N° 691

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juin 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement
durable (1) sur la proposition de loi visant à
renforcer la protection des ressources
en
eau potable contre les pollutions diffuses,

Par M. Hervé GILLÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Longeot, président ; M. Didier Mandelli,
premier vice-président ;
Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Hervé Gillé, Rémy Pointereau, Mme Nadège Havet, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marie-Claude Varaillas, MM. Jean-Yves Roux, Cédric Chevalier, Ronan Dantec, vice-présidents ; M. Cyril Pellevat, Mme Audrey Bélim, MM. Pascal Martin, Jean-Claude Anglars, secrétaires ; Mme Jocelyne Antoine,
MM. Jean Bacci, Alexandre Basquin, Jean-Pierre Corbisez, Jean-Marc Delia, Stéphane Demilly, Gilbert-Luc Devinaz,
Franck Dhersin, Alain Duffourg, Sébastien Fagnen, Jacques Fernique, Fabien Genet, Éric Gold, Daniel Gueret,
Mme Christine Herzog, MM. Joshua Hochart, Olivier Jacquin, Damien Michallet, Louis-Jean de Nicolaÿ, Saïd Omar Oili, Alexandre Ouizille, Clément Pernot, Mme Marie-Laure Phinera-Horth, M. Bernard Pillefer, Mme Kristina Pluchet,
MM. Pierre Jean Rochette, Bruno Rojouan, Jean-Marc Ruel, Mme Denise Saint-Pé, M. Simon Uzenat, Mme Sylvie Valente Le Hir, MM. Paul Vidal, Michaël Weber.

Voir les numéros :

Sénat :

421 et 692 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, le 4 juin 2025, n'a pas adopté la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Florence Blatrix Contat et l'ensemble du groupe socialiste, écologiste et républicain, sur le rapport d'Hervé Gillé.

Ne pouvant que déplorer les échecs persistants du cadre normatif et des stratégies de reconquête de la qualité des eaux brutes, la commission souligne la nécessité de définir des politiques publiques et des outils de protection à la source des captages d'eau potable plus transversaux et de s'inscrire dans une logique d'accompagnement et d'aide à la transition des pratiques et méthodes culturales.

Au-delà des mécanismes d'accompagnement volontariste proposés par le rapporteur mais qui n'ont pas été retenus par la commission, le présent texte mobilise le levier coercitif, en interdisant d'ici 2031 l'utilisation et le stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des périmètres de protection des aires d'alimentation des captages. Si cette approche est pertinente dans certains cas, notamment là où les pressions sur la ressource sont les plus fortes, ce profond changement des pratiques agricoles risque de fragiliser la viabilité agronomique et économique des exploitations concernées. À ce titre, il est indispensable que les prises de risque des agriculteurs soient compensées par des mesures et de puissants mécanismes d'accompagnement.

Les initiatives parlementaires ne pouvant pas créer ou aggraver une charge publique, les marges de manoeuvre du rapporteur pour rééquilibrer le texte en conciliant mieux prévention et coercition étaient donc fortement contraintes. En dépit d'une prise de conscience aiguë de la nécessité d'une action publique transformatrice, la lutte contre les pollutions diffuses ne sera efficace qu'à la condition d'associer le monde agricole, mais aussi l'ensemble des acteurs de l'eau. Ne souhaitant pas créer une contrainte nouvelle sans accompagnement spécifique, ni interférer avec les travaux en cours dans le cadre de la feuille de route gouvernementale « Améliorer la qualité de l'eau par la protection de nos captages » tout juste présentée le 28 mars dernier, la commission n'a donc pas adopté de texte.

En conséquence, la discussion en séance publique portera sur le texte de la proposition de loi initiale telle que déposée sur le Bureau du Sénat.

I. LA RECONQUÊTE DE LA QUALITÉ DES EAUX BRUTES, UN ÉCHEC PERSISTANT EN DÉPIT D'UNE MULTIPLICITÉ DE NORMES ET DE STRATÉGIES DÉDIÉES

A. LES CAPTAGES, UN PATRIMOINE INDISPENSABLE À LA FOURNITURE D'EAU POTABLE QUI SE RÉDUIT CHAQUE ANNÉE

Les eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) sont majoritairement produites selon l'une des deux modalités suivantes : le prélèvement par captage dans une nappe souterraine ou le prélèvement par pompage dans une ressource superficielle d'eau douce.

Force est de constater que ce patrimoine se réduit chaque année du fait de l'abandon de certains équipements : sur la période 1980-2024, près de 14 300 captages ont été fermés. La première cause de fermeture des captages est imputable à la dégradation de la qualité de la ressource en eau, dans un tiers des cas. Cette situation ne peut se poursuivre indéfiniment, car elle affaiblit la résilience hydrique des territoires et entraîne une dépendance accrue vis-à-vis d'un nombre plus réduit de points d'approvisionnement.

Depuis 2019, nous sommes confrontés chaque année à la fermeture de quelques centaines de captages, soit environ 1 % de l'ensemble des captages. Parmi les captages fermés, environ 20 % le sont pour des raisons de contamination microbiologique ou chimique ; la contamination par les nitrates et les pesticides explique la fermeture de 10 % à 15 % des captages tous les ans, soit quelques dizaines de captages abandonnés pour ce motif. Ces chiffres, relativement stables d'une année sur l'autre, ne diminuent pas, signe que les stratégies mises en oeuvre achoppent sur la reconquête de la qualité des eaux.

Confirmant cette analyse statistique, un rapport inter-inspections1(*) a récemment fait état de l'échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides, ainsi qu'une « gestion des non-conformités qui pose de sérieuses difficultés aux acteurs de terrain ». Les inspecteurs dressent un sévère constat d'insuffisance des politiques de protection des captages et mettent en garde : sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire.

La contamination des nappes et des aquifères où sont puisées les eaux destinées à la consommation humaine oblige en effet les services publics de l'eau à prendre toute mesure technique appropriée pour modifier la nature ou la propriété des eaux avant qu'elles soient distribuées, afin de réduire ou d'éliminer le risque de non-respect des normes sanitaires.

Ces traitements engendrent naturellement des surcoûts pour les gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement, dont les ordres de grandeur sont estimés entre un et deux milliards d'euros par an, ces coûts étant plus complexes à supporter par les collectivités de petite et moyenne taille. La poursuite de cette tendance n'est pas tenable, ni sur le plan économique, ni sur le plan sanitaire.

B. UN CADRE NORMATIF FOISONNANT QUI N'A PAS PERMIS D'ATTEINDRE LES OBJECTIFS D'AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DES EAUX BRUTES

La protection des captages vis-à-vis des pollutions de toute nature constitue une préoccupation ancienne des pouvoirs publics, fondée sur la réduction des pressions s'exerçant au sein d'un périmètre géographiquement et hydrologiquement pertinent.

Les grandes lois sur l'eau de 1964, 1994 et 2006 ont progressivement enrichi la panoplie des dispositifs normatifs, tantôt facultatifs, tantôt obligatoires, mis en oeuvre par les services publics de l'eau ou l'autorité réglementaire, afin de diminuer les pressions de toute nature s'exerçant sur la qualité de la ressource brute, c'est-à-dire avant les éventuels dépollution et traitement de potabilisation.

L'instauration de périmètres de protection des points de prélèvement d'eau est aujourd'hui obligatoire. La création d'un captage d'eau potable s'accompagne dans tous les cas d'un périmètre immédiat et, le cas échéant, d'un périmètre rapproché, pouvant être complété par un périmètre éloigné. Ce zonage est institué par la voie d'une déclaration d'utilité publique (DUP), qui délimite les périmètres de protection. Plus de 84 % des captages ont actuellement un périmètre de protection, les points de prélèvement non couverts étant majoritairement des petits captages situés en zone montagneuse.

Depuis la loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, des aires d'alimentation des captages (AAC) peuvent être délimitées ; Il s'agit d'une notion reposant sur une approche hydrogéologique correspondant aux surfaces sur lesquelles l'eau qui s'infiltre ou ruisselle participe à l'alimentation de la ressource en eau prélevée. À l'intérieur de ces périmètres, des zones de protection (ZP-AAC) peuvent être délimitées, au sein desquelles un programme d'actions spécifiques a pour vocation d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur. La définition de ces zones n'est toutefois pas obligatoire.

Les collectivités territoriales peuvent aussi, de leur propre initiative, intégrer des prescriptions de protection des captages dans leur plan local d'urbanisme (PLU), à travers le mécanisme des servitudes de protection, l'interdiction de certaines activités sur des terrains privés ou l'acquisition des terrains autour des captages pour assurer leur protection.

Le caractère foisonnant et l'empilement de ces dispositifs constitue, comme l'a relevé le rapport inter-inspections précité, « un facteur indiscutable d'illisibilité et de complexité, notamment pour établir et mettre en oeuvre les actions de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau. Elle entraîne aussi une dispersion des moyens humains des services de l'État. »

Source : Agences de l'eau et Dreal Rhône-Alpes

Des stratégies spécifiques ont également été élaborées afin de résorber la dégradation de la qualité des eaux au niveau des captages, à l'instar du millier de « captages prioritaires » identifiés lors du Grenelle de l'environnement en 2009, les plans Écophyto qui ont tenté de réduire l'usage des produits phytosanitaires, le « Plan eau » qui comporte une mesure visant à ce que tous les captages soient dotés d'un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) - conformément à la directive Eau potable de décembre 2020 qui impose cette obligation d'ici juillet 2026 et enfin la feuille de route présentée le 28 mars dernier en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau par la protection de nos captages.

Cet empilement normatif et cette superposition de stratégies est le signe indéniable de la prise de conscience des enjeux de la reconquête de qualité des eaux brutes, mais également la démonstration de l'impuissance collective à atteindre les objectifs.

II. UN TEXTE POURSUIVANT UNE FINALITÉ AMBITIEUSE MAIS QUI MOBILISE DES OUTILS INADAPTÉS À LA COMPLEXITÉ DES ENJEUX

Face aux difficultés non surmontées et à l'absence de résultats tangibles des politiques de protection des aires de captage, la présente proposition de loi envisage d'initier un tournant préventif plus marqué, actant l'échec des approches uniquement curatives.

C'est la raison pour laquelle l'article 1er de la proposition de loi instaure une interdiction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages et la même interdiction pour les engrais minéraux au sein des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates, à compter du 1er janvier 2031. Pour y parvenir, une trajectoire de réduction des usages et du stockage, déclinant des objectifs chiffrés à atteindre à certaines échéances, serait fixée par décret.

La commission partage l'objectif porté par ce texte d'une action ambitieuse en faveur de la protection des aires de captage d'eau potable. En dépit des évolutions volontaristes et accompagnatrices proposées par le rapporteur, la commission n'a pas souhaité les adopter car elle ne souscrit pas à la méthode répressive et estime que l'effort de reconquête de la qualité des eaux souterraines ne peut reposer uniquement sur la profession agricole. Interdire sans accompagnement ni définition d'un programme de transition des pratiques et des usages n'est ni souhaitable ni réaliste, d'autant que la surface agricole utile concernée par ces mesures serait potentiellement très vaste.

La commission a considéré que la répression ne doit pas être la voie à privilégier et ne saurait en aucun cas constituer la seule réponse pour obtenir les résultats espérés. Ce sont la pédagogie, l'anticipation et surtout l'accompagnement, notamment financier grâce à des outils comme les paiements pour services environnementaux et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui doivent faire évoluer les pratiques et changer les modèles agricoles afin de mieux protéger les ressources en eau, même si les moyens dédiés à ces mécanismes financiers sont aujourd'hui largement insuffisants.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Interdiction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires dans les zones de protection des aires d'alimentation des captages

Cet article vise à reconquérir la qualité des eaux brutes au niveau des points de captage en diminuant les pressions d'origine agricole, afin de limiter les traitements onéreux et énergivores de dépollution et de potabilisation par les services publics d'eau et d'assainissement.

À cette fin, il prévoit, d'ici au 1er janvier 2031, l'interdiction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages et des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates. Une trajectoire de réduction progressive des usages et du stockage au sein de ces zones est fixée par décret afin d'échelonner les efforts dans le temps.

La commission n'a pas adopté l'article 1er, estimant qu'il n'était pas opportun d'instaurer une contrainte nouvelle s'appliquant aux agriculteurs sans puissant mécanisme d'accompagnement dédié et que cette initiative législative était susceptible d'interférer avec les travaux en cours lancés depuis mars dernier par le Gouvernement dans le cadre de la feuille de route en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau par la protection de nos captages.

I. Les mesures en faveur de la protection des aires de captage ont échoué à préserver la qualité des eaux brutes destinées à la consommation humaine

A. Les captages d'alimentation en eau potable, un patrimoine essentiel à la résilience hydrique qui se réduit chaque année

Il existe deux modalités principales de production des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH) : le prélèvement par captage dans une nappe souterraine et le prélèvement par pompage dans une ressource superficielle d'eau douce2(*). Plus marginalement, dans certains territoires ultramarins ou insulaires, l'eau destinée à la consommation humaine peut également être produite par désalinisation de l'eau de mer. À ce jour, environ deux tiers des volumes d'eau prélevés pour l'alimentation en eau potable proviennent des eaux souterraines.

