l'autre. En cas de saturation des capacités d'interconnexions d'un pays, les prix spots qui y sont constatés augmentent. Le développement des interconnexions électriques doit conduire progressivement à harmoniser les prix de marché de court terme en Europe .

Ce marché européen unique et interconnecté se conjugue avec la souveraineté de chaque État dans la composition de leur mix électrique . Cette situation explique que, selon les choix souverains effectués par chaque État membre, la détermination du prix de l'électricité en fonction du coût marginal de production conduit à une décorrélation , potentiellement significative, entre le prix de marché de l'électricité et ses coûts de production moyens au sein d'un pays donné. Les consommateurs français l'ont durement expérimenté depuis le début de la crise actuelle des prix de l'énergie.

B. LES RÈGLES DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ RENVOIENT À DES ENJEUX DÉTERMINANTS DE COMPÉTITIVITÉ INDUSTRIELLE QUI CRISTALLISENT LES RIVALITÉS, NOTAMMENT ENTRE LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE

Les règles du marché européen de l'électricité, et tout particulièrement le système de formation des prix, revêtent des enjeux considérables, notamment en matière de compétitivité économique. En effet, le prix auquel les industriels achètent leur électricité constitue un élément clé de leur compétitivité. Cela est tout particulièrement vrai s'agissant des industries électro-intensives , notamment dans les secteurs de l'acier, de la chimie, de l'aluminium, des gaz industriels ou encore du papier.

Les choix souverains effectués par les États en matière de mix énergétique supposent des coûts de production moyens de l'électron très différents . Si ces différences se reflétaient pleinement dans les prix de l'électricité consommée, elles se traduiraient par des avantages et des désavantages comparatifs extrêmement sensibles entre les États membres. L'industrie française , grâce aux capacités de production nucléaire et ses coûts de production modérés qui résultent du mix électrique français aurait pu bénéficier ainsi d'un avantage compétitif décisif face à son homologue allemande dont le mix national repose encore largement sur des centrales thermiques alimentées par des combustibles fossiles, au premier rang desquelles les centrales à gaz.

Jusqu'ici, la construction du marché européen fait apparaître que l'Allemagne a clairement mieux su faire valoir ses intérêts que la France . L'Union européenne n'est pas à blâmer, la responsabilité en revient aux gouvernements français qui ne sont pas parvenus à suffisamment défendre les intérêts de l'industrie nationale. Cette maldonne doit changer et les négociations actuelles en vue de la réforme du marché de l'électricité jouent un rôle majeur à ce titre.

À bien des égards cependant, les éternels débats franco-allemands sur la question se sont enfermés dans une confrontation devenue stérile , chaque partie étant de plus en plus isolée sur sa position. Le combat de position sans issue que se livrent la France et l'Allemagne sur le fonctionnement du marché européen de l'électricité doit être dépassé. Aujourd'hui est venu le temps de parvenir à un compromis franco-allemand équilibré pour garantir aux consommateurs l'accès à une électricité décarbonée la plus compétitive possible . C'est tout l'enjeu des négociations actuelles.

C. LA RÉFORME DU MARCHÉ EUROPÉEN DE L'ÉLECTRICITÉ ET LA NOUVELLE RÉGULATION DU NUCLÉAIRE : « L'ÉPREUVE DE VÉRITÉ »

La crise des prix de l'énergie a remis sur le devant de la scène les problématiques liées au fonctionnement du marché européen de l'électricité. La corrélation entre les cours du gaz naturel et le prix de l'électricité sur les marchés de gros, qui s'explique par le système de formation des prix qui dépend des coûts de production de la dernière centrale appelée, a conduit, dans la foulée de la flambée du gaz à une explosion des prix de marché de l'électricité qui s'est répercutée sur les factures des particuliers et des professionnels dans toute l'Europe.

Face à cette situation, plusieurs États membres, dont la France, ont appelé à une réforme profonde du marché de l'électricité. Ils se sont opposés aux réticences initiales de la Commission européenne et de plusieurs pays du nord de l'Europe, Allemagne en tête, qui souhaitent préserver les grands équilibres du marché et n'envisagent au mieux que des ajustements marginaux. Essayant de faire la synthèse entre ces deux positions, la Commission a présenté, le 14 mars dernier, sa proposition de réforme du marché européen de l'électricité.

Pour satisfaire l'Allemagne et les pays réticents à une réforme d'ampleur, cette proposition ne remet pas en cause le système de formation des prix selon la règle de la centrale marginale mais , allant dans le sens des positions portées par la France, ouvre des perspectives s'agissant des contrats de long terme susceptibles de sécuriser les nouveaux investissements dans les capacités de production d'électricité bas carbone et de faire profiter les consommateurs et les industries d'un État membre des options économiquement plus performantes qu'il aurait choisi en termes de composition de son mix électrique .

La réforme du marché européen de l'électricité doit ainsi principalement permettre de traiter deux de ses faiblesses actuelles :

- d'une part mieux protéger les consommateurs face aux hausses des prix de gros du marché et assurer la compétitivité économique des entreprises des États membres en garantissant que les prix de l'électricité se rapprochent des coûts complets de production moyens de long terme ;

- et d'autre part contribuer à accélérer la transition énergétique en encourageant les investissements dans le développement des capacités de production d'électricité décarbonée et l'innovation.

Pour répondre au premier enjeu, la Commission propose de développer le recours aux contrats de long terme gré à gré de type PPA ( power purchase agreement ) entre un producteur et/ou fournisseur et des industriels. La Commission propose notamment de lever des restrictions qui pèsent sur ces contrats bilatéraux de long terme et d'étendre leur éligibilité aux PME. Ces contrats de long terme doivent permettre à l'ensemble des acteurs de l'écosystème, que ce soit les producteurs, les fournisseurs ou les consommateurs, de se couvrir contre les fluctuations des prix de marché.

En France, le consortium industriel exeltium 7 ( * ) , qui a signé en 2008 un partenariat avec EDF, pour une durée de 24 ans et 311 TWh d'électricité 8 ( * ) , est l'archétype de ce type de contrats.

Le contrat de gré à gré entre le consortium exeltium et EDF

Source : site internet du consortium exeltium

Pour répondre au second enjeu, la Commission propose d' étendre le champ d'application des contrats pour différence dits CfD ( contracts for difference ). Aujourd'hui réservés à la production d'EnR, ces CfD permettent de sécuriser des investissements lourds dans des capacités de production en garantissant sur une longue période au producteur un niveau de revenu de référence. Les CfD sont garantis par un système public de chambre de compensation . Lorsque les prix de marchés sont inférieurs au revenu de référence, les producteurs reçoivent une compensation de la puissance publique visant à leur garantir la perception du revenu de référence garanti et, inversement, lorsque les prix de marché dépassent le revenu de référence, les producteurs reversent à la puissance publique le surplus perçu. En France, ce système fonctionne actuellement pour la production d'EnR sous la forme du mécanisme budgétaire des compensations pour charges de service public de l'énergie (CSPE).

Dans le projet qu'elle propose au Parlement européen et aux États membres, la Commission entend étendre la possibilité de conclure des CfD dans le cadre des nouveaux investissements dans les capacités de production d'électricité décarbonée , ce qui inclurait donc le programme français de nouveau nucléaire ainsi que, selon l'interprétation qu'en fait le Gouvernement français, le parc nucléaire existant dès lors qu'une centrale ferait l'objet , dans le cadre du chantier du grand carénage, de nouveaux investissements visant à prolonger sa durée de vie.

Pour la France, l'enjeu principal de la réforme du marché européen de l'électricité renvoie à la nouvelle régulation du nucléaire . Le dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique dit « Arenh » doit prendre fin le 31 décembre 2025 . D'ici-là, pour que les consommateurs français, et notamment le secteur industriel, puisse continuer de bénéficier de la compétitivité des coûts de production du parc nucléaire français, une nouvelle régulation doit prendre le relai.

Alors que les grands industriels ont besoin de visibilité sur un enjeu si déterminant pour leur compétitivité, cette échéance implique la mise en oeuvre la plus rapide possible de la réforme du marché européen en cours de négociations. Le développement des CfD, et des PPA pour le secteur industriel, pourrait le cas échéant jouer le même rôle que l'Arenh aujourd'hui en permettant aux ménages et à l'économie de bénéficier des coûts de production modérés du nucléaire.

La réforme doit aujourd'hui garantir qu'un État membre ne sera pas défavorisé pour avoir réalisé il y a plusieurs décennies des choix ambitieux et judicieux en matière de mix électrique et conduit une politique volontariste en la matière. La France n'imposera pas l'énergie nucléaire à ses partenaires mais les règles européennes ne doivent pas entraver ses capacités de développement en condamnant les investissements nécessairement très lourds qu'elle suppose .

Pour se faire, il nous faut convaincre de nos partenaires que l'impératif de décarbonation de nos économies doit passer avant leur verdissement.

Au-delà même de la seule réforme du marché de l'électricité, d'autres projets de textes européens déterminants pour l'avenir du nucléaire sont actuellement en discussion (taxonomie européenne, banque de l'hydrogène, industrie zéro émission nette, hydrogène bas carbone produit à partir d'électricité nucléaire). Il est indispensable que tous ces textes partagent une approche cohérente à l'égard des moyens de production d'électricité décarbonée.

Dans le cadre des âpres négociations que se livrent les États membres sur la révision du marché de l'électricité et les autres projets de textes européens qui détermineront l'avenir de la production d'électricité décarbonée, certaines des dispositions actuelles de la proposition de loi pourraient être exploitées par les coalitions de pays hostiles à une réforme d'ampleur du marché et à l'énergie nucléaire conduisant ainsi à affaiblir la position française . En dépit de leurs bonnes intentions, à plusieurs des égards, et notamment du fait de l'agenda européen, certaines des dispositions de cette proposition de loi n'arrivent pas au bon moment.

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 1er

Nationalisation d'EDF

. Le présent article prévoit d'inscrire dans la loi la nationalisation de la société Électricité de France.

Alors qu'une offre publique d'achat a été initiée par l'État pour acquérir l'intégralité des actions et obligations convertibles en actions, la société EDF va, dans les mois à venir, être intégralement détenue par État. La nationalisation prévue au présent article est donc superflue.

En cohérence avec l'amendement COM-5 proposé par le rapporteur à l'article 2, qui vise à inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise EDF, la commission a adopté un amendement COM-4 supprimant le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, ISSUE DE LA NATIONALISATION 1946, A ÉTÉ OUVERTE AUX CAPITAUX PRIVÉS EN 2005, ET SES ACTIONS FONT DÉSORMAIS L'OBJET, DE LA PART DE L'ÉTAT, D'UNE OFFRE PUBLIQUE D'ACHAT SIMPLIFIÉ

A. LA SOCIÉTÉ ÉLÉCTRICITÉ DE FRANCE, ISSUE DE LA NATIONALISATION EN 1946, A SUBI DES TRANSFORMATIONS PROFONDES DANS LE CONTEXTE DE LIBÉRALISATION DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La nationalisation de 1946, une intervention de l'État planificateur

Alors que le programme national de la résistance (PNR) visait à « promouvoir [des] réformes indispensables » parmi lesquelles le « retour à la nation des grands moyens de production, des sources d'énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurances et des grandes banques », la loi n°46-628 du 8 avril 1946 procède à la nationalisation de l'électricité et du gaz et crée Électricité de France et Gaz de France.

L'article 1 er de la loi dispose en effet que sont « nationalisés : la production, la distribution, l'importation et l'exportation de l'électricité . » La gestion de ces entreprises est confiée à l'établissement public industriel et commercial (EPIC) EDF, tandis que la distribution est gérée par EDF, service de distribution.

La nationalisation concerne un grand nombre d'entreprises, réparties sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, les contours précis de la nouvelle entreprise n'ont été arrêtés qu'au terme de plusieurs années de procédure. Comme le rappelle Catherine Vuillermot dans ses travaux sur la nationalisation de l'électricité en France en 1946, « la production électrique était en effet assurée par 86 centrales thermiques et par 300 centrales hydrauliques, dépendances respectives de 54 et 100 sociétés privées. Les réseaux de transport se partageaient entre 86 sociétés. Quant à la distribution de l'électricité, 1150 entreprises géraient le marché. Enfin, 251 sociétés étaient responsables de 724 exploitations gazières de tailles variées » 9 ( * ) . Ainsi, pour mener à bien les nationalisations, « une vingtaine de décrets de nationalisation intégrale ou partielle, mais aussi des dizaines de rectificatifs et d'annulations de transferts composent le quotidien et la réalité de la nationalisation de l'énergie électrique et gazière en France . » 10 ( * )

Ces nationalisations et la création d'EDF ont accompagné le premier Plan de modernisation et d'équipement, plus connu sous le nom de plan « Monnet », qui prévoyait notamment une augmentation rapide de la capacité de production électrique (+ 42 % en à peine quatre ans), pour faire face aux enjeux de la reconstruction. Il s'agit donc de rationaliser les efforts et de moderniser les structures du pays.

Le statut de l'entreprise EDF, issu de la loi de 1946, a été maintenu jusqu'à la libéralisation du marché de l'énergie, au début des années 2000.

2. L'ouverture du capital d'EDF en 2005 intervient dans le contexte de libéralisation du marché de l'énergie

La première étape 11 ( * ) de la libéralisation du marché de l'énergie a été franchie dans les années 1990 avec l'adoption du premier « Paquet énergie ». La directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité indique, dans un considérant, que « le marché intérieur de l'électricité doit être mis en place progressivement pour que l'industrie électrique puisse s'adapter à son nouvel environnement de manière souple et rationnelle et pour tenir compte de la diversité actuelle de l'organisation des réseaux électriques . » La directive prévoit une extension progressive du marché de fourniture d'énergie jusqu'en 2003 . Ainsi, la libéralisation aura lieu en trois étapes : en 1999, deux ans après l'entrée en vigueur de la directive, la part du marché ouverte à la concurrence doit être au moins égale à la consommation communautaire moyenne des clients de plus de 40 gigawattheure par an, soit environ 20 % du marché européen et 200 sites en France.

En 2000, ce seuil est fixé à 20 gigawattheure, soit environ 30 % du marché européen correspondant à 1 600 sites en France, et, six ans plus tard, à 9 gigawattheure, soit 34 % du marché et 3 100 sites en France.

