- L'ESSENTIEL
- I. UN TEXTE VISANT À METTRE FIN À UNE
SITUATION PARADOXALE ET PEU SATISFAISANTE AU REGARD DE LA BONNE ADMINISTRATION
ET DE LA GARANTIE DES DROITS
- A. LE RECOURS AUX ASSOCIATIONS POUR ASSURER
L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN RÉTENTION : UN DISPOSITIF PEU
SATISFAISANT
- B. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : METTRE
FIN À LA DÉLÉGATION AUX ASSOCIATIONS DE L'ASSISTANCE
JURIDIQUE EN CRA, RENFORCER LES GARANTIES AU PROFIT DES ÉTRANGERS EN
ZONE D'ATTENTE
- A. LE RECOURS AUX ASSOCIATIONS POUR ASSURER
L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN RÉTENTION : UN DISPOSITIF PEU
SATISFAISANT
- II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE
PROPOSITION OPPORTUNE, UNE CLARIFICATION DES RÔLES RESPECTIFS DE L'OFII
ET DES AVOCATS
- A. LE TRANSFERT DE L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN
RÉTENTION À L'OFII ET AUX AVOCATS : UNE
ÉVOLUTION SOUHAITABLE, DES MODALITÉS À CLARIFIER
- 1. Une mesure cohérente avec les
finalités de l'assistance juridique, sans effet sur les droits des
personnes retenues
- 2. Une mesure qui ne se heurte à aucun
obstacle constitutionnel ou conventionnel
- 3. Les amendements adoptés par la
commission : clarifier les rôles des différents acteurs,
reporter l'entrée en vigueur du dispositif
- 1. Une mesure cohérente avec les
finalités de l'assistance juridique, sans effet sur les droits des
personnes retenues
- B. LE RENFORCEMENT DES GARANTIES AU PROFIT DES
ÉTRANGERS EN ZONE D'ATTENTE
- A. LE TRANSFERT DE L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN
RÉTENTION À L'OFII ET AUX AVOCATS : UNE
ÉVOLUTION SOUHAITABLE, DES MODALITÉS À CLARIFIER
- I. UN TEXTE VISANT À METTRE FIN À UNE
SITUATION PARADOXALE ET PEU SATISFAISANTE AU REGARD DE LA BONNE ADMINISTRATION
ET DE LA GARANTIE DES DROITS
- EXAMEN DES ARTICLES
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 593
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi tendant
à confier à l'Office
français de l'immigration et de
l'intégration
certaines tâches
d'accueil et d'information
des personnes retenues,
Par M. David MARGUERITTE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de :
Mme Muriel Jourda, présidente ;
M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La
Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain,
Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman,
MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset,
vice-présidents ; M. André Reichardt,
Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier
Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine
Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie
Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer,
MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco,
Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende,
MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier,
Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte,
Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul
Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia,
M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva
Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis
Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel,
Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
472 et 594 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi n° 472 (2024 - 2025) tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Marie-Carole Ciuntu et plusieurs de ses collègues, vise à permettre de mettre fin à la délégation à des associations de l'assistance juridique aux étrangers placés ou maintenus en rétention administrative.
Il est proposé que cette mission soit confiée, d'une part, à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en ce qui concerne l'information sur l'accès au droit et, d'autre part, aux avocats en ce qui concerne l'exercice des voies de recours.
La proposition de loi introduit également des garanties supplémentaires pour les étrangers placés ou maintenus en zone d'attente, en prévoyant une information sur leurs droits et la faculté d'obtenir une assistance juridique.
Approuvant l'objectif poursuivi par le texte, et sur proposition de son rapporteur David Margueritte, la commission l'a adopté avec des amendements :
- clarifiant les rôles respectifs de l'OFII et de l'avocat dans l'information et l'assistance juridiques ;
- reportant l'entrée en vigueur de ses dispositions ;
- modifiant son intitulé afin de le mettre en cohérence avec l'objet du texte.
I. UN TEXTE VISANT À METTRE FIN À UNE SITUATION PARADOXALE ET PEU SATISFAISANTE AU REGARD DE LA BONNE ADMINISTRATION ET DE LA GARANTIE DES DROITS
A. LE RECOURS AUX ASSOCIATIONS POUR ASSURER L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN RÉTENTION : UN DISPOSITIF PEU SATISFAISANT
1. Une assistance juridique assurée traditionnellement par des associations rémunérées à cet effet par l'État
a) Un dispositif consacré par le législateur afin de permettre l'exercice effectif des droits
Dès la création, en 1984, des centres de rétention administrative (CRA), il a été prévu une information et une assistance juridiques au profit des personnes retenues, afin de permettre l'exercice effectif de leurs droits.
Consacrée par le législateur à l'occasion de la loi du 26 novembre 20031(*), l'assistance juridique en rétention est désormais prévue par l'article L. 744-9 du CESEDA, aux termes duquel : « L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. » Une assistance juridique est également prévue au profit de l'étranger qui forme une demande d'asile en rétention (art. L. 744-6)2(*).
Jusqu'en 2008, cette mission a été assurée par la CIMADE dans le cadre d'une convention conclue avec l'État3(*). Le décret du 22 août 20084(*) a mis fin à ce monopole, cette mission étant désormais exercée par « une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits », dans le cadre d'un marché public passé par l'État5(*), les prestations étant assurées « par une seule personne morale par centre » (article R. 744-20 du CESEDA).
Plusieurs marchés ont été conclus à cet effet par le ministère de l'intérieur : un marché national, divisé en 21 lots géographiques6(*), et dont quatre associations sont titulaires, trois marchés nationaux distincts7(*) pour les CRA de La Réunion, d'Olivet et de Lyon 2 et un marché local pour le CRA de Mayotte.
Associations assurant l'assistance juridique en CRA
Association |
Centres de rétention administrative |
|
La Cimade |
Lot n° 1 - Bordeaux Lot n° 2 - Saint-Jacques de la Lande Lot n° 3 - Toulouse Lot n° 4 - Hendaye |
Lot n° 14 - Guadeloupe Lot n° 15 - Guyane La Réunion (hors marché national) |
SOS Solidarités - ASSFAM |
Lot n° 5 - Geispolsheim Lot n° 6 - Lille Lesquin 2 |
Lot n° 7 - Metz Lot n° 21 - Paris 1 et Paris 2 |
Forum Réfugiés |
Lot n° 8 - Lyon Saint-Exupéry 1 Lot n° 9 - Marseille Canet Lot n° 10 - Nice Auvare Lot n° 11 - Perpignan |
Lot n° 12 - Sète Lot n° 13 - Nîmes Lyon 2 (hors marché national) |
France Terre d'Asile |
Lot n° 16 - Le Mesnil Amelot 2 et 3 Lot n° 17 - Palaiseau Lot n° 18 - Plaisir |
Lot n° 19 - Coquelles Lot n° 20 - Rouen Oissel Olivet (hors marché national) |
Solidarité Mayotte |
Mayotte (hors marché national) |
Source : commission des lois
L'information et l'assistance juridiques recouvrent, aux termes du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché public, les actions suivantes :
- l'analyse juridique de la situation de la personne retenue ainsi que le conseil et l'orientation vers les démarches adaptées ;
- l'aide à la rédaction des demandes et des recours, auprès des administrations comme devant les juridictions ;
- la mise en relation avec un avocat.
L'assistance juridique dans les locaux de rétention administrative (LRA)
Les locaux de rétention administrative (LRA)8(*) sont destinés à accueillir temporairement, pour une durée qui ne peut en principe excéder quatre jours, les étrangers retenus qui, « en raison de circonstances particulières, notamment de temps ou de lieu »9(*) ne peuvent être placés immédiatement en CRA.
L'assistance juridique dans ces locaux est prévue par les mêmes dispositions législatives ; ses modalités sont précisées par l'article R. 744-21 du CESEDA, qui renvoie à des conventions conclues par les préfets la détermination des conditions dans lesquelles les étrangers qui y sont retenus peuvent bénéficier du concours d'une personne morale, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci.
b) Un dispositif qui constitue une garantie au profit des étrangers en rétention
La mission confiée aux associations s'inscrit parmi les garanties reconnues aux personnes retenues, à l'instar du droit de demander l'assistance d'un interprète, d'un conseil et d'un médecin, la communication avec son consulat et toute personne de son choix, dont la personne retenue doit recevoir notification « dans les meilleurs délais » et dans une langue qu'il comprend, à son arrivée dans le lieu de rétention (article L. 744-4 du CESEDA).
L'accès à un avocat pour l'exercice des recours juridictionnels est également garanti, tant devant le juge judiciaire pour la contestation du maintien en rétention (art. L. 743-24 du CESEDA) que devant le juge administratif (art. L. 911-1 du même code), et l'étranger peut demander à cet effet le bénéfice de l'aide juridictionnelle10(*). L'article L. 744-5 prévoit en outre que chaque lieu de rétention dispose d'un local permettant de s'entretenir confidentiellement avec un avocat.
Conformément à l'article 16, paragraphe 4 de la directive n° 2008/115/CE11(*), dite « retour », l'accès aux lieux de rétention est ouvert aux représentants des associations humanitaires et du délégué du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)12(*), afin de garantir les conditions d'exercice des droits.
c) Un coût en nette progression, dans un contexte de réduction du nombre de personnes retenues
Comme l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport sur le financement des associations intervenant au titre de la politique d'immigration et d'intégration13(*), le coût de l'assistance juridique aux étrangers en rétention « progresse plus fortement que le nombre d'étrangers » retenus : en effet, ces dépenses augmentent de près de 30 % sur la période 2019-2023 alors que le nombre d'étrangers en CRA s'est réduit de plus de 20 %.
