AUDITION DE MME MARIE BARSACQ, MINISTRE DES SPORTS, DE LA JEUNESSE ET DE LA VIE ASSOCIATIVE
Mme Muriel Jourda, présidente. - Madame la ministre, nous vous accueillons dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2030, qui sera discuté en séance publique le 24 juin prochain.
Comme le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui nous avait été présenté en 2018, dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur, notamment avec Claude Kern, ce projet de loi, qui tend à faciliter la mise en oeuvre des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver dans les Alpes, comporte des dispositions très diverses, en matière de sécurité, d'urbanisme et d'organisation des instances olympiques.
Pour l'accueil d'un événement comme celui-ci, il importe que certains dispositifs ad hoc puissent être adoptés. Pour une grande partie, ceux que vous présentez aujourd'hui sont repris de ceux qui ont été votés en 2018, dont nous avons eu la preuve tangible qu'ils avaient fonctionné, l'été dernier, à Paris.
La diversité des sujets abordés a justifié la saisine pour avis de quatre commissions, auxquelles a été délégué l'examen de plusieurs articles. Certains des rapporteurs pour avis sont présents ce matin, aux côtés du rapporteur de la commission des lois, Jean-Michel Arnaud. Il s'agit de : Martine Berthet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport ; Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales avec Patricia Demas, qui n'a pu être présente aujourd'hui ; et de Damien Michallet, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.
Madame la ministre, je vous cède la parole pour présenter les enjeux du projet de loi et ses dispositions, puis les rapporteurs présents vous interrogeront sur certains aspects du texte.
Mme Marie Barsacq, ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative. - Je suis heureuse de vous présenter, quelques mois après la formidable réussite des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030, qui se tiendront dans les Alpes françaises. Nous devons mesurer la chance qui est la nôtre d'organiser de nouveau des Jeux dans notre pays, après six ans d'intervalle seulement. Notre capacité à organiser de tels événements d'envergure planétaire dans d'excellentes conditions a été démontrée l'été dernier ; nous en récoltons les fruits.
La décision d'attribuer les Jeux à la France a été prise le 24 juillet dernier, juste avant le début des JOP de Paris 2024. Elle résulte de la collaboration de l'État, des régions Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) et Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et du Comité paralympique et sportif français (CPSF). Cette attribution a été confirmée par la signature du contrat hôte olympique avec le Comité international olympique (CIO), le 9 avril dernier, à la suite de l'apport de garanties par l'État, au travers de la loi de finances pour 2025, mais aussi des lettres de garantie signées par deux Premiers ministres - Michel Barnier, en octobre, et François Bayrou, le 14 mars dernier.
Concrètement, les jeux Olympiques seront organisés du 1er au 17 février 2030 et les jeux Paralympiques du 1er au 10 mars 2030. Nous accueillerons de nouveau des ressortissants du monde entier. Pas moins de 3 200 athlètes participeront aux Jeux - 2 700 athlètes olympiens et 600 athlètes paralympiens, mais la différence est notable avec les JOP de Paris s'agissant du nombre de sportifs accueillis. Quelque 3 000 journalistes viendront également, et les volontaires seront fortement mobilisés. Les volontaires des JOP de Paris 2024 ont été l'image des Jeux ; ils seront de nouveau 20 000 en 2030. Enfin, une vingtaine de collectivités issues de ces territoires participeront à l'organisation des Jeux, ce qui leur offre l'occasion de se faire connaître à travers le monde.
Si les organisateurs des Jeux joueront un rôle majeur, je souhaite souligner le rôle important des forces de sécurité, qui contribueront également à leur réussite.
Néanmoins, pour bien organiser ces Jeux, nous avons besoin de doter l'ensemble des parties prenantes de moyens leur permettant de remplir leurs missions dans de bonnes conditions. C'est précisément l'objet de ce projet de loi, sorte de boîte à outils mise à la disposition des organisateurs dans plusieurs domaines. Ses dispositions sont concises et opérationnelles ; elles s'inscrivent dans la continuité de celles qui ont été prévues pour les Jeux de Paris 2024, comme vous l'avez rappelé, madame la présidente. Nous n'avons donc pas réinventé la roue : nous avons utilisé ce qui avait marché.