La directive distingue trois fonctions : la production d'électricité, le transport sur des lignes haute tension, et la distribution sur des lignes moyenne et basse tension. Le transport et la distribution relevant de monopoles naturels, il est prévu que soit mis en place un mécanisme d'accès des tiers au réseau (ATR) sous la surveillance du régulateur national, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) en France . S'il reste intégré au sein d'une entreprise de production, le gestionnaire du réseau de transport (GRT) doit être indépendant des autres activités.

Le deuxième « Paquet énergie » est adopté en 2003. La directive 2003/54/CE vise cette fois-ci à l'ouverture à la concurrence pour l'ensemble des clients non résidentiels en 2004 et tous les clients finals d'électricité en 2007.

Ouverture du marché de la fourniture d'électricité

NB : les seuils en gigawattheure présentés correspondent aux seuils applicables en France. En effet, les seuils de la directive de 1996 doivent être transposés par l'équivalence des parts de marché au niveau européen et national.

Source : energie-info.fr

C'est dans ce contexte de libéralisation du marché de l'électricité que la France fait le choix de transformer l'établissement public industriel et commercial (EPIC) EDF en société anonyme . La loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières procède à cette transformation pour EDF et Gaz de France.

Alors que, sur le fondement du cadre européen des aides d'État, la Commission européenne avait demandé à la France de supprimer « la garantie illimitée dont bénéficie EDF sur tous ses engagements en vertu de son statut d'EPIC » 12 ( * ) la transformation en société anonyme permet d'écarter les risques liés au contentieux des aides d'État. Elle permet également à l'entreprise de diversifier ses leviers de financement, en lui ouvrant la possibilité d'augmentations de capital pour financer son développement. Enfin, le passage à une société anonyme émancipe EDF du principe de spécialité de l'EPIC et lui ouvre la faculté de diversifier son offre de services, à l'heure où la concurrence sur le marché de la fourniture d'électricité se développe .

La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE fixe l'essentiel des règles applicables à ce jour et constitue « la pierre angulaire de la mise en oeuvre du marché de l'électricité ». Elle renforce en particulier les conditions de la séparation entre les activités de production d'électricité et d'exploitation des réseaux.

B. L'OFFRE PUBLIQUE D'ACHAT SIMPLIFIÉE INITIÉE PAR LE GOUVERNEMENT INTERVIENT DANS UN CONTEXTE DE GRANDE DIFFICULTÉ FINANCIÈRE POUR L'ENTREPRISE ELECTRICITÉ DE FRANCE

1. La décision de l'État d'acquérir 100 % des actions d'EDF intervient alors que l'entreprise traverse des difficultés financières

Alors qu'EDF faisait déjà face à des difficultés financières très importantes dans un contexte de faible disponibilité du parc nucléaire , la décision du Gouvernement d'augmenter pour 2022 de 20 térawattheure le volume du droit d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) a fait porter par l'entreprise un coût évalué à 8,2 milliards d'euros par celle-ci.

La mise en place de l'Arenh par la loi Nome

La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité, dite loi Nome, a créé le droit d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh). Il permet de garantir, dans des conditions fixées par l'État, l'accès à l'énergie nucléaire à un prix compétitif pour les fournisseurs alternatifs et ainsi stimuler la concurrence jusqu'à décembre 2025.

Afin d'assurer une juste rémunération à Électricité de France, le prix, réexaminé chaque année, est représentatif des conditions économiques de production d'électricité par les centrales nucléaires. Il tient compte de l'addition :

1° D'une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l'activité ;

2° Des coûts d'exploitation ;

3° Des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l'extension de la durée de l'autorisation d'exploitation ;

4° Des coûts prévisionnels des charges de long terme des exploitants d'installations nucléaires pour la gestion des matières et déchets radioactifs.

Source : La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant organisation du marché de l'électricité, dite loi Nome

Comme l'a relevé Luc Rémont devant le Conseil d'administration d'EDF le 16 février dernier « les résultats 2022 ont été fortement pénalisés par la baisse de notre production d'électricité, ainsi que par les mesures régulatoires exceptionnelles mises en place en France dans des conditions de marché difficiles. » 13 ( * )

Ainsi, en 2022, les activités de production et de commercialisation d'électricité d'EDF ont connu un EBIDTA 14 ( * ) négatif de 23 milliards d'euros. D'après le rapport annuel de l'entreprise, « le recul de la production nucléaire, essentiellement lié aux contrôles et réparations de la corrosion sous contrainte, a un impact estimé à - 29,1 milliards d'euros en EBITDA ». Alors l'EBITDA de l'ensemble des activités d'EDF est redressé par les résultats positifs de filiales (pour se situer à - 5 milliards d'euros) l'endettement financier net d'EDF était de 64,5 milliards d'euros en fin d'exercice 2022.

2. Les conditions de l'offre publique d'achat et le retrait obligatoire

Le 6 juillet 2022, à l'occasion de son discours de politique générale, la Première ministre a annoncé l'intention de l'État français de détenir l'ensemble du capital d'EDF . Le choix d'une offre publique d'achat simplifiée (OPAS) a été rendu public le 19 juillet, sous réserve de l'adoption par le Parlement des crédits nécessaires en loi de finances rectificative.

Répartition de la détention des actions EDF au 31 octobre 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après la note d'information sur l'offre publique d'achat visant les actions et les obligations à option de conversion et ou/ d'échange en actions nouvelles et existantes.

Comme l'a relevé le Gouvernement dans la note d'information adossée à l'OPAS « l'urgence climatique et la situation géopolitique imposent des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité » 15 ( * ) .

L'objectif affiché par l'État est également d'être en capacité « de mener de manière accélérée plusieurs chantiers décisifs annoncés par le président de la République dans son discours de Belfort, notamment le programme de construction de six réacteurs de technologie European Pressurized Reactor 2 (« EPR2 ») d'ici 2050 ».

Le prix proposé par l'État pour les actions EDF, à savoir 12 euros, représente une prime de 53,0 % par rapport à la cotation de l'action à la veille de l'annonce par la Première ministre de l'intention d'acquérir l'ensemble des actions disponibles .

Cette prime est de 34,3 % par rapport à la moyenne des cours de bourse pondérée par les volumes de l'action sur les douze derniers mois au 5 juillet 2022. Cette prime semble conforme aux primes offertes pour ce type d'opération. Ainsi, d'après la quatorzième édition de l'Observatoire des offres publiques, parue en janvier 2023, les primes médianes des offres publiques se situent entre 15 et 32 %.

Prime médiane offerte aux détenteurs des actions
par rapport au dernier cours

Source : Observatoire des offres publiques 2022, 14 e édition, Ernst and Young, janvier 2023

Une procédure a néanmoins été engagée devant la Cour d'appel de Paris par le fonds commun de placement d'entreprise (FCPE) en actions EDF, Énergie En Actions, et l'Association pour la défense des actionnaires minoritaires (Adam).

L'État s'est engagé à attendre le résultat de cette procédure avant d'initier le retrait obligatoire de la cote . Celui-ci permet, lorsque les titres qui n'ont pas été apportés à l'offre représentent moins de 10 % du capital et des droits de vote, de contraindre les détenteurs à céder leur titre. À ce jour, 95,82 % du capital d'EDF est détenu par l'État.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA NATIONALISATION DE LA SOCIÉTÉ ÉLECTRICITÉ DE FRANCE

Le présent article vise à mettre en oeuvre la nationalisation de l'entreprise EDF . Sans remettre en cause explicitement l'opération de marché engagée par le Gouvernement, elle vise au même objectif, à savoir le transfert à l'État de la propriété du capital d'EDF détenue par des agents privés.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE NATIONALISATION SUPERFLUE

La terminologie employée par la proposition de loi, à savoir la nationalisation, rappelle la loi de 1946 et les grandes ambitions de la reconstruction au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Cependant, hormis cette dimension symbolique , la mention d'une nationalisation est inutile dans son objet, et nocive dans ses effets.

L'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) mise en oeuvre par le Gouvernement aboutit précisément au même résultat que la nationalisation. C'est en particulier ce que soulignent les réponses apportées par l'Agence des participations de l'État au questionnaire du rapporteur : « il n'y pas de différence de finalité entre la nationalisation par la loi et l'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) conduite par l'État toutes deux conduisant in fine à ce qu'EDF soit bien détenue à 100 % par l'État, et de fait une entreprise publique . Il n'y a ainsi aucune distinction entre une entreprise publique détenue à 100 % et une entreprise nationalisée ».

De plus, la référence à la nationalisation constitue un facteur d'insécurité juridique.

En effet, si la présente proposition de loi entrait en vigueur avant le terme de la procédure d'OPAS initiée par le Gouvernement et la procédure de retrait obligatoire, celle-ci ne serait plus conforme au procédé choisi par le législateur. Les dispositions prévues par la présente proposition de loi auraient des conséquences très incertaines sur la procédure en cours.

Ainsi, plutôt que de mettre inutilement en cause l'opération en cours, l'amendement COM-5 proposé par le rapporteur à l'article 2 vise à garantir la détention par l'État d'EDF au 1 er janvier 2024 sans imposer de moyen au Gouvernement. Parvenant ainsi au même résultat que le présent article, la commission a adopté un amendement COM-4 , supprimant le présent article.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

ARTICLE 2

Organisation du groupe et incessibilité du capital d'EDF

. Le présent article prévoit de transformer l'entreprise Électricité de France en « groupe public unifié ». Il liste les activités de l'entreprise, dont les actions devront être incessibles : elles concernent aussi bien « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [que] la prestation de services énergétiques ».

Cette définition très large des activités d'EDF est source d'insécurité juridique, les implications de la notion de « groupe public unifié » étant très incertaines. Alors que l'entreprise EDF devra demain faire face à des défis sans précédent pour assurer la fourniture d'une électricité décarbonée et compétitive, rigidifier le périmètre de ses activités ne semble pas opportun.

La commission a adopté un amendement COM-5 modifiant l'article 2, pour prévoir de fixer, au niveau législatif, la détention par l'État de 100 % du capital d'EDF. La détention publique devra néanmoins être minorée par la part détenue par les salariés de l'entreprise.

Par ailleurs, l'amendement adopté par la commission dispose qu'EDF exerce ses activités conformément aux dispositions du code de l'énergie. En effet, l'activité de l'entreprise doit s'inscrire dans un corpus juridique issu du droit national et du droit de l'Union européenne. En particulier, l'organisation des filiales de transport et de distribution résulte d'un équilibre juridique complexe, permettant de garantir la structuration concurrentielle du marché.

Enfin, la commission a adopté un sous-amendement COM-9 proposé par M. Victorin Lurel et le groupe socialiste, visant à préciser que la société EDF est une société anonyme « d'intérêt national ».

La commission propose d'adopter le présent article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : ÉLECTRICITÉ DE FRANCE, UNE ENTREPRISE STRATÉGIQUE SOUS LE CONTRÔLE DU PARLEMENT ET DONT LA STRUCTURE A DÛ ÊTRE ADAPTÉE À L'ORGANISATION DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE

A. L'ORGANISATION DU GROUPE EDF RÉPOND À L'ORGANISATION ACTUELLE DU MARCHÉ DE L'ÉNERGIE

La directive 96/92/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité distingue trois fonctions : la production d'électricité, le transport sur des lignes haute tension, et la distribution sur des lignes moyenne et basse tension .

Le transport et la distribution relevant de monopoles naturels, il est prévu que soit mis en place un mécanisme d'accès des tiers au réseau (ATR). La directive de 1996 dispose également que le gestionnaire du réseau de transport (GRT) doit être indépendant des autres activités lorsqu'il reste intégré au sein d'une entreprise de production.

Dans un premier temps, l'article 12 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité a introduit ce principe dans le droit interne en prévoyant l'indépendance de la gestion du réseau de transport, sans pour autant séparer strictement cette activité des autres activités d'EDF.

Quatre ans plus tard, l'article 7 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières sépare les activités de transport en créant la société RTE, distincte d'EDF , et « dont le capital est détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public . » Par ailleurs, l'article 13 de la loi prévoit la constitution d'un service chargé de la gestion du réseau de distribution « indépendant, sur le plan de l'organisation et de la prise de décision, des autres activités » Cette activité a été intégrée à une nouvelle filiale en janvier 2008 : Électricité réseau de distribution France (ERDF).

La directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE fixe l'essentiel des règles applicables à ce jour et constitue « la pierre angulaire de la mise en oeuvre du marché de l'électricité ». Elle renforce en particulier les conditions de la séparation entre les activités de production d'électricité et d'exploitation des réseaux, afin de garantir l'accès des tiers aux réseaux.

Les gestionnaires de transport d'électricité doivent ainsi relever de l'un des trois régimes prévus par la directive, à savoir la séparation intégrale de la propriété des infrastructures de transport, « ownership unbundling » (OU), la création d'un gestionnaire de réseau indépendant, sans remise en cause de la propriété, « independent system operator » (ISO), ou le recours à un opérateur de transport indépendant, « independent transmission operator » (ITO). C'est ce dernier modèle qui est retenu pour RTE, la détention restant majoritairement à Électricité de France . Le capital de cette filiale doit, en application de l'article L. 111-42 du code de l'énergie, être « détenu en totalité par Électricité de France, l'État ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public ».

Par ailleurs, en application de l'article 43 de la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE, l'évolution d'une entreprise verticalement intégrée vers un statut de séparation intégrale de la propriété des infrastructures de transport, « ownership unbundling » (OU) ne peut être « en aucune circonstance empêchée ».

Ainsi, les activités de production et de commercialisation d'EDF ont été progressivement distinguées de la gestion des infrastructures de transport et de distribution. La structure capitalistique actuelle du groupe permet ainsi de répondre à l'exigence d'ouverture à la concurrence du marché.

B. LA VIE DE L'ENTREPRISE EDF EST SOUMISE AU CONTRÔLE DU PARLEMENT

Depuis la nationalisation de l'entreprise jusqu'à la libéralisation du marché de l'électricité, les principales évolutions de l'entreprise EDF ont été soumises au vote du Parlement. En effet, alors que les avancées du marché européen de l'énergie ont été adoptées au sein de l'Union européenne par voie de directive, elles ont rendu nécessaire l'intervention du Parlement lors de la transposition des mesures de niveau législatif.

De plus, des règles de détention capital sont déterminées par la loi : ainsi, l'article L. 111-67 du code de l'énergie prévoit que la participation de l'État dans EDF doit être supérieure à 70 % et que l'entreprise RTE, en vertu de l'article L. 111-42 du même code, doit être intégralement détenue par EDF, l'État, ou d'autres entreprises ou organismes appartenant au secteur public.