Évolution des dépenses liées
à l'assistance juridique en rétention
(en millions
d'euros)
Source : commission des lois du Sénat d'après données DGEF
Ce mouvement paraît se poursuivre : les montants versés aux associations ont encore progressé en 2024, pour atteindre 7,4 millions d'euros (M€), alors même que le nombre d'étrangers retenus a encore diminué, et devraient durablement augmenter sur la durée d'exécution du marché national (2025-2028).
2. Une mission d'aide à l'exercice des droits dont les conditions d'exercice contribuent à la massification des recours
a) Un recul de l'intervention des avocats en CRA
Alors même que l'accès à un avocat constitue une composante essentielle du droit à un recours effectif, le rapporteur observe que la mission confiée aux associations s'est accompagnée d'une réduction de l'intervention des avocats en rétention.
À l'exception des cas où la personne retenue ferait appel à un avocat de son choix, les avocats n'interviennent pas dans la rédaction des recours, qui est assurée par les associations, et découvrent le plus souvent les dossiers qu'à l'audience, ce qui rend difficile, voire impossible, une défense efficace.
Alors même qu'un rapport d'information de la commission des lois du Sénat relevait, en 2014, « l'existence fréquente (mais pas systématique) de permanences d'avocats spécialisées dans les barreaux des ressorts des centres de rétention » dans les CRA14(*), et appelait à un renforcement de la présence des avocats, la situation semble s'être dégradée, les permanences d'avocats en CRA étant désormais très rares.
Le rapporteur observe également que l'aide juridictionnelle (AJ) a en principe vocation à couvrir l'ensemble des diligences liées au recours, dont font partie l'analyse juridique de la situation du demandeur ou la rédaction et le dépôt des mémoires, et non la seule représentation à l'audience. Il souligne que le fait qu'une grande partie de ces diligences sont assurées par les associations conduit l'État à payer deux fois pour l'exercice d'une même mission.
L'aide juridictionnelle : un coût en forte augmentation
S'agissant des seuls recours devant le juge judiciaire tendant à la contestation de la décision de placement en rétention ou de prolongation de la rétention, la rémunération versée au titre de l'aide juridictionnelle (AJ) s'est élevée à 6,47 millions d'euros (M€) en 2024, au titre de 38 851 missions, contre 6,14 M€ l'année précédente et 4,79 M€ en 2022 (pour moins de 30 000 missions), soit une hausse de 35 % en deux ans15(*).
S'agissant des procédures devant la juridiction administrative, il n'a pas été possible d'isoler les recours contre les mesures d'éloignement formés en rétention et le coût associé ; au regard notamment de la rémunération plus élevée versée au titre de l'AJ dans ces procédures, le rapporteur estime que le coût global de l'AJ versée au titre des procédures liées à la rétention, devant les deux ordres de juridiction, est supérieur à 10 M€.
b) Une assistance qui se traduit par une systématisation des recours peu satisfaisante
S'agissant de l'appréciation de la mission assurée par les associations, la Cour des comptes s'est contentée de relever qu'« il n'est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d'assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux, au vu du volume soutenu de ceux-ci »16(*).
La qualité de l'assistance juridique ne saurait toutefois être appréciée à la seule aune du volume de recours, il est vrai en forte augmentation17(*). De plus, il apparaît que cette action se traduit souvent par une systématisation des recours contre les mesures d'éloignement et les prolongations de la rétention, sans examen individualisé de la situation de la personne concernée ni argumentation juridique. Les recours se réduisent ainsi à des formulaires pré-remplis dont l'intégralité des cases - correspondant aux moyens soulevés - sont cochées, même lorsque ces moyens sont manifestement inadaptés ou manquent à l'évidence en fait.
Ces constats conduisent légitimement à s'interroger, comme le faisait Marie-Carole Ciuntu, rapporteure spéciale de la commission des finances et auteure du texte, « sur le fait de savoir si au-delà de leur mission d'aider les personnes retenues à la présentation de recours contentieux, [les associations] ne participent pas à un mouvement de massification des recours, de nature à entraver quelque peu la politique mise en oeuvre »18(*).
c) Un dispositif source de difficultés liées à la posture militante des associations
Ainsi que le rappelle le CCTP des marchés passés par l'État, les associations chargées de la mission d'information et d'assistance juridiques sont astreintes, en vertu de l'article 1er de la loi du 24 août 2021, au respect du principe de neutralité du service public. Ce principe ne s'impose que dans l'exercice de cette mission de service public, et ne remet pas en cause la liberté d'expression dont disposent ces associations, qui peuvent librement participer au débat public en matière d'immigration, y compris de manière critique.
Si des manquements à cette obligation de neutralité ont pu être ponctuellement relevés - à l'instar d'affiches militantes exposées au CRA du Mesnil-Amelot par des personnels de la CIMADE, retirées à la demande l'administration -, il apparaît plus largement que la posture militante de ces associations tend à rejaillir sur les conditions d'exercice de leur mission, la détournant parfois de son objet premier.
Au-delà de la massification des recours décrite supra, qui semble davantage au service de la contestation de la politique d'éloignement que des intérêts des personnes concernées, il a été porté à la connaissance du rapporteur plusieurs incidents révélateurs de cette perméabilité entre l'action militante des associations et leur activité dans les CRA :
- des personnels de la CIMADE intervenant aux CRA du Mesnil-Amelot ont formé des recours pour le compte d'étrangers retenus sans que ceux-ci en aient connaissance, soit en leur faisant signer des documents vierges remplis ultérieurement, soit en signant eux-mêmes les recours, faits qui ont donné lieu à une enquête préliminaire de l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants en novembre 2024. Cette pratique ne paraît pas isolée : il a été indiqué au rapporteur qu'il advenait fréquemment, y compris dans d'autres CRA, qu'au moment de l'escorte pour les conduire à l'audience, les retenus semblent découvrir qu'ils avaient introduit un recours ;
- l'association Solidarité Mayotte a fait l'objet d'une mise en demeure par le préfet, en mars 2025, qui relevait des agissements contestables, à l'instar de l'introduction de recours en lieu et place des retenus, ou « deux situations circonstanciées pour lesquelles les retenus ont été informés par [les] employés [de l'association] qu'ils devaient refuser de quitter le centre, en prétendant qu'une décision de mise en attente de la préfecture était rendue », aux fins de faire échec à l'éloignement.
B. L'OBJET DE LA PROPOSITION DE LOI : METTRE FIN À LA DÉLÉGATION AUX ASSOCIATIONS DE L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN CRA, RENFORCER LES GARANTIES AU PROFIT DES ÉTRANGERS EN ZONE D'ATTENTE
1. Confier l'information et l'assistance juridiques en rétention à l'OFII et aux avocats, en lieu et place des associations
En premier lieu, la proposition de loi vise à permettre à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) d'assurer l'information sur l'accès au droit au profit des étrangers en zone d'attente ou en rétention. À cet effet, le 1° de l'article unique modifie l'article L. 121-1 du CESEDA, pour y compléter les missions statutaires de l'OFII, qui est soumis au principe de spécialité.
Les autres composantes de l'assistance juridique seraient assurées par l'avocat choisi par la personne retenue ou commis d'office. Le 3° de l'article unique rappelle par conséquent à l'article L. 744-4 du CESEDA, relatif aux informations communiquées à l'étranger lors de son placement en rétention, que l'étranger peut demander la désignation d'un avocat d'office et le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
L'exposé des motifs indique qu'il « reviendra au pouvoir réglementaire de tirer les conséquences de cette évolution » en modifiant les dispositions de l'article R. 744-20 du CESEDA, pour mettre fin à l'externalisation de cette mission aux associations.
2. Renforcer les garanties juridiques au profit des étrangers en zone d'attente
En second lieu, le 2° de l'article unique de la proposition de loi étend aux étrangers placés ou maintenus en zone d'attente certaines garanties prévues par le CESEDA pour la rétention administrative :
- il est mis à disposition de ceux-ci un document « rédigé dans les langues les plus couramment utilisées » et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure de refus d'entrée et de placement ou de maintien en zone d'attente, ainsi que leurs conditions d'exercice ;
- il est rappelé à l'article L. 343-1 que l'étranger en zone d'attente peut demander la désignation d'un avocat d'office et le bénéfice de l'aide juridictionnelle ;
- sur le modèle de l'article L. 744-9, il est prévu que l'étranger maintenu en zone d'attente « bénéficie d'actions d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits », selon des modalités définies par décret en Conseil d'État.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE PROPOSITION OPPORTUNE, UNE CLARIFICATION DES RÔLES RESPECTIFS DE L'OFII ET DES AVOCATS
A. LE TRANSFERT DE L'ASSISTANCE JURIDIQUE EN RÉTENTION À L'OFII ET AUX AVOCATS : UNE ÉVOLUTION SOUHAITABLE, DES MODALITÉS À CLARIFIER
1. Une mesure cohérente avec les finalités de l'assistance juridique, sans effet sur les droits des personnes retenues
La commission a approuvé le choix de confier à l'OFII l'information juridique aux personnes retenues, en lieu et place des associations.