Le champ de ce projet de loi est assez large - il compte 37 articles -, car nous avons rassemblé les dispositions au sein d'un seul texte, quand nous avions eu recours à deux lois, en 2018 et 2023, pour les Jeux de Paris 2024. Il faut dire que le temps est compté : il ne nous reste plus que cinq ans pour organiser les Jeux.
S'agissant des spécificités relatives à la montagne, plusieurs articles proposent des expérimentations afin de prendre en compte les enjeux majeurs liés à la préservation du milieu naturel et au changement climatique, car nous devons être exemplaires sur le plan environnemental. Nous devons aussi l'être sur le plan budgétaire, au regard du contexte que nous connaissons tous. Nous devons avancer en nous appuyant sur ces deux jambes pour penser un héritage utile pour les habitants de ces territoires.
L'organisation est celle que vous connaissez - celle qui a été expérimentée avec les Jeux de Paris 2024. Je souligne le travail déjà très approfondi mené par le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques et délégué interministériel aux grands événements sportifs, avec la délégation interministérielle aux jeux Olympiques et Paralympiques (Dijop), qui est d'ores et déjà mobilisée sur le sujet.
L'organisation repose aussi sur deux jambes : un Comité d'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), présidé par Edgar Grospiron, une Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), présidée en alternance par les présidents de région - cette année, par Renaud Muselier et, l'an prochain, par Fabrice Pannekoucke - et dont le directeur général exécutif est Damien Robert. Pour information, un comité interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques (Cijop) se réunira le 27 juin prochain pour engager l'ensemble des ministères dans les Jeux des Alpes françaises 2030 et créer une synergie gouvernementale, mais aussi pour construire, dès à présent, l'héritage des Jeux. Cette étape importante contribuera à leur succès.
Venons-en au texte lui-même. Une première série d'articles est relative à la livraison des Jeux, plus particulièrement au respect des stipulations du contrat hôte olympique conclu entre les régions, le CNOSF, le CPSF, l'État et le CIO. Ces mesures sont absolument nécessaires et classiques, déjà connues depuis les Jeux de Paris 2024. Le Cojop a la qualité d'organisateur des compétitions sportives. Les transferts de droits de propriété intellectuelle du CNOSF au Cojop sont prévus ; ce dernier sera chargé du respect des emblèmes et des marques olympiques et paralympiques. Sont également prévues des mesures visant à garantir des droits de publicité aux partenaires des Jeux.
Une deuxième série de dispositions a trait à l'éthique et à l'intégrité. Ce projet doit être exemplaire. Aussi plusieurs contrôles sont-ils mis en place, celui de l'Agence française anticorruption (AFA), mais également ceux de la Cour des comptes et de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Certaines dispositions vous concernent directement, puisqu'il vous est proposé de participer au comité des rémunérations et au comité d'éthique qui seront mis en place, comme cela a été le cas précédemment.
La troisième catégorie de dispositions vise la réalisation des Jeux dans de bonnes conditions, notamment pour ce qui concerne les infrastructures, grâce à la simplification de procédures, par exemple le « permis à double état » pour la construction des villages, aussi bien pour la phase « village Jeux », mais aussi pour la phase « habitation » au lendemain des Jeux.
L'article 24 traite de spécificités liées à la montagne, comme les servitudes relatives aux pistes de ski et aux remontées mécaniques, notamment sur deux sites de compétition, pour le tremplin et pour la piste de bobsleigh. L'article 20 prévoit des expérimentations afin d'accélérer la rénovation énergétique de copropriétés mal isolées- on évoque fréquemment les « lits froids » dans les stations de ski. Ce projet de loi est l'occasion de lancer cette expérimentation attendue depuis longtemps.
D'autres dispositions concernent la sécurité et sont clairement enrichies des retours d'expérience des Jeux de Paris 2024. S'agissant des interdictions de paraître, on passe du recours aux mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) à une procédure plus adaptée. L'expérimentation de la vidéosurveillance algorithmique est, quant à elle, prolongée jusqu'en 2027. En effet, les Jeux de Paris 2024 étaient très urbains, avec une forte présence des forces de l'ordre, ce qui n'a pas permis d'aller au bout de l'expérience. Les Jeux des Alpes françaises 2030 se tiendront dans des territoires de montagne, où les forces de l'ordre seront moins nombreuses et où la concentration de population ne sera pas identique à celle des Jeux de Paris 2024 du fait de la pluralité de sites. La vidéosurveillance algorithmique pourrait se révéler plus pertinente dans ce cas ; c'est pourquoi nous souhaitons prolonger l'expérience.