Par ailleurs, le Parlement est saisi de plusieurs décisions majeures intéressant la vie de l'entreprise.

Ainsi, en vertu de l'article 13 de la Constitution et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, la nomination du président directeur général d'EDF est soumise au vote des commissions des affaires économiques de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le Président de la République ne peut procéder à sa nomination lorsque l'addition des votes négatifs représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

De plus, les évolutions structurelles du marché de l'électricité nécessitent l'intervention du Parlement . En témoigne le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, en cours d'examen devant le Parlement. De plus, en application de l'article L. 100-1 A du code de l'énergie, « avant le 1 er juillet 2023, puis tous les cinq ans, une loi détermine les objectifs et fixe les priorités d'action de la politique énergétique nationale pour répondre à l'urgence écologique et climatique . »

Enfin, les évolutions des règles européennes issues des discussions en cours sur le « market design » seront également soumises au Parlement lors de la transposition des directives européennes .

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LE GEL, AU NIVEAU LÉGISLATIF, DU PÉRIMÈTRE DES ACTIVITÉS D'EDF

L'article 2 procède à la réécriture de l'article L. 111-67 du code de l'énergie . Il supprime, ce faisant, la référence au seuil de détention par l'État de 70 % des parts de la société anonyme EDF.

Dans sa rédaction issue du présent article, l'article L. 111-67 du code de l'énergie disposerait que l'entreprise EDF est « un groupe public unifié ». Cette formulation, qui n'a pas de définition juridique précise, correspond à celle retenue par le législateur à propos de la société nationale des chemins de fer français (SNCF).

Les 1°, 2° et 3° listent les différentes activités d'EDF devant faire partie du groupe public unifié. Ainsi, sont concernés « la production, le transport, la distribution, l'importation [...] l'exportation d'électricité, le développement, la construction, l'exploitation et la maintenance des sources d'énergie hydraulique, nucléaire, renouvelable et thermique [ou encore] la prestation de services énergétiques ».

Enfin, l'article prévoit que le capital de l'entreprise est « intégralement détenu par l'État, ou, dans la limite de 2 % du capital, par des salariés de l'entreprise. Il est incessible . »

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : FIGER LE PÉRIMÈTRE DES ACTIVITÉS D'EDF, UNE IDÉE MALHEUREUSE, ALORS QU'EDF EST CONFRONTÉ À DE NOMBREUX DÉFIS

A. UNE RÉDACTION SOURCE D'INSÉCURITÉ JURIDIQUE ET QUI N'EST PAS CONFORME AUX RÈGLES DU MARCHÉ DE L'ÉLECTRICITÉ

1. La rédaction de l'article est source d'insécurité juridique

La notion de « groupe public unifié », à laquelle a recours le présent article, n'a qu'un seul précédent, celui de la société nationale des chemins de fer français (SNCF). Hors cet exemple, la notion ne connaît pas de définition juridique précise. Les indications données par l'auteur de la proposition de loi, à savoir « sauver l'unité de groupe EDF », empêcher « la vente d'Enedis, de Dalkia, ou d'EDF Energies Nouvelles », laissent imaginer qu'il s'agit de figer la structure du groupe.

En effet, le caractère incessible des actions conduit à considérer que les participations d'EDF dans l'ensemble des entreprises intervenant dans les secteurs mentionnés par l'article pourraient ainsi être figées .

Si les débats à l'Assemblée nationale ont permis d'écarter du champ de l'article les cessions d'activités réalisées à l'étranger, celui-ci n'en pourrait pas moins faire planer un risque juridique sur toute cession de la part d'EDF.

Comme le relève l'entreprise EDF elle-même dans sa réponse au questionnaire du rapporteur, la rédaction est « très imprécise et en conséquence difficile à interpréter. »

2. Des évolutions qui entrent en contradiction avec le droit européen

En fixant le principe d'un groupe public unifié, comprenant les activités de transport et dont les actions seraient incessibles, le dispositif de l'article s'inscrit en contradiction avec les règles issues du droit de l'Union européenne . En effet, l'entreprise Réseau de transport d'électricité (RTE) relève du statut d'opérateur de transport indépendant (ITO) prévu par le droit européen, c'est-à-dire que la détention majoritaire par EDF a été maintenue mais que RTE doit fournir des garanties très avancées d'indépendance de gestion.

Cependant, alors les évolutions du statut d'ITO vers la séparation intégrale de la propriété ne peuvent être « en aucune circonstance empêchées » 16 ( * ) , la rédaction de l'article 2 s'inscrit en contradiction avec cette règle. Elle bloquerait au niveau législatif toute évolution du statut de RTE, ce qui est contraire au droit de l'Union, et n'est pas souhaitable du point de vue économique. En effet, le statut d'ITO freine la capacité de RTE à mener des acquisitions dans les autres États membres de l'Union européenne : un gestionnaire de réseau de transport (GRT) sous statut ITO ne peut pas acheter de GRT relevant d'un autre statut. Pour renforcer le développement de RTE, une évolution de statut via une cession des parts détenues par EDF à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) ou à l'Agence des participations de l'État (APE) pourrait être utile au développement de l'entreprise.

B. L'OPPORTUNITÉ ÉCONOMIQUE DE FIGER LES ACTIVITÉS D'EDF APPARAÎT CONTESTABLE

1. Dans un marché de l'énergie en mutation, la priorité doit être de permettre à EDF de produire une énergie décarbonée et compétitive

La rigidité de fonctionnement et de gestion proposée par l'article 2 s'inscrit en contradiction avec la fluidité et le caractère mouvant du marché de l'électricité. Celui-ci devrait connaitre des mutations de grande ampleur pour répondre à l'impératif de décarbonation de l'économie.

La priorité doit être de produire massivement une électricité décarbonée et compétitive. Les dispositions de la proposition de loi, aussi bien intentionnées soient-elles, ignorent ces réalités et ces enjeux.

En rigidifiant l'organisation d'EDF et sa structure capitalistique, elles semblent vouloir l'extraire des règles de fonctionnement du marché de l'énergie . Le déni des réalités d'un marché complexe risque uniquement d'affaiblir EDF : l'entreprise devra au contraire pouvoir nouer de nouveaux partenariats, construire des montages capitalistiques complexes pour renforcer sa présence sur les marchés à l'étranger, indispensables à la relance de l'industrie nucléaire.

Les mesures proposées entraveraient le développement et la performance du groupe. Il faut laisser à EDF la capacité et les moyens de s'adapter pour faire face aux enjeux industriels, sociaux, environnementaux et économiques auxquels il fait face .

L'amendement COM-5 , modifié par le sous-amendement COM-9 de notre collègue Victorin Lurel et du groupe socialiste, adoptés par la commission, revient donc sur la notion de « groupe public unifié » et sur l'énumération des activités du groupe, évitant ainsi de rigidifier le cadre d'action de l'entreprise et lui permettre de répondre, sans obstacle législatif, aux grands défis énergétiques de demain. Le sous-amendement ajou

2. Le maintien d'une société anonyme détenue par l'État et par les actionnaires salariés

Plutôt que d'énumérer de façon équivoque les activités d'EDF, l'amendement COM-5 adopté par la commission vise à inscrire dans la loi la détention par l'État de l'entreprise EDF, tout en maintenant la présence d'actionnaires salariés.

L'augmentation du niveau minimal de détention par l'État dans l'entreprise EDF, prévue à l'article L. 111-67 du code de l'énergie, de plus de 70 % à 100 %, permet de garantir l'intervention du Parlement si le Gouvernement souhaitait procéder à la réouverture de son capital. Cette modification n'a pas pour objectif de figer définitivement la détention du capital d'EDF : une nouvelle loi pourra modifier ce seuil, mais il faudra donc que le Parlement en soit saisi.

En effet, le Parlement n'a pas été formellement associé au processus de nationalisation d'EDF, réalisé selon une procédure d'offre publique d'achat simplifiée (OPAS), et a uniquement été appelé à voter les crédits budgétaires nécessaires à cette OPAS.

Par ailleurs, l'amendement adopté par la commission vise à maintenir au niveau législatif le statut de société anonyme de l'entreprise EDF . Alors que la formule retenue par l'Assemblée nationale de « groupe public unifié » est facteur d'incertitudes et d'insécurité juridique, il est nécessaire de maintenir la possibilité pour EDF de procéder aux évolutions stratégiques et aux cessions qui lui seront indispensables pour assurer la pérennité de son modèle économique.

Enfin, le maintien d'une part d'actionnaires salariés s'inscrit en cohérence avec les évolutions de la loi PACTE : il est nécessaire que l'État montre lui-même l'exemple en maintenant au sein d'EDF la possibilité pour les salariés d'être actionnaires de leur entreprise. La présence d'un actionnariat salarié permet également de pondérer le rôle de l'État, dont les principales décisions depuis une décennie ont considérablement affaibli EDF.

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3

Création d'une commission administrative chargée de déterminer la valeur des actions d'EDF

. Le présent article prévoit la création d'une commission administrative nationale d'évaluation si l'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) portant sur les actions et obligations convertibles en actions de la société anonyme Électricité de France n'était pas menée à son terme au 1 er juillet 2023.

En cohérence avec la suppression de la nationalisation prévue à l'article 1 er , la commission a adopté un amendement COM-6 supprimant le présent article.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA MISE EN PLACE D'UNE COMMISSION ADMINISTRATIVE NATIONALE D'ÉVALUATION POUR ESTIMER LA VALEUR DES ACTIONS DE L'ENTREPRISE EDF

Afin de mettre en oeuvre la nationalisation prévue à l'article 1 er , le présent article prévoit la création d'une « commission administrative nationale d'évaluation présidée par le premier président de la Cour des comptes et composée du gouverneur de la Banque de France, du président de la section des finances du Conseil d'État, du président de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation et d'un membre du Conseil économique, social et environnemental désigné par le président de cette assemblée ».

Cette commission aurait pour mission de fixer la valeur d'échange des actions de la société EDF dans le cadre de la nationalisation.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA NATIONALISATION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 1 ER ÉTANT SUPERFLUE, LA COMMISSION PRÉVUE PAR L'ARTICLE 3 EST INUTILE

La commission ayant supprimé la nationalisation prévue par l'article 1 er , dans la mesure où elle est rendue superflue par l'offre publique d'achat simplifiée en cours, elle a également supprimé la commission d'évaluation chargée d'évaluer la valeur d'échange des actions.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Extension des tarifs réglementés de vente de l'électricité

. Le présent article prévoit d'étendre de façon structurelle le périmètre des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) aux très petites entreprises (TPE) disposant d'un compteur électrique d'une puissance supérieure à 36 kilovoltampères (kVA) ainsi que, pour l'année 2023, aux petites et moyennes entreprises (PME) et aux entreprises de taille intermédiaire (ETI).

L'article dispose également que l'ensemble des fournisseurs proposent des TRVe pour les TPE et prévoit qu'au cours de l'année 2023 ces TRVe peuvent se substituer aux contrats en cours.

Alors que les TPE non éligibles aux TRVe ont été très durement affectées par la crise des prix de l'électricité, il convient de tirer les leçons de cette situation et d'étendre le bénéfice des TRVe à l'ensemble des TPE sans considération de puissance électrique souscrite. C'est le sens de l'amendement COM-7 adopté par la commission.

Les autres dispositions de l'article 3 bis étant, pour certaines, contraires au droit européen, pour d'autres inopérantes ou sources de dangereux risques juridiques, elles doivent être écartées.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : SEULS LES MÉNAGES ET LES TPE DISPOSANT D'UN PETIT COMPTEUR ÉLECTRIQUE SONT ÉLIGIBLES AUX TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) ET BÉNÉFICIAIRES DU BOUCLIER TARIFAIRE SUR LES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES TARIFS RÉGLEMENTÉS DE VENTE D'ÉLECTRICITÉ (TRVE) PROTÈGENT SUR LE LONG TERME LEURS BÉNÉFICIAIRES DES FLUCTUATIONS INTEMPESTIVES DES MARCHÉS DE GROS DE L'ÉLECTRICITÉ

1. Le droit européen autorise les TRVe pour les ménages et les microentreprises

L'article 5 de la directive du 5 juin 2019 concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité 17 ( * ) permet aux États membres de réaliser des interventions publiques dans le domaine de la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux ménages et aux microentreprises . La directive définit la microentreprise comme « une entreprise qui emploie moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires annuel et/ou le total du bilan annuel n'excède pas 2 millions d'euros » .

Selon les dispositions de cet article, ces interventions doivent néanmoins respecter une série de conditions strictes, et notamment l'exigence que ces tarifs réglementés soient établis « à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective » .

Les critères qu'une intervention sur les prix de l'électricité des ménages et des microentreprises doit respecter en vertu des dispositions de l'article 5 de la directive du 5 juin 2019

Selon l'article 5, les interventions publiques dans le domaine de la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux ménages et aux microentreprises doivent :

- poursuivre « un objectif d'intérêt économique général » et ne pas aller « au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif » ;

- être « clairement définies, transparentes, non discriminatoires et vérifiables » ;

- « garantir aux entreprises d'électricité un égal accès aux clients » ;

- être « limitées dans le temps et proportionnées en ce qui concerne leurs bénéficiaires » ;

- ne pas entrainer « de coûts supplémentaires pour les acteurs du marché d'une manière discriminatoire » ;

- être « assorties d'un ensemble de mesures permettant de parvenir à une concurrence effective et d'une méthode d'évaluation des progrès en ce qui concerne ces mesures » ;

- être « fixées à l'aide d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs » ;

- être « établies à un prix supérieur aux coûts, à un niveau permettant une concurrence tarifaire effective » ;

- être « conçues de façon à réduire au minimum tout impact négatif sur le marché de gros de l'électricité » ;

- « garantir que tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont la possibilité de choisir des offres du marché concurrentielles » ;

- garantir que « tous les bénéficiaires de telles interventions publiques ont le droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires » ;

- ne pas se traduire par « des subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix de fourniture réglementés » .