En 2024, la France compte 37 795 captages actifs destinés à la production d'eau potable3(*), dont 36 230 prélèvent l'eau dans les eaux souterraines. Environ 18 millions de mètres cubes d'eau sont prélevés par jour, à 96 % en eaux souterraines, soit 66 % des volumes prélevés, et 4 % en eaux superficielles, pour 34 % des volumes prélevés. Chaque année, ce patrimoine se réduit du fait de l'abandon de certains équipements : sur la période 1980-2024, près de 14 300 captages ont été fermés. La première cause de fermeture des captages est imputable à la dégradation de la qualité de la ressource en eau, pour 32 % des situations4(*).

Parmi les captages abandonnés en raison de la dégradation de la qualité de la ressource sur la période 1980-2024, 41 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrates et/ou pesticides, 23,5 % pour des raisons de microbiologie, 7 % du fait de présence d'arsenic, 6,5 % pour des excès de turbidité de l'eau et 22 % à cause d'autres paramètres en excès5(*).

Le rapport inter-inspections Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine, réalisé par l'Igas, l'IGEDD et le CGAER en juin 2024, fait état de l'échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides, malgré quelques progrès localisés souvent très lents, ainsi qu'une « gestion des non-conformités qui pose de sérieuses difficultés aux acteurs de terrain ». Les auteurs de ce rapport dressent un constat d'insuffisance des politiques de protection des captages et alertent sur le fait que sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire : « la préservation de la qualité des ressources en eau brute est un impératif afin de pouvoir continuer à les utiliser pour produire des EDCH et éviter des coûts de traitement élevés. »

Selon les indications fournies par la Direction générale de la santé au rapporteur, depuis 2019, quelques centaines de captages sont fermés tous les ans, soit environ 1 % de l'ensemble des captages. Parmi les captages fermés, environ 20 % le sont pour des raisons de contamination microbiologique ou chimique. La contamination par les nitrates et les pesticides explique la fermeture de 10 % à 15 % des captages tous les ans, soit quelques dizaines de captages abandonnés pour ce motif. Ces chiffres sont relativement stables d'une année sur l'autre depuis 2019.

Nombre de fermetures de captages

 

2019

2020

2021

2022

2023

 

410

275

320

307

254

dont fermetures pour cause de pollution par les nitrates ou les pesticides

45

36

28

32

40

Source : Direction générale de la santé

Si l'on se réfère à la qualité de l'eau brute extraite, la Direction générale de la santé a indiqué au rapporteur que 3 265 unités de distribution d'eau potable6(*) étaient en 2023 en situation de non-conformité vis-à-vis des pesticides et leurs métabolites. La configuration des réseaux d'adduction publique étant complexe et susceptible d'être alimentée par plusieurs captages, il est malaisé de faire correspondre au niveau national le nombre d'UDI non conformes à un nombre de captages.

Les indicateurs agrégés de conformité de l'eau du robinet vis-à-vis des pesticides montrent qu'en 2023, près de 75 % de la population a été alimentée en permanence par de l'eau respectant les limites de qualité réglementaires pour les pesticides et leurs métabolites. Ce chiffre masque cependant de très fortes disparités selon les régions : à titre d'illustration, en 2023, en Normandie, seulement 36 % de la population a été alimentée en permanence par des eaux conformes.

Toutefois, pour la quasi-totalité de la population alimentée par une eau non conforme, les dépassements des limites de qualité ont été contenus en concentration et dans le temps, ne nécessitant pas une restriction de l'usage de l'eau du robinet pour la boisson, avec seulement 7 situations de restriction d'usage en 2023. Il convient également de relever que l'amélioration de la surveillance et la hausse du nombre de substances recherchées ont permis de mettre en évidence des molécules probablement présentes dans les eaux depuis de nombreuses années.

Selon la qualité de l'eau brute prélevée, différentes étapes de traitement peuvent ainsi être nécessaires pour rendre l'eau potable et maintenir sa qualité dans les installations de stockage - réservoirs, châteaux d'eau, etc. - et dans les réseaux de distribution jusqu' au robinet. Ces exigences fortes de qualité découlent des prescriptions de l'article L. 211-1 du code de l'environnement, selon lequel « la gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, [...] et de l'alimentation en eau potable de la population. » Rappelons également qu'au titre du code de la santé publique, les exigences de qualité au captage et au robinet diffèrent. Ainsi, un captage contaminé mais conforme pour les eaux brutes pourra faire l'objet d'une dilution ou d'un traitement avant distribution aux consommateurs.

En d'autres termes, lorsque la ressource issue d'un captage n'est pas conforme aux normes de potabilité des eaux, la personne responsable de la production ou de la distribution de l'eau (PRPDE) doit prendre toute mesure technique appropriée pour modifier la nature ou la propriété des eaux avant qu'elles ne soient fournies, afin de réduire ou d'éliminer le risque de non-respect des normes sanitaires, lorsqu'il est imputable au service de production ou de distribution d'eau. Ces traitements engendrent naturellement des surcoûts pour les gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement.

Au cours de leur audition, les agences de l'eau ont indiqué au rapporteur qu'un surcoût de l'ordre d'un à deux milliards d'euros par an représente une fourchette réaliste : cet ordre de grandeur, consolidé à l'échelle France entière, est attesté par différents rapports publics7(*) et académiques. Cette estimation intègre à la fois les coûts directs de traitements et d'analyses ainsi qu'une fraction des coûts indirects : perte de captages, transfert d'eau, gestion de crise, etc.

Comme l'a rappelé la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) lors de son audition, la mise en oeuvre des traitements pour débarrasser l'eau des pesticides et de leurs métabolites substances pèse tout particulièrement sur les services des collectivités de petite et moyenne taille, qui peuvent se traduire par des augmentations comprises entre 0,3 à 0,4 € par mètre cube d'eau consommée dans les départements les plus touchés8(*). Si la tendance de dégradation de la qualité de l'eau se poursuit, cela pourrait à terme conduire à une rupture d'égalité territoriale vis-à-vis de l'accès à l'eau. Ces constats illustrent la pertinence et les bénéfices des interventions visant à limiter les pollutions diffuses dans le cadre d'une logique préventive, afin de diminuer les coûts liés à la seule approche curative.

La gestion des pollutions à la source et la protection des captages d'eau potable constituent à cet égard une solution pertinente et efficace sur le plan économique, d'autant plus que le coût du traitement des eaux brutes pour les rendre potables ne cesse d'augmenter, en raison de la hausse des coûts de réactifs et de l'énergie, mais aussi du fait de la nécessité d'éliminer un nombre croissant de polluants présents dans les nappes souterraines9(*).

B. Un cadre normatif foisonnant visant à protéger à la source les eaux souterraines qui n'a pas atteint son objectif de reconquête de qualité

1) Le droit européen fixe les objectifs à atteindre et les échéances à respecter par les États membres

Le cadre européen, issu de la directive européenne 2020/2184 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite « Eau potable », vise à protéger la santé humaine des effets néfastes de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine en garantissant la salubrité et la propreté de celles-ci, ainsi qu'à améliorer l'accès aux eaux destinées à la consommation humaine.

Le droit européen promeut une approche basée sur les risques en matière de sécurité sanitaire de l'eau, impliquant pour les États membres l'obligation de veiller « à ce que l'approvisionnement, le traitement et la distribution des eaux destinées à la consommation humaine fassent l'objet d'une approche fondée sur les risques qui englobe toute la chaîne d'approvisionnement depuis la zone de captage jusqu'au point de conformité [...], en passant par le prélèvement, le traitement, le stockage et la distribution des eaux10(*). »

L'ordonnance de transposition de la directive « Eau potable »11(*) a introduit l'obligation, pour toute personne publique ou privée responsable d'une production ou d'une distribution au public d'eau destinée à la consommation humaine, d'élaborer, mettre en oeuvre, évaluer et mettre à jour un plan de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau (PGSSE), de la zone de captage jusqu'au robinet. Cette obligation est codifiée à l'article L. 1321-4 du code de la santé publique.

Cette approche vise à identifier les dangers et événements dangereux susceptibles de se produire sur l'ensemble du système de production et de distribution d'eau et de mettre en place un plan de mesures de maîtrise des risques. L'objectif recherché est d'assurer en permanence la sécurité sanitaire de l'eau. Le PGSSE, document interne au service et à ce titre non opposable, doit comprendre une évaluation des risques et les mesures de gestion associées. Toutefois, la mise en oeuvre de ce plan ne sera obligatoire qu'à compter du 12 juillet 2027 pour la zone de captage et à compter du 12 janvier 2029 pour les plans liés à la production et à la distribution de l'eau12(*).

Il n'est dès lors pas possible de procéder à l'évaluation de ces plans de gestion, même si l'on peut d'ores et déjà émettre des doutes quant à leur efficacité s'ils ne sont pas mis en cohérence avec d'autres dispositifs de protection contre les pollutions diffuses associant la profession agricole et combinant des mesures d'accompagnement ambitieuses.

D'autres textes européens déclinent également des objectifs programmatiques de qualité des eaux à atteindre par les États membres, notamment à travers la directive-cadre sur l'eau13(*) qui vise à « assurer la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et prévenir l'aggravation de leur pollution », et la directive Nitrates14(*) qui vise à « réduire la pollution des eaux provoquée ou induite par les nitrates à partir de sources agricoles et prévenir toute nouvelle pollution de ce type. »

2) Un arsenal de mesures législatives et règlementaires disparates et mal calibrées pour répondre aux enjeux des pollutions diffuses

La protection des captages vis-à-vis des pollutions de toute nature constitue une préoccupation ancienne des pouvoirs publics, fondée sur la limitation des pressions s'exerçant au sein d'un périmètre géographiquement et hydrologiquement pertinent. Au début du siècle dernier, la loi du 15 février 1902 relative à la protection de la santé publique prévoyait déjà l'acquisition en pleine propriété des terrains où se trouve le point de captage et l'établissement d'un périmètre de protection contre les pollutions15(*).

La loi sur l'eau de 196416(*) introduit quant à elle l'obligation d'instaurer des périmètres de protection des captages par déclaration d'utilité publique (DUP), dont l'application n'est cependant pas rétroactive et se limite aux nouveaux captages. Elle renvoie également à un décret en Conseil d'État le soin de « déterminer les conditions dans lesquelles peuvent être réglementés ou interdits [...] les déversements, écoulements, jets, dépôts directs ou indirects d'eau ou de matières, et plus généralement tout fait susceptible d'altérer la qualité de l'eau superficielle ou souterraine ».

La deuxième loi sur l'eau de 199217(*) renforce cette obligation en étendant la mise en place des périmètres dans un délai de 5 ans à l'ensemble des ouvrages, notamment aux captages antérieurs à 1964 qui ne bénéficient pas d'une protection permettant d'assurer la qualité des eaux. Depuis lors, l'instauration de périmètres de protection des points de prélèvement d'eau pour l'alimentation est obligatoire. La création d'un captage d'eau potable s'accompagne dans tous les cas d'un périmètre immédiat et, le cas échéant, d'un périmètre rapproché, pouvant être complété par un périmètre éloigné.

Source : Agence de l'eau Rhin-Meuse

Cet outil, prévu à l'article L. 1321-2 du code de la santé publique, permet d'assurer la protection de la ressource en eau contre les pollutions de nature à la rendre impropre à la consommation, via la mise en oeuvre d'une déclaration d'utilité publique (DUP) instituant les périmètres de protection. Il appartient à la collectivité, maître d'ouvrage, d'engager la procédure, qui se conclut par la prise d'un arrêté préfectoral de DUP.

Les périmètres de protection des captages

Au 1er janvier 2025, on recense 32 547 captages utilisés pour la production d'eau destinée à la consommation humaine en France18(*). Parmi ceux-ci, 27 393 captages sont protégés par une déclaration d'utilité publique, avec assignation de périmètres de protection (soit 84,2 %), correspondant à 87,7 % de l'ensemble du débit des captages utilisés pour la production d'eau potable.

Les 15,8 % de captages non encore pourvus d'une DUP instituant les périmètres de protection sont majoritairement des petits captages situés en zone montagneuse. Pour faciliter la mise en oeuvre de la procédure sur ces captages naturellement protégés en raison de leur situation géographique et leur difficulté d'accès, une simplification a été introduite par la loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS), permettant d'instaurer un simple périmètre de protection immédiate autour des captages d'eau d'origine souterraine dont le débit exploité est inférieur, en moyenne annuelle, à 100 mètres cubes par jour. Cette procédure, encadrée par un arrêté du 6 août 2020, n'a cependant pas permis une progression significative du nombre de captages protégés.

Dans les autres cas, les captages ne font pas l'objet de protection de cette nature en raison de conflits entre la collectivité et les usagers situés dans le périmètre de protection envisagé.

La direction de l'eau et de la biodiversité du ministère de la transition écologique, qui assure le suivi et dresse le bilan de la mise en oeuvre de la politique de protection des captages prioritaires, a indiqué au rapporteur qu'à fin 2024, 87 % des captages prioritaires ont une AAC délimitée, 85 % avec un plan d'actions adopté ou en cours d'élaboration (15 % n'ont pas engagé la réalisation de leur plan d'action, 21 % sont en cours d'élaboration de leur plan d'action et 64 % ont un plan d'action adopté) et seulement 8 % sont couverts par un programme d'actions ZSCE volontaire.