Je termine avec l'article 36, qui n'est pas directement lié à l'organisation des Jeux de 2030, mais qui prolonge l'héritage de Paris 2024. Les mesures relatives à l'assainissement des bateaux et des établissements flottants en aval de Paris sont pérennisées pour rendre la Seine baignable. Ainsi, cet été, on comptera cinq sites de baignade, répartis entre la Marne et la Seine. C'est une bonne nouvelle.
M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport. - Je vous remercie de cette présentation et je salue le délégué interministériel, qui est présent à vos côtés.
Le modèle économique des JOP d'hiver repose sur un financement privé, davantage encore que les Jeux d'été. Les recettes de billetterie attendues seront moindres que celles des Jeux de Paris 2024. Il faut donc sécuriser ces financements en garantissant aux différents partenaires une exclusivité d'usage des propriétés olympiques et en luttant contre le marketing d'embuscade, qui consiste à utiliser ces marques sans autorisation.
Cette exclusivité soulève également une difficulté : elle limite fortement la capacité des collectivités publiques à communiquer sur leur engagement et à valoriser leur action dans le cadre des Jeux. Nous partageons tous l'objectif de maximiser les recettes issues du secteur privé. À cet égard, quel est, selon vous, le bon équilibre entre les droits exclusifs des partenaires et la reconnaissance de l'action des acteurs publics ?
Les anneaux olympiques installés sur la tour Eiffel ont marqué les esprits pendant les Jeux de Paris 2024. La prolongation de cette installation dans la perspective des Jeux de 2030 fait débat. Pouvez-vous préciser quels en sont les enjeux ? Quelle est la position du CIO à ce sujet ?
La France a érigé la lutte contre le dopage en priorité absolue dans la perspective des Jeux de Paris 2024. L'AFLD a rempli ses engagements, en lien avec l'Agence de contrôles internationale (International Testing Agency, ou ITA). Malheureusement, les moyens de l'AFLD ont baissé après les JOP, ce qui suscite une certaine inquiétude. À mon sens, la fin des JOP ne peut justifier une telle baisse, car le surcroît d'activité engendré par les Jeux de Paris a été pris en charge par le contrat liant Paris 2024 à l'AFLD. Actuellement, la lutte contre le dopage est fragilisée par le différend entre l'Agence mondiale antidopage (AMA) et l'Agence américaine antidopage (Usada). En outre, des compétitions où le dopage est autorisé, voire encouragé, apparaissent. Le projet de loi accorde des moyens juridiques supplémentaires à l'AFLD, mais les moyens humains et financiers sont-ils à la hauteur des ambitions affichées ? Quelles leçons tirez-vous de Paris 2024 en la matière ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Pour ce qui concerne le financement privé et la cohabitation des marques, nous disposerons, comme pour les Jeux de Paris 2024, d'un emblème pour les Jeux des Alpes françaises 2030, qui pourra être associé à celui des régions sous la forme de logos composites à l'instar de la région Île-de-France à l'occasion des JOP de Paris. Toutefois, pour l'instant, nous n'avons pas encore d'emblème pour les Jeux de 2030, raison pour laquelle personne ne communique à ce sujet. Ce logo composite sera très visible et permettra aux régions de communiquer sur les Jeux dans leur territoire. Les sponsors des Jeux seront aussi affichés dans le cadre de ces communications. À mon sens, il n'y a aucune inquiétude à avoir s'agissant de la cohabitation de ces différentes marques. Les choses se mettront en ordre en temps utile. Dans quelques mois, nous devrions disposer d'un emblème.
S'agissant des anneaux installés sur la tour Eiffel, les discussions sont en cours, notamment avec le CIO, qui doit donner son aval pour ce qui concerne la visibilité des anneaux olympiques dans l'espace public en France. Rien n'est encore décidé à ce stade, mais nous devrions avoir des éléments de réponse dans les prochaines semaines.