Source : article 5 de la directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE

Dans le cadre de la crise des prix de l'énergie, le cadre européen a été temporairement assoupli par les dispositions du règlement du 6 octobre 2022 sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie 18 ( * ) . Ce règlement 19 ( * ) prévoit notamment qu'exceptionnellement, pour la seule année 2023, les petites et moyennes entreprises (PME) 20 ( * ) pourraient bénéficier d'une intervention publique dans la fixation du prix de leur fourniture d'électricité. Toutefois, cette intervention temporaire, qui pourrait prendre la forme de tarifs réglementés, doit respecter plusieurs conditions strictes dont le fait que ces tarifs doivent être fixés en tenant compte « de la consommation annuelle du bénéficiaire ces cinq dernières années » et que dans l'hypothèse où les prix étaient établis à un niveau inférieur aux coûts, les fournisseurs doivent être indemnisés. En France , cette intervention publique a pris la forme des dispositifs d'amortisseur ou d'aides au guichet (voir infra ).

2. Les dispositions du code de l'énergie encadrent l'application des TRVe au niveau national

Le chapitre I er du titre II du livre I er du code de l'énergie définit les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz. Prévue par l'article L121-5 du même code, la mission de service public de fourniture d'électricité consistant à assurer la fourniture d'électricité, sur l'ensemble du territoire, aux clients bénéficiaires des TRVe incombe à EDF et aux entreprises locales de distribution (ELD).

Prévus par l'article L337-1 du code de l'énergie, au niveau national, les TRVe sont régis par les dispositions législatives des articles L337-1 à L337-16 ainsi que par les normes réglementaires des R337-18 à R337-24 du même code.

a) En France métropolitaine, le périmètre des TRVe est circonscrit aux ménages et aux TPE dont le compteur électrique ne dépasse pas une puissance de 36 kilovoltampères (kVA)

Le périmètre actuel des TRVe est défini par les articles L337-7 et L337-8 du code de l'énergie.

Ainsi, l'article L337-7 circonscrit l'éligibilité des TRVe aux ménages (qualifiés de « consommateurs finals domestiques ») et aux petits « consommateurs finals non domestiques » (c'est-à-dire essentiellement des TPE ou de petites communes ) qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros.

Il assortit cette éligibilité à la condition que la puissance d'électricité souscrite des sites concernés soit inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (kVA).

Cette disposition exclut ainsi du périmètre d'éligibilité aux TRVe les TPE dont les activités nécessitent des niveaux de consommation électrique élevés, notamment en raison de l'utilisation d'une chambre froide, et qui disposent de compteurs d'une puissance supérieure à 36 kVA. C'est notamment le cas de la majorité des boulangers, des bouchers, des fleuristes et des petits restaurateurs. Les TRVe proposés aux clients ayant souscrit des puissances supérieures à 36 kVA ont été supprimés le 1 er janvier 2016.

L'article L337-8 prévoit quant à lui que les TRVe bénéficient à l'ensemble consommateurs finals pour leurs sites localisés dans des zones non interconnectées (ZNI) au réseau métropolitain continental.

Au 30 septembre 2022, d'après le bilan de l'ouverture des marchés de détail de l'énergie pour le troisième trimestre 2022 publié par la CRE en mars 2023, 21,5 millions de ménages en France bénéficient d'une offre au TRVe . Par ailleurs, 1,5 million de sites non résidentiels (principalement des TPE et des petites communes) disposent également d'une offre aux TRVe. Parallèlement, environ 12,5 millions de ménages et 3,7 millions de sites non résidentiels (entreprises, collectivités, associations, etc ) détiennent des abonnements auprès de fournisseurs alternatifs d'électricité.

L'article L337-4 du code de l'énergie prévoit que « les TRVe sont définis en fonction de catégories fondées sur les caractéristiques intrinsèques des fournitures » .

L'article R337-18 détaille la composition des TRVe qui sont déclinés en trois catégories tarifaires elles-mêmes déclinées en options tarifaires.

Les catégories tarifaires se composent :

- du tarif « bleu » pour les sites des consommateurs finals dont la puissance souscrite ne dépasse pas 36 kVA ;

- du tarif « jaune » pour les sites des consommateurs finals situés en ZNI, raccordés en basse tension et dont la puissance souscrite est supérieure à 36 kVA ;

- du tarif « vert » pour les sites des consommateurs finals raccordés en haute tension dont la puissance souscrite est inférieure à 36 kVA.

b) Les modalités du calcul des TRVe selon la méthode dite de « l'empilement des coûts » les exposent de plus en plus aux variations des prix de gros du marché européen de l'électricité

Les TRVe sont considérés comme des tarifs « intégrés » devant couvrir aussi bien les coûts de production que les coûts de commercialisation et d'acheminement de l'électricité.

En application de l'article L337-4 du code de l'énergie, la CRE a pour mission de transmettre aux ministres chargés de l'économie et de l'énergie des propositions motivées de TRVe .

Pour sa partie hors taxes, la méthodologie de détermination du niveau des TRVe réalisée par le CRE respecte le principe de « l'empilement des coûts » . Issue d'une réforme de novembre 2014, cette méthodologie doit rendre ce tarif reproductible et « contestable » par tout fournisseur alternatif, c'est-à-dire, selon l'exigence formulée par le Conseil d'État, « la faculté pour un opérateur concurrent d'EDF présent ou entrant sur le marché de la fourniture d'électricité de proposer, sur ce marché, des offres à prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés » 21 ( * ) .

Elle est définie par l' article L. 337-6 du code de l'énergie qui précise que « les tarifs réglementés de vente d'électricité sont établis par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture » . Cette tarification « par empilement » est précisée aux articles R. 337-18 à R. 337-24 du code de l'énergie.

Aussi, les TRVe sont déterminés par l'addition des coûts suivants :

- le coût d'approvisionnement de la part relevant des droits théoriques au dispositif de l'Arenh , fixé à un montant, censé refléter les coûts de production du parc nucléaire, de 42 euros par mégawattheure aujourd'hui très nettement inférieur aux prix du marché de l'électricité ;

- le coût d'approvisionnement du complément de fourniture après achat des volumes d'Arenh (dit « complément de marché » ) et relevant des achats de produits à terme sur les marchés de gros de l'électricité, qui explique la dépendance partielle des TRVe aux évolutions des prix de gros sur le marché européen ;

- le coût d'approvisionnement en capacité , établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d'obligation de capacité ;

- le coût d'acheminement par les réseaux de transport et de distribution d'électricité ;

- le coût de commercialisation 22 ( * ) ;

- et enfin la rémunération de l'activité de fourniture d'électricité.

Description de la détermination des TRVe par la CRE
selon la méthodologie de l'empilement des coûts

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Le complément de marché calculé par la CRE correspond à la moyenne des prix de marché à terme pour une année donnée lissée sur 24 mois . Ce système permet d'atténuer l'exposition des TRVe à l'évolution des prix de gros de l'électricité.

Dans le calcul réalisé par la CRE pour 2023 23 ( * ) (avant application du bouclier tarifaire) le complément de marché représente 33 % de la part d'approvisionnement en électricité dans la construction des TRVe, soit environ 17 % du total des TRVe HT .

Pour mesurer l'exposition globale des TRVe aux évolutions des prix du marché de gros de l'électricité, il convient d'ajouter la part relative au coût du complément d'approvisionnement en énergie et en garanties de capacité consécutif à l'écrêtement de l'Arenh . En effet, dans la mesure où les demandes d'Arenh sont systématiquement supérieures au volume d'Arenh plafonné en 2023 à 100 térawattheures (TWh), le volume pris en compte pour la détermination des TRVe, qui correspond aux droits théoriques d'Arenh est écrêté et une part d'approvisionnement de marché complémentaire doit être inclue dans le calcul. Pour calculer cette part, la CRE prend en compte une moyenne des prix à terme des deux derniers mois de l'année qui précède l'année de livraison.

Au total, les TRVe se trouvent désormais exposés aux prix de marché à hauteur d'environ 50 % de la part approvisionnement. Dans un rapport de juillet 2022 sur l'organisation des marchés de l'électricité, la Cour des comptes souligne l'exposition de plus en plus forte depuis 2019 des TRVe aux prix de marché, notamment en raison du complément de marché consécutif à l'écrêtement des volumes d'Arenh.

Évolution de la part « fourniture d'énergie » (Arenh et marché) des TRVe

entre 2016 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

Cette évolution constitue l'une des explications de la hausse significative du niveau des TRVe TTC depuis 2014.

Évolution des différentes composantes des TRVe toutes taxes comprises (TTC) destinés aux ménages entre 2013 et 2022

(en euros / MWh)

Source : rapport de la Cour des comptes sur l'organisation des marchés de l'électricité, juillet 2022

En 2023 , du fait du prolongement de la crise des prix de l'électricité, les propositions de TRVe faites par la CRE 24 ( * ) (avant application du bouclier tarifaire 2023) ont conduit à des augmentations de près de 80 % par rapport aux TRVe proposés en 2022 25 ( * ) (eux-mêmes avant application du bouclier tarifaire 2022) qui avaient déjà augmenté de 45 % par rapport aux tarifs en vigueur en 2021.

Pour les TPE et les petites communes, les TRVe proposés par la CRE en 2023 avant application du dispositif de bouclier tarifaire s'établissaient ainsi, en moyenne, à 344 euros/MWh hors taxes (HT) contre 128 euros/MWh en 2021 , soit une multiplication par 2,7 en deux ans.

Évolution moyenne du niveau des TRVe hors taxes (HT) proposés par la CRE entre 2022 et 2023

(en euros / MWh)

CEE : certificats d'économie d'énergie

Source : délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité

3. Le cadre et l'objet des TRVe ont également été précisés par la jurisprudence

Dans sa décision d'Assemblée ANODE du 18 mai 2018 26 ( * ) , le Conseil d'État a considéré que les TRVe, bien que constituant une dérogation à l'article L410-2 du code du commerce qui dispose que « les prix des biens, produits et services sont librement déterminés par le jeu de la concurrence » , étaient légitimes dans la mesure où ils poursuivaient un objectif économique général de stabilité des prix de l'électricité 27 ( * ) .

Dans cette même décision, en s'appuyant sur le droit de l'Union européenne, il a confirmé que le périmètre des TRVe devait être circonscrit aux seuls consommateurs domestiques ainsi qu'à ceux qui avaient un profil de consommation similaire , c'est-à-dire les artisans, les petits commerçants ou les professions libérales.

Le Conseil d'État a également confirmé ces considérants dans sa décision ANODE du 6 novembre 2019 28 ( * ) . Il y précise notamment qu' une réglementation permettant aux « entreprises moyennes et aux entreprises de taille intermédiaire, de bénéficier des tarifs réglementés de vente de l'électricité n'est pas proportionnée à l'objectif de stabilité des prix » et ne pourrait être appliquée sans méconnaître le droit de l'Union européenne.

B. DES MESURES ONT ÉTÉ PRISES POUR ACCOMPAGNER LES MÉNAGES ET LES ENTREPRISES FACE À LA HAUSSE DES PRIX DE L'ÉLECTRCITÉ

Face aux conséquences de la crise des prix de l'énergie qui s'est notamment traduite dans les factures d'électricité des consommateurs, plusieurs mesures ont été votées par le Parlement pour venir en aide aux ménages et aux entreprises.

En 2022 comme en 2023, les tarifs de l'accise sur l'électricité , l'ancienne taxe intérieure de consommation finale d'électricité (TICFE), ont été abaissés à leur niveau minimum autorisé par le droit de l'Union européenne (soit 1 euro/MWh pour les ménages et 0,5 euro/MWh pour les professionnels). Cette mesure, dont le coût avoisine les 10 milliards d'euros annuels pour l'État, concerne l'ensemble des consommateurs finals d'électricité, à l'exception des secteurs économiques qui disposaient déjà de tarifs très réduits situés au niveau des minimas européens.

En 2022 comme en 2023, un dispositif de bouclier tarifaire a été mis en oeuvre pour limiter la hausse des prix de l'électricité de l'ensemble des consommateurs finals éligibles aux TRVe , c'est-à-dire les ménages et les petits consommateurs non domestiques (TPE et petites communes) disposant d'un compteur électrique d'une puissance inférieure à 36 kVA . Ce dispositif, fondé par le versement de compensations aux fournisseurs via le budget de l'État, a été calibré pour , en dérogation aux niveaux de tarifs proposés par la CRE, contenir en moyenne la hausse des TRVe à 4 % en 2022 puis 15 % en 2023.

L'article 181 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a créé un dispositif dit d'amortisseur visant à réduire les factures d'électricité des TPE et collectivités locales non éligibles au bouclier tarifaire, des PME, des associations ou encore des établissements publics .

L'application de l'amortisseur conduit à réduire la facture des clients éligibles, pour la moitié des volumes d'électricité consommés, de l'écart entre le prix de l'électricité de leur contrat et un prix de référence de 180 euros/MWh, cette réduction étant plafonnée à 320 euros/MWh , ce qui revient à considérer que pour les contrats dont le prix de l'électricité est supérieur à 500 euros, la fraction supérieure à ce niveau ne fait pas l'objet d'aides publiques.

L'aide maximale découlant de ces paramètres, si l'on raisonne sur l'intégralité de la consommation du client 29 ( * ) est ainsi de 160 euros/MWh .

Première illustration du mécanisme d'amortisseur

Source : ministère de la transition écologique

Deuxième illustration du mécanisme d'amortisseur (avec atteinte du plafond)

Source : ministère de la transition écologique

En raison notamment des difficultés rencontrées par le secteur de la boulangerie, le Gouvernement, après une concertation avec les fournisseurs, a mis en oeuvre, par voie réglementaire, un dispositif spécifique destiné aux TPE ayant renouvelé leur contrat de fourniture d'électricité en 2022 et qui ne sont pas éligibles aux TRVe.

Ce dispositif, dit de « sur-amortisseur » dans la mesure où il fonctionne selon les mêmes modalités que l'amortisseur mais avec des paramètres calibrés différemment, doit permettre de leur garantir en 2023 un prix de l'électricité de 230 euros/MWh et 280 euros/MWh en intégrant le coût du tarif d'utilisation du réseau public de l'électricité (TURPE).

Les entreprises éligibles sont celles :

- qui emploient moins de dix personnes et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels n'excèdent pas 2 millions d'euros, pour leurs sites souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA ;

- ayant signé ou renouvelé un contrat de fourniture d'électricité au titre de 2023 entre le 1 er janvier 2022 et le 31 décembre 2022 ;

- dont le prix de la part variable de l'électricité hors taxes, hors acheminement, moyen en euros par MWh résultant de leur contrat pour l'année 2023 excède 280 euros/MWh en moyenne annuelle.