Les médiateurs de l'OFII sont déjà présents dans les CRA où ils assurent une mission, à caractère social, d'accueil, d'information, de soutien psychologique et d'aide à la préparation du départ19(*). Le rapporteur a pu constater, à l'occasion de son déplacement aux CRA de Paris 1 et 2, la grande disponibilité des médiateurs, présents tous les jours, y compris le dimanche et les jours fériés, afin d'assurer leur mission d'information et de soutien des personnes retenues.
Le directeur général de l'OFII a confirmé, lors de son audition, que l'office serait en mesure d'assumer sans difficulté une telle mission, complémentaire des actions qu'il assure dans les CRA. Cette mission - qui se limite à la remise de documents d'information et à un entretien expliquant la situation du demandeur et les voies de recours ainsi que les modalités de recours à un avocat -, ne nécessiterait pas de prévoir des garanties d'indépendance particulières20(*).
La commission a également approuvé l'intervention accrue de l'avocat dans le dispositif d'assistance juridique, qui devrait participer d'une plus grande qualité des recours et d'une meilleure garantie des droits des personnes retenues.
Elle a néanmoins souligné que le renforcement de la présence des avocats dans les CRA nécessitera une revalorisation de l'aide juridictionnelle, dont le montant est particulièrement faible s'agissant de la contestation de la décision de placement en rétention ou de sa prolongation21(*).
2. Une mesure qui ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel
La commission a également relevé que la mesure ne paraissait méconnaître aucun principe de niveau constitutionnel ou conventionnel.
En premier lieu, la mesure proposée ne porte aucunement atteinte à l'effectivité du droit au recours des personnes retenues22(*), pas plus qu'au principe d'égalité devant la justice garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration de 1789.
En deuxième lieu, elle ne méconnaît pas davantage les exigences tirées de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui imposent, d'une part, une information dans une langue adaptée et comprise de la personne retenue des motifs de la décision (art. 5§2) et, d'autre part, de rendre effective la capacité à former un recours dans des délais utiles, en garantissant l'accès à un avocat (art. 5§4)23(*).
En dernier lieu, elles sont conformes aux exigences du droit de l'Union européenne, et notamment de la directive « retour » : l'article 13, paragraphe 4, dispose que les États membres doivent veiller à ce qu'une « assistance juridique et une représentation gratuites » soient accordées sur leur demande, conformément à la législation nationale, aux étrangers qui font l'objet d'une décision de retour.
Définies comme comprenant « au moins la préparation des actes de procédure requis et la participation à l'audience devant une juridiction de première instance au nom du demandeur »24(*), ces notions recoupent l'assistance par un avocat prévue par la proposition de loi. À cet égard, l'aide juridique en rétention est principalement, sinon exclusivement, fournie par un avocat dans de nombreux États membres de l'Union européenne, à l'instar de l'Allemagne, de la Belgique, de l'Espagne ou des Pays-Bas.
3. Les amendements adoptés par la commission : clarifier les rôles des différents acteurs, reporter l'entrée en vigueur du dispositif
Sur la proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-4 qui clarifie, à l'article L. 744-9 du CESEDA, les missions respectives de l'OFII et de l'avocat, le premier assurant l'information sur l'accès au droit - soit l'information sur les droits et les voies de recours dont dispose la personne retenue -, le second l'assistant dans l'exercice de ses droits, notamment pour la rédaction des recours et la représentation devant les juridictions.
La commission a également adopté l'amendement COM-5 du rapporteur qui reporte l'entrée en vigueur du dispositif au 1er janvier 2026 ou, à Mayotte, au 1er avril 2027, à l'échéance des marchés passés par l'État, et afin de donner le temps nécessaire au pouvoir réglementaire et à l'OFII d'organiser la mise en oeuvre de ce dispositif.
B. LE RENFORCEMENT DES GARANTIES AU PROFIT DES ÉTRANGERS EN ZONE D'ATTENTE
La commission a également approuvé les dispositions relatives aux droits des étrangers en zone d'attente.
Outre l'amendement COM-4 du rapporteur, qui harmonise la rédaction proposée avec celle de l'article L. 744-9 du CESEDA, la commission a adopté son amendement COM-6 modifiant l'intitulé de la proposition de loi afin de mentionner ces dispositions.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Extension des missions de l'OFII
à l'information juridique
en rétention administrative et en
zone d'attente
et renforcement des garanties juridiques en zone
d'attente
L'article 1er de la proposition de loi vise, d'une part, à permettre au pouvoir réglementaire de mettre fin à la délégation aux associations de l'assistance juridique en rétention. Il confie par conséquent à l'OFII la mission d'assurer l'information juridique au profit des étrangers en rétention administrative ainsi qu'en zone d'attente.
Il prévoit, d'autre part, des garanties supplémentaires au profit des étrangers en zone d'attente, en particulier la remise d'un document d'information présentant leurs droits et la possibilité d'une assistance juridique.
La commission a adopté cet article en y apportant des modifications visant à clarifier le rôle de l'OFII en rétention et en zone d'attente et à préciser que les autres actions relevant de l'assistance juridique sont assurées par l'avocat choisi par la personne concernée ou commis d'office.
1. L'état du droit
a) L'étranger en rétention se voit garantir l'accès à un avocat et le droit à l'aide juridictionnelle
L'étranger placé ou maintenu en rétention administrative se voit garantir l'accès à un avocat pour l'exercice des recours et, s'il en satisfait les conditions, à l'aide juridictionnelle qui permet de couvrir - en tout ou partie - les honoraires d'avocat et les frais de justice lorsque ses ressources ne lui permettent pas de les prendre en charge.
En ce qui concerne les procédures juridictionnelles relatives à la rétention, l'article L. 743-24 du CESEDA prévoit que l'étranger peut demander qu'un avocat lui soit commis d'office et qu'il peut bénéficier de l'aide juridictionnelle25(*). Il bénéficie des mêmes garanties s'agissant des recours dirigés contre les décisions d'éloignement, la faculté de demander l'aide juridictionnelle étant expressément rappelée à l'article L. 911-1 du même code.
La condition tirée de la régularité du séjour pour le bénéfice de l'aide juridictionnelle - dont le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024, qu'elle était contraire à la Constitution - n'était, avant même cette décision, pas opposable à l'étranger en situation irrégulière au titre des procédures liées aux décisions d'éloignement, à la prolongation du placement en rétention administrative, au maintien en zone d'attente, au refus d'admission au titre de l'asile ainsi qu'aux décisions connexes (avant-dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 10 juillet 199126(*)).
En outre, les procédures liées à l'éloignement et à la rétention des étrangers relèvent, en vertu de l'article 19-1 de la loi du 10 juillet 1991, du dispositif de l'« aide juridictionnelle garantie », dans laquelle l'aide juridictionnelle est accordée sans vérifier a priori l'éligibilité du demandeur.
Cette assistance par un avocat, le cas échéant prise en charge par l'aide juridictionnelle, correspond aux exigences de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite « retour »27(*).
Le paragraphe 5 de son article 16 dispose que « Les ressortissants de pays tiers placés en rétention se voient communiquer systématiquement des informations expliquant le règlement des lieux et énonçant leurs droits et leurs devoirs ».
L'article 13, paragraphe 4, de cette directive dispose que les États membres doivent veiller, en ce qui concerne les recours contre les décisions de retour, à ce qu'une assistance juridique et une représentation soient accordées sur demande, conformément à la législation nationale, aux étrangers qui font l'objet d'une décision de retour.
Ces notions d'assistance juridique et de représentation sont définies par l'article 20, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE28(*) comme comprenant « au moins la préparation des actes de procédure requis et la participation à l'audience devant une juridiction de première instance au nom du demandeur » - éléments qui sont couverts par l'aide juridictionnelle instituée par la loi du 10 juillet 1991.
Il est renvoyé, s'agissant de leurs conditions, à celles désormais prévues à l'article 20 de cette même : « Les États membres peuvent prévoir que les informations juridiques et procédurales gratuites visées à l'article 19 sont fournies par des organisations non gouvernementales, par des professionnels issus des pouvoirs publics ou des professionnels issus des services spécialisés de l'État. / L'assistance juridique et la représentation gratuites visées à l'article 20 sont fournies par les personnes reconnues en tant que telles ou autorisées à cette fin au titre du droit national. »
Les mêmes exigences d'une assistance juridique et d'une représentation gratuites sont prévues au profit du demandeur d'asile placé en rétention administrative par l'article 9 de la directive 2013/33/UE29(*), aux fins de contester la décision de placement en rétention. Le paragraphe 6 de cet article 9 prévoit qu'elles sont « fournies par des personnes dûment qualifiées, reconnues ou habilitées par le droit national, dont les intérêts n'entrent pas en conflit ou ne sont pas susceptibles d'entrer en conflit avec ceux du demandeur ».
b) Une assistance juridique spécifique prévue par le CESEDA au profit des étrangers en rétention administrative
À l'accès à l'avocat et au bénéfice possible de l'aide juridictionnelle s'ajoute une assistance juridique au profit des personnes en rétention administrative, dont le principe et les modalités sont prévus par le CESEDA.
L'article L. 744-9 de ce code prévoit que « L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État. »
Il se déduit de cet article deux formes d'assistance au profit des personnes en rétention :
- une aide à la préparation au départ, à caractère social, qui consiste en des « actions d'accueil, d'information, de soutien moral et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ »30(*), confiée à l'OFII par l'article R. 744-19 du CESEDA ;
- une assistance juridique, sous la forme d'une information juridique et d'une aide à l'exercice des droits, dont l'article R. 744-20 du même code31(*) prévoit qu'elle est déléguée à une ou plusieurs morales, dans le cadre d'une convention passée avec le ministre chargé de l'immigration, une seule personne morale intervenant par centre32(*).