À propos du dopage, l'AFLD capitalise sur les dispositions mises en place lors des JO de Paris 2024, qui sont un bel héritage ; j'ai d'ailleurs rencontré la présidente de l'Agence lors de ma prise de fonction. Les moyens de l'AFLD relèvent du budget du ministère des sports, de la jeunesse et de la vie associative, donc du projet de loi de finances que nous présenterons. Vous avez raison de souligner la particularité du contexte international actuel au regard des visions différentes des diverses agences antidopage. La France essaie d'oeuvrer sur le plan diplomatique. Nous continuerons de travailler à l'intégration des enjeux du dopage, qui sont importants pour le ministère, dans le budget 2026.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - L'examen de ce projet de loi au Sénat sera l'occasion de défendre l'organisation en France des jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de 2030 auprès de nos concitoyens, sachant qu'une partie de la population s'interroge encore sur la pertinence de cette démarche, notamment au regard du changement climatique.
Tout d'abord, comment entendez-vous associer la population, dans toute sa diversité, à la concertation relative à ces Jeux ? Il convient d'en expliquer la portée et de prendre en compte les suggestions de nos concitoyens.
Ensuite - il s'agit à l'évidence d'une question épineuse et d'un enjeu crucial -, en vertu de l'article 5 de ce projet de loi, les régions Aura et Paca pourraient contribuer, à hauteur d'un quart chacune, à la garantie d'un éventuel déficit du Cojop, l'État prenant en charge la moitié restante. Or une telle participation des collectivités territoriales n'a pas été prévue pour les jeux Olympiques de 2024. De plus, nous ne disposons pas encore de la carte des sites et le coût global de ces nouveaux jeux Olympiques reste à préciser - les estimations oscillent entre 1,9 et 2,4 milliards d'euros. Pourquoi le Gouvernement veut-il prévoir dès aujourd'hui une telle garantie financière de la part des régions hôtes ?
J'en viens à la vidéosurveillance algorithmique, mise en oeuvre par l'article 35. Nos collègues Marie-Pierre de La Gontrie et Françoise Dumont ont recommandé d'étendre ce dispositif au-delà des grands événements et de permettre à des agents communaux n'appartenant pas à la police municipale d'accéder aux signalements. En parallèle, elles préconisent de conférer davantage d'autonomie aux acteurs pour le choix des solutions technologiques et de garantir dans la loi l'indépendance du comité d'évaluation. Le Gouvernement est-il favorable à ces recommandations ?
Enfin - cette question remonte du terrain de manière assez récurrente - , pourriez-vous nous préciser la définition susceptible d'être retenue pour établir la nature olympique directe ou indirecte d'un projet, déterminant, de fait, la possibilité de recourir aux différentes procédures facilitées dans les domaines de l'urbanisme et de l'aménagement prévues par le projet de loi? C'est un enjeu essentiel pour les porteurs de projet dans les territoires.
Mme Marie Barsacq, ministre. - La participation citoyenne est un enjeu majeur : vous avez raison de le souligner. Elle ne fait pas encore l'objet d'une stratégie particulière, mais l'ensemble des parties prenantes mesurent l'importance de cet effort de pédagogie pour que le projet soit compris et même attendu par les populations directement concernées. À cette fin, nous devons avant tout disposer d'éléments concrets, ce qui suppose de franchir quelques étapes, dont la fixation de la carte définitive des sites et la stabilisation du budget. Nous avons également besoin d'établir notre stratégie environnementale ; ce sera tout l'enjeu du Cijop.
Ce travail d'ensemble va être consolidé dans les prochains mois, et même dans les prochaines semaines. Dès lors, nous pourrons organiser des concertations à Paris et dans tous les territoires hôtes des Jeux. Le Comité d'organisation lui-même va élaborer un programme de communication en ce sens, en particulier à destination du tissu associatif.
L'organisation des Jeux fait l'objet de trois types de garanties : la garantie de remboursement du CIO en cas d'annulation des Jeux ; la garantie d'emprunt bancaire, destinée à faciliter la trésorerie du Comité d'organisation ; et la garantie du déficit des Jeux, qui ressortit de ce comité.
À ce titre, l'article 5 permet de recourir à l'engagement des deux régions concernées, engagement qui serait limité au quart du solde déficitaire du Cojop et qui supposerait un accord avec lesdites régions. Avant d'introduire cette disposition dans le projet de loi, nous avons pris soin d'aborder la question avec les élus concernés, qui semblent disposés à en débattre.