Source : commission des finances

À ces dispositifs s'ajoute également un mécanisme d'aides de guichet pour le paiement des factures de gaz et d'électricité pour lequel toutes les entreprises sont éligibles à condition de respecter deux critères :

- un prix de l'énergie ayant augmenté de plus de 50 % sur la période considérée par rapport au prix moyen payé en 2021 ;

- des dépenses d'énergie d'au moins 3 % du chiffre d'affaires sur la période considérée.

Enfin, les entreprises mises en difficulté ont également pu bénéficier du report de paiement d'impôts et de cotisations sociales, de mesures d'étalement du paiement de leurs factures d'énergie ainsi que d'un mécanisme de garantie publique sur les contrats de fourniture d'énergie.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE EXTENSION DES TRVE À TOUTES LES TPE DE FAÇON STRUCTURELLE AINSI QU'AUX PME ET AUX ETI POUR L'ANNÉE 2023

Les dispositions de l'article 3 bis sont issues d'un amendement n° CF28 déposé par le député M. Philippe Brun, rapporteur du texte, au stade de l'examen de la proposition de loi par la commission des finances de l'Assemblée Nationale, de deux sous-amendements n° CF38 et n° CF46 déposés par des députés du groupe LFI-NUPES, également adoptés au stade de l'examen en commission, ainsi que d'un amendement n° 39, déposé par des députés du groupe LFI-NUPES, adopté au stade de l'examen du texte en séance publique.

Le I de l'article 3 bis procède à une réécriture de l'article L337-8 du code de l'énergie .

Les modifications du I de l'article L337-8 (les alinéas 3 à 5 de l'article 3 bis ) se traduisent :

- d'une part par l'extension pérenne de l'éligibilité aux TRVe pour l'ensemble des petits consommateurs finals non domestiques au sens du droit européen (TPE, petites communes), sans considération de puissance électrique souscrite , c'est-à-dire, y compris pour les consommateurs qui disposent d'un compteur supérieur à 36 kVA ;

- d'autre part de l'extension temporaire, pour la seule année 2023 de l'éligibilité aux TRVe aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu'aux entreprises de taille intermédiaire (ETI) 30 ( * ) .

Le premier amendement déposé par le député Philippe Brun (n° CF28) était beaucoup plus restreint puisqu'il ne proposait qu'une extension temporaire pour l'année 2023 de l'éligibilité aux TRVe pour les seuls petits consommateurs non domestiques (TPE, petites communes) disposant d'une puissance souscrite supérieure à 36 kVA. Ce sont les sous-amendements déposés par des députés du groupe LFI-NUPES qui ont considérablement étendu le champ des dispositions de l'article 3 bis en prévoyant :

- d'une part que l'extension de l'éligibilité aux TRVe pour les petits consommateurs non domestiques ne soit plus temporaire mais pérenne (sous-amendement n° CF38) ;

- et d'autre part l'extension de l'éligibilité aux TRVe pour les PME et les ETI (sous-amendement n° CF46).

Les modifications du II du même article L337-8 prévoient quant à elles :

- qu'en dérogation aux dispositions du code de l'énergie, l'ensemble des fournisseurs d'électricité proposent des offres TRVe aux petits consommateurs finals non domestiques (TPE et petites communes) ;

- qu'en 2023, ces TRVe peuvent se substituer aux contrats de fourniture en cours ;

- qu' aucune compensation de l'État prévue au titre du B du VIII de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 ne puisse être versée aux fournisseurs pour compenser leurs pertes de recettes.

Enfin, le II de l'article 3 bis dispose que les extensions des TRVe prévues au I du même article sont notifiées à la Commission européenne en vertu des règles relatives à l'encadrement des aides d'État.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : LA NÉCESSITÉ D'ÉTENDRE L'ÉLIGIBILITÉ DES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE POUR LES PROTÉGER DES FLUCTUATIONS DU PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ

A. LES LEÇONS TIRÉES DE LA CRISE DES PRIX DE L'ÉLECTRICITÉ IMPOSENT D'ÉLARGIR LES TRVE À L'ENSEMBLE DES TPE

Les TPE non éligibles aux TRVe et, par voie de conséquence, à la protection apportée par le bouclier tarifaire, ont été particulièrement exposées à la hausse des prix de l'électricité. C'est tout particulièrement le cas de toutes celles qui ont vu leur contrat de fourniture d'électricité arriver à échéance au cours de l'année 2022 et qui ont eu à le renouveler au moment de l'acmé de la crise des prix de l'électricité. Certains contrats signés en 2022 ont pu atteindre des niveaux de prix extrêmement élevés. Pour l'ensemble des TPE qui se trouvent dans cette situation, le dispositif de « sur-amortisseur » , décidé en urgence par le Gouvernement au mois de février dernier, doit leur garantir un prix de fourniture HT ne pouvant dépasser un montant de 280 euros/MWh en moyenne sur l'année 2023.

Ces TPE non éligibles aux TRVe, dont les activités nécessitent une consommation d'électricité importante, sont bien souvent celles qui animent la vie locale de proximité des centres villes. Elles jouent un rôle fondamental de lien social et de cohésion des territoires , bien souvent, elles contribuent très directement à l'intérêt général. Les boulangers en sont bien entendu l'archétype . Cependant, les boulangers, qui ont symbolisé ces derniers mois les profondes difficultés rencontrées par les TPE, sont loin d'être les seuls à connaître une telle situation. Les bouchers, les fleuristes, les petits restaurateurs ou autres artisans sont également au nombre de ces TPE qui ont été exposées de façon brutale à l'explosion des prix de l'électricité.

La confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) a présenté au rapporteur des situations très concrètes d'entreprises en graves difficultés. À titre d'exemple, une entreprise de polyculture, qui a renouvelé son contrat en juillet dernier a reçu une première facture de 150 000 euros pour les mois de janvier-février 2023 contre 220 000 euros pour l'ensemble de l'année auparavant. Une autre entreprise spécialisée dans la confection et le montage de bracelets de montre en métal pour l'horlogerie de luxe envisageait un développement qui nécessitait l'acquisition de nouvelles machines et la souscription à une puissance électrique supérieure à 36 kVA, ce qui lui ferait perdre le bénéfice des TRVe et du bouclier tarifaire. Aujourd'hui, elle hésite entre renoncer à son développement ou bien investir dans un groupe électrogène qui serait un non-sens écologique.

Malgré les alertes multiples, le Gouvernement a réagi de façon très tardive puisque c'est tout au long de l'année 2022, et tout particulièrement au cours du second semestre, que les contrats, généralement conclus pour deux à trois ans, qui arrivaient à échéance étaient remplacés par des offres à des tarifs souvent astronomiques.

Pour le rapporteur, il apparaît indispensable de tirer les leçons de cette crise et de la situation catastrophique dans laquelle elle a plongé nombre de TPE , menaçant parfois leur survie même, en les protégeant de façon structurelle des fluctuations intempestives des marchés européens de l'énergie. Pour ce faire, il est nécessaire d'étendre de façon pérenne l'éligibilité des TRVe à l'ensemble des TPE en supprimant la condition limitative relative à la puissance d'électricité souscrite dans leur contrat. Ce critère prévu par le code de l'énergie n'est nullement exigé par le droit de l'Union européenne qui autorise l'application des TRVe aux microentreprises sans considérations relatives à la nature de leur consommation électrique.

Au cours de ses auditions, le rapporteur a pu constater que l'intérêt de cette évolution était partagé tant par la CRE que par EDF . Il est regrettable que le Gouvernement n'ait pas suivi les conseils du régulateur de l'énergie qui, dès l'automne dernier, lui avait suggéré cette solution. Si cette extension avait été anticipée, de nombreuses TPE aujourd'hui en grande difficulté n'auraient pas été si exposées à la crise des prix de l'électricité et les mesures budgétaires complémentaires improvisées en urgence au mois de février dernier, et qui commencent tout juste à produire leurs effets, n'auraient pas été nécessaires . Nos TPE auraient fait l'économie d'une « usine à gaz » supplémentaire et le dispositif d'amortisseur allégé de sa version spécifiquement dédiée aux TPE aurait été un peu plus lisible pour ses bénéficiaires.

Pour cette raison, l'amendement COM-7 adopté par la commission vise à étendre de façon pérenne le bénéfice des TRVe à l'ensemble des TPE . Pour se faire, il supprime, au premier alinéa du I de l'article L337-7 du code de l'énergie, la mention relative au critère de la puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA.

À ce stade il est malheureusement regrettable que l'on ne dispose d'aucun chiffre fiable permettant ne serait-ce que d'approcher le nombre de TPE concernées et leur consommation d'électricité. Selon les sources, les chiffres varient de quelques dizaines de milliers à 600 000 pour une consommation de moins de 10 TWh à 20 TWh. La CRE, qui sera amenée à construire ces nouveaux tarifs , opération pour laquelle elle aura besoin d'informations précises sur ces nouveaux bénéficiaires et leurs profils de consommation et qui nécessitera une concertation avec les fournisseurs pour arrêter les modalités de construction des nouveaux tarifs, ne dispose à ce jour d'aucune donnée sur ces consommateurs finals.

B. PLUSIEURS DISPOSITIONS ACTUELLES DE L'ARTICLE 3 BIS SONT INOPÉRANTES ET JURIDIQUEMENT PROBLÉMATIQUES

Dans sa version actuelle, l'article 3 bis présente plusieurs difficultés d'ordre juridique qu'il convient de résoudre.

Premièrement, l'extension , même pour la seule année 2023, du bénéfice des TRVe à l'ensemble des entreprises jusqu'à celles qui répondent aux critères des entreprises de taille intermédiaire (ETI) est contraire au droit de l'Union européenne et serait donc inapplicable .

Si elle entrait en vigueur avant la réponse de la Commission européenne à sa notification, comme le laisse à penser la rédaction actuelle de l'article, elle serait d'une part immanquablement contestée au titre du contrôle de conventionalité et, d'autre part, à la suite du rejet, qui ne fait aucun doute, de la Commission européenne, l'État se verrait contraint, par des procédures très complexes, de réclamer aux entreprises qui auraient reçu des aides de ce type leur remboursement intégral. Cette situation serait susceptible de mettre en péril l'équilibre économique de certaines d'entre elles .

Deuxièmement, l'article prévoit que pour 2023, des offres aux TRVe se substitueraient aux contrats de fournitures en cours . Cette disposition présente un risque significatif d'inconstitutionnalité dans la mesure où le juge constitutionnel pourrait considérer qu'elle porterait une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de la liberté contractuelle . En toute hypothèse, cette disposition ferait l'objet de contentieux de la part des fournisseurs qui, à travers un contrôle de conventionalité de la loi et au titre des exigences du droit de l'Union européenne, devraient se voir allouer des indemnités qui seraient versées par les consommateurs ou la puissance publique .

Par ailleurs, cette disposition ne serait pas opérationnelle dans la mesure où, d'une part la construction par la CRE des nouveaux TRVe prendra plusieurs mois et, d'autre part, à court terme, sans application du dispositif de bouclier tarifaire, ces nouveaux TRVe ne seraient pas plus intéressants pour leurs bénéficiaires que les dispositifs d'aide existants.

En effet, les analyses juridiques convergent pour considérer que sauf à adopter une interprétation très extensive de l'article 181 de la loi de finances pour 2023, le dispositif de bouclier tarifaire qu'il prévoit pour 2023 ne pourrait pas s'appliquer à l'extension des TRVe proposée par l'article 3 bis . C'est d'ailleurs ce qui a permis d'assurer sa recevabilité financière au regard des exigences de l'article 40 de la Constitution. Quand bien même une interprétation extensive des dispositions de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 autoriserait l'application du bouclier tarifaire à cette extension, les ministres chargés de l'économie, de l'énergie et du budget, et donc le Gouvernement , qui selon les termes de ce même article, « peuvent », par arrêté, s'opposer à des tarifs qui auraient été proposés par la CRE, ne seraient en rien tenus de mettre en oeuvre ce bouclier au bénéfice de ces nouveaux tarifs et le pouvoir exécutif conserverait un pouvoir discrétionnaire en la matière.

Or, dans l'hypothèse même où la CRE disposerait des informations nécessaires pour le faire, de nouveaux TRVe qui seraient établis aujourd'hui sans délai de mise en oeuvre pour les fournisseurs et qui ne bénéficieraient pas du bouclier tarifaire atteindraient des montants supérieurs au prix de 280 euros/MWh garanti pour les TPE par le mécanisme de « sur-amortisseur ». S'il n'est pas possible, faute de données disponibles, de présupposer les niveaux auxquels la CRE fixerait ces nouveaux tarifs, les TRVe moyens pour les TPE éligibles qu'elle a établis pour 2023 avant application du bouclier tarifaire atteignaient 344 euros/MWh, soit plus de 60 euros/MWh de plus que le prix garanti par le dispositif de « sur-amortisseur ».

De surcroît, un nouveau TRVe applicable immédiatement ne permettrait pas aux fournisseurs d'anticiper leur approvisionnement sur les marchés pour satisfaire ces nouvelles offres tarifaires, la condition qui assure le principe de stabilité des TRVe. Aussi, pour respecter les règles conventionnelles, légales, réglementaires et jurisprudentielles de construction des TRVe, la CRE serait-elle nécessairement amenée à les fixer à un niveau plus élevé encore.

Troisièmement, l'article prévoit que l'ensemble des fournisseurs d'électricité, et non plus seulement EDF et les entreprises locales de distribution (ELD), proposent des TRVe . Cette mission, qui s'accompagne d'obligations de service public prévues par l'article 121-5 du code de l'énergie, comme celle de jouer le rôle de fournisseur en dernier ressort, ne peut pas être imposée à l'ensemble des fournisseurs.

Il ressort de ces analyses et de l'opérationnalité matérielle de la création de nouveaux TRVe, qu' à très court terme, un soutien opérationnel et concret aux TPE et aux PME ne peut passer que par une accélération de la mise en oeuvre et/ou un renforcement des dispositifs d'amortisseur et de « sur-amortisseur ». Or, si ces mécanismes montent progressivement en puissance, le rapporteur a été frappé par les situations de non recours qui lui ont été rapportées , notamment lors de son audition de la CPME.

