II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE PROPOSITION OPPORTUNE, UNE CLARIFICATION DES RÔLES RESPECTIFS DE L'OFII ET DES AVOCATS
A. LE TRANSFERT DE L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN RÉTENTION À L'OFII ET AUX AVOCATS : UNE ÉVOLUTION SOUHAITABLE, DES MODALITÉS À CLARIFIER
1. Une mesure cohérente avec les finalités de l'assistance juridique, sans effet sur les droits des personnes retenues
La commission a approuvé le choix de confier à l'OFII l'information juridique aux personnes retenues, en lieu et place des associations.
Les médiateurs de l'OFII sont déjà présents dans les CRA où ils assurent une mission, à caractère social, d'accueil, d'information, de soutien psychologique et d'aide à la préparation du départ19(*). Le rapporteur a pu constater, à l'occasion de son déplacement aux CRA de Paris 1 et 2, la grande disponibilité des médiateurs, présents tous les jours, y compris le dimanche et les jours fériés, afin d'assurer leur mission d'information et de soutien des personnes retenues.
Le directeur général de l'OFII a confirmé, lors de son audition, que l'office serait en mesure d'assumer sans difficulté une telle mission, complémentaire des actions qu'il assure dans les CRA. Cette mission - qui se limite à la remise de documents d'information et à un entretien expliquant la situation du demandeur et les voies de recours ainsi que les modalités de recours à un avocat -, ne nécessiterait pas de prévoir des garanties d'indépendance particulières20(*).
La commission a également approuvé l'intervention accrue de l'avocat dans le dispositif d'assistance juridique, qui devrait participer d'une plus grande qualité des recours et d'une meilleure garantie des droits des personnes retenues.
Elle a néanmoins souligné que le renforcement de la présence des avocats dans les CRA nécessitera une revalorisation de l'aide juridictionnelle, dont le montant est particulièrement faible s'agissant de la contestation de la décision de placement en rétention ou de sa prolongation21(*).
2. Une mesure qui ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel
La commission a également relevé que la mesure ne paraissait méconnaître aucun principe de niveau constitutionnel ou conventionnel.
En premier lieu, la mesure proposée ne porte aucunement atteinte à l'effectivité du droit au recours des personnes retenues22(*), pas plus qu'au principe d'égalité devant la justice garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789.
En deuxième lieu, elle ne méconnaît pas davantage les exigences tirées de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui imposent, d'une part, une information dans une langue adaptée et comprise de la personne retenue des motifs de la décision (art. 5§2) et, d'autre part, de rendre effective la capacité à former un recours dans des délais utiles, en garantissant l'accès à un avocat (art. 5§4)23(*).
En dernier lieu, elles sont conformes aux exigences du droit de l'Union européenne, et notamment de la directive « retour » : l'article 13, paragraphe 4, dispose que les États membres doivent veiller à ce qu'une « assistance juridique et une représentation gratuites » soient accordées sur leur demande, conformément à la législation nationale, aux étrangers qui font l'objet d'une décision de retour.
Définies comme comprenant « au moins la préparation des actes de procédure requis et la participation à l'audience devant une juridiction de première instance au nom du demandeur »24(*), ces notions recoupent l'assistance par un avocat prévue par la proposition de loi. À cet égard, l'aide juridique en rétention est principalement, sinon exclusivement, fournie par un avocat dans de nombreux États membres de l'Union européenne, à l'instar de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Espagne ou des Pays-Bas.
3. Les amendements adoptés par la commission : clarifier les rôles des différents acteurs, reporter l'entrée en vigueur du dispositif
Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-4 qui clarifie, à l'article L. 744-9 du CESEDA, les missions respectives de l'OFII et de l'avocat, le premier assurant l'information sur l'accès au droit - soit l'information sur les droits et les voies de recours dont dispose la personne retenue -, le second l'assistant dans l'exercice de ses droits, notamment pour la rédaction des recours et la représentation devant les juridictions.
La commission a également adopté l'amendement COM-5 du rapporteur qui reporte l'entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2026 ou, à Mayotte, au 1er avril 2027, à l'échéance des marchés passés par l'État, et afin de donner le temps nécessaire au pouvoir réglementaire et à l'OFII d'organiser la mise en oeuvre de ce dispositif.
* 19 Article R. 744-19 du CESEDA.
* 20 Comme le rappelle la recommandation n° 2017/2338 de la Commission européenne du 16 novembre 2017, le droit de l'Union européenne permet que l'assistance et la représentation juridiques - qui vont bien au-delà de la simple information sur l'accès au droit - soient dispensées par « les autorités administratives responsables de l'adoption des décisions de retour » ; la Commission souligne qu'« une bonne pratique (...) consiste à séparer les autorités chargées des décisions de celles qui fournissent des informations juridiques et procédurales ».
* 21 En vertu du barème annexé au décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, cette mission est rémunérée à hauteur de 4 unités de valeur (UV), soit 144 euros. S'agissant des recours contre les mesures d'éloignement, la mission est rémunérée à hauteur de 14 UV, soit 504 euros, à l'exception des référés (8 UV soit 288 euros).
* 22 Sur le droit au recours des étrangers, voir la décision Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2.
* 23 Voir notamment la décision de la CEDH du 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, n° 8687/08 ; sur l'application de l'article 5§4 à une rétention de brève durée : CEDH, 12 juillet 2016, A.M. c. France, n° 56324/13.
* 24 Article 20, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.