Source : Direction générale de la santé

Toutefois, la seule mise en oeuvre de ces périmètres ne suffit pas à protéger efficacement les captages contre les pollutions diffuses. En effet, si certaines prescriptions permettent de contribuer à l'amélioration de la qualité vis-à-vis des pesticides, leur principal objectif est de lutter contre la pollution accidentelle et ponctuelle. Leur emprise géographique ne constitue pas un périmètre pertinent au regard de l'aire d'alimentation des captages, c'est-à-dire la zone en surface où l'eau s'infiltre ou ruisselle pour alimenter un captage d'eau, soit l'ensemble des surfaces où toute goutte d'eau tombée au sol est susceptible de parvenir jusqu'au captage.

Les prescriptions contenues dans les arrêtés de DUP, qu'il s'agisse de changement de pratiques ou d'interdictions, sont indemnisées par la collectivité. En l'absence d'accord entre les parties, c'est au juge de l'expropriation qu'il revient de statuer sur le montant de l'indemnisation, ce qui peut induire un coût potentiellement plus important pour la collectivité et ajourner la finalisation de la procédure.

Comme indiqué, l'on constate que la délimitation de ces périmètres de protection des captages ne suffit pas à protéger efficacement les captages contre les pollutions diffuses. Ces derniers ont vocation à être complétés, notamment pour les captages particulièrement sensibles aux pollutions anthropiques, par la définition de programmes d'actions ambitieux, qui peuvent être complétés depuis 2007, en cas d'échec des mesures prévues dans ce cadre, par la mise en oeuvre d'une zone soumise à contrainte environnementale (ZSCE), afin d'agir au sein du secteur le plus contributif à la qualité de la ressource en eau potable, à l'échelle des aires d'alimentation des captages présentant un enjeu particulier pour l'approvisionnement actuel ou futur. Cet outil est cependant peu utilisé, car complexe à mobiliser au niveau local.

La loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema) du 30 décembre 2006 est venue quant à elle rappeler l'obligation de la mise en place des périmètres de protection des captages non protégés naturellement et utilisés par les collectivités pour l'alimentation en eau. Elle ouvre également la possibilité, sur le fondement du code de l'environnement, de délimiter des aires d'alimentation des captages (AAC), notion reposant sur une approche hydrologique ou hydrogéologique correspond aux surfaces sur lesquelles l'eau qui s'infiltre ou ruisselle participe à l'alimentation de la ressource en eau dans laquelle se fait le prélèvement.

Au sein de ces périmètres, des zones de protection (ZP-AAC) peuvent être délimitées, au sein desquelles il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur. La zone de protection résulte généralement du croisement entre le zonage cartographique de la vulnérabilité intrinsèque et le zonage des pressions agricoles. Dans le cas des captages en eaux superficielles, la définition d'une zone de protection, au sein du bassin versant situé en amont des prises d'eau, repose sur le repérage des flux19(*) et sur l'identification, par diagnostic territorial, des pressions agricoles et des zones susceptibles de jouer le rôle le plus important dans la dégradation de la ressource en eau.

La définition des aires d'alimentation des captages n'est cependant pas obligatoire et relève de l'initiative des préfets, incités par instruction interministérielle du 1er juillet 2024 relative à la mise en oeuvre des mesures du Plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau à délimiter les aires d'alimentation autour des points de prélèvement sensible.

En complément de ces dispositifs, les collectivités territoriales peuvent, de leur propre initiative, intégrer des prescriptions de protection des captages dans leur plan local d'urbanisme (PLU), à travers le mécanisme des servitudes de protection, l'interdiction de certaines activités sur des terrains privés ou l'acquisition des terrains autour des captages pour assurer leur protection. La loi « engagement et proximité » de 201920(*) a instauré un droit de préemption à la demande des communes et EPCI des surfaces agricoles sur un territoire délimité en tout ou partie dans l'aire d'alimentation de captages utilisés pour l'alimentation en eau destinée à la consommation humaine.

Le maire a également un rôle à jouer en matière de préservation des pollutions susceptibles d'affecter la qualité des eaux, en vertu des pouvoirs de police générale qu'il détient : il est notamment tenu de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires [...], les pollutions de toute nature21(*) ».

Les dispositifs de protection susceptibles d'être institués
en faveur des captages d'eau potable

Source : Agences de l'eau et Dreal Rhône-Alpes

Le caractère foisonnant et l'empilement de ces dispositifs constituent, comme l'a relevé le rapport inter-inspections précité, « un facteur indiscutable d'illisibilité et de complexité, notamment pour établir et mettre en oeuvre les actions de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau. Elle entraîne aussi une dispersion des moyens humains des services de l'État. » Les dispositions encadrant la protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine relèvent en effet de quatre codes différents : le code général des collectivités territoriales, le code de la santé publique, le code de l'environnement et le code rural et de la pêche maritime, entraînant de possibles superpositions de périmètres et de la confusion à propos des plans d'actions instaurant des mesures de protection des captages.

Ainsi, un unique captage peut faire l'objet d'au moins quatre procédures administratives initiées par la même autorité préfectorale compétente : une autorisation de prélèvement et de traitement, qui peut comporter une autorisation exceptionnelle en cas de non-conformité des eaux brutes, un arrêté de déclaration d'utilité publique, un arrêté ZSCE et un arrêté de dérogation en cas de non-conformité des eaux traitées.

Cette multiplicité d'instruments réglementaires susceptibles d'être mobilisés pour protéger les captages d'eau potable, qu'ils soient obligatoires ou facultatifs, interroge la cohérence des mesures mises en oeuvre et brouille la lisibilité du cadre normatif pour les acteurs de l'eau, les agriculteurs et les industriels. La définition et la mise en oeuvre de mesures de protection adaptées aux pressions et aux enjeux du territoire impliquent un dialogue territorial et une disposition des acteurs à travailler ensemble qui ne va pas de soi.

En outre, les mesures d'action s'inscrivent bien souvent dans le cadre d'une approche surfacique qui correspond rarement à la réalité hydrographique des aires d'alimentation des captages et ne permet pas de réduire significativement les pressions sur ceux-ci. À ceci, il faut ajouter que les aires d'alimentation peuvent couvrir de vastes périmètres qui rendent complexe la démonstration de la corrélation entre une action de réduction au sein de l'aire d'alimentation et son efficacité au point de captage, en raison notamment de l'hétérogénéité des sols et des systèmes hydrogéologiques, mais également de la réactivité des nappes souterraines.

3) Les stratégies nationales visant à préserver la qualité des eaux brutes, des initiatives fédératrices participant à la prise de conscience des enjeux qui peinent à atteindre leurs objectifs

Depuis le milieu des années 2000, les captages d'eau potable sont devenus un enjeu récurrent des politiques de préservation de la qualité de la ressource en eau, avec toutefois des résultats mitigés comme le démontre le nombre d'abandons de captages pour des raisons liées aux pesticides et aux nitrates, qui ne décroît pas malgré les efforts et les montants financiers significatifs engagés.

a) Les « captages prioritaires » issus du Grenelle de l'environnement

En premier lieu, à l'issue de la séquence de concertation du Grenelle de l'environnement en 2009, une liste de 507 captages dits « prioritaires » a été établie au niveau national, pour lesquels une démarche spécifique de protection doit être initiée. Les Conférences environnementales pour la transition écologique de 2013 ont porté ce nombre à 1 100 « captages prioritaires », correspondant aux points de prélèvement des eaux destinées à la consommation humaine les plus menacés par les pollutions diffuses.

Ces captages, désignés au terme d'une démarche de concertation locale, ont vocation à bénéficier d'un programme d'actions préventives, à destination des exploitants agricoles et propriétaires fonciers, visant à reconquérir la qualité de leurs eaux.

Cependant, le constat d'une difficulté à mettre en oeuvre les programmes d'actions s'est rapidement imposé, avec des retards par rapport à l'ambition originelle et des questionnements quant aux programmes d'actions22(*). Ainsi, en 2015, une part importante des AAC Grenelle ne mobilisait pas le dispositif ZSCE, malgré son caractère recommandé : à cette date, seuls 21 % de ces AAC disposaient d'un arrêté mobilisant un programme d'actions.

b) Les plans Écophyto

En complément de cette approche fondée sur la protection d'un périmètre regardé comme pertinent, le Gouvernement a mis en oeuvre une stratégie fondée sur la réduction des usages. Depuis son introduction en 2008, le Plan Écophyto a constitué le principal outil d'action et d'accompagnement visant à réduire l'utilisation des produits phytosanitaires dans l'agriculture.

Le premier plan Écophyto s'était fixé l'objectif de réduire l'usage de ces produits de 50 % d'ici 2018. Face à des résultats qui ne correspondaient pas à la trajectoire esquissée, le Plan Écophyto 2, présenté en 2015, a repoussé l'objectif de réduction à 2025, avec une cible intermédiaire de 25 % d'ici 2020. Ce plan a ensuite évolué en Écophyto 2+, complétant le plan initial avec des mesures visant à réduire la dépendance aux pesticides. La Stratégie Écophyto 2030, publiée le 6 mai 2024, se fixe comme objectif une diminution de 50 % de l'utilisation et des risques des produits phytopharmaceutiques à l'horizon 2030 par rapport à la période 2011-2013. Elle réaffirme notamment la réduction des usages et des risques des produits phytopharmaceutiques sur les aires d'alimentation des captages d'eau potable. À ce jour, la stratégie Écophyto ne priorise cependant aucune action spécifique dédiée à la protection des captages d'eau potable.

Ces réajustements successifs d'objectifs et de calendrier illustrent la difficulté de réduire les usages sans changement d'approche des systèmes agricoles ni accompagnement de la collectivité vers de nouvelles pratiques et cultures, qui constituent pour l'agriculteur des prises de risques en termes de rendement et de revenu. Les plans Écophyto ont fait l'objet d'une évaluation exhaustive par une mission interministérielle23(*), qui a notamment relevé que « les ressources mobilisées pour le plan Écophyto (643 millions d'euros en 2019) sont bien supérieures à celles du seul programme financé par la redevance pour pollutions diffuses (41 millions d'euros au niveau national et 30 millions d'euros au niveau régional), mais ne peuvent à elles seules contrebalancer certaines orientations des politiques agricoles nationales et européennes. La gouvernance stratégique du plan n'est pas suffisamment concentrée sur la mise en cohérence des politiques publiques et pèche encore par l'insuffisance d'évaluations validées par un conseil scientifique ».

Les plans Écophyto reposent en effet principalement sur des outils de communication, de formation et de promotion des bonnes pratiques agricoles. Cette approche d'ensemble a été complétée par le retrait de certaines substances dangereuses et des mesures réglementaires au niveau européen et national. Les plans Écophyto démontrent qu'il est difficile, mais possible, de réduire l'utilisation des produits phytosanitaires tout en maintenant les revenus agricoles, en particulier à travers le développement de l'agriculture biologique.

Cependant, ainsi que l'a souligné l'association Amorce en réponse au questionnaire du rapporteur, la massification de ces pratiques et des démarches de substitution aux produits phytosanitaires reste un défi majeur. Les dispositifs d'accompagnement des agriculteurs ont montré des solutions viables, mais n'ont pas toujours atteint les objectifs de réduction fixés. C'est pourquoi il apparaît essentiel de consacrer une attention particulière à la gouvernance des programmes, à la mise en oeuvre opérationnelle et à la gestion financière. La FNCCR, de son côté, a estimé que les plans Écophyto constituent une initiative louable mais qui reste en marge de l'organisation de l'activité agricole française : ils ne sont en effet pas intégrés dans la sélection et la planification des cultures, les modes de production et la qualité du produit final.

c) Le « Plan eau »

Le plan d'action pour une gestion résiliente et concertée de l'eau, dit « Plan eau », présenté le 30 mars 2023 prévoit quant à lui deux mesures spécifiques aux captages d'eau potable : la mesure 23, qui vise à ce que tous les captages soient dotés d'un plan de gestion de la sécurité sanitaire des eaux (PGSSE) et la mesure 28, qui prévoit de systématiser, en cas de dépassement des exigences de qualité fixées pour les eaux destinées à la consommation humaine par un pesticide toujours utilisé, la prise par le préfet de mesures d'application obligatoires permettant de juguler le risque, complémentaires au plan de gestion déjà établi.

d) La feuille de route en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau par la protection de nos captages

La dernière stratégie en date visant à agir sur la qualité des eaux brutes pour protéger la qualité de la ressource est la Feuille de route 2025 en faveur de l'amélioration de la qualité de l'eau par la protection de nos captages, copilotée par les ministères chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé.

Cette stratégie, présentée en mars dernier24(*), vise trois objectifs principaux : identifier avec précision les aires de captage sensibles sur lesquels cibler les efforts ; sécuriser en priorité ces captages menacés, en agissant là où l'impact est le plus significatif ; accompagner collectivités, agriculteurs et industriels avec des solutions adaptées et graduées, pour leur permettre d'adopter des pratiques plus durables.