En effet, face à la complexité, la superposition et l'enchevêtrement des différents dispositifs, de nombreux chefs d'entreprises ont du mal à y voir clair , à avoir une idée précise du fonctionnement des différents mécanismes et à prendre conscience de leur éligibilité à tel ou tel. Par ailleurs, toujours d'après la CPME, certains attendent de recevoir leurs premières factures de l'année 2023 , dont l'envoi a parfois été retardé, pour réaliser les démarches nécessaires auprès de leurs fournisseurs.

Concernant le dispositif d'amortisseur et de « sur-amortisseur » les TPE et PME doivent par exemple remplir une attestation auprès de leur fournisseur. À ce jour seuls 60 % des entreprises potentiellement éligibles auraient effectué la démarche alors que l'échéance pour transmettre cette attestation est fixée au 31 mars 2023 pour les contrats de fourniture ayant été signés avant le 28 février 2023. Compte-tenu de cette situation, le rapporteur considère que ce délai devra nécessairement être prolongé pour réduire au maximum le taux de non recours à ces dispositifs.

Par ailleurs, si au regard des premiers enseignements tirés des débuts de sa mise en oeuvre il s'avérait que cette mesure n'était pas suffisamment bien calibrée pour protéger nos TPE, le Gouvernement devrait impérativement la consolider . À ce stade , et alors que son déploiement ne fait que commencer, il apparaît néanmoins qu' un véritable bilan de la mesure serait prématuré.

Décision de la commission : la commission a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 3 ter (nouveau)

Demande de rapport sur l'opportunité de la nationalisation d'électricité de Mayotte

. Le présent article prévoit que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire.

Sous réserve d'un amendement de coordination COM-12 , la commission a adopté le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : ÉLECTRICITÉ DE MAYOTTE EST CHARGÉE DE LA FOURNITURE D'ÉLECTRICITÉ SUR LE TERRITOIRE DE MAYOTTE

L'entreprise électricité de Mayotte (EDM), détenue conjointement par l'État, EDF et le conseil départemental de Mayotte est une société anonyme d'économie mixte (SAEM), créée en 1997. Elle est chargée de la production, du transport, de la distribution et de la commercialisation de l'électricité sur l'archipel.

Les moyens de production et de transport de haute tension appartiennent en pleine propriété à Électricité de Mayotte, tandis que les réseaux de tension inférieure à 50 kilovolts et de distribution font l'objet d'une concession de 30 ans par le conseil départemental.

Électricité de Mayotte en chiffres

EDM gère environ :

- 51.400 points de livraison, soit 98% de la population au sens du recensement ;

- 26 kms de réseaux dont la tension est supérieure à 50kV ;

- 450 kms de réseaux dont la tension est comprise entre 1 et 50 kV ;

- 600 kms de réseaux de distribution.

La production est assurée par deux centrales thermiques d'une puissance de 107 MW, complétée par un parc photovoltaïque atteignant une puissance de 25 MW.

Source : Électricité de Mayotte

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE DEMANDE DE RAPPORT SUR L'OPPORTUNITÉ DE NATIONALISER ÉLECTRICITÉ DE MAYOTTE

L'article 3 ter est issu d'un amendement de notre collègue députée Mme Estelle Youssoupha, adopté malgré un avis défavorable de la commission des finances et du Gouvernement.

Il vise à ce que soit remis au Parlement par le Gouvernement un rapport « sur l'application et l'extension à Mayotte des objectifs définis à l'article 2. Ce rapport présente de manière détaillée l'intérêt de nationaliser la société Électricité de Mayotte, dont Électricité de France est actionnaire minoritaire . »

D'après l'article, le rapport devra être remis avant le 31 août 2023.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE DEMANDE DE RAPPORT APPUYÉE PAR LE CONSEIL DÉPARTEMENTAL DE MAYOTTE

En réponse à la demande de contribution du rapporteur, Électricité de Mayotte a indiqué n'avoir « jamais éprouvé de difficultés, et n'en éprouve pas dans les conditions actuelles, à lever des financements externes pour porter les investissements de production et de réseaux », des progrès particulièrement important ayant été réalisés en matière de délestage, « divisés par cinq ».

Notre collègue députée Mme Estelle Youssoupha a évoqué l'éventualité d'une augmentation des prix portant à 2 000 euros la pose d'un compteur lors des débats à l'Assemblée nationale. En réponse, EDM a indiqué au rapporteur que l'ensemble des tarifications annexes étaient régies par le contrat de concession du conseil départemental et ne pouvaient faire l'objet d'évolution sans son accord .

Ainsi, comme le relève EDM dans sa contribution, « la mise en service d'un raccordement existant est facturée 14 EUR (pour un client résidentiel en tarif bleu). Les tarifs de raccordement (sans installation préalable existante) varient de 280 EUR (raccordement aérien) à 525 EUR (raccordement souterrain), soit un niveau de 5 à 7 fois inférieur à celui pratiqué en métropole (ou dans l'ile voisine de la Réunion). »

Cependant, le conseil départemental de Mayotte indique, dans ses réponses au rapporteur, que, « dans une perspective de transition énergétique, l'obligation de faire muter l'outil industriel EDM, le mode de production de l'électricité, le modèle économique associé, ainsi que la nécessité de garantir la continuité de service public rendent souhaitable sa nationalisation à très court terme . »

La commission des finances a par conséquent pris acte de cette demande. Elle a néanmoins adopté un amendement COM-12 visant à tirer les conséquences de la réécriture de l'article 2 sur la demande de rapport prévue au présent article .

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.

ARTICLE 4

Gage de recevabilité financière

. Le présent article prévoit deux gages financiers.

Les dispositions de la proposition de loi ne supposent ni pertes de recettes, ni création de charge publique. Aussi, les gages financiers prévus par l'article 4 sont inutiles.

En conséquence, par l'adoption de l'amendement COM-8 , la commission a supprimé l'article.

I. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DEUX GAGES FINANCIERS DESTINÉS À COMPENSER LA PERTE DE RECETTES ET LA CHARGE GÉNÉRÉS POUR L'ÉTAT PAR LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI

Dans le but de compenser une perte de recettes et la création d'une charge nouvelle pour l'État qui auraient été générées par ses dispositions, la proposition de loi prévoit, à son article 4, deux gages financiers.

Le I prévoit ainsi que la perte de recettes générée pour l'État soit compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les tabacs.

Le II dispose quant à lui que la charge générée pour l'État soit également compensée par la création d'une autre taxe additionnelle sur les tabacs.

II. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DANS LA MESURE OÙ LES DISPOSITIONS DE LA PROPOSITION DE LOI N'ENTRAÎNENT, NI PERTE DE RECETTES, NI CHARGE PUBLIQUE, LES GAGES SONT SUPERFÉTATOIRES

Les crédits nécessaires au rachat par l'État de 100 % du capital d'EDF via une procédure d'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) ont déjà été adoptés par le Parlement en loi de finances. Aussi, la nationalisation d'EDF prévue à l'article 1 er ne se traduirait-elle pas par une charge nouvelle pour l'État.

Par ailleurs, et conformément à la position des services du ministère de la transition écologique et de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), étendre le périmètre des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) comme il est prévu à l'article 3 bis n'induit pas l'extension du dispositif dit de « bouclier tarifaire » et, par conséquent, ne se traduirait pas par le versement de compensations budgétaires de l'État aux fournisseurs d'électricité.

Les dispositions de la présente proposition de loi n'occasionnant ni perte de recettes, ni nouvelle dépense pour l'État, les gages proposés par l'article 4 sont superfétatoires . Pour cette raison, la commission a adopté un amendement COM-8 supprimant cet article.

Décision de la commission : la commission des finances a supprimé cet article.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 mars 2023 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Gérard Longuet sur la proposition de loi n° 341 (2022-2023) visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons le rapport de M. Gérard Longuet sur la proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France (EDF) d'un démembrement, adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Cette proposition de loi a été déposée par Philippe Brun, jeune député de l'Eure. Il a réussi à obtenir un vote quasi unanime de l'Assemblée nationale : un seul député a voté contre. Cette majorité est constituée de députés Nupes, Rassemblement national et Les Républicains, unis comme au front, pour éviter le démembrement d'EDF.

Trois dispositions expliquent ce vote surprenant, permis notamment par l'absence des députés Renaissance qui avaient quitté l'hémicycle, estimant que l'article 40 de la Constitution aurait dû s'appliquer. Selon le ministre, l'Assemblée nationale voterait ainsi une proposition de loi dont la mise en oeuvre des dispositions coûterait 18 milliards d'euros aux finances publiques. M. Philippe Brun souhaite que le Gouvernement s'explique sur l'avenir d'EDF au moment où il met en oeuvre une procédure décidée en juillet 2022, rendue possible dans les lois de finances rectificative (LFR) : le rachat et le retrait des actions cotées d'EDF, pour que l'État acquière 100 % des actions, ce qui aboutit à retirer les actions de la cote. Cette action gouvernementale est légitime, et les moyens lui sont donnés par la LFR de fin 2022, mais ne s'accompagne pas d'un exposé clair des projets du Gouvernement sur EDF.

Philippe Brun, ayant fait un contrôle sur place et sur pièces, estime que l'idée sous-tendant le projet Hercule, à savoir la séparation du nucléaire et de l'hydraulique d'un côté, du reste des activités de l'autre, n'est pas abandonnée. L'Agence des participations de l'État (APE) poursuit d'une façon systématique des réflexions sur EDF et le Gouvernement est bien en mal de donner son avis sur l'avenir d'EDF, qui dépend beaucoup des futures règles du marché européen de l'électricité ; celui-ci a des effets pervers redoutables quand le prix de l'électricité est tiré vers le haut, à des niveaux inacceptables, par le coût marginal de la dernière centrale appelée qui s'applique ensuite à l'ensemble du marché européen.

Il y aurait trois raisons de soutenir le texte tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, mais aucune n'est vraiment bonne. D'abord, la renationalisation est un affichage, qui, certes, a du sens pour ceux qui l'avaient souhaité, comme les communistes, qui retrouvent ainsi l'action de Marcel Paul, qui avait nationalisé EDF en 1946. Jusqu'en 2005, EDF était un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), avant de devenir une société anonyme (SA). C'est un retour vers le passé, ce qui n'est cependant pas l'intention principale de l'auteur de la proposition de loi...

Ensuite, la proposition de loi veut présenter EDF comme un groupe public unifié, indissociable. Cela pose deux types de problèmes : l'entreprise est certes unifiée, mais elle n'a pas autorité sur la totalité de ses activités. Elle a autorité sur sa fonction de production d'énergie - nucléaire, hydraulique, énergies renouvelables, thermique -, mais pas sur le transport de l'électricité ni la distribution finale. Le transport de l'électricité dépend de Réseau de transport d'électricité (RTE), capitalistiquement dépendant d'EDF. Mais institutionnellement, le code de l'énergie, inspiré par le droit communautaire, interdit au transporteur de dépendre de l'autorité d'un fournisseur particulier. Dans un marché concurrentiel, les producteurs doivent accéder aux consommateurs en utilisant de façon transparente et loyale le réseau de transport d'électricité. Cela interdit à RTE d'obéir à EDF. RTE a donc sa propre politique. S'il est majoritairement détenu par EDF, il doit être indépendant.

La situation d'Enedis est comparable, alors que la filiale détient une position quasi monopolistique pour la distribution d'électricité, si l'on exclut quelques entreprises locales comme l'usine d'électricité de Metz, héritage des Stadtwerke , ou des réseaux communaux de distribution dans le Sud-Ouest, témoignages de l'histoire. Enedis est détenue à 100 % par EDF, mais en est indépendante.

Faire évoluer statutairement EDF pour en faire un système « unifié » n'est pas clair juridiquement, et c'est en contradiction avec l'ouverture du marché exigeant que transport et distribution soient indépendants de l'autorité d'EDF.

Autre problème si l'on fige le périmètre d'EDF : EDF développe des activités très différentes, héritées de l'histoire, certaines proches de la production, d'autres plus éloignées, comme la production de chaleur : Dalkia, possédé par EDF, produit de la chaleur, et est en concurrence avec d'autres entreprises. On pourrait imaginer une évolution de son périmètre, mais la rédaction de la proposition de loi la rendrait difficile, voire impossible.

Pourquoi les députés Les Républicains soutiennent-ils cette proposition de loi qui n'est pas dans la ligne de leurs convictions habituelles ? Le groupe dirigé par Olivier Marleix avait demandé une commission d'enquête « visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France ». La raison en est d'abord tactique : le Gouvernement n'est pas à la hauteur des besoins en ce qui concerne l'amortissement des variations de prix. La proposition de loi visait l'extension du bouclier tarifaire au-delà des très petites entreprises (TPE) - selon l'Union européenne, la définition des TPE concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires n'excède pas 2 millions d'euros et dont l'effectif est inférieur à 10 salariés - pour l'étendre à toutes les entreprises de moins de 5 000 salariés et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 milliard d'euros ou dont le total de bilan n'excède pas 2 milliards d'euros. Le ministre au banc a découvert que l'analyse de l'application de l'article 40 par le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale était que le texte tel que rédigé n'impliquait pas de dépenses directes : l'Assemblée pouvait donc adopter la proposition de loi. Faisons prospérer le débat : cette proposition de loi a été adoptée par l'Assemblée nationale.

Mais elle arrive trop tôt ou trop tard. Elle arrive trop tard, car le retrait des actions décidé par le Gouvernement et approuvé par le Parlement via le projet de loi de finances rectificative (PLFR) implique que la nationalisation n'aurait pas de sens et perturberait la procédure en cours - l'État détient 95,82 % des actions.

Je proposerai un amendement visant à garantir que cette reprise à 100 % s'accompagne de la possibilité pour les salariés d'accéder au capital de l'entreprise - certains y sont actuellement. Cependant, si l'entreprise n'est plus cotée, les actions ne sont plus liquides : il reste donc une difficulté : comment les salariés souhaitant détenir ou conserver des actions pourraient-ils bénéficier d'une certaine forme de liquidité ?

L'initiative du Président de la République de rendre les salariés actionnaires s'appliquerait très bien ici, à condition de descendre le taux de détention par l'État de 2 % pour que les salariés soient eux-mêmes actionnaires.

Cette proposition de loi arrive trop tôt quant à la crainte du démembrement d'EDF, car le marché européen de l'énergie électrique doit être réexaminé. La règle centrale de fixation du prix sur le coût marginal de la dernière centrale est absurde. Il faut prévoir différentes formes de financement. On ne finance pas une éolienne comme une centrale nucléaire. Cette dernière fait face à des coûts d'investissement extrêmement lourds, et à des coûts de fonctionnement plus légers et insensibles aux variations des prix de la molécule fossile - à la différence de l'électricité produite à partir de gaz ou de charbon.