Dans une décision du 3 juin 2009 (n° 321841, au Recueil Lebon), le Conseil d'État a jugé que cette mission, eu égard aux termes mêmes de l'article L. 744-9 du CESEDA, ne pouvait se limiter à des actions d'information auprès des personnes concernées « mais comprend également l'aide à l'exercice de leurs droits ».
Cette aide à l'exercice des droits recouvre les actions mentionnées par le cahier des clauses techniques particulières (CCTP) du marché public passé à cet effet par le ministère de l'intérieur : l'analyse juridique de la situation de la personne retenue ; le conseil et l'orientation vers les démarches adaptées ; l'aide à la rédaction des demandes et des recours administratifs et devant les juridictions ; la mise en relation avec un avocat.
Enfin, une assistance juridique est également prévue en ce qui concerne l'exercice du droit l'asile, l'article L. 744-6 du CESEDA prévoyant qu'« à son arrivée au centre de rétention, l'étranger reçoit notification des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile » et qu'« à cette fin, il peut bénéficier d'une assistance juridique et linguistique ».
c) L'absence de dispositions comparables pour le placement et le maintien en zone d'attente
Comme le relève l'exposé des motifs de la proposition de loi, les dispositions législatives relatives au placement et au maintien en zone d'attente ne prévoient ni une information systématique de l'étranger sur ses droits ni d'actions d'assistance ou de soutien.
Le maintien en zone d'attente
Le maintien en zone d'attente est une mesure administrative qui a pour objet d'assurer l'exécution forcée du refus d'entrée en France opposé à un étranger et le réacheminement de ce dernier. Elle peut être décidée par l'administration « le temps strictement nécessaire à son départ ». L'étranger qui demande à entrer en France au titre de l'asile peut également y être maintenu le temps strictement nécessaire pour vérifier si l'examen de sa demande relève de la compétence d'un autre État membre, si elle n'est pas irrecevable ou si elle n'est pas manifestement infondée.
Une zone d'attente est un espace délimité par l'autorité administrative qui, au sein d'une gare ferroviaire, d'un port ou d'un aéroport ouverts au trafic international, « s 'étend des points d'embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes ». Elle peut être étendue à des lieux d'hébergement à proximité de ces lieux, voire à des zones s'étendant du lieu de découverte d'étrangers jusqu'au point de passage frontalier le plus proche.
L'étranger n'a pas le droit de sortir de la zone d'attente pendant le temps de son placement, sauf pour quitter le territoire français. Il se rend coupable d'un délit spécifique d'évasion s'il se soustrait à cette mesure de surveillance.
Le placement en zone d'attente ne peut excéder quatre jours ; l'étranger peut être maintenu en zone d'attente au-delà de cette durée sur décision du juge judiciaire, jusqu'à une durée maximale de 26 jours.
L'article L. 343-1 du CESEDA se borne à prévoir que l'étranger est « informé, dans les meilleurs délais, qu'il peut demander l'assistance d'un interprète et d'un médecin, communiquer avec un conseil ou toute personne de son choix et quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination située hors de France. Il est également informé des droits qu'il est susceptible d'exercer en matière de demande d'asile. Ces informations lui sont communiquées dans une langue qu'il comprend ».
L'absence d'autres dispositions en ce sens trouve en partie sa cause dans la différence en matière de degré de contrainte entre la zone d'attente et la rétention administrative (Cons. const., n° 92-307 DC du 25 février 1992, cons. 14), puisque l'étranger en zone d'attente peut à tout la quitter vers le pays de son choix.
En pratique, la zone d'attente des personnes en instance (ZAPI) de Roissy fait l'objet, depuis 2004, d'une convention conclue avec une association, l'ANAFÉ, qui assure, à titre gratuit, des prestations d'assistance juridique au profit des étrangers maintenus en zone d'attente.
2. Le dispositif de la proposition de loi
L'article unique de la proposition de loi a pour objet, d'une part, de permettre au pouvoir réglementaire de mettre fin à la délégation aux associations de l'assistance juridique en rétention et, d'autre part, de prévoir des garanties supplémentaires au profit des étrangers en zone d'attente. Il comporte à cet effet les trois mesures suivantes.
a) Étendre les missions de l'OFII pour lui confier l'information sur l'accès au droit des étrangers en zone d'attente et en rétention administrative
Le 1° de l'article unique modifie l'article L. 121-1 du CESEDA, relatif aux missions de l'OFII, pour y ajouter, sous la forme d'un 5° bis, la participation aux actions relatives « à l'information sur l'accès au droit des personnes placées ou maintenues en zone d'attente et en rétention administrative ».
Créé en 2009, l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de l'immigration et de l'intégration (art. R. 121-1 du CESEDA). En vertu du principe de spécialité des établissements publics, l'OFII ne peut exercer que les missions prévues par ses statuts.
En l'état du droit, l'OFII est chargé du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France (art. L. 121-1 du même code). Il a également pour missions de « participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales » relatives à plusieurs politiques, dont le « retour et (...) la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine depuis le territoire national ou depuis les pays de transit » (5° du même article), ce qui fonde son intervention dans les CRA au titre des « actions d'accueil, d'information, de soutien moral et psychologique et d'aide pour préparer les conditions matérielles de leur départ » prévues par l'article R. 744-19 du CESEDA.
Les missions de l'OFII (art. L. 121-1 du CESEDA)
« L'Office français de l'immigration et de l'intégration est un établissement public administratif de l'État chargé, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France. Il coordonne, dans ce cadre, la gestion de l'hébergement dans les lieux d'hébergement mentionnés à l'article L. 552-1.
« Il a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives :
« 1° À l'entrée des étrangers et à leur séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois ;
« 2° À l'accueil des demandeurs d'asile et à la gestion de l'allocation pour demandeur d'asile prévue au chapitre III du titre V du livre V ;
« 3° A l'introduction en France, au titre du regroupement familial, du mariage avec un Français ou en vue d'y effectuer un travail salarié, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ;
« 4° A la visite médicale des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois, qui permet notamment un repérage des troubles psychiques ;
« 5° Au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine depuis le territoire national ou depuis les pays de transit ;
« 6° A l'intégration en France des étrangers, pendant une période de cinq années au plus à compter de la délivrance d'un premier titre de séjour les autorisant à séjourner durablement en France ou, pour la mise en oeuvre des dispositifs d'apprentissage et d'amélioration de la maîtrise de la langue française adaptés à leurs besoins, le cas échéant en partenariat avec d'autres opérateurs, quelle que soit la durée de leur séjour ;
« 7° A la procédure d'instruction des demandes de titre de séjour en qualité d'étranger dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale prévue à l'article L. 425-9. »
b) Préciser les droits dont disposent les étrangers en zone d'attente
Le 2° de l'article unique renforce les garanties juridiques au profit des étrangers placés ou maintenus en zone d'attente.
Son a) modifie l'article L. 343-1 du CESEDA pour y préciser que la personne placée en zone d'attente se voit notifier son droit de demander la désignation d'un avocat commis d'office et le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Le b) introduit deux articles qui reproduisent des dispositions existantes en matière de rétention :
- un article L. 343-3-1 prévoyant, sur le modèle de l'article L. 744-8, la remise d'un document « rédigé dans les langues les plus couramment utilisées, et décrivant les droits de l'étranger au cours de la procédure de refus d'entrée et de placement ou de maintien en zone d'attente, ainsi que leurs conditions d'exercice » ;
- un article L. 343-3-2 prévoyant, sur le modèle de l'article L. 744-9, que l'étranger maintenu en zone d'attente « bénéficie d'actions d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits, selon des modalités définies par décret en Conseil d'État » ; il n'est en revanche pas prévu d'aide à la préparation au retour, compte tenu des conditions dans lesquelles survient le placement en zone d'attente.
c) Favoriser l'assistance par un avocat des personnes retenues
Le 3° modifie le premier alinéa de l'article L. 744-4 du CESEDA, relatif aux informations communiquées à l'étranger lors de son placement en rétention, pour y ajouter que l'étranger est informé qu'il peut demander la désignation d'un avocat commis d'office et le bénéfice de l'aide juridictionnelle.
3. La position de la commission
La commission a approuvé l'objectif poursuivi par la proposition de loi, à savoir de permettre au pouvoir réglementaire de confier exclusivement à l'OFII pour l'information juridique aux personnes retenues et aux avocats les autres actions qui relèvent de l'assistance juridique.
Elle a considéré que le renforcement du rôle des avocats et de leur présence dans les lieux de rétention, déjà recommandé par de précédents rapports d'information du Sénat, devrait mener à une plus grande qualité des recours - moins stéréotypés et possiblement moins systématiques - et va dans le sens d'une meilleure garantie des droits des personnes retenues.
Afin d'assurer une présence effective des avocats dans les lieux de rétention et en zone d'attente, il paraît souhaitable que le barème de l'aide juridictionnelle soit revalorisé et de prévoir un mécanisme de rémunération de l'avocat au titre du conseil juridique lorsque ce dernier ne mène pas à l'introduction d'un recours ; en effet, seul l'accompagnement menant à un recours contentieux est pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle.
La commission a également approuvé le renforcement des garanties aux étrangers placés ou maintenus en zone d'attente.