C'est au groupe national captage25(*) qu'il revient de préciser les modalités opérationnelles de mise en oeuvre de la stratégie, devant aboutir à la rédaction d'un guide de gestion des risques établissant les lignes directrices de l'action de protection, à destination des préfets. Cette approche, déjà prévue par la stratégie Écophyto et le Plan Eau, vise à garantir une gestion cohérente, efficace et adaptée aux réalités locales. Le groupe national captage, qui a commencé ses travaux le 23 mai dernier, a vocation à définir les critères permettant d'apprécier la situation captage par captage (niveau de contamination, historique, etc.), les mesures de gestion associées et l'accompagnement possible des agriculteurs et des collectivités.

La ministre de la transition écologique a indiqué qu'un financement de 6,5 millions d'euros, issus de la stratégie Écophyto 2030, serait dédié à la délimitation des aires d'alimentations des captages. Les montants à mobiliser sont en effet significatifs : le coût de l'opération de délimitation, qui nécessite l'expertise d'un hydrogéologue, est estimé à 50 000 euros par captage.

Un arrêté Captages sensibles, déterminant les paramètres et seuils pour la définition des points de prélèvement considérés comme sensibles, a vocation à être publié d'ici la fin d'année. Il clôturera la séquence de concertation et d'identification, avant la phase de mise en oeuvre des mesures à compter de 2026.

En conclusion, force est de reconnaître que la lutte efficace et transformatrice contre les pollutions diffuses est encore devant nous. Lors de l'audition des agences de l'eau par le rapporteur, les directrices générales d'Artois-Picardie et d'Adour-Garonne ont avancé plusieurs raisons susceptibles d'expliquer l'insuffisance des mesures législatives et des stratégies initiées, qui doivent nourrir la réflexion du législateur et des pouvoirs publics pour surmonter cet échec collectif, dont le coût repose sur l'ensemble de la société :

- les pressions agricoles, domestiques et industrielles ne sont pas correctement suivies et leurs évolutions restent donc largement inconnues ;

- le décalage entre le temps de réponse des nappes et la durée des plans d'actions invisibilise l'atteinte des résultats ;

- l'évolution et le nombre de substances actives utilisées comme pesticides complexifient le suivi et le traitement par les services publics de l'eau ;

- l'insuffisante prise en compte d'une dimension « filière » contraint l'échelle d'action pertinente ;

- le réseau d'acteurs publics et privés intervenant en matière de conseil agricole est dense et les discours ne sont pas toujours harmonisés ;

- la difficulté de mobiliser les acteurs sur la seule base du volontariat rend complexe l'atteinte des seuils d'action transformatrice.

II. La promotion d'une logique préventive pour réduire la contamination de l'eau par les pollutions diffuses et limiter les traitements de potabilisation

Face aux difficultés récurrentes et à l'absence de résultats tangibles des politiques publiques relatives à la protection des aires de captage, la présente proposition de loi envisage d'initier un tournant préventif plus marqué, en partant du constat qu'une approche s'appuyant exclusivement sur une démarche curative est vouée à l'échec.

Les filières de traitement sont en effet énergivores et coûteuses à l'installation comme à l'entretien, d'autant plus que de nouvelles substances, que l'on mesure de mieux en mieux grâce aux progrès de la connaissance scientifique, peuvent ne pas être neutralisées par les technologies mises en place et renchérir des coûts de traitement déjà élevés.

Conformément aux obligations européennes sur le fondement de la directive-cadre sur l'eau, la directive Nitrates et la stratégie sur l'usage raisonné des pesticides, une politique ambitieuse de protection de la ressource en eau à la source, plus économe en moyens, est souhaitable : il est donc pertinent que les pouvoirs publics s'efforcent systématiquement de promouvoir une approche et des mesures qui s'inspirent de cette logique préventive.

C'est la raison pour laquelle l'article 1er de la présente proposition de loi instaure, au sein de l'article L. 211-2 du code de l'environnement consacré aux règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles et souterraines, une interdiction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages et la même interdiction pour les engrais minéraux au sein des zones vulnérables aux pollutions par les nitrates, à compter du 1er janvier 2031.

La mise en oeuvre de mesures préventives et de restriction à la source, les plus rationnelles au regard de leurs effets et de leur coût, nécessite cependant un changement d'échelle et d'approche. Les services publics d'eau et d'assainissement ainsi que les acteurs de la lutte contre les pollutions diffuses devront faire preuve de pédagogie, car il faut bien souvent une dizaine d'années avant d'observer des résultats concrets sur la qualité de l'eau.

Les mesures préventives n'ont en effet pas un effet immédiat d'amélioration de la qualité de l'eau : citons à titre d'exemple le cas de l'atrazine, interdite d'utilisation en 2003, dont on commence seulement à ne plus retrouver la molécule ou ses métabolites dans les eaux souterraines. En effet, si certaines nappes présentent des temps de réaction rapides, avec un renouvellement sur une dizaine d'années, pour d'autres le renouvellement peut être supérieur à une trentaine d'années, voire plus, ce qui accroît d'autant la durée nécessaire à l'élimination des substances présentes dans les nappes.

Le rapporteur fait également le constat que le nombre de captages à protéger, la répartition des compétences entre les multiples acteurs de l'eau, l'expertise et les moyens humains nécessaires ainsi que les blocages territoriaux rencontrés rendent l'objectif de protection des captages d'eau potable particulièrement complexe à atteindre.

C'est la raison pour laquelle l'auteure de cette proposition de loi, Mme Florence Blatrix Contat, a estimé qu'une interdiction programmée et séquencée selon une trajectoire déterminée par décret était la seule à même d'atteindre l'objectif, maintes fois annoncé et sans cesse différé, de reconquête de la qualité des eaux brutes destinées à la consommation humaine.

III. La position de la commission

La commission partage l'objectif porté par ce texte d'une action ambitieuse en faveur de la protection des aires de captage d'eau potable. Elle ne souscrit cependant pas à la méthode répressive proposée et estime que l'effort de reconquête de la qualité des eaux souterraines ne saurait reposer uniquement sur la profession agricole. Interdire sans accompagnement ni programme de transition des pratiques et des usages n'est ni souhaitable ni réaliste, d'autant que la surface agricole utile concernée par ces mesures est potentiellement très vaste.

L'approche doit être territorialement concertée, proportionnée aux risques identifiés, graduée et adaptée en fonction des situations locales et des contextes de pression sur la ressource en eau. Les actions à mettre en oeuvre par les pouvoirs publics doivent couvrir tout le champ depuis l'information et l'animation territoriale jusqu'à des actions plus coercitives, incontournables face à certains risques, mais circonscrites aux territoires à enjeux.

En outre, si les pollutions diffuses agricoles représentent aujourd'hui la majeure partie des pollutions diffuses, il ne faut pas occulter le fait qu'elles ne sont pas les seules et que les enjeux des PFAS26(*) et pollutions industrielles deviennent de plus en sensibles, comme l'ont montré les travaux de la commission lors de l'examen de la loi visant à protéger la population des risques liés aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées27(*).

En dépit des efforts du rapporteur pour circonscrire le périmètre d'application de l'interdiction aux zones les plus sensibles et sa volonté d'instaurer des mécanismes contractuels et volontaristes associant les gestionnaires de l'eau et les agriculteurs, la commission a considéré que la répression n'était pas la voie à privilégier et qu'il était prématuré de légiférer au moment où le Gouvernement engageait le chantier de la protection des captages, dans le cadre du groupe national captages qui réunit l'ensemble des acteurs de l'eau.

La commission souligne que ce sont la pédagogie, l'anticipation et surtout l'accompagnement, notamment financier grâce à des outils comme les paiements pour services environnementaux (PSE) et les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), qui doivent contribuer à l'évolution des pratiques et à la transformation des modèles agricoles afin de permettre de mieux protéger les ressources en eau, même si les moyens dédiés à ces mécanismes financiers sont aujourd'hui largement insuffisants.

Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté l'article 1er.

Article 2
Régime des sanctions pour violation de l'interdiction de stocker
et d'utiliser des produits phytosanitaires au sein de certaines zones

Cet article prévoit une sanction spécifique en cas de non-respect de l'interdiction d'utilisation et de stockage des produits phytosanitaires au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages, ainsi que des engrais minéraux dans les zones vulnérables aux pollutions par les nitrates : une amende de 75 000 euros et une peine d'emprisonnement n'excédant pas deux ans.

Par cohérence avec la position qu'elle a exprimée à l'article 1er, la commission n'a pas adopté l'article 2, dans la mesure où cet article ne fait que prévoir un régime de sanction en cas de violation de l'interdiction prévue à l'article 1er.

I. Les captages d'eau potable sont protégés par des dispositions relevant de la police aussi bien administrative que judiciaire

Le respect des règles relatives au stockage et l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est contrôlé par les services régionaux de l'alimentation (SRAL), qui effectuent les contrôles phytosanitaires au sein des exploitations agricoles. Quant aux installations industrielles de fabrication et de stockage d'engrais, amendements et supports de culture à partir de matières organiques, elles sont contrôlées par les inspecteurs des installations classées.

En cas de non-respect des servitudes instaurées dans le cadre des périmètres de protection, il est loisible au préfet de prononcer des sanctions administratives, de différentes natures : mise en demeure, consignation, exécution d'office, suspension ou suppression de l'activité ainsi qu'amende administrative assortie d'une astreinte journalière.

Des sanctions pénales sont également susceptibles d'être prononcées en cas de commission des infractions suivantes à proximité des points de captage d'eau potable :

- toute infraction aux dispositions prévues dans un périmètre de protection est sanctionnée par une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (article L. 1324-3 du code de la santé publique) ;

- la dégradation des installations et la pollution des eaux captées sont passibles d'une amende de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende (article L. 1324-4 du code de la santé publique).

II. L'établissement d'un régime de sanction pénale en cas de non-respect de l'interdiction nouvelle prévue par la proposition de loi

Cet article prévoit de rattacher la peine venant sanctionner la violation de l'interdiction instaurée à l'article 1er, prohibant l'utilisation et le stockage de produits phytosanitaires et d'engrais minéraux au sein de certaines zones, à la sanction prévue à l'article L. 216-6 du code de l'environnement.

Cet article traite des peines encourues par le fait de jeter, déverser ou laisser s'écouler dans les eaux superficielles et souterraines, une ou des substances dont l'action ou les réactions entraînent, même provisoirement, des effets nuisibles sur la santé ou des dommages à la flore ou à la faune, ou des modifications significatives du régime normal d'alimentation en eau ou des limitations d'usage des zones de baignade : celles-ci s'élèvent à deux ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende.

Ce même quantum des peines est prévu en cas de violation de l'interdiction et de non-respect de la trajectoire de réduction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux fixée par décret.

III. La position de la commission

Malgré la dépénalisation des sanctions et la forte diminution du montant de l'amende proposées par le rapporteur, la commission estime que ce quantum des peines pose un problème de cohérence dans l'échelle des sanctions et pourrait potentiellement constituer une source d'exaspération, et ce alors que la crise agricole n'est pas surmontée et que les motifs de la colère des agriculteurs n'ont pas disparu.

En cohérence avec les recommandations qu'elle a formulées dans le cadre des travaux de la mission d'évaluation de la loi de 2019 portant création de l'Office français de la biodiversité28(*), la commission plaide pour l'établissement d'une panoplie de sanctions administratives mieux proportionnées aux atteintes à l'environnement en fonction de leur gravité. À ce titre, la peine d'emprisonnement de deux ans lui a semblé manifestement excessive, même s'il s'agit d'un plafond qui n'est presque jamais prononcé par le juge.

Le Gouvernement a récemment annoncé le lancement d'une mission de revue des normes et des échelles des peines afin d'adapter les réponses pénales aux enjeux, tout en améliorant la lisibilité et la compréhension des normes au sein du code de l'environnement, sous l'égide du Premier ministre. Dès lors, toute création de nouvelle infraction environnementale susceptible de sanctionner des pratiques agricoles sans accompagnement dédié serait prématurée.

Pour ces raisons, la commission n'a pas adopté l'article 2.

TRAVAUX EN COMMISSION

Désignation du rapporteur
(Mercredi 14 mai 2025)

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons à présent désigner un rapporteur sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, déposée en mars dernier par Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues.

Nul n'ignore l'importance vitale de la préservation de la ressource en eau et la nécessité de protéger les aires de captage de contaminations susceptibles, dans le meilleur des cas, d'accroître les coûts de traitement et de potabilisation, et, dans le pire, de conduire à la fermeture du captage en question. C'est une préoccupation identifiée depuis longtemps par les pouvoirs publics, à laquelle le Grenelle de l'environnement avait tenté de répondre, au moyen de mécanismes de protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine et la détermination de captages prioritaires. Le fait que nous examinions prochainement un texte législatif sur ce sujet est malheureusement le signe de notre échec collectif.

Pour tenter de renforcer l'efficacité des dispositifs de protection des captages et passer d'une logique curative à une démarche vertueuse de prévention, cette proposition de loi de deux articles envisage d'interdire l'usage et le stockage de produits phytosanitaires dans les zones de protection des aires de captage et prévoit une peine de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende en cas de violation de cette interdiction.