Avec davantage de pays acceptant le nucléaire, j'espère que l'Union européenne abandonnera ce système et adoptera des contrats de long terme pour financer des investissements lourds. Les Britanniques ont ainsi obtenu un contrat différent pour la centrale d'Hinkley Point : l'État britannique crée un tunnel de prix, avec une certaine liberté. Si le prix est trop élevé, l'État soutient le producteur ; s'il est trop bas, le producteur rembourse l'État. L'Union européenne avait accepté ce système lorsque le Royaume-Uni était membre de l'Union. Si notre gouvernement est efficace, il devrait pouvoir obtenir un résultat similaire et soutenir ceux qui veulent défendre EDF. Au Gouvernement de nous dire ce qu'il est capable de faire.

Troisième raison, nous proposons une solution acceptable : faire sauter le verrou des 36 kilovoltampères (kVA) pour les tarifs réglementés de vente de l'électricité (TRVE). Aujourd'hui, les TRVE et le bouclier s'appliquent aux entreprises employant moins de 10 personnes, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros et dont le compteur électrique a une puissance inférieure ou égale à 36 kVA. Ce seuil n'a pas de raison d'être au niveau européen. Nous devons décider que ce butoir n'est pas légitime. Cette réponse immédiate pourrait être satisfaisante.

Cette proposition de loi a l'immense mérite d'obliger le Gouvernement à présenter sa politique de long terme sur l'outil national que constitue EDF, qui mériterait un peu plus d'informations sur son avenir. Un ancien président d'EDF - qui n'est pas Jean-Bernard Lévy, mon ancien directeur de cabinet - estimait que le seul aléa, pour EDF, était les changements de politiques absolument incompatibles avec l'échéance des investissements d'EDF, à quarante ou soixante ans. Il estimait ne pas avoir besoin d'un gouvernement mauvais actionnaire mangeant le blé en herbe pour satisfaire ses besoins de financement à court terme, ni d'un gouvernement idéologique demandant de supprimer tout ce qui avait été fait auparavant. Je remercie Philippe Brun de faire ainsi progresser le débat et de nous permettre de jouer notre rôle de parlementaire, préparant l'avenir de notre pays.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je remercie le rapporteur d'avoir resitué le contexte et de dresser des perspectives. EDF porte une singularité française, à la suite du choix, dans les années 1970, de produire l'électricité principalement à base de nucléaire. Cela entraîne des contraintes et des obligations particulières. À l'époque, on ne parlait pas vraiment d'électricité décarbonée, ce qui fait dire à certains que cette production est vraiment pionnière. J'apprécie les corrections proposées sur les plafonds des tarifs réglementés. Il y a des incohérences à l'endroit de certaines professions, prises en porte à faux, des collectivités locales ou de certains opérateurs. Ce rapport et les amendements portent un cap, et je remercie le rapporteur.

M. Marc Laménie . - Je remercie le rapporteur pour son travail. EDF a une dimension nationale et internationale. Il y a de plus en plus besoin d'électricité, notamment nucléaire. Or de nombreuses centrales ont été arrêtées pour diverses raisons techniques. Les personnels sont importants pour la sûreté nucléaire.

Peut-on avoir des précisions sur le nombre de filiales ? Quelle est l'évolution de l'endettement d'EDF ? Quels investissements sont réalisés pour le nucléaire, et quelle est l'implication sur les énergies renouvelables ?

M. Albéric de Montgolfier . - Je partage la préoccupation portée par l'article 3 bis et l'amendement COM-7 sur l'extension des tarifs réglementés. Le chiffre de 36 kVA n'a plus de sens au niveau de l'Union européenne. Je suis donc d'accord pour étendre ces tarifs à d'autres, mais cela ne règle rien au véritable problème européen, à savoir la corrélation avec le gaz et avec le coût de la dernière centrale mise en service. Faut-il sortir du marché européen de l'électricité, même si l'interconnexion peut parfois nous être utile ? On a pu atteindre un prix de 1 000 euros le mégawattheure (MWh).

M. Didier Rambaud . - Sans surprise, je reprendrai la réponse de Bruno Le Maire à une question d'actualité au Gouvernement posée il y a trois semaines : je ne sais pas ce que ce texte va apporter de plus, mais je sais ce que cela va coûter... Une loi de nationalisation de 100 % du capital, alors qu'une opération de marché est en cours et poursuit le même objectif, n'aurait que des inconvénients : elle aboutirait au même résultat, mais coûterait plus cher.

La proposition de loi offrait, dans sa version initiale, 14 euros par action, alors que l'offre publique est de 12 euros par action : le surcoût pour l'État atteindrait 1,5 milliard d'euros, sans aucun avantage. Ces deux euros supplémentaires devraient être reversés à tous les actionnaires et rémunéreraient notamment des fonds d'investissements anglo-saxons.

Pour un meilleur partage de la valeur et un développement de l'actionnariat salarié, EDF peut mobiliser d'autres outils comme l'intéressement et la participation.

M. Victorin Lurel . - Je souscris aux propos du rapporteur sur l'historique et les conditions du vote. MM. Ciotti et Marleix ont voté en conscience ; ce n'est pas une erreur ni une mauvaise manière faite au Gouvernement. Il existe un vrai débat politique, philosophique et idéologique sur l'avenir d'une société d'intérêt général. En 1946, EDF était un Epic, c'est désormais une SA.

C'est pourquoi le Gouvernement veut monter dans le capital, par une étatisation de l'entreprise. Mais il faut une solution plus solennelle, assurant un contrôle permanent du parc. Il fallait donc une nationalisation, dans l'esprit du Conseil national de la résistance. Cela a encore du sens. On peut trouver un compromis raisonnable.

Albéric de Montgolfier s'interroge sur une potentielle sortie du marché européen de l'électricité. Hier, en Seine-Saint-Denis, en visitant un site, nous avons vu comment passer de la théorie à la pratique en actionnant les dernières centrales au fioul. C'est aberrant, mais cela suit les principes de la théorie libérale.

Philippe Brun a effectué un contrôle sur place et sur pièces : le projet Hercule n'est pas totalement abandonné. Même si l'État détient 100 % du capital, il existe un risque de démembrement, en termes managérial et actionnarial, qu'il faut contrer. Si nous sommes plus colbertistes, jacobins ou même gaulliens, il faut que l'entreprise reste dans le giron de l'État. Donnons à EDF une certaine agilité. Les dotations d'actions sont possibles.

Gérard Longuet a déposé des amendements qui ne sont pas très courtois à l'égard de nos collègues députés, en proposant de réécrire totalement la proposition de loi, apportant une nouvelle vision. Nous défendons néanmoins une position orthogonale sur l'article 1 er . Nous avons déposé des amendements sur l'article 2. Nous pouvons trouver un compromis pour EDF SA intégrée d'intérêt national, à défaut d'être en accord sur le groupe public unifié. EDF reste une société de service public dans le giron de l'État et d'intérêt national. Vous ne devriez pas refuser cela.

Pour éviter tout démembrement, nous citons quelques activités du groupe, notamment la production de transport, tout en respectant l'indépendance opérationnelle de RTE.

Nous retirons l'amendement COM-10 , car il est déjà satisfait par l'article L 337-9 du code de l'énergie.

M. Sébastien Meurant . - Merci d'aborder ce sujet essentiel, un des rares atouts français restant dans la compétition européenne et internationale. Mais le prix Spot de l'énergie est un système scandaleux pour notre intérêt, qu'il soit économique, national ou écologique. L'électricité allemande produite à partir de charbon est moins chère que l'électricité française décarbonée. Comment a-t-on pu en arriver là ?

L'Europe détient la centrale à charbon la plus polluante au monde ! Nous donnons de l'argent à des pays pour polluer avec ces centrales à charbon, et en France, nous avons même réactivé des centrales à charbon : quel échec ! Cela ne doit plus se reproduire.

Il y a toujours une peur du démantèlement de cette belle et grande entreprise française qu'est EDF. Or l'énergie est un bien commun, tenons-en compte.

M. Emmanuel Capus . - Les amendements du rapporteur nous rassurent un peu sur le texte final.

Il me semble que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale n'a pas la même conception de la recevabilité financière des amendements que celui du Sénat : l'article 3 bis crée des dépenses extrêmement importantes... N'est-ce pas en opposition avec la position actuelle de notre commission des finances ?

Dans la proposition de loi, et particulièrement à l'article 2, se pose un problème de compatibilité avec la directive européenne de 2003 : quels sont les risques encourus avec ce texte ?

M. Claude Raynal , président . - J'ai la même lecture que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Comme quoi les présidents ont parfois raison... Il n'y a pas de lien juridique direct entre l'extension des TRVE et l'application du bouclier tarifaire, les analyses juridiques sont concordantes sur ce point. Et quand bien même une interprétation très extensive des dispositions de l'article 181 de la loi de finances pour 2023 pourrait autoriser une application du bouclier à ces nouveaux tarifs, la loi de finances précise bien que le Gouvernement conserverait un pouvoir discrétionnaire puisqu'il devrait décider volontairement de prendre un arrêté pour étendre le bouclier tarifaire à ces nouveaux tarifs. Et sans bouclier tarifaire, une extension de TRVE n'implique aucune dépense publique.

M. Daniel Breuiller . - Je remercie Gérard Longuet, qui est un excellent pédagogue. Vous évoquez une certaine espérance nucléaire, qui relève plutôt de la croyance, de la foi du charbonnier...

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Ah non, le charbon émet du CO 2 !

M. Daniel Breuiller . - Le nucléaire a certes l'avantage d'être décarboné, mais a plusieurs autres inconvénients... La proposition de loi que vous nous proposez, après l'adoption de vos amendements, n'a que peu à voir avec la proposition de loi transmise. Cela me gêne d'enfoncer un coin entre les majorités Les Républicains du Sénat et de l'Assemblée nationale.

M. Vincent Éblé . - Ne vous gênez pas !

M. Daniel Breuiller . - Pour une fois que l'Assemblée nationale vote massivement un texte...

Le travail de Philippe Brun d'aller voir où en est le projet Hercule m'a beaucoup intéressé. J'ai siégé dans le Syndicat intercommunal de la périphérie de Paris pour les énergies et les réseaux de communication (Sippérec) d'Île-de-France. Le projet Hercule suscite des inquiétudes immenses : il vise à nationaliser les pertes financières et à privatiser les éléments les plus vendables.

Si je puis admettre qu'on puisse être favorable au nucléaire - ce n'est pas mon cas -, on devrait alors avoir deux préoccupations, au premier rang desquelles la sûreté. Je ne comprends pas la décision du Gouvernement quant à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). Ensuite, il faut avoir le souci de la maîtrise publique : le nucléaire ne peut se prêter aux fluctuations du marché et à beaucoup de sous-traitance. Essayer de ne pas démembrer le groupe EDF ni l'affaiblir est important. La fixation des prix est une aberration absolue.

Le groupe Gest va réétudier la proposition de loi Longuet qui n'est plus la proposition de loi Brun. Le statut public sans affaiblissement reste une nécessité si jamais on veut mettre des oeufs dans le panier nucléaire.

M. Éric Bocquet . - Le rapporteur a évoqué les heures glorieuses de la création du pôle de production d'énergie en 1946. J'ai relu la loi du 8 avril 1946, qui s'appuyait sur cinq objectifs, très actuels : premièrement, redresser l'économie française - or on parle beaucoup de réindustrialiser, après le covid - ; deuxièmement, moderniser les structures existantes - or nous avons besoin d'argent pour rénover les centrales et en construire d'autres - ; troisièmement, rationaliser les efforts ; quatrièmement, devenir indépendants énergétiquement - c'est toujours vrai actuellement - ; cinquièmement, enfin, avoir le contrôle sur les orientations stratégiques du pays.

Ce n'est donc pas un retour vers le passé, mais un sujet pleinement d'actualité ; et l'outil utilisé à l'époque garde sa pertinence.

Dans votre histoire, vous n'avez pas rappelé qu'il s'agissait d'une tragédie en quatre actes, celle du démantèlement progressif d'EDF-GDF. Le premier acte est l'entrée progressive dans le marché européen ; le deuxième, l'ouverture du capital d'EDF ; le troisième, l'ouverture du capital de GDF et la fusion avec Suez ; et quatrième et dernier acte, la loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (Nome), imposant à EDF de vendre près de 40 % de sa production en dessous des coûts de production à des « fournisseurs » alternatifs qui n'ont jamais rempli leurs obligations de production. EDF a toujours assumé ses missions, contribué aux Trente Glorieuses, à la croissance, à la souveraineté énergétique, et n'a pas démérité. On a affaibli l'opérateur, sous prétexte d'être plus efficace, pour que cela coûte moins cher, et que le prix pour le consommateur soit moins élevé. EDF a 17,9 milliards d'euros de déficit, mais c'est notamment dû à des causes historiques sur lesquelles il faut revenir.

Mme Christine Lavarde . - Toutes les modifications proposées par M. Longuet me conviennent.

Le critère des 36 kVA aurait dû relever du domaine réglementaire plutôt que du législatif, et cela nous donne une leçon : si le Gouvernement n'avait pas voulu trop légiférer, nous aurions pu régler le problème des boulangers bien plus rapidement, sans loi.

Je m'interroge sur le fait de conserver 2 % du capital pour l'actionnariat salarié. L'État veut racheter 100 % du capital, et revendrait 2 % aux salariés ? Comment est-ce possible ? Je m'interroge sur l'intérêt des salariés. L'État monte au capital pour qu'EDF réalise des investissements pour prolonger la durée du parc et construise de nouvelles centrales. Un actionnariat salarié percevrait-il des dividendes supplémentaires par rapport à d'autres mécanismes qu'on pourrait mettre en place ?

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Mme Lavarde a raison, mais EDF s'est faite avec ses salariés. Je leur rends hommage, mais je reconnais que rien n'est réglé. Les investissements sont tels que la possibilité que les salariés ne touchent rien est très forte. C'est un amendement d'appel pour que le Gouvernement précise devant le Parlement la façon dont il envisage de traiter les salariés et de les associer aux résultats de l'entreprise.