Outre un amendement rédactionnel (COM-3), elle a adopté un amendement COM-4 du rapporteur proposant une réécriture l'article L. 744-9 du CESEDA, afin de clarifier la nature de l'information dispensée de l'OFII et de consacrer dans la loi son intervention dans les lieux de rétention, avec les avocats. Dans un souci de cohérence, l'amendement ajuste en conséquence la rédaction de l'article L. 343-3-2 du CESEDA que le b) du 2° de l'article prévoit de créer.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
(nouveau)
Entrée en vigueur
L'article 2, adopté par la commission à l'initiative du rapporteur, reporte l'entrée en vigueur de la proposition de loi à la date de prise d'effet des marchés au 1er janvier 2026 et, à Mayotte, au 1er avril 2027.
L'entrée en vigueur des dispositions de l'article 1er au lendemain de la publication de la loi ne laisserait pas un temps suffisant au pouvoir réglementaire pour définir les nouvelles modalités de l'assistance juridique en rétention et en zone d'attente.
L'OFII ne sera pas en mesure d'assurer immédiatement la mission d'information sur l'accès au droit que la proposition de loi prévoit de lui confier : il lui faudra en effet recruter et former les personnels nécessaires - dont le nombre exact n'est pas encore arrêté mais qui serait estimé à une quarantaine d'équivalents temps plein (ETP).
Enfin, en intervenant avant l'échéance des marchés passés par l'État avec les associations prestataires, il contraindrait à une rupture unilatérale des contrats et à l'indemnisation des cocontractants.
Ces raisons ont conduit la commission à adopter l'amendement COM-5 du rapporteur reportant l'entrée en vigueur de la présente loi au 1er janvier 2026 et, à Mayotte, au 1er avril 2027.
La commission a adopté l'article 2 ainsi rédigé.
Intitulé
La commission a adopté un amendement de son rapporteur modifiant l'intitulé de la proposition de loi, afin de tenir compte de l'ensemble de ses dispositions, et notamment celles relatives à la zone d'attente.
L'intitulé de la proposition de loi rappelle qu'elle tend à « confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues ».
Cet intitulé pourrait laisser accroire que les dispositions de la proposition de loi ont uniquement trait à l'extension des missions de l'OFII, alors qu'elle vise à revoir le dispositif de l'assistance juridique aux personnes retenues. Il n'évoque pas non plus les dispositions relatives à la zone d'attente.
Pour ces raisons, la commission a adopté l'amendement COM-6 du rapporteur modifiant l'intitulé de la proposition de loi afin qu'il reflète plus exactement son contenu.
La commission a adopté l'intitulé ainsi modifié.
EXAMEN EN COMMISSION
__________
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues, présentée par Marie-Carole Ciuntu et plusieurs de ses collègues.
M. David Margueritte, rapporteur. - Déposée par notre collègue Marie-Carole Ciuntu, la proposition de loi que nous examinons ce matin révise le cadre législatif de l'intervention des associations dans les centres de rétention administrative (CRA), mais également dans les zones d'attente. Ce texte prévoit de mettre fin à l'externalisation de l'assistance juridique dans les centres de rétention administrative, qui est actuellement confiée à des associations. Cette mission a longtemps été assurée par la seule Cimade, avant que l'État n'ouvre cette activité à la concurrence. Désormais, une association intervient par CRA : Mayotte fait l'objet d'un marché distinct, et la Cimade, l'ASSFAM, Forum réfugiés et France Terre d'Asile interviennent dans les autres CRA situés en France métropolitaine et en outre-mer, dans le cadre d'un marché qui a été renouvelé en 2025.
La mission d'assistance juridique au profit des étrangers retenus est prévue par l'article L. 744-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), aux termes duquel : « L'étranger maintenu en rétention bénéficie d'actions d'accueil, d'information et de soutien, pour permettre l'exercice effectif de ses droits et préparer son départ. » Cet article renvoyant à un décret en Conseil d'État l'organisation de cette assistance, l'article R. 744-20 prévoit de confier à des personnes morales - et donc pas uniquement à des associations - le soin de gérer l'assistance juridique, dans le cadre de conventions passées avec l'État.
Que recouvre cette mission ? Les auditions et les visites de centres de rétention administrative que nous avons menées nous ont permis de mesurer que la frontière est parfois ténue entre l'information, l'assistance juridique et le contentieux. Les associations sont chargées d'informer les personnes détenues sur leurs droits ; d'analyser leur situation ; de les conseiller et de les orienter vers les démarches adaptées ; de les aider à rédiger leurs demandes et recours ; enfin, de les mettre en relation avec un avocat.
À cet effet, les associations assurent une permanence, six jours sur sept, dans des locaux dédiés au sein des CRA, et assurent une permanence téléphonique le reste du temps.
La proposition de loi de Marie-Carole Ciuntu remet en cause ce cadre juridique en s'appuyant sur des arguments dont j'ai eu l'occasion de vérifier la validité tout au long de nos auditions.
Son premier argument, fondé sur les constats effectués par la Cour des comptes, est celui du coût de la politique actuelle.
En effet, dans un rapport publié fin 2024 et réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat sur les associations intervenant dans la politique d'immigration, la Cour des comptes a relevé une très forte augmentation des dépenses liées à l'assistance juridique aux personnes retenues : ces dépenses s'élevaient en 2024 à plus de 7 millions d'euros, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019. En outre, cette augmentation n'est pas corrélée au nombre d'étrangers en rétention, qui tend à diminuer.
La Cour, sans préjuger de la qualité du travail des associations, relève non sans une certaine malice qu'« Il n'est pas douteux que les associations remplissent effectivement leurs missions d'assistance juridique, qui ont notamment pour conséquence le dépôt de recours devant les tribunaux, au vu du volume soutenu de ceux-ci. » Elle pointe la systématisation et la massification des recours observés devant les juridictions, dont les associations sont l'un des facteurs.
Le deuxième argument tient à la perméabilité entre la posture militante des associations et les conditions d'exercice de leur mission. Celles-ci sont pourtant astreintes, dans l'exercice de la mission qui leur est confiée, en vertu de l'article 1er de la loi du 24 août 2021, au respect du principe de neutralité du service public. Cette exigence ne remet évidemment pas en cause la liberté d'expression dont elles disposent en dehors de l'exercice de cette mission : elles peuvent librement exercer leurs activités de plaidoyer et participer au débat public, y compris pour critiquer de manière très virulente les politiques publiques en matière d'immigration et d'éloignement, auxquelles certaines sont structurellement opposées - c'est leur ADN.
Néanmoins, cette posture militante ne doit pas rejaillir sur l'exercice de leur mission. En effet, le bon exercice de l'assistance juridique exige que cette mission soit assurée de manière impartiale, dans le seul intérêt des personnes retenues. Or la systématisation des recours, sans examen individualisé de la situation de la personne, participe de l'inflation du nombre de contentieux des étrangers. Ainsi, le nombre d'affaires relatives à la rétention portées devant le juge judiciaire a augmenté de 30 % entre 2021 et 2023. Le nombre de contentieux des étrangers devant les juridictions administratives connaît le même dynamisme, bien qu'il soit impossible d'isoler les recours formés par des personnes en rétention.
Revenons sur la procédure : à son arrivée en CRA, l'étranger se voit tout d'abord notifier ses droits par les forces de l'ordre, puis il rencontre les agents de l'Ofii. Il convient en effet de rappeler que l'Ofii est déjà présent dans les CRA pour informer les personnes détenues sur les conditions matérielles de la rétention et sur les aides possibles pour le retour.
Il est ensuite dirigé vers l'association titulaire du marché et se voit, bien souvent, remettre un formulaire prérempli dont l'intégralité des cases - qui correspondent aux moyens de légalité soulevés à l'encontre de la mesure - sont cochées, alors que même que certains moyens sont manifestement inopérants ou inadaptés à sa situation réelle.
Les avocats n'interviennent qu'en bout de course et découvrent bien souvent les dossiers à l'audience. Ils n'ont pas rédigé le recours, puisque l'association s'en est chargée, de façon sommaire, voire très sommaire. Les magistrats pointent souvent du doigt le fait que ces recours sont mal rédigés et mal motivés en droit et en fait, et il est rare que les avocats produisent des mémoires complémentaires. Cela pose question sur l'efficacité réelle de la défense et sur l'effectivité du recours.
L'intervention des avocats en centres de rétention administrative est en net recul : les permanences d'avocats, qui avaient encore cours il y a dix ans, ont quasiment disparu, à rebours des recommandations formulées, en 2014, dans un rapport d'information de notre commission consacré aux CRA.
Le système actuel, dans lequel les avocats découvrent à l'audience des recours rédigés à la hâte par les associations, conduit à payer deux fois la politique d'assistance juridique : une première fois par les associations, dont le coût est de plus en plus élevé ; et une seconde fois par le biais de l'aide juridictionnelle (AJ).
Le troisième argument en faveur de cette proposition de loi est que la présence des associations est émaillée d'incidents, qui illustrent la complète perméabilité entre leur activité militante et les missions qui leur sont confiées.
À titre d'exemple, des affichages militants au sein de centres de rétention administrative contrevenant au principe de neutralité ont été pointés du doigt. De même, des recours ont été formés pour le compte d'étrangers retenus sans que ceux-ci en aient connaissance soit en leur faisant signer des documents vierges remplis ultérieurement, soit en signant eux-mêmes les recours. De tels faits, survenus au CRA du Mesnil-Amelot, ont été établis en novembre 2024 à l'occasion d'une enquête préliminaire de l'office de lutte contre le trafic illicite de migrants. Plusieurs faits similaires ont par ailleurs été rapportés.