Sous réserve des conclusions de la Conférence des présidents de cet après-midi, ce texte sera examiné en commission, le mercredi 4 juin prochain, et en séance publique, le jeudi 12 juin, dans le cadre de l'espace réservé du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

La commission désigne M. Hervé Gillé rapporteur sur la proposition de loi n° 421 (2024-2025) visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par Mme Florence Blatrix Contat et plusieurs de ses collègues.

Examen du rapport
(Mercredi 4 juin 2025)

M. Didier Mandelli, président. - Nous examinons à présent le rapport de notre collègue Hervé Gillé sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses.

Ce texte, déposé par Mme Florence Blatrix Contat et l'ensemble des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER), est examiné conformément à la procédure du gentlemen's agreement. Je rappelle que cet usage, qui encadre les pratiques parlementaires relatives aux propositions de loi d'initiative sénatoriale en première lecture, veut que la commission ne modifie pas une proposition de loi examinée dans le cadre d'un espace réservé sans l'accord de son auteur.

Pour mémoire, le délai limite pour le dépôt des amendements de séance a été fixé par la Conférence des présidents au mardi 10 juin prochain à 12 heures. L'examen en séance publique aura lieu le 12 juin en fin de matinée et en début d'après-midi, dans le cadre de l'espace réservé au groupe SER.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - J'ai le plaisir de vous présenter les grandes orientations de mon rapport sur la proposition de loi visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses, présentée par notre collègue Florence Blatrix Contat, que je remercie de sa présence parmi nous, ainsi que l'ensemble des membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Cette initiative législative constitue le prolongement des travaux de la mission d'information sur la gestion durable de l'eau de 2023, qui était présidée par Rémy Pointereau et dont j'étais le rapporteur. Nous avions conclu que « l'effort premier doit porter sur la prévention, avec une analyse plus approfondie des substances avant mise sur le marché et une meilleure protection des aires de captage des eaux destinées à la consommation humaine, dans la mesure où le coût du traitement est au moins trois fois supérieur à celui de la prévention ». Le texte que nous examinons ce matin se veut la traduction opérationnelle de cette conviction politique forte et partagée au sein de notre assemblée.

Je salue la mobilisation sans faille de notre commission ces dernières années en faveur de l'eau et des milieux aquatiques - notre président est très sensible à cette question. Ce fort intérêt s'illustre notamment par les travaux que nous avons menés sur la résilience hydrique, sur la gestion quantitative et qualitative de la ressource, et sur la diminution des pressions de toute nature susceptibles d'altérer la qualité des eaux. Je ne doute pas que ces approches pionnières prévaudront ce matin et que le texte qui vous est proposé recueillera vos suffrages, même si le contexte politique et budgétaire est délicat. Il s'agit de protéger efficacement nos captages d'eau potable et de réduire les charges, de plus en plus lourdes, de dépollution et de traitement, qui pèsent sur les finances des collectivités territoriales.

Pour bien cerner les enjeux et la problématique, j'esquisserai en premier lieu un rapide panorama des menaces qui pèsent sur une ressource aussi fondamentale que méconnue, l'eau du robinet.

En 2024, la France comptait un peu moins de 37 800 captages actifs destinés à la production d'eau potable, dont 32 500 étaient exploités pour l'adduction collective publique. Environ 18 millions de mètres cubes d'eau y sont prélevés par jour : 96 % des captages sont réalisés en eaux souterraines et permettent de fournir 66 % des volumes prélevés ; 4 % des captages prélèvent dans les eaux superficielles et fournissent 34 % des volumes.

Les pollutions se renforcent chaque jour, car les polluants s'accumulent. Ils se dégradent selon une durée variable. Certains, tels que les polluants dits éternels, ne disparaissent pas. Chaque année, ce patrimoine indispensable à la couverture des besoins domestiques et économiques en eau potable se réduit inéluctablement, du fait de l'abandon de certains équipements. Sur la période 1980-2024, on estime ainsi que près de 14 300 captages ont été fermés. Dans un tiers des cas, la fermeture est imputable à la dégradation de la qualité de la ressource en eau. Cette situation est très préoccupante.

Parmi les captages abandonnés en raison de la dégradation de la qualité de la ressource, 41 % le sont du fait de teneurs excessives en nitrates ou en pesticides : les activités agricoles constituent un facteur de pression significatif sur la qualité de l'eau, même si elles sont loin d'être les seules à contribuer à l'altération de la qualité de la ressource, voire à sa contamination. Jusqu'à présent, aucun instrument juridique, aucune stratégie, aucun mécanisme financier n'est parvenu à inverser la trajectoire de dégradation des eaux brutes.

Un rapport interinspections de juin 2024 a ainsi fait le constat de « l'échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides ». Les inspecteurs alertent sur le fait que, sans mesures préventives ambitieuses et ciblées, la reconquête de la qualité des eaux est illusoire. Ils ajoutent que « la préservation de la qualité des ressources en eau brute est un impératif afin de pouvoir continuer à les utiliser pour produire des eaux destinées à la consommation humaine et éviter des coûts de traitement élevés ».

Entre trente et quarante captages sont fermés chaque année pour cause de pollution par les nitrates, les pesticides et leurs métabolites, ce qui réduit d'autant notre capacité à produire une eau de qualité constante dans le temps. En 2023, seuls trois Français sur quatre ont été alimentés en permanence par une eau respectant les limites de qualité réglementaires pour les pesticides et leurs métabolites. Ce chiffre masque de fortes disparités d'un territoire à l'autre : à titre d'illustration, en 2023, en Normandie, seulement 36 % de la population a été alimentée en permanence par des eaux conformes aux normes. On constate une dégradation progressive, qui s'accentue d'année en année.

Cette situation oblige les services publics de l'eau à mettre en oeuvre des traitements modifiant la nature ou la propriété de l'eau avant qu'elle ne soit distribuée, afin de réduire ou d'éliminer le risque de non-respect des normes sanitaires. Ces traitements engendrent naturellement des surcoûts pour les gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement, entre 1 et 2 milliards d'euros par an pour l'ensemble du territoire national. La mise en oeuvre des traitements pour débarrasser l'eau des pesticides et de leurs métabolites pèse tout particulièrement sur les services des collectivités de petite et moyenne taille. Ces traitements peuvent se traduire, dans les départements faisant face aux pressions les plus significatives, par des augmentations des prix comprises entre 0,3 à 0,4 euro par mètre cube d'eau consommée. Nous sommes en réalité en présence d'un conflit d'enjeux : il faut sécuriser les aires de captage, tout en aidant les agriculteurs à faire face aux contraintes susceptibles d'être imposées.

Ces données et ces constats illustrent la pertinence et les bénéfices des interventions visant à limiter les pollutions diffuses dans le cadre d'une logique préventive, afin de diminuer les coûts liés à la seule approche curative. La gestion des pollutions à la source et la protection des captages d'eau potable constituent une solution pertinente et efficace sur le plan économique, d'autant que le coût du traitement des eaux brutes pour les rendre potables ne cesse d'augmenter, en raison de la hausse des coûts des réactifs et de l'énergie, mais aussi du fait de la nécessité d'éliminer un nombre croissant de polluants présents dans les nappes souterraines. La prévention est primordiale : si nous n'agissons pas rapidement, les coûts augmenteront. Ce type d'approche constitue donc un investissement rentable, car les dépenses évitées sont bien supérieures aux moyens consacrés à la prévention : l'effet de levier est estimé à un pour trois - un euro dépensé pour la prévention évite au moins trois euros de dépense curative.

C'est d'ailleurs l'approche mise en oeuvre au travers des instruments juridiques existants et des différentes stratégies nationales élaborées en faveur des points de captage. Mais le succès est relatif, comme l'illustre, malheureusement, le nombre trop élevé d'abandons de captages - un par semaine en moyenne !

Le corpus normatif encadrant la protection et la qualité de l'eau est foisonnant. Il est coiffé par la directive européenne Eau potable de 1998, qui a été refondue en 2020 : celle-ci vise à protéger la santé humaine des effets néfastes de la contamination des eaux destinées à la consommation humaine, en garantissant la salubrité et la propreté de celles-ci par le biais d'une approche fondée sur les risques en matière de sécurité sanitaire des eaux. La directive-cadre sur l'eau de 2000 vise, quant à elle, à assurer la réduction progressive de la pollution des eaux souterraines et à prévenir l'aggravation de leur pollution.

Le législateur a progressivement renforcé et perfectionné les outils de protection des points de captage, depuis la loi du 15 février 1902, qui prévoyait déjà l'acquisition en pleine propriété des terrains où se trouve le point de captage et l'établissement d'un périmètre de protection contre les pollutions.

Les différentes lois sur l'eau de 1964, de 1992 et de 2006 ont institué différents périmètres, facultatifs ou obligatoires, aux abords et au sein du périmètre hydrographique du point de captage. Toute création d'un captage d'eau potable s'accompagne aujourd'hui d'un périmètre de protection immédiat et, le cas échéant, d'un périmètre rapproché, pouvant être complété par un périmètre éloigné. Ces périmètres sont institués par la voie d'une déclaration d'utilité publique (DUP) : à ce jour, 85 % des captages sont protégés par de tels périmètres, les captages non couverts étant principalement situés en zone montagneuse.

On constate toutefois que la délimitation de ces périmètres de protection ne suffit pas à protéger efficacement contre les pollutions diffuses. Pour les captages particulièrement sensibles aux pollutions anthropiques, il convient de définir des programmes d'actions, lesquels peuvent être complétés, depuis 2007, en cas d'échec des mesures prévues dans ce cadre, par la mise en oeuvre d'une zone soumise à contrainte environnementale (ZSCE), afin d'agir sur le secteur le plus important pour la qualité de la ressource en eau potable.

La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques a ouvert la possibilité de délimiter des aires d'alimentation de captage (AAC). Cette notion, qui repose sur une approche hydrogéologique, correspond aux surfaces sur lesquelles l'eau qui s'infiltre ou ruisselle participe à l'alimentation de la ressource en eau dans laquelle se fait le prélèvement. À l'intérieur de ces périmètres, des zones de protection peuvent être délimitées, au sein desquelles il est nécessaire d'assurer la protection quantitative et qualitative des aires d'alimentation des captages d'eau potable d'une importance particulière pour l'approvisionnement actuel ou futur.

Les collectivités territoriales peuvent également, de leur propre initiative, intégrer des prescriptions de protection des captages dans leur plan local d'urbanisme (PLU), au travers du mécanisme des servitudes de protection, l'interdiction de certaines activités sur des terrains privés ou l'acquisition des terrains autour des captages pour assurer leur protection.

Le caractère foisonnant et l'empilement de ces dispositifs constituent un facteur indiscutable d'illisibilité et de complexité, notamment pour mettre en oeuvre les actions de prévention de la dégradation de la qualité des ressources en eau. Les dispositions encadrant la protection des captages d'eau destinée à la consommation humaine relèvent en effet de quatre codes différents, ce qui est source de possibles superpositions des périmètres et de confusion à propos des plans d'action instaurant des mesures de protection et d'action.

Outre ces instruments juridiques, des stratégies ont été élaborées pour rétablir la qualité des eaux souterraines : je pense notamment aux 500, puis 1 000 « captages prioritaires » annoncés lors du Grenelle de l'environnement de 2009 et de la conférence environnementale de 2013, aux différents plans Écophyto, ou au plan Eau de mars 2023. Je pourrai aussi citer la feuille de route du Gouvernement, présentée en mars dernier, visant à améliorer la qualité de l'eau par la protection de nos captages ; elle est copilotée par les ministères chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé : l'ambition est de définir 3 000 « captages sensibles » et de concentrer l'effort sur la reconquête de leur qualité. Il est prévu que l'arrêté ministériel soit publié en octobre, mais il sera probablement publié plus tard, car le dossier est complexe. Les négociations risquent d'être longues, mais il est nécessaire d'agir. Notre rôle de parlementaires est de mener une réflexion en profondeur sur ce sujet.

Que retenir de cet arsenal législatif et réglementaire ? Un constat s'impose : la lutte efficace et transformatrice contre les pollutions diffuses est encore à venir ! Nous avons collectivement échoué à protéger la qualité des eaux souterraines. Les objectifs de reconquête de la qualité des masses d'eau fixés par la directive-cadre sur l'eau ne seront pas atteints et les élus locaux feront prochainement face à un mur d'investissements et à des impasses techniques pour garantir, en tout temps et en tout lieu, une eau répondant aux normes sanitaires.

Le moment est solennel. Le délégué général de l'association Amorce nous a indiqué qu'il craignait une forte inflation des coûts de traitement au cours de la prochaine décennie, de l'ordre de 50 % à 60 %. Cette hausse se répercutera mécaniquement sur le prix de l'eau, si nous ne faisons rien aujourd'hui.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, l'urgence nous commande d'agir de façon volontariste et déterminée si nous voulons inverser la dynamique délétère de dégradation de la qualité de l'eau. Ce texte, que je vous invite à adopter, vise ainsi précisément à interdire, d'ici à 2031, l'utilisation de produits phytosanitaires au sein des zones de protection des aires d'alimentation des captages. Cette mesure constitue la première brique d'une méthode globale, plus fédératrice, assortie de moyens financiers dédiés et de mécanismes d'accompagnement et d'aide à la transition.