J'ai bien entendu pris connaissance des travaux sénatoriaux relatifs à la vidéosurveillance algorithmique, qui ont achevé de nous convaincre de la nécessité de prolonger l'expérimentation. Pour ne pas préempter le débat parlementaire, nous nous en sommes tenus aux dispositions prévues pour les Jeux de Paris 2024. Nous n'ignorons pas que l'environnement des Alpes françaises n'est pas celui de la capitale, ce qui n'est pas sans conséquence, en particulier pour la mobilisation des forces de l'ordre. Enfin, le périmètre des projets doit être défini au cas par cas.
M. Pierre-Antoine Molina, délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques et délégué interministériel aux grands événements sportifs. - Comme l'a relevé le rapporteur, le texte emploie des terminologies différentes pour désigner les opérations en lien avec les jeux Olympiques. La nature du lien avec cet événement varie en effet selon la portée des mesures de facilitation considérées.
Ainsi, il est important de définir de manière suffisamment large le bénéfice des dispositions qui accélèrent les procédures d'urbanisme afin que les opérations nécessaires aux JO puissent toutes bénéficier de ce cadre normatif.
À l'inverse, nous avons été conduits à circonscrire davantage le champ de telle ou telle mesure qui devrait être conciliée avec des droits constitutionnellement garantis. Je pense notamment à la prise de possession anticipée des terrains dans le cadre d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. Il s'agit d'une procédure tout à fait dérogatoire, subordonnée à l'avis conforme du Conseil d'État ; à ce stade, seules les opérations relatives aux villages olympiques et aux compétitions entrent dans son champ d'application.
De même - je cite cet exemple, bien qu'il n'entre pas dans le champ de la loi -, nous travaillons à un projet de décret dérogeant au double degré de juridiction pour les contentieux liés aux opérations nécessaires aux jeux Olympiques, comme ce fut le cas pour les Jeux de Paris 2024. Le champ de cette dérogation sera beaucoup plus large car elle est beaucoup plus habituelle que la prise de possession anticipée que je viens d'évoquer.
Dans une certaine mesure, il est donc normal que des formulations employées diffèrent d'un article à l'autre. Mais peut-être les échanges à venir pourront-ils préciser les points qui vous sembleraient réellement obscurs : nous pouvons tout à fait discuter des harmonisations qui vous paraîtraient nécessaires.
Permettez-moi de revenir brièvement sur la vidéo augmentée, sujet que le Sénat connaît bien pour en avoir traité au titre de la proposition de loi relative au renforcement de la sûreté dans les transports. La disposition figurant dans le projet de loi reprend peu ou prou celle que le Sénat a adoptée au sein de cette proposition de loi, et que le Conseil constitutionnel a censurée comme cavalier.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce n'est pas le Sénat qui a introduit cette mesure : c'est l'Assemblée nationale.
M. Pierre-Antoine Molina. - L'expérimentation était alors en cours : il suffisait de la prolonger. Dans la mesure où elle est achevée, il convient maintenant de la reconduire. À cet égard, le débat parlementaire pourra évidemment se poursuivre, mais le Gouvernement n'a pas fait preuve d'innovation.
Enfin, comme l'a indiqué la ministre, l'article 5 ouvre simplement la possibilité, pour les régions hôtes, de contribuer à la garantie du déficit du Cojop. Un tel concours suppose, au préalable, une négociation clarifiant les bases sur lesquelles ces régions s'engagent. En outre, la possibilité pour elles d'accorder leur garantie serait doublement limitée : l'engagement serait circonscrit à une part du budget du Cojop et des recettes de fonctionnement de ces collectivités territoriales - c'est l'usage pour les garanties d'emprunt accordées par les régions.
Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. - Les sept articles confiés à mon examen traitent à la fois de l'aménagement et du logement. Ils sont presque tous issus de la loi encadrant les Jeux de Paris 2024, mais leur rédaction doit être adaptée au contexte de la montagne.
À cet égard, tous les délais prévus ont-ils été bien pensés ? Je songe notamment aux installations temporaires et à la mise à disposition des logements.
En tant que Savoyarde, je vous alerte également sur les voies de circulation, même si ces articles n'en traitent pas. Nos collègues rapporteurs seront, j'en suis certaine, attentifs à cette question.
Enfin, la liste exacte