Pour toutes ces raisons, la proposition de loi prévoit de mettre un terme à l'externalisation des missions d'assistance juridique en confiant ces dernières à d'autres acteurs : l'Ofii et les avocats.
Comme je l'ai évoqué, l'Ofii est déjà présent dans les CRA. Comme j'ai pu le constater au CRA de Paris, ses agents sont même présents sept jours sur sept dans certains établissements et délivrent une première information aux arrivants. Il est donc proposé de lui confier la mission d'information sur l'accès au droit prévue à l'article L. 744-9 du Ceseda.
Ainsi, l'Ofii informerait la personne détenue dans un premier temps, puis les avocats prendraient la main sur les dossiers. Ces derniers rédigeraient les recours et pourraient procéder à un examen réellement individualisé de la situation. Je rappelle que les étrangers en rétention ont droit à un avocat commis d'office pour les assister dans leurs recours, ainsi qu'à l'aide juridictionnelle, et ce avant même la décision n° 2024-1090 QPC du 28 mai 2024 du Conseil constitutionnel.
À cet effet, le 1° de l'article unique de la proposition de loi ajoute une nouvelle mission à l'Ofii consistant à « assurer l'information sur l'accès au droit au profit des étrangers en zone d'attente ou en rétention ».
Le 3° modifie l'article L. 744-4 du Ceseda, qui énonce les informations devant être communiquées à l'étranger dès son placement en rétention, pour y inclure la faculté de recourir à un avocat et de bénéficier de l'aide juridictionnelle.
Je vous propose d'approuver ce nouveau schéma. Le directeur général de l'Ofii m'a confirmé, lors de son audition, que l'office serait en mesure d'assumer sans difficulté une telle mission après avoir procédé aux recrutements nécessaires.
Cela ne pose aucun problème d'indépendance ou d'impartialité, puisque l'Ofii se verrait confier non pas une mission d'assistance juridique, mais une mission d'information. L'assistance juridique serait assurée par les avocats, dont nul ne peut contester le fait qu'ils sont des experts du droit et savent, par définition, faire preuve d'impartialité.
Ce schéma est de nature à simplifier la procédure et à améliorer la qualité et l'effectivité des recours. Il ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel ou conventionnel - je pense en particulier à la directive « Retour ». De nombreux États membres, dont l'Allemagne, l'Espagne ou les Pays-Bas, confient d'ailleurs l'assistance juridique en rétention aux avocats.
Je vous proposerai plusieurs amendements pour assurer la cohérence du texte proposé par Marie-Carole Ciuntu.
Pour clarifier les missions de l'Ofii et leur articulation avec l'intervention de l'avocat, je vous proposerai une nouvelle rédaction de l'article L. 744-9 du Ceseda, qui prévoirait expressément l'intervention de l'Ofii pour l'information juridique. Cette rédaction devrait également sécuriser l'action du pouvoir réglementaire dans la refonte des modalités de l'assistance juridique en rétention.
Par ailleurs, la proposition de loi ne se limite pas aux centres de rétention : elle prévoit d'étendre l'assistance juridique aux personnes maintenues en zone d'attente. Je vous proposerai donc d'aligner la rédaction de l'article L. 343-3-2 du Ceseda sur la nouvelle rédaction que je viens de mentionner.
En plus d'un amendement rédactionnel, je vous soumettrai deux amendements visant à reporter l'application du texte au 1er janvier 2026 en métropole, et au 1er avril 2027 à Mayotte pour laisser le temps à l'Ofii de recruter les agents dont elle aura besoin.
Enfin, pour des raisons de cohérence, je présenterai un amendement visant à modifier l'intitulé de la proposition de loi pour mentionner les dispositions relatives à la zone d'attente.
Compte tenu des défaillances du système actuel et des doutes sur l'impartialité des acteurs, je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi.
M. Olivier Bitz. - Tout d'abord, je félicite le rapporteur de ce premier rapport.
Dans la mission « Immigration, asile et intégration », le soutien aux associations représente environ 1 milliard d'euros de crédits. La proposition de loi portant sur 7 millions d'euros au sein de ce budget, je commencerai par évoquer ce chiffre de 1 milliard d'euros, car il reflète un véritable sujet d'organisation du service public.
Au fil du temps, l'État a décidé de confier de plus en plus de missions au milieu associatif. Cela peut poser des difficultés, dans la mesure où certaines associations ont des objectifs politiques, alors que les missions qui leur sont confiées les appellent à respecter le principe de neutralité.
Le rapport de la Cour des comptes qui a été présenté en commission des finances en février dernier m'avait laissé sur ma faim, car il était davantage descriptif qu'analytique. Or nous avons besoin, en tant que parlementaires, d'une évaluation de la pertinence de l'action des associations par rapport aux moyens financiers qui sont engagés par l'État. En effet, en raison des nombreuses missions qui sont déléguées au secteur associatif, nous manquons de capacité d'analyse sur ce que font les associations du milliard d'euros dont nous les dotons.
Madame la présidente, il a été question que notre commission lance une mission d'information sur les associations qui oeuvrent dans le cadre de la mission « Immigration, asile et intégration ». Si notre charge de travail ne nous permet pas d'engager ce chantier cette année, nous ne devons pas perdre de vue l'intérêt d'interroger de manière globale le recours aux associations dans ce domaine.
En ce qui concerne les 7 millions d'euros dépensés au titre de l'assistance juridique des personnes étrangères, je partage en tout point les conclusions du rapporteur. J'ajoute simplement que nous devrons veiller à ce que l'Ofii dispose des moyens nécessaires pour prendre le relais des associations. En effet, cette proposition de loi a vocation à modifier l'organisation du système et non pas à restreindre l'accès au droit des personnes en rétention.
Je ne sais pas dans quelle mesure le ministère de l'intérieur s'est engagé à abonder le budget de l'Ofii. Didier Leschi, que nous avons entendu à l'occasion du renouvellement de son mandat, nous avait alors affirmé que le fait d'assumer ces nouvelles missions ne présentait, selon lui, aucune difficulté en matière d'objectivité. Du reste, c'est le propre des agents de l'État que de faire preuve d'impartialité dans les informations qu'ils délivrent au public. En revanche, il avait appelé notre attention sur les moyens à mettre à la disposition de l'Ofii. Au-delà des besoins exprimés par celui-ci, nous devrons être attentifs aux engagements financiers qui seront pris dans le cadre du budget 2026.
Cette proposition de loi constitue un premier pas, qui doit nous conduire à procéder à une évaluation des politiques publiques dans le domaine de l'action auprès des migrants.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Monsieur Bitz, je vous confirme que je n'ai pas perdu de vue notre projet de mener des travaux d'information sur le sujet que vous venez d'évoquer.
Mme Corinne Narassiguin. - Vous ne serez pas surpris de savoir que le groupe Socialiste, écologiste et républicain s'oppose à cette proposition de loi.
Tout d'abord, nous considérons qu'il est infondé de remettre en cause le travail des associations au prétexte qu'elles exercent leur liberté d'expression. Cela ne les empêche en rien de remplir correctement les missions qui leur sont confiées par l'État. Aucun rapport ne démontre le contraire. Le texte porte une accusation grave et sans fondement à l'encontre de ces associations ; ce n'est pas acceptable.
Aussi nous semble-t-il injustifié de modifier de manière aussi radicale l'organisation de l'accès au droit des personnes détenues dans les CRA.
Par ailleurs, contrairement au rapporteur, nous maintenons qu'il existe un problème de conflit d'intérêts. L'Ofii est placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Or des recours peuvent être portés contre l'État et les services du ministère de l'intérieur, qui émet les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Le fait de confier à l'Ofii les missions qui sont actuellement assumées par les associations fait courir le risque d'une nouvelle inflation du nombre de recours au motif que l'indépendance de l'information et du conseil ne serait pas assurée.
En outre, il me semble hasardeux d'imputer la massification des recours à la pratique des associations. Ce phénomène résulte avant tout du renforcement de la politique d'éloignement et de la multiplication du nombre d'OQTF prononcées. En 2023, 44 % des personnes placées en centre de rétention administrative ont été libérées par le JLD en raison de l'illégalité des conditions d'interpellation et des procédures d'éloignement. Il convient donc de s'interroger sur la politique d'éloignement en tant que telle plutôt que de faire porter la responsabilité aux associations de manière infondée.
Vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, les avocats sont très peu présents dans les CRA. Pensez-vous vraiment qu'ils seront malgré cela en mesure d'assurer la mission de conseil et de soutien qui est actuellement assumée par les associations avec la même compétence que ces dernières ? De surcroît, le coût de l'aide juridictionnelle sera supérieur au coût de fonctionnement actuel des associations.
Vous avez évoqué les 7 millions d'euros qui sont attribués à ces associations. Je tiens à préciser que les associations ne fixent pas les tarifs de leurs prestations. C'est le ministère qui en décide dans le cadre des marchés publics.
Pour toutes ces raisons, nous sommes contre cette proposition de loi. Nous défendrons donc un amendement de suppression de l'article unique, ainsi qu'un amendement visant au contraire à sanctuariser le rôle des associations et à garantir que la mission d'assistance juridique aux personnes en rétention soit remplie en toute indépendance vis-à-vis du ministère de l'intérieur.
M. Guy Benarroche. - J'approuve totalement l'intervention de Corinne Narassiguin. Le raisonnement des auteurs de la proposition de loi et du rapporteur est biaisé à deux égards.