Ce texte ne vise nullement à désigner les agriculteurs comme responsables d'une situation qu'ils subissent eux aussi. Son dispositif doit être indiscutablement complété pour combiner mesures accompagnatrices et coercitives, au moyen d'instruments financiers - paiements pour services environnementaux (PSE), mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), aides à la conversion, contractualisation avec objectifs de moyens et de résultats, etc. - pour créer une dynamique en donnant les impulsions nécessaires. Pour agir, il faut accompagner les acteurs concernés et faire en sorte que les évolutions soient acceptables. C'est dans ce sens que je souhaite amender ce texte, en accord avec son auteure.

Afin de rééquilibrer les leviers d'action en faveur de la reconquête de la qualité des eaux brutes, je vous soumettrai dans quelques instants cinq amendements, qui visent à circonscrire l'interdiction contenue dans ce texte aux zones où cette mesure est la plus efficace et la plus transformatrice, et à trouver les voies pour accompagner le monde agricole vers la transition qui rendra notre système agricole plus durable, plus souverain et plus rémunérateur.

Je ne saurai trop vous inviter, mes chers collègues, à vous prononcer en faveur de ce texte qui vise à préserver ce que nous avons de plus précieux et de plus vital : la ressource en eau.

Il faut créer les conditions d'un dialogue efficace pour mobiliser tous les acteurs. Nous voulons mettre en avant un dialogue de gestion, assorti d'engagements réciproques, afin de négocier des objectifs et déterminer les moyens de les atteindre. L'approche serait moins coercitive pour ceux qui s'engageraient dans cette logique contractuelle. Le but est d'impulser une dynamique qui associe tous les acteurs sur le terrain, afin de préserver notre ressource en eau.

Mme Florence Blatrix Contat, auteure de la proposition de loi. - L'eau potable, ce bien vital que l'on croyait acquis, devient aujourd'hui une ressource fragile, de plus en plus rare et chère, dont il est de plus en plus difficile de garantir la conformité aux normes sanitaires.

J'ai été, pendant dix ans, vice-présidente d'un syndicat des eaux. J'ai rencontré différentes situations. L'eau d'un captage dont nous avions pu acquérir les terrains environnants ne comportait ni nitrates ni pesticides, et était parfaitement conforme aux normes sanitaires. Un autre captage était associé à une usine de traitement des eaux. Dans l'eau issue d'autres captages, les taux de pesticides atteignaient les valeurs limites autorisées, ce qui entraîne des difficultés en ce qui concerne l'information de la population et le traitement de l'eau. C'est pour cette raison que j'ai pris l'initiative de déposer cette proposition de loi.

Comme notre rapporteur l'a indiqué, 14 000 captages ont été abandonnés depuis les années 1980, dont près de 40 % d'entre eux à cause des pollutions aux nitrates et aux pesticides. En 2022, 10 millions de Français ont bu au moins une fois une eau du robinet non conforme aux normes sur les pesticides. Un tiers des nappes phréatiques est contaminé. Ce constat est accablant. En dépit des plans, des lois et des dispositifs incitatifs adoptés depuis des décennies, près d'un captage sur six n'a toujours pas de périmètre de protection. Les plans d'action qui encadrent la mise en place des aires d'alimentation des captages sont trop peu contraignants.

En réalité, la situation continue de se dégrader, les fermetures de captage s'accélèrent et ce sont nos collectivités qui en payent le prix. Quand un captage devient inexploitable, les communes, les syndicats des eaux, les intercommunalités doivent s'adapter, procéder à de nouveaux forages, mettre en oeuvre des traitements complexes, et la facture explose. On estime que les surcoûts liés à la pollution s'établissent dans une fourchette entre 1 et 2 milliards d'euros par an, ce qui est considérable.

Par ailleurs, je rappelle que les charbons actifs sont importés. Il s'agit donc aussi d'une question de souveraineté et de santé publique. L'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a clairement établi que l'exposition chronique aux pesticides s'accompagne de pathologies graves, en particulier chez les femmes enceintes, les enfants et les agriculteurs. Nous avons le devoir d'anticiper.

Allons-nous dès lors continuer simplement à réparer, à grands frais, les conséquences de notre inaction ? Ou bien allons-nous enfin protéger nos ressources en eau à la source ? C'est l'orientation de cette proposition de loi, qui vise à interdire de manière progressive l'usage et le stockage des pesticides. Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur, qui l'a rendue plus opérationnelle. Ses amendements tendent à introduire des paliers progressifs, à protéger les agriculteurs qui utilisent peu d'intrants ou exercent en agriculture bio, à instaurer un accompagnement technique et financier pour réaliser la transition, à cibler des zones critiques et à développer une logique contractuelle, par le biais d'engagements réciproques entre les exploitants et les gestionnaires de l'eau.

Ce texte est une réponse collective à un problème structurel, qui est devant nous. Il reconnaît le rôle central des agriculteurs et leur propose un chemin réaliste vers une agriculture plus durable sur des zones vitales pour notre alimentation en eau. Il répond aussi à la demande de nombreux élus de toute sensibilité, qui souhaitent la création d'outils efficaces, car les coûts deviennent trop importants. Les politiques incitatives ont produit des résultats, mais ceux-ci sont trop limités, trop locaux, pour inverser une tendance nationale. Les objectifs de réduction des pesticides ne sont pas atteints et les masses d'eau restent, pour beaucoup d'entre elles, en mauvais état. Il est temps de franchir un cap.

Ce texte prolonge les recommandations du Sénat, de l'Assemblée nationale, des agences de l'eau, des associations d'élus, des rapports d'inspection, etc. Il va dans le sens des conclusions de la mission d'information sénatoriale sur la gestion durable de l'eau que nous avions conduite voilà deux ans. La question de la qualité de l'eau dépasse les clivages politiques. Elle constitue un enjeu de santé, de justice territoriale et de solidarité.

Mes chers collègues, nous avons l'occasion de faire un choix en responsabilité pour la santé publique, pour nos finances publiques, pour nos communes, pour notre souveraineté. Je vous encourage à soutenir cette proposition de loi.

M. Pascal Martin. - Le groupe Union Centriste partage le constat de notre rapporteur : les stratégies existantes pour rétablir la qualité des eaux ont échoué. Il convient de mettre en oeuvre des politiques publiques transversales, dans une logique d'accompagnement - c'est très important - et d'aide à la transition des pratiques et des méthodes culturales.

Le texte mobilise pour l'essentiel le levier coercitif. Il vise à interdire, à partir de 2031, l'utilisation et le stockage de produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des périmètres de protection des aires d'alimentation des captages. Si cette approche peut paraître pertinente dans certains cas, notamment là où les pressions sur les ressources sont les plus fortes, ce profond changement des pratiques agricoles risque de fragiliser la viabilité agronomique et économique des exploitations concernées. Il est donc indispensable de prévoir des mesures d'accompagnement des agriculteurs. La lutte contre les pollutions diffuses ne sera efficace que si le monde agricole et l'ensemble des acteurs de l'eau sont associés.

Il nous paraît cependant quelque peu prématuré de légiférer alors que le Gouvernement vient de présenter sa feuille de route stratégique visant à améliorer la qualité de l'eau par la protection de captage. Ce chantier devrait aboutir d'ici à la fin de l'année. Attendons ses conclusions.

Ensuite, dans le contexte actuel de crise agricole que nous connaissons, et compte tenu des négociations en cours entre les deux assemblées sur ce sujet, il ne semble pas judicieux d'adopter des contraintes supplémentaires pesant sur les agriculteurs.

Cependant, nous saluons le travail de notre rapporteur, qui s'est efforcé de rendre le texte plus acceptable en introduisant quelques mesures d'accompagnement bienvenues. Malheureusement, compte tenu des éléments de contexte et de temporalité que j'ai évoqués, le groupe Union Centriste ne pourra pas approuver cette proposition de loi, et, par cohérence, votera contre les amendements du rapporteur, même si certains vont dans le bon sens.

M. Didier Mandelli, président. - J'indique que ce sera aussi la position du groupe Les Républicains.

M. Olivier Jacquin. - Ce texte est bienvenu. Voilà un peu plus de vingt ans que je suis en politique et que je m'intéresse à ces questions. Or, très peu de progrès ont été réalisés pour protéger les périmètres de captage. Les fermetures de captage continuent à être, comme l'a dit Hervé Gillé, le principal outil politique de régulation de la qualité de l'eau. Cette situation aboutit à un désastre écologique considérable.

J'ai été membre de la commission d'enquête sénatoriale sur les pratiques des industriels de l'eau en bouteille. Celle-ci a permis de s'intéresser à la question de la qualité des eaux. Tous les industriels de l'eau minérale ont pris des mesures pour protéger leurs périmètres de captage, en interdisant l'utilisation des produits phytosanitaires et en soutenant les cultures à bas niveaux d'intrants. Nous connaissons tous, mes chers collègues, dans nos départements respectifs, des situations où l'on a pu, par le recours à des outils de maîtrise foncière ou grâce à une contractualisation forte, changer de type d'agriculture, ce qui s'est accompagné d'une amélioration considérable de la qualité de l'eau.

Ce texte est véritablement un texte de santé publique. En tant qu'agriculteur, je souscris aux propos de notre rapporteur et de l'auteure de la proposition de loi. Nous n'avancerons pas sans un accompagnement important des agriculteurs, par le biais, par exemple, des paiements pour services environnementaux, des mesures agroenvironnementales et climatiques, ou de la contractualisation dans le cadre de la politique agricole commune.

Alors que le Gouvernement commence à travailler sur la question des périmètres de captage, le moment semble opportun, contrairement à ce que vient de dire notre collègue Pascal Martin, pour lui envoyer un signal fort.

M. Ronan Dantec. - Depuis toujours la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) est opposée à la protection des espaces de captage, et ce pour des raisons idéologiques : elle ne souhaite pas voir apparaître ainsi de grands espaces qui seraient la vitrine d'une autre agriculture.

On sait, comme notre rapporteur l'a rappelé, que cette absence de protection des périmètres coûte très cher à la société française, aux collectivités territoriales, et génère des risques en termes de santé publique.

Le travail du Sénat est de trouver la voie pour parvenir à protéger les périmètres de captage, ce qui est indispensable en raison du changement climatique. Si le réchauffement moyen est de 4 degrés Celsius, la question de l'eau deviendra particulièrement prégnante.

Dès lors, soit le politique regarde ailleurs et laisse la société se réguler, parce que les uns et les autres n'ont pas les mêmes intérêts politiques et ne développent pas les mêmes argumentaires à partir de l'analyse de la situation actuelle ; soit, nous nous efforçons, comme le Sénat avait coutume de le faire, de trouver la voie d'un compromis, pour éviter d'assister à une judiciarisation accrue sur le terrain, à des plaintes massives contre les agriculteurs. Voyez ce qui se passe autour de Redon, où des élus locaux, qui ne sont pourtant pas de gauche, s'opposent fortement à une partie du monde agricole pour la préservation des nappes phréatiques. Une logique d'affrontement est déjà à l'oeuvre dans la société, la sensibilité aux questions de l'eau ne fera que croître.

L'examen de cette proposition de loi doit être l'occasion pour le Sénat de faire des propositions et d'orienter la réflexion du Gouvernement. S'abstenir d'agir ne serait pas responsable. N'attendons pas l'élection présidentielle qui aura lieu dans deux ans. Le Sénat a toujours su trouver des compromis. Ne nous privons pas des leviers parlementaires à cause de postures politiciennes. Vu l'urgence sanitaire et économique, il ne serait pas responsable de ne pas voter cette proposition de loi. Si nous ne faisons rien, cela coûtera un pognon de dingue ! Si nous cédons à la FNSEA, qui s'oppose pour des raisons purement idéologiques à la protection des périmètres de captage, nous manquerons une opportunité.

M. Didier Mandelli, président. - Notre rapporteur pourra sans doute, afin de vous répondre, nous préciser le contenu de l'audition de la FNSEA organisée dans le cadre de ses travaux préparatoires.

Mme Kristina Pluchet. - Il existe des zones de protection autour des périmètres de captage. Elles ne sont peut-être pas suffisantes, mais les agriculteurs sont déjà soumis à des contraintes. Je m'interroge sur l'interdiction du stockage des produits phytosanitaires. De même, si l'on élargit les périmètres, que se passera-t-il ? Que fera-t-on des exploitations d'élevage, des coopératives ou des usines déjà existantes qui se retrouveront incluses dans les nouveaux périmètres ? Faudra-t-il les délocaliser ? Le texte est muet à cet égard. Il mérite une étude d'impact approfondie. De nombreux points sont à revoir. Dans sa rédaction actuelle, cette proposition de loi mériterait des éclaircissements.

M. Alexandre Basquin. - Ce texte constitue une vraie opportunité. Je salue son auteure pour son audace et son volontarisme. Je salue aussi le travail pertinent de notre rapporteur. Les arguments et les chiffres qui ont été avancés montrent bien qu'il faut tout mettre en oeuvre pour préserver la ressource en eau et maintenir sa qualité.

Nous soutenons ce texte, même si les amendements du rapporteur amoindrissent sa portée, en ce qui concerne les exemptions ou la réduction des sanctions. Nous ne sommes pas hostiles à un accompagnement des agriculteurs - loin de là ! Nous avons en effet tout à gagner collectivement à ne pas opposer agriculture et préservation de l'eau.