Je partage totalement les conclusions d'Éric Bocquet sur la loi Nome, l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), le marché européen. Nous avons ouvert nos frontières. Si nous étions ambitieux, nous pourrions être un vaste fournisseur européen ; ce serait une belle ambition pour EDF. Mais actuellement, c'est impossible. Et EDF est une entreprise unitaire là où d'autres entreprises sont éclatées.

Je ne refais pas l'histoire de 1946, mais j'aurai plaisir à évoquer le travail de Marcel Paul notamment.

Monsieur Breuiller, je suis heureux que vous estimiez que la décarbonation passe par le nucléaire.

M. Daniel Breuiller . - Ce n'est pas ce que j'ai dit !

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Monsieur Capus, concernant les règles de recevabilité financière, je m'en remets à la jurisprudence et au président de la commission des finances.

L'analyse de Sébastien Meurant sur le marché européen et les excès du prix Spot est légitime. Mais les prix délirants ne durent parfois que quelques minutes par jour, ce n'est heureusement pas le prix moyen, qui est lissé. D'où les difficultés du Gouvernement à aider les entreprises concernées par des prix excessifs. Par définition, le prix marginal, même délirant, est marginal... Une réflexion sur la réorganisation du marché européen de l'électricité est indispensable. Si un malheureux concours de circonstances ne nous permet pas d'obtenir des financements lourds pour des systèmes de production à dépenses d'investissement (Capex - Capital Expenditures ) élevées, mais à dépenses d'exploitation (Opex - Operational Expenditures ) faibles, mieux vaut arrêter immédiatement, quitter l'Europe ou arrêter de produire de l'énergie... Nous nous ferions avoir à chaque coup.

Monsieur Lurel, l'intérêt général ne me gêne pas, bien au contraire : c'est un hommage rendu à une entreprise ayant fait son travail. Merci d'évoquer les mânes du général de Gaulle. Cela fait plaisir aux gaullistes - ce n'est pas mon cas, malgré tout mon respect pour le général. Si EDF doit être qualifiée de société d'intérêt général, je n'y vois que des avantages.

Monsieur Rambaud, l'actionnariat salarié est un vrai sujet. Il y a des solutions plus adéquates que l'achat d'actions dans une entreprise en redressement qui oeuvre dans un environnement économique incertain. Nous attendons les propositions du Gouvernement pour éventuellement faire évoluer le dispositif.

Monsieur de Montgolfier, les lois trop bavardes paralysent l'action du Gouvernement. Si une loi ne prévoyait pas ce seuil de 36 kVA que personne n'avait demandé, nous n'aurions pas eu ces problèmes. Mais ils sont relativement faibles par rapport aux difficultés posées par la fixation des prix à partir du coût marginal.

Monsieur Laménie, vos questions nécessiteraient des heures de réponse sur l'endettement, les investissements, la mise en oeuvre de l'Arenh, qui a coûté entre 20 et 25 milliards d'euros à EDF en 2022. C'est décourageant pour les salariés qui ont l'impression de travailler pour rien, juste pour les bonimenteurs qui vendent des mégawatts non verts.

C'est pour cette raison que la loi arrive un peu tôt : un marché européen réfléchi, mûr, distinguerait la fourniture de long terme des problèmes de court terme : l'électricité ne se stocke pas, et certains sont donc prêts à payer très cher leur électricité. Mais la majorité des consommateurs ont des consommations prévisibles, en ruban. Actuellement, on est obligé de suivre le tarif le plus cher, sauf pour le nucléaire, qui coûte. Tant que le marché ne sera pas réorganisé, EDF n'aura pas d'avenir clair. Faisons tout ce que nous pouvons faire, mais nous ne pouvons pas tout faire avec cette proposition de loi.

M. Claude Raynal , président . - J'indique que le périmètre proposé par le rapporteur pour l'application de l'article 45 de la Constitution comprend les dispositions relatives aux missions du groupe EDF et à sa structure capitalistique ; au processus de nationalisation de l'entreprise EDF ; à l'éligibilité des consommateurs finals non domestiques aux tarifs réglementés de vente d'électricité ; et au marché de l'électricité à Mayotte.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Gérard Longuet , rapporteur . - L'amendement de suppression COM-4 vise à ne pas agiter le chiffon rouge de la nationalisation, qui n'apporterait rien puisqu'une OPA est en cours.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article 1 er est supprimé.

Article 2

M. Gérard Longuet , rapporteur . - L'amendement COM-5 prévoit que la participation de l'État atteigne 100 % du capital, tout en la minorant de 2 % pour maintenir la place des salariés dans le capital. Nous sommes prêts à entendre toute proposition plus réaliste du Gouvernement, mais nous mettons un pied dans la porte pour qu'il ne soit pas dit que le Sénat ne se préoccupe pas de soutenir les salariés.

Concernant le sous-amendement COM-9 , je suis favorable à ce qu'EDF soit qualifiée de société « d'intérêt général », mais seul un groupe, et non la société anonyme peut être intégré. De plus, EDF détient des milliers de participations. Adopter ce terme d'« intégré » risquerait de tout paralyser....

M. Claude Raynal , président . - L'amendement pourrait être modifié pour ne mentionner que les termes « d'intérêt général » ?

M. Victorin Lurel . - J'approuve cette rectification même si nous souhaitions mettre en oeuvre un mécanisme de consolidation des filiales et inscrire l'idée d'un groupe public unique.

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Avis favorable dans ce cas au sous-amendement COM-9 ainsi rectifié.

Le code de l'énergie reprend toutes les directives européennes et évite de rentrer en conflit avec l'Union. Plutôt qu'une énumération, risquée, faisons confiance au code de l'énergie pour ne pas froisser nos partenaires européens. La distribution, normalement, doit être séparée d'EDF. Elle ne l'est pas totalement, mais EDF respecte les règles. Avis défavorable au sous-amendement COM-11 .

M. Victorin Lurel . - Il n'y a pas de risque de contradiction avec le droit européen. EDF respecte le code de l'énergie. Le terme « notamment » ne bloque pas. Nous mentionnons le transport, car c'est une réalité.

M. Claude Raynal , président . - Nous en débattrons lors de la séance publique.

Le sous-amendement COM-11 n'est pas adopté.

Le sous-amendement COM-9 rectifié est adopté. L'amendement COM-5 , ainsi sous-amendé, est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 rectifié bis et COM-2 rectifié bis deviennent sans objet.

L'article 2 est ainsi rédigé.

Article 3

M. Gérard Longuet , rapporteur . - L'article 3 prévoyait une commission en cas de renationalisation ; mais, puisque nous nous en tenons à une offre publique d'achat (OPA) simplifiée, nous n'avons pas besoin de cette instance. Je vous propose donc de supprimer cet article.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 3 bis (nouveau)

M. Gérard Longuet , rapporteur . - L'amendement COM-7 tend à supprimer la mention des « sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ».

M. Pascal Savoldelli . - Quel sera l'impact de cette mesure sur les collectivités territoriales ?

M. Gérard Longuet , rapporteur . - Les collectivités territoriales qui emploient moins de dix ETP disposant d'installations électriques dépassant les 36 kilovoltampères en bénéficieront.

M. Pascal Savoldelli . - Pourrait-on connaître, d'ici à l'examen en séance publique, le nombre de collectivités concernées ?

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - C'est impossible...

M. Pascal Savoldelli . - Il est a priori très faible.

Le sous-amendement COM-10 est retiré. L'amendement COM-7 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.

L'article 3 bis est ainsi rédigé.

Article 3 ter (nouveau)

L'amendement de coordination COM-12 est adopté.

L'article 3 ter est ainsi rédigé.

Article 4

M. Gérard Longuet , rapporteur . - L'amendement COM-8 vise à supprimer un gage devenu superflu.

L'amendement COM-8 est adopté.

L'article 4 est supprimé.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article 1 er

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

4

Adopté

Article 2

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

5

Adopté

M. LUREL

9 rect.

Adopté

M. LUREL

11

Rejeté

M. LUREL

1 rect.

Satisfait ou sans objet

M. LUREL

2 rect. bis

Satisfait ou sans objet

Article 3

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

6

Adopté

Article 3 bis (nouveau)

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

7

Adopté

M. LUREL

10

Retiré

M. LUREL

3

Satisfait ou sans objet

Article 3 ter (nouveau)

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

12

Adopté

Article 4

Auteur

Sort de l'amendement

M. LONGUET, rapporteur

8

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 31 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 32 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 33 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 34 ( * ) .

En application de l'article 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des finances a arrêté , lors de sa réunion du 29 mars 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 341 (2022-2023) visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.

Ce périmètre comprend les dispositions relatives :

- aux missions du groupe « Électricité de France » et à sa structure capitalistique ;

- au processus de nationalisation de l'entreprise « Électricité de France » ;

- à l'éligibilité des consommateurs finals non domestiques aux tarifs réglementés de vente d'électricité ;

- au marché de l'électricité à Mayotte.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC)

- M. Laurent MICHEL, directeur général de l'énergie et du climat.

Agence des participations de l'État (APE)

- M Alexis ZAJDENWEBER, commissaire des participations de l'État ;

- M. Arthur FAUST, directeur de participations adjoint Énergie ;

- M. Jérémie GUÉ, responsable juridique ;

- M. Antonin VALLS, chef de cabinet adjoint.

Commission de Régulation de l'Énergie (CRE)

- Mme Emmanuelle WARGON, présidente ;

- M. Aodren MUNOZ, chargé des relations institutionnelles.

EDF

- M. Luc RÉMONT, président-directeur général ;

- M. Paul-Marie DUBEE, directeur en charge de la coordination exécutive et des relations gouvernementales ;

- M. Bertrand LE THIEC, directeur des affaires publiques ;

- M. Henri PROGLIO, ancien président-directeur général ;

- Mme Anissa CHOUIHANI, chargée de mission.

Enedis

- Mme Marianne LAIGNEAU, présidente du Directoire ;

- M. Jean-François VAQUIERI, secrétaire général, membre du comité exécutif ;

- M. Pierre GUELMAN, directeur des affaires publiques.

Réseau de Transport d'électricité (RTE)

- M. Xavier PIECHACZYK, Président du Directoire ;

- Mme Jennifer LORMIER, conseillère du Président ;

- M. Philippe PILLEVESSE, directeur de département (Direction des relations institutionnelles).

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)

- M. François ASSELIN, président ;

- M. Lionel VIGNAUD, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales ;

- Mme Jennifer BASTARD, juriste à la direction des affaires économiques, juridiques et fiscales ;

- M. Adrien DUFOUR, chargé de mission Affaires publiques et organisation.

Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE)

- Mme Naima IDIR, présidente.

AFIEG

- M. Gery LECERF ;

- M. Jerôme WOLFF.

Association des ingénieurs du corps des mines pour l'énergie nucléaire

- M. Christian STOFFAES.

Table ronde

Associations de petits porteurs

- Mme Martine FAURE ;

- Mme Colette NEUVILLE ;

- M. Hervé CHEFDEVILLE ;

- M. Florent SEGALEN ;

- M. Benoît GAILHAC.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-341.html


* 1 Lettre du 16 octobre 2002 de M. Mario Monti, commissaire européen, à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, citée par M. Jean-Claude LENOIR, député, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz aux entreprises électriques et gazières, 8 juin 2004.

* 2 Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA), soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

* 3 Note d'information de l'État français sur l'offre publique d'achat sur les actions et Oceane de l'entreprise EDF.

* 4 Loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz.

* 5 Comme l'été dernier en Californie.

* 6 Chaque État fédéré étant libre de mettre en oeuvre le réseau électrique de son choix.

* 7 Regroupant 27 groupes industriels électro intensifs.

* 8 À ce jour, seule la première phase du projet, portant sur 148 TWh, a été lancée.

* 9 La nationalisation de l'électricité en France en 1946 : le problème de l'indemnisation, Catherine Vuillermot, Annales historiques de l'électricité 2003/1 (N° 1), pages 53 à 69.

* 10 Ibid

* 11 Une étape embryonnaire ayant été franchie par la directive n° 90/377 du 29 juin 1990 qui garantit la transparence des prix au consommateur final industriel de gaz et d'électricité, via la communication de données statistiques sur les prix, par catégories de consommateurs, et de la directive n° 90/547 du 29 octobre 1990 relative au transit d'électricité , qui pose le principe de l'acceptation du transit international d'électricité entre les gestionnaires de grands réseaux électriques à haute tension.

* 12 Lettre du 16 octobre 2002 de M. Mario Monti, commissaire européen, à M. Dominique de Villepin, ministre des affaires étrangères, citée par M. Jean-Claude LENOIR, député, dans son rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire sur le projet de loi relatif au service public de l'électricité et du gaz aux entreprises électriques et gazières, 8 juin 2004.

* 13 Communiqué de presse d'EDF, 17 février 2023.

* 14 Earnings before interest, taxes, depreciation and amortization (EBITDA), soit le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

* 15 Note d'information de l'État français sur l'offre publique d'achat sur les actions et Oceane de l'entreprise EDF.

* 16 Article 43 de la directive 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/Union européenne.

* 17 Directive (UE) 2019/944 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et modifiant la directive 2012/27/UE.

* 18 Règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022sur une intervention d'urgence pour faire face aux prix élevés de l'énergie.

* 19 À ses articles 12 et 13.

* 20 Qui n'excèdent pas 250 salariés et dont le chiffre d'affaires ou le total du bilan n'excèdent pas respectivement 50 millions d'euros et 43 millions d'euros.

* 21 CE, 7 janvier 2015, ANODE.

* 22 Les coûts de commercialisation retenus par la CRE sont ceux d'EDF.

* 23 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 24 Délibération n° 2023-17 de la CRE du 19 janvier 2023 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 25 Délibération n° 2022-08 de la CRE du 18 janvier 2022 portant proposition des tarifs réglementés de vente d'électricité.

* 26 CE, Assemblée, 18 mai 2018, ANODE.

* 27 Le Conseil d'État considère ainsi que « l'entrave à la réalisation d'un marché de l'électricité concurrentiel que constitue la réglementation tarifaire contestée peut être regardée comme poursuivant l'objectif d'intérêt économique général de stabilité des prix ».

* 28 CE, 6 novembre 2019, ANODE.

* 29 Seule 50 % de sa consommation fait l'objet d'un soutien par le mécanisme d'amortisseur.

* 30 Qui emploient moins de 4 999 salariés et dont le chiffre d'affaires n'excède pas 1,5 milliard d'euros ou dont le bilan n'excède pas 2 milliards d'euros.

* 31 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 32 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 33 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 34 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

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