Nous avons débattu précédemment des contrôles d'identité abusifs, dont personne, y compris le rapporteur, ne nous a dit qu'ils n'existaient pas. Pour autant, personne ne remet en cause l'action de la police dans son ensemble ou n'envisage de la supprimer. Je ne comprends donc pas que l'on puisse, au prétexte de quelques recours abusifs et en se fondant sur des erreurs d'appréciation, notamment sur le rapport de la Cour des comptes, voire sur des contre-vérités, décider qu'il faut supprimer l'intervention des associations dans les CRA.
Par ailleurs, les associations répondent à des marchés publics qui existent depuis des années. Le cahier des charges de ces marchés publics fixe la rémunération des prestations et le périmètre des missions qui sont confiées aux associations. Ces marchés publics sont renouvelés régulièrement par l'État. Ils l'ont été encore récemment, et ce n'est pas un hasard si le rapporteur propose de reporter l'entrée en vigueur du texte au 1er janvier 2026 : ce sera le terme de la première année de la plupart des nouveaux marchés, qui pourront alors ne pas être reconduits.
Pensez-vous que si le ministère constatait des défaillances sur le terrain, il continuerait de renouveler les marchés publics des mêmes associations année après année ?
Sur le fond, comment pouvez-vous imputer aux associations la massification des recours ? Celle-ci est due à la politique d'immigration de notre pays et à la complexification de la justice administrative. Corinne Narassiguin a donné un chiffre éloquent : si le nombre d'abus était si important, 44 % des recours ne se traduiraient pas par la décision de la part du juge de mettre fin à la rétention administrative. Nous sommes le pays d'Europe qui prononce le plus d'OQTF - et de loin !
Quant aux coûts, qui est capable de me dire avec certitude que nous allons les réduire en confiant l'assistance juridique des personnes détenues dans les CRA à l'Ofii et aux avocats ? À l'heure actuelle, l'Ofii n'a pas la capacité d'assurer l'entièreté des tâches confiées aux associations. Son président l'a bien dit, il ne pourra assurer que la mission d'information. Et il le fera d'une manière encore moins objective que les associations. Pour prouver la perméabilité entre les opinions de ces dernières et leurs actions, vous citez un unique exemple.
Le président de l'Ofii est dans son rôle lorsqu'il affirme être en mesure de remplir la mission dont s'acquittent actuellement les associations. Mais si vous posez la question aux syndicats et aux agents, vous verrez qu'ils en sont beaucoup moins sûrs. Je rappelle que le budget de l'Ofii a été réduit cette année. Quelles garanties avons-nous qu'il sera prêt, au 1er janvier, à assumer sa tâche avec du personnel formé ?
Les salariés des associations se forment sur le terrain depuis des années. J'ai visité au moins une quinzaine de CRA, zones d'attente ou postes de police aux frontières depuis que je suis sénateur. Sur le terrain, les associations sont présentes, au contraire des avocats. Avez-vous chiffré ce que représenterait l'augmentation de budget de l'Ofii et celle de l'assistance juridictionnelle, par rapport aux 7 millions d'euros dont sont actuellement dotées les associations ? Nous nous apprêtons à voter une proposition de loi bâtie sur du sable !
Enfin, ce texte contrevient à une décision du Conseil d'État du 3 juin 2009, qui affirme, d'une part, que la mission d'assistance juridique « porte non seulement sur l'information, mais aussi sur l'accueil et le soutien des étrangers pour permettre l'exercice effectif de leurs droits », et, d'autre part, que les personnes morales qui l'assurent « présentent des garanties d'indépendance ». Nous déposerons donc une exception d'irrecevabilité à l'encontre de cette proposition de loi.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. - Je félicite le rapporteur pour son excellente analyse.
Tout d'abord, Olivier Bitz a eu raison de rappeler que la réflexion originelle de Marie-Carole Ciuntu, qui siège à la commission des finances, a porté sur la façon dont a été utilisé le milliard d'euros dont bénéficient les associations. Convient-il d'octroyer une telle somme à des associations dont le militantisme n'est plus à prouver ? L'argent public n'a pas vocation à remettre en cause une politique migratoire, quelle qu'elle soit.
Ensuite, l'objet de cette proposition de loi est que l'Ofii puisse assurer un rôle de conseil et de soutien au sein des CRA, où, rappelons-le, sont détenues les personnes les plus dangereuses. Que ma collègue de Seine-Saint-Denis se rassure : je siège au conseil d'administration de l'Ofii et je vous garantis qu'il n'est pas aux ordres du ministère de l'intérieur. Au reste, se serait-elle même posé la question si le Gouvernement était socialiste ? Je n'en suis pas sûre.
L'Ofii est certes sous la tutelle du ministère de l'intérieur, mais il a toujours travaillé de manière intelligente et efficace pour soutenir les personnes étrangères qui arrivent dans notre pays.
Enfin, je rappelle que tous les étrangers bénéficient de l'aide juridictionnelle. Les chiffres ont d'ailleurs explosé en la matière. En Île-de-France, des cabinets sont spécialisés en matière de droit des étrangers. L'avocat est là pour défendre son client, même s'il prend parfois connaissance du dossier tardivement et doit plaider dans un délai très court. Cette aide juridique est un droit, et nous ne le remettons pas en cause. Toutefois, cette mission étant coûteuse, il me paraît sain qu'elle soit exercée par des professionnels de l'Ofii qui ont été formés et par des avocats plutôt que par des militants, y compris dans l'intérêt des bénéficiaires de cette aide au sein des CRA.
M. David Margueritte, rapporteur. - Monsieur Bitz, l'Ofii estime avoir besoin de quarante à cinquante postes supplémentaires pour assumer cette nouvelle mission. Je rappelle qu'il est déjà présent dans les CRA et les agents que j'ai pu rencontrer exercent leur mission avec diligence et connaissent très bien les procédures.
Madame Narassiguin, monsieur Benarroche, il est quelque peu déroutant de vous entendre arguer du manque d'objectivité de l'Ofii tout en défendant des associations qui militent publiquement contre l'éloignement même des étrangers. C'est bien sûr leur droit et nous ne remettons aucunement en cause leur liberté d'expression. Toutefois, la mission qui leur est confiée implique de rendre un conseil éclairé et impartial. Or ils conseillent systématiquement aux étrangers retenus dans des CRA de déposer des recours, même quand ils savent pertinemment que ceux-ci n'ont aucun moyen d'aboutir !
Par ailleurs, les agents de l'Ofii sont soumis à l'obligation de neutralité du service public. En outre, cette proposition de loi confie à cet établissement une mission d'information, et non d'assistance juridique. Ses agents ne seront pas chargés de conseiller les étrangers sur l'exercice d'un recours, seulement de les informer des recours dont ils disposent et de les diriger vers des avocats.
Je note que vous n'avez pas remis en cause - et heureusement - l'impartialité des avocats dans les procédures. Ces derniers sont actuellement payés au titre de l'aide juridictionnelle, qui a vocation à couvrir l'ensemble des diligences, alors qu'ils ne font qu'assurer la représentation à l'audience, puisque l'association s'est chargée de la rédaction du recours.
Comme je l'ai déjà dit, on peut trouver curieux que les coûts augmentent alors que moins de personnes sont retenues.
De plus, l'effectivité du droit au recours doit se mesurer non pas au regard du nombre de recours introduits mais leur qualité. Lorsqu'une personne se retrouve à l'audience avec un recours rédigé à la hâte, citant des moyens totalement inopérants, avec un avocat qui découvre le dossier, peut-on réellement parler d'un recours effectif ?
Personne ne peut affirmer que le fait de confier, d'une part, l'information à l'Ofii, dont les agents sont tenus à un devoir de neutralité, et, d'autre part, le conseil et le contentieux à un avocat remettrait en cause l'impartialité globale du système.
Enfin, le chiffre de 44 % dont vous vous prévalez est quelque peu trompeur puisqu'il s'agit de la proportion des sortants de CRA libérés par une décision de justice parmi ceux qui ne sont pas expulsés. En réalité, la part des étrangers en CRA libérés par l'effet d'une décision de justice s'élève à 17 %. Cela relativise largement vos arguments sur l'effectivité des recours.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à l'assistance juridique des étrangers en rétention administrative et en zone d'attente ainsi qu'à l'information sur leurs droits.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement de suppression COM-2 remet en cause le sens même de la proposition de loi et s'apparente à un plaidoyer en faveur de l'externalisation d'une politique publique en matière d'assistance juridique. L'avis est défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. David Margueritte, rapporteur. - Les auteurs de l'amendement COM-1 proposent une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de loi, en prévoyant de consacrer l'intervention des associations dans les CRA.
En outre, l'amendement ferait disparaître les apports de la proposition de loi relatifs à la zone d'attente. Avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.
M. David Margueritte, rapporteur. - Je propose, par l'amendement COM-4 rectifié, une nouvelle écriture de l'article L. 744-9 du Ceseda pour clarifier les rôles de chacun - Ofii et avocat.
Il s'agit aussi de sécuriser la refonte des modalités de l'assistance juridique en rétention qui sera menée par le pouvoir réglementaire. Dans un souci de cohérence, je propose d'aligner la rédaction de l'article L.343-3-2 du Ceseda.
L'amendement COM-4 rectifié est adopté.
L'article unique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à reporter l'entrée en vigueur de la loi à l'échéance des marchés passés par l'État avec les associations, soit au 1er janvier 2026 pour la métropole et 1er avril 2027 pour Mayotte.