Le groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky votera la proposition de loi, mais s'abstiendra sur les amendements.

M. Jean-Claude Anglars. - Je remercie notre rapporteur d'avoir rappelé toutes les mesures qui ont été adoptées sur le sujet depuis 1902.

La solution retenue dans cette proposition de loi est brutale, même si je peux partager certains éléments du constat. Je pense notamment aux territoires d'élevage, où coexistent des espaces pour le bétail et des périmètres de protection des captages. Ces derniers existent déjà.

Sur de tels sujets, je préfère le dialogue local. L'adoption par l'Europe de mesures agro-environnementales s'est ainsi accompagnée d'un dialogue permanent entre les agriculteurs, les acteurs des territoires, le Gouvernement et les autorités européennes. Il est dangereux de proposer une interdiction systématique d'un certain nombre de produits et de pratiques. Le monde agricole se sent agressé, et c'est normal.

J'aurais préféré que nous nous inspirions des conclusions de la mission commune d'information du Sénat sur les pesticides qui avait été présidée par Sophie Primas et dont la rapporteure était Nicole Bonnefoy. Il était préconisé de conclure des chartes locales. Il convient de privilégier une approche territorialisée pour résoudre les problèmes. C'est d'ailleurs ce qui se fait déjà.

En tout cas, je suis opposé à l'interdiction de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux au sein des périmètres de protection des aires d'alimentation des captages. Voilà une mesure brutale et contre-productive. Cela se retournera contre les auteurs du texte. Dans les territoires, notamment de montagne, nous avons mis en oeuvre des pratiques de concertation : inspirons-nous de cette démarche.

Mme Marta de Cidrac. - Je m'interroge sur les chiffres qui illustrent les enjeux dont nous débattons ce matin. Selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, près de 12 500 captages actifs ont été fermés en vingt ans, dont 34 % à cause de pollutions aux nitrates et aux pesticides. Pour quelles raisons les autres captages ont-ils été fermés ? On se focalise sur le volet agricole, mais il y a certainement d'autres sources de pollution.

M. Michaël Weber. - Je remercie l'auteure de cette proposition de loi qui va dans le sens de l'histoire. Je salue aussi le travail de notre rapporteur, qui s'est efforcé de trouver un consensus.

Il n'y a pas de brutalité à essayer de trouver des solutions à un problème qui préoccupe nos concitoyens. La qualité de l'eau, comme celle de l'air, suscite chez nos concitoyens de grandes inquiétudes.

Certains ont évoqué le calendrier en indiquant qu'il n'était pas opportun d'adopter ce texte maintenant. Il est vrai que, depuis un an, la question des difficultés du monde agricole est prégnante. Il faut reconnaître la valeur ajoutée de l'agriculture. Mais la commission d'enquête sur les eaux minérales a démontré sans ambiguïté qu'il y avait un problème de qualité des eaux. Il faut tenir compte de ces deux éléments. On ne peut pas se contenter de dire que le contexte est défavorable et invoquer les difficultés des agriculteurs. C'est d'ailleurs le même argument que l'on nous opposait lors de l'examen de notre proposition de loi visant à préserver des sols vivants l'an dernier.

Notre président nous a dit que le rapporteur nous préciserait le contenu de ses échanges avec la FNSEA. Mais le Sénat ne doit pas être sous la tutelle de la FNSEA !

M. Didier Mandelli, président. - Ce n'est pas du tout ce que j'ai dit ! Je faisais simplement état des discussions préalables que j'ai eues avec le rapporteur à propos de ses travaux préparatoires.

M. Michaël Weber. - J'ai participé à plusieurs auditions avec le rapporteur. Il est toutefois maladroit de ne mentionner qu'un seul organisme...

M. Didier Mandelli, président. - Ce n'est pas moi qui l'ai cité !

M. Michaël Weber. - Ce texte va dans le sens des attentes de nos concitoyens. Ces derniers comprendraient mal qu'on ne l'adopte pas, alors que l'on fait par ailleurs le constat de l'existence de problèmes relatifs à la qualité des eaux. Des protections des captages existent déjà, certes, mais elles sont notoirement insuffisantes. Ce texte prévoit des mesures d'accompagnement. N'attendons pas que le Gouvernement présente son plan d'action. Si nous parvenons à un consensus au Sénat, nous pourrions orienter sa réflexion.

Le groupe SER votera ce texte, ainsi que les amendements du rapporteur.

M. Damien Michallet. - Le Sénat a pour vocation de rechercher le consensus. Je rejoins la position de l'opposition sur ce sujet, mais ce n'est pas rare.

Toutefois, je déplore que cette proposition de loi s'inscrive dans une approche très dogmatique : on prétend agir au nom de tout le monde, mais sans s'intéresser aux gens. On fait les mêmes erreurs que pour le dispositif « zéro artificialisation nette » (ZAN). Nous sommes tous d'accord sur le fond, mais l'approche retenue n'est pas bonne. On va braquer les gens dans les territoires. L'approche est unilatérale et trop parisienne.

Il faut penser par les territoires, et non pour les territoires. Laissons les élus locaux faire leur travail. Si les mesures de protection ne sont pas suffisantes, aidons les territoires à les améliorer, mais n'imposons pas. On ne peut pas tout résoudre depuis Paris. Chaque cas est spécifique. Le Sénat doit penser aux territoires. Nous devons les accompagner, pour qu'ils puissent traiter cette question, en fédérant l'action des associations locales, des agriculteurs et surtout des consommateurs d'eau.

M. Jean-Pierre Corbisez. - Mon collègue a raison : laissons les territoires s'organiser. Je voudrais témoigner de l'expérience d'une agglomération qui a su gérer son champ captant, en lien avec les agriculteurs, les syndicats d'agriculteurs et les chambres d'agriculture. L'eau affleurait parfois sur les sols et alimentait une petite rivière, l'Escrebieux. Nous avons acheté les terrains environnants. Les agriculteurs ne payent pas de loyer et ils sont indemnisés en fonction du choix des cultures. Nous indemnisons même les associations de chasseurs pour qu'elles achètent des munitions en céramique, qui ne contiennent pas de plomb, car ces dernières sont susceptibles de contaminer la nappe phréatique. Quand on le veut, on peut mettre en oeuvre des mesures qui fonctionnent sur le terrain ; cela suppose des moyens et du dialogue, mais cela fonctionne, y compris avec les syndicats agricoles.

J'aurais aimé que l'auteure de cette proposition de loi ou le rapporteur nous propose de modifier le code de l'urbanisme. Les nappes sont essentiellement alimentées par les eaux pluviales. Or, dans certains territoires, la gestion des eaux pluviales à la parcelle n'est pas obligatoire. Les eaux pluviales vont dans le réseau d'assainissement et alimentent la station d'épuration. Le délégataire de service public pour l'eau et l'assainissement ne s'en plaindra certainement pas, puisqu'il a alors à traiter de l'eau propre à 97 %, quand on le paye pour nettoyer de l'eau sale ! Or, pendant que la station d'épuration est pleine, le reste des eaux va dans la nappe. Il conviendrait donc de réfléchir à la question de l'infiltration des eaux pluviales.

La protection des nappes phréatiques est aussi un problème d'État. Dans mon territoire, la consommation de l'eau de la nappe est interdite aux femmes enceintes et aux nourrissons de moins de 6 mois, en raison de la pollution au perchlorate d'ammonium due aux munitions employées durant la Première Guerre mondiale. Quand la nappe est remplie, le taux des polluants est faible, mais, en période estivale, quand le niveau de la nappe est faible, la concentration des polluants augmente mécaniquement et dépasse parfois les taux limites définis par l'Europe. Cette dernière a d'ailleurs un rôle important à jouer en la matière. En tout cas, il faut veiller à ce que les eaux pluviales retournent au sol.

Nous n'avons pas parlé non plus des futures centrales nucléaires, les EPR, ni des usines de fabrication de batteries pour les voitures électriques, qui vont consommer des millions de mètres cubes d'eau supplémentaires, ce qui aura des conséquences sur le niveau des nappes phréatiques. Certaines de ces infrastructures seront installées en bord de mer, mais désaliniser l'eau de mer coûte très cher et personne ne veut payer.

Il conviendrait donc de dépasser la simple question de la protection des champs captants, et de s'intéresser au code de l'urbanisme, afin de préparer l'avenir et d'anticiper les conséquences de l'installation de nouvelles structures industrielles très consommatrices d'eau.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Je vous remercie pour ces nombreuses interventions, qui enrichissent utilement nos échanges.

Je commencerai par formuler une remarque générale. Le texte dont nous débattons doit être apprécié à la lumière des amendements qui ont été déposés. Autrement dit, la lecture politique de ce texte passe nécessairement par une analyse tenant compte de sa version amendée. Or certaines observations que vous avez faites laissent à penser que les amendements proposés n'ont pas été pris en considération.

Ainsi, s'agissant de l'horizon de 2031, nous ne sommes plus sur cette échéance, car le texte a été substantiellement modifié. Nous parlons désormais d'un délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi, ce qui est un ajustement majeur en matière de calendrier. Ce délai me semble être une position raisonnable dans la perspective d'une stratégie d'accompagnement. Dès lors, l'argument que vous avez avancé ne tient plus.

Plusieurs d'entre vous ont souligné la nécessité d'associer l'ensemble des acteurs, en exprimant des réserves sur la stratégie d'accompagnement financier. C'est précisément ce que nous visons au travers de nos amendements. Nous proposons en effet un dispositif préalable, qui a d'ailleurs retenu l'attention de la FNSEA. Je me permets ici de reprendre une remarque formulée par Didier Mandelli : lors d'un échange en amont, nous avons évoqué les différentes positions exprimées lors des auditions et il est apparu que, sur le fond, celle de la FNSEA n'était pas très éloignée de celle que nous défendons. Elle s'inscrit dans un contexte donné que je comprends parfaitement. J'ai bien conscience du décalage qui peut exister entre une responsabilité syndicale nationale et les difficultés qu'il y a à faire passer des messages au niveau local.

Sur la question des contrats d'engagements réciproques, que nous posons comme une pierre angulaire, notre volonté est claire : nous voulons, avant toute logique coercitive, instaurer un dialogue à l'échelle des territoires, impliquant chaque partie prenante dans les aires d'alimentation des captages. Il s'agit là d'un dialogue d'engagement réciproque où l'on négocie les objectifs à atteindre et les moyens à mobiliser avec les acteurs locaux, dans une perspective particulièrement territorialisée.

Le Girondin que je suis souhaite réagir à la logique excessive que certains d'entre vous ont suggérée. En effet, l'approche que nous défendons est ultra-territorialisée. Les points de captage d'eau potable sont tous différents, de sorte qu'il serait absurde d'appliquer un dogme uniforme au niveau national. Ce sont les diagnostics locaux qui orientent les mesures à mettre en oeuvre.

Je le redis, notre méthode repose bien sur une approche territorialisée, négociée avec les parties prenantes. Telle est notre volonté. Et, en ce qui concerne le calendrier, l'objectif demeure fixé à dix ans à compter de la promulgation de la loi. Nous nous laissons ainsi du champ pour déployer les actions nécessaires.

S'agissant du travail en cours avec le Gouvernement, il convient de parler clair : pensez-vous vraiment qu'un projet de loi gouvernemental verra le jour d'ici à la fin de l'année, ou en 2026, compte tenu du contexte institutionnel et politique que vous connaissez aussi bien que moi ? Vous le savez pertinemment : il y a 99 % de chances qu'aucun texte ne soit présenté.

Le Gouvernement lui-même, à tout le moins plusieurs ministres chargés de ce dossier, reconnaissent l'intérêt des initiatives parlementaires, qui permettent de faire vivre des projets. Nous nous inscrivons clairement dans cette dynamique.

Jean-Claude Anglars a évoqué une forme de brutalité, mais ce terme ne correspond pas à la réalité. Ce que je décris ici, c'est une stratégie d'accompagnement, reposant sur la négociation des moyens. Si nous avions le temps, nous pourrions en débattre, car c'est un sujet qui le mérite, mais l'ordre du jour ne le permet pas. L'objectif est clair : il s'agit d'essayer de négocier des briques financières à différents niveaux d'intervention pour consolider l'action territoriale.

S'agissant de la remarque de Marta de Cidrac sur les fermetures de captages, il faut le dire sans ambiguïté : certaines relèvent, certes, de problèmes liés à la pollution, mais d'autres s'expliquent par un manque de ressources, par des processus de rationalisation engagés à un moment donné, voire par des systèmes devenus obstrués ou dysfonctionnels. Toutes ces situations conduisent également à des fermetures au niveau des aires de captage.

Je rappelle aussi, pour faire écho aux propos de Jean-Pierre Corbisez que la gestion des eaux pluviales s'intègre désormais pleinement aux politiques d'urbanisme, dans les PLU et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). C'est dans ce cadre que doit se construire une véritable stratégie pour le pluvial.

Aujourd'hui, certains schémas de cohérence territoriale (Scot) indiquent clairement qu'il y aura moins de permis de construire parce que la ressource en eau diminue. Il convient de garder cette donnée à l'esprit.

M. Didier Mandelli, président. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer qu'il inclut les dispositions relatives aux obligations et interdictions découlant de la reconquête de la qualité des eaux souterraines ; à la délimitation de périmètres de protection des captages d'eau potable, aux prescriptions s'appliquant au sein des zones ainsi délimitées et à l'entrée en vigueur des dispositifs réglementaires ou contractuels associés ; aux sanctions susceptibles d'être prononcées en cas de non-respect des prescriptions relatives à la protection des aires de captage d'eau potable.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Hervé Gillé, rapporteur. - Mon amendement COM-1 vise à redéfinir le périmètre d'application du dispositif de prohibition des usages et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux, en se référant à des zones qui font l'objet d'une délimitation obligatoire. L'interdiction serait d'application systématique au sein des périmètres de protection immédiate et rapprochée, lorsque le point de prélèvement est considéré comme sensible, c'est-à-dire lorsque les résultats d'analyse de la qualité de l'eau font apparaître des niveaux excédant des seuils fixés par arrêté. Cette même interdiction concernerait également les engrais minéraux au sein des zones vulnérables aux pollutions par les pesticides.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - L'amendement COM-2  vise à compléter le texte par un volet indispensable dédié à l'accompagnement. J'insiste à nouveau sur la nécessité de proposer la création d'un contrat d'engagements réciproques, afin d'assurer la protection de la ressource en eau potable entre un exploitant agricole et le gestionnaire chargé de la production ou de la distribution de l'eau potable. Ce contrat vise à réduire les pollutions diffuses, mais en ayant un accord librement consenti par les parties. Nous sommes donc dans une démarche clairement volontariste, dans ce cadre, avant d'arriver à la démarche coercitive.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - L'amendement COM-3 vise à réécrire la disposition relative au décret fixant les seuils intermédiaires de réduction de l'usage et du stockage des produits phytopharmaceutiques et des engrais minéraux, en tenant compte de la création des contrats d'engagements réciproques. Il s'agit de respecter le rythme de diminution des usages de systèmes fixés par décret, à moins qu'un exploitant n'ait conclu un contrat d'engagements réciproques, qui implique un dialogue d'accompagnement.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

M. Hervé Gillé, rapporteur. - L'amendement COM-4 vise à différer l'entrée en vigueur de l'interdiction d'utilisation et de stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux portée initialement par l'article 1er. Nous avons bien vu qu'il fallait donner du temps dans ce cas de figure, d'où le délai de dix ans à compter de la promulgation de la loi.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 2

M. Hervé Gillé, rapporteur. - L'amendement COM-5 vise à supprimer l'article 2 relatif à la sanction prévue en cas de violation de l'interdiction introduite à l'article 1er. Je souligne également l'effort qui a été fait pour diminuer le montant des amendes, dans la mesure où le montant de 75 000 euros nous a semblé trop important. Nous l'avons divisé par dix et il est désormais proportionné au niveau du chiffre d'affaires net produit par l'exploitation, ce qui protège les petites exploitations. Nous avons donc fait un geste supplémentaire pour atténuer la brutalité du texte.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

L'article 2 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 1er

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

M. GILLÉ, rapporteur

COM-1

Redéfinition du périmètre d'application du dispositif de prohibition de l'utilisation et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux et régime de sanction en cas de violation de l'interdiction

Rejeté

M. GILLÉ, rapporteur

COM-2

Finalité et modalités de conclusion du contrat d'engagements réciproques

Rejeté

M. GILLÉ, rapporteur

COM-3

Fixation par décret de seuils intermédiaires de réduction de l'usage et du stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux

Rejeté

M. GILLÉ, rapporteur

COM-4

Entrée en vigueur de l'interdiction d'utilisation et de stockage des produits phytosanitaires et des engrais minéraux

Rejeté

Article 2

M. GILLÉ, rapporteur

COM-5

Suppression par coordination

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie29(*) »

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie30(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte31(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial32(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a arrêté, lors de sa réunion du 4 juin 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 421 (2024-2025) visant à renforcer la protection des ressources en eau potable contre les pollutions diffuses.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- aux obligations et interdictions découlant de la reconquête de la qualité des eaux souterraines ;

- à la délimitation de périmètres de protection des captages d'eau potable, aux prescriptions s'appliquant au sein des zones ainsi délimitées et à l'entrée en vigueur des dispositifs réglementaires ou contractuels associés ;

- aux sanctions susceptibles d'être prononcées en cas de non-respect des prescriptions relatives à la protection des aires de captage d'eau potable.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 20 mai 2025

- Ministère de la transition écologique - Direction de l'eau et de la biodiversité (DEB) : MM. Damien LAMOTTE, sous-directeur de la coordination, de l'appui, de la stratégie et du pilotage des politiques de protection et de la restauration des écosystèmes, Laurent TELLECHEA, adjoint à la sous-directrice de la protection et de la gestion de l'eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques (EARM) et Mme Laure-Anne MAGNARD, cheffe du bureau de la qualité de l'eau et agriculture (EARM5).

- Coordination rurale : MM. Thierry-James FACQUER, président de la Coordination rurale de Bourgogne-Franche-Comté, Joseph MARTIN, président de la Coordination rurale Bretagne et Laurent DENISE, chercheur indépendant sur le lien climat, eau et biodiversité.

- Agences de l'eau : Mmes Élodie GALKO, directrice générale de l'agence Adour-Garonne, Isabelle MATYKOWSKI, directrice générale de l'agence Artois-Picardie.

- Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) : Mme Ariane BLUM, directrice de l'Eau et M. Alain DUPUY, directeur du programme Eaux souterraines et changement global.

Mercredi 21 mai 2025

- Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) : MM. Hervé PAUL, vice-président, président d'Eau d'Azur, régie de l'eau de la métropole de Nice et Franco NOVELLI, adjoint au responsable du département Cycle de l'eau.

- Direction générale de la santé (DGS) : Mmes Laurence CATE, adjointe à la sous-directrice de la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation et Marie TEYSSANDIER, cheffe de bureau adjointe Qualité des eaux.

- Ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt - Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) : Mme Élodie LEMATTE, cheffe du service compétitivité et performance environnementale (SCPE) et M. Emmanuel STEINMANN, chef du bureau Qualité de l'eau et agriculture.

Lundi 26 mai 2025

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Philippe JOUGLA, membre du Conseil d'administration et référent Gestion et stockage de l'eau, Bastien RENAUX, chargé de mission environnement et apiculture et Hugo BERNARD, chargé de mission affaires publiques.

Mardi 27 mai 2025

- Chambres d'agriculture France : M. Laurent DEGENNE, secrétaire-adjoint et président de la Chambre d'agriculture des Hauts-de-France, Mme Garance SIESTRUNCK, chargée de mission Gestion de l'eau, M. Étienne BERTIN, chargé d'affaires publiques.

- Audition conjointe Générations futures et France Nature Environnement (FNE) : Mme Pauline CERVAN, toxicologue (Générations futures), M. Alexis GUILPART, animateur du réseau Eau et milieux aquatiques de FNE et Mme Noémie MOREL, chargée de mission Eau et Littoral de FNE Pays-de-Loire.

- Comité national de l'eau (CNE) : M. Luc SERVANT, vice-président de chambres d'agriculture France et président de la chambre régionale d'agriculture de Nouvelle-Aquitaine, membre du CNE.

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

- Association Amorce

- Agences régionales de santé (ARS)

- Direction générale des collectivités locales (DGCL)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-421.html


* 1 Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine, réalisé par l'IGAS, l'IGEDD et le CGAER, juin 2024.

* 2 Fleuves, rivières, canaux, lacs et barrages.

* 3 Chiffre extrait du « Bilan environnemental de la France - Édition 2024 » publié par le ministère de la transition écologique. Les usages des 37 795 captages actifs se décomposent de la façon suivante : adduction collective publique : 32 549, adduction collective privée : 3 369 ; activité agroalimentaire : 1 373, eau conditionnée : 275 ; usage thermal : 229.

https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/la-pollution-des-eaux-superficielles-et-souterraines-en-france-extrait-du-bilan-environnemental

* 4 Les autres motifs concernent la rationalisation des réseaux de production et de distribution (23,9 %), des problématiques administratives (15 %), des débits de production trop faibles (8,7 %), des dégradations ou une vétusté trop importante des équipements (7 %) ou l'impossibilité d'assurer la protection de la ressource (5,4 %). La cause de l'abandon n'est pas connue pour 4,6 % des cas.

* 5 Hydrocarbures, sulfates, solvants, fer, manganèse, sélénium, fluorures et fluor, etc.

* 6 Il s'agit d'un réseau de distribution dans lequel la qualité de l'eau est réputée homogène.

* 7 Par exemple dans le rapport n° 928 (XVIIe législature) de Jean-Claude Raux, au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l'Assemblée nationale, sur la proposition de loi visant à protéger durablement la qualité de l'eau potable (12 février 2025) : « En France, les coûts de traitement liés à la pollution de l'eau potable par les pesticides et les engrais azotés minéraux sont estimés entre 750 millions et 1,3 milliard d'euros par an. »

L'instruction du Gouvernement du 5 février 2020 relative à la protection des ressources en eau des captages prioritaires utilisés pour la production d'eau destinée à la consommation humaine, dans sa partie enjeux, évoque ainsi que « Fermer des captages contaminés ou traiter l'eau ne constituent pas des solutions pertinentes. Le coût estimé du traitement induit par ces pollutions pour rendre l'eau potable est en effet compris entre 500 millions d'euros et 1 milliard d'euros par an. La priorité doit donc être donnée à la protection des captages. »

Une étude du CGDD de 2015 évalue les coûts moyens à 50 000 euros pour l'étude préalable, 200 à 500 k€ par kilomètre de canalisation pour des travaux d'interconnexion et 250 k€ pour la mise en oeuvre d'un dispositif de traitement de l'eau, auquel il faut ajouter le coût d'exploitation et le coût d'évacuation des éluats.

* 8 Soit un coût supplémentaire sur la facture d'eau entre 36 à 48 € par an pour un foyer moyen dont la consommation annuelle est de 120 m3.

* 9 Ainsi que l'a relevé la Cour des comptes dans son rapport public thématique de juillet 2023, La gestion quantitative de l'eau en période de changement climatique, page 37.

* 10 Article 7 de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du conseil du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (refonte).

* 11 La directive a été transposée en droit interne par l'ordonnance n° 2022-1611 du 22 décembre 2022 relative à l'accès et à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine.

* 12 Conformément à l'article 6 de l'arrêté du 3 janvier 2023 relatif au plan de gestion de la sécurité sanitaire de l'eau réalisé de la zone de captage jusqu'en amont des installations privées de distribution.

* 13 Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau.

* 14 Directive du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles (91/676/CEE).

* 15 Article 10 : « Le décret déclarant d'utilité publique le captage d'une source pour le service d'une commune déterminera, s'il y a lieu, en même temps que les terrains à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection contre la pollution de ladite source. Il est interdit d'épandre sur les terrains compris dans ce périmètre des engrais humains et d'y forer des puits sans l'autorisation du préfet. »

* 16 Loi n° 64-1245 du 16 décembre 1964 relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution.

* 17 Loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau.

* 18 Le rapporteur déplore l'incohérence des chiffres relatifs au nombre de captages, qui varient sensiblement entre les différents ministères et directions centrales chargées, à un titre ou un autre, du suivi de mesures de protection des captages. Dans l'impossibilité de se livrer à un travail de consolidation des données, il réutilise les indications qui lui ont été fournies en réponse aux questionnaires qu'il a envoyés, en formant le voeu que les ordres de grandeur soient corrects.

* 19 Ruissellement, drainage, fossés d'écoulement, échanges entre nappes alluviales et cours d'eau.

* 20 Loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Le droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine est créé par son article 118.

* 21 Article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales.

* 22 M. Ménard, X. Poux, S. Lumbroso, D. Zakeossian, J.-P. Housse , L. Guichard, P. Steyaert, C. Billy et C.Gascuel-Odoux. Captages Grenelle : où en est-on de la protection contre les pollutions diffuses ? Comment aller plus loin ? Onema, 2015, Collection Comprendre pour agir.

* 23 IGEDD, CGAAER et IGF, rapport sur l'évaluation des actions financières du programme Écophyto mars 2021, publié en octobre 2022, consultable à l'adresse suivante :

https://agriculture.gouv.fr/telecharger/137 766

* 24 Le dossier de presse est consultable à l'adresse suivante :

https://www.ecologie.gouv.fr/presse/ameliorer-qualite-leau-protection-nos-captages

* 25 Le groupe national captage est une instance nationale interministérielle, chargé du suivi et du partage des démarches nationales de protection des captages d'eau potable. Il est composé des acteurs impliqués dans cette thématique : représentants des collectivités, des producteurs d'eau, du monde agricole, des associations de préservation de l'environnement, des services de l'État et de ses établissements publics, etc.

* 26 Substances per- et polyfluoroalkylées.

* 27 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-514.html

* 28 https://www.senat.fr/notice-rapport/2023/r23-777-notice.html

* 29 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 -- Loi portant réforme des retraites.

* 30 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 31 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 32 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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