Ce délai permettra au pouvoir réglementaire de fixer les nouvelles modalités de l'assistance juridique et laissera à l'Ofii le temps nécessaire pour procéder aux recrutements nécessaires.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
Intitulé de la proposition de loi
M. David Margueritte, rapporteur. - L'amendement COM-6 propose une nouvelle rédaction de l'intitulé de la proposition de loi visant à le mettre en cohérence avec les dispositions du texte, notamment celles qui sont relatives à la zone d'attente.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi modifié.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article unique |
|||
Mme NARASSIGUIN |
2 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
Mme NARASSIGUIN |
1 |
Détermination des modalités de l'assistance juridique en rétention |
Rejeté |
M. MARGUERITTE, rapporteur |
3 |
Amendement rédactionnel |
Adopté |
M. MARGUERITTE, rapporteur |
4 rect. |
Réécriture des dispositions relatives à l'assistance juridique en rétention et en zone d'attention |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après l'article unique |
|||
M. MARGUERITTE, rapporteur |
5 |
Report de l'entrée en vigueur |
Adopté |
Intitulé de la proposition de loi |
|||
M. MARGUERITTE, rapporteur |
6 |
Modification de l'intitulé |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 33(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie34(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte35(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial36(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 7 mai 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 472 (2024 - 2025) tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à l'assistance juridique des étrangers en rétention administrative et en zone d'attente ainsi qu'à l'information sur leurs droits.
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Mme Marie-Carole Ciuntu, sénatrice du Val-de-Marne
Direction générale des étrangers en France (DGEF)
M. Cyriaque Bayle, sous-directeur de la lutte contre l'immigration irrégulière
Mme Marjorie Autain, adjointe au chef du bureau de la rétention et de l'éloignement
M. Alain Taupin, chef de section au bureau des affaires juridiques et de la coopération internationale
Mme Claire Poncet, conseillère juridique
Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII)
M. Didier Leschi, directeur général
Direction nationale de la police aux frontières (DNPAF)
M. Guillaume Gallouin, directeur national adjoint
Conseil national des barreaux
Mme Laurence Roques, avocate au barreau du Val-de-Marne, membre de la commission Affaires européennes et internationales
Mme Nancy Ranarivelo, chargée de mission affaires publiques
Universitaires
Mme Anne Levade, professeur de droit public à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
M. Jules Lepoutre, professeur de droit public à l'université Côte-d'Azur
Table ronde des associations intervenant en rétention ou en zone d'attente
La Cimade
Mme Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale
M. Paul Chiron, chargé du soutien et des actions juridiques
France terre d'asile
M. Vincent Beaugrand, directeur général
M. Guillaume Landry, directeur de l'appui juridique
ASSFAM
Mme Céline Guyot, directrice
Mme Mathilde Buffiere, responsable du service rétention
Forum Réfugiés
M. Assane Ndaw, directeur adjoint de l'accompagnement en centres de rétention administrative
M. Laurent Delbos, responsable du plaidoyer
ANAFÉ
Mme Laure Palun, directrice
Mme Charlène Cuartero Saez, coordinatrice des missions dans les zones d'attente
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
M. Vincent Tchen, professeur de droit public à l'université de Rouen
M. Bertrand Mathieu, professeur émérite de droit public à l'université Paris-1 Panthéon-Sorbonne
Direction des affaires civiles et du sceau (DACS)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-551.html
* 1 Article 49 de la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
* 2 L'article R. 754-5 du CESEDA précise que cette assistance juridique est assurée par les personnes morales chargées de l'information et de l'aide à l'exercice des droits en CRA.
* 3 L'article 5 du décret n°2001-236 du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative qui prévoyait que l'État fasse appel à « une association à caractère national, ayant pour objet la défense des droits des étrangers. »
* 4 Décret n° 2008-817 du 22 août 2008 portant modification du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en matière de rétention administrative.
* 5 Saisi d'un recours contre ces dispositions, le Conseil d'État a jugé que « la loi ne prévoit pas que la mission d'assistance aux étrangers dans les centres de rétention administrative doit être réservée à des associations, ni n'interdit que cette activité, qui peut revêtir un caractère économique, soit dévolue au terme d'une procédure de marché public » (CE, 3 juin 2009, n° 321841, au Recueil Lebon).
* 6 Il a été renouvelé pour une durée d'un an, à compter du 1er janvier 2025, reconductible trois fois (2025-2028).
* 7 En raison de l'ouverture ou de la réouverture de ces CRA pendant l'exécution du marché principal.
* 8 Les 32 locaux de rétention administrative (LRA) permanents représentent une capacité totale de 180 places, dont 35 outre-mer.
* 9 Article R. 744-8 du CESEDA.
* 10 L'article 3 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique dispense les étrangers concernés de la condition de résidence régulière. En vertu de l'article 19-1 de la même loi, les procédures liées à l'éloignement et à la rétention des étrangers relèvent du dispositif de l'« aide juridictionnelle garantie », dans laquelle l'aide juridictionnelle est accordée sans vérification a priori de l'éligibilité du demandeur. Le bénéfice de l'aide juridictionnelle leur était donc déjà reconnu avant même la décision du Conseil constitutionnel n° 2024-1091/1092/1093 QPC du 28 mai 2024.
* 11 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
* 12 Articles L. 744-13 et L. 744-14 du CESEDA. Cet accès est également garanti aux autorités judiciaires, aux parlementaires, aux bâtonniers et aux journalistes.
* 13 Les missions, le financement et le contrôle par l'État des associations intervenant au titre de la politique d'immigration et d'intégration, communication de la Cour des comptes à la commission des finances du Sénat, décembre 2024.
* 14 La rétention administrative : éviter la banalisation, garantir la dignité des personnes, rapport d'information n° 773 (2013-2014) d'Éliane Assassi et de François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois du Sénat, juillet 2014.
* 15 Données du ministère de la justice.
* 16 Cour des comptes, op. cit.
* 17 D'après les Chiffres clés de la justice édités par la Chancellerie, l'on dénombrait 47 925 recours devant le juge judiciaire en matière de rétention en 2023, contre 38 046 en 2022 et 36 871 en 2021.
* 18 Rapport d'information n° 326 (2024-2025) de Marie-Carole Ciuntu, fait au nom de la commission des finances du Sénat, février 2025.
* 19 Article R. 744-19 du CESEDA.
* 20 Comme le rappelle la recommandation n° 2017/2338 de la Commission européenne du 16 novembre 2017, le droit de l'Union européenne permet que l'assistance et la représentation juridiques - qui vont bien au-delà de la simple information sur l'accès au droit - soient dispensées par « les autorités administratives responsables de l'adoption des décisions de retour » ; la Commission souligne qu'« une bonne pratique (...) consiste à séparer les autorités chargées des décisions de celles qui fournissent des informations juridiques et procédurales ».
* 21 En vertu du barème annexé au décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020, cette mission est rémunérée à hauteur de 4 unités de valeur (UV), soit 144 euros. S'agissant des recours contre les mesures d'éloignement, la mission est rémunérée à hauteur de 14 UV, soit 504 euros, à l'exception des référés (8 UV soit 288 euros).
* 22 Sur le droit au recours des étrangers, voir la décision Cons. const. n° 93-325 DC du 13 août 1993, cons. 2.
* 23 Voir notamment la décision de la CEDH du 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, n° 8687/08 ; sur l'application de l'article 5§4 à une rétention de brève durée : CEDH, 12 juillet 2016, A.M. c. France, n° 56324/13.
* 24 Article 20, paragraphe 1, de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
* 25 L'article L. 744-5 du CESEDA garantit l'accès de l'avocat à tout lieu de rétention : « Dans chaque lieu de rétention, l'étranger retenu peut s'entretenir confidentiellement avec son avocat dans un local prévu à cette fin. Ce local est accessible en toutes circonstances sur demande de l'avocat, sauf en cas de force majeure. »
* 26 Loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
* 27 Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
* 28 Directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale.
* 29 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.
* 30 Ces actions portent notamment sur la récupération des bagages des personnes retenues, la réalisation de formalités administratives, des achats de première nécessité si besoin avec la carte de retrait de l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA), le retrait d'espèces et la clôture de compte bancaire, la récupération de bagages et de créances salariales, le don de vêtements, etc. Le médiateur de l'OFII procède également, à la demande du retenu, à l'évaluation de son état de vulnérabilité. L'OFII propose et promeut également l'aide au retour volontaire, en application de l'article L. 711-2 du CESEDA.
* 31 Aux termes de cet article : « Pour permettre l'exercice effectif de leurs droits par les étrangers maintenus dans un centre de rétention administrative, le ministre chargé de l'immigration conclut une convention avec une ou plusieurs personnes morales ayant pour mission d'informer les étrangers et de les aider à exercer leurs droits. À cette fin, la personne morale assure, dans chaque centre dans lequel elle est chargée d'intervenir, des prestations d'information, par l'organisation de permanences et la mise à disposition de documentation. / Ces prestations sont assurées par une seule personne morale par centre. / Les étrangers retenus en bénéficient sans formalité dans les conditions prévues par le règlement intérieur. »
* 32 S'agissant des locaux de rétention administrative, l'article R. 744-21 du CESEDA prévoit que les personnes qui y sont retenues peuvent bénéficier du concours d'une personne morale, à leur demande ou à l'initiative de celle-ci, dans des conditions définies par convention conclue par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police.
* 33 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 34 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 35 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 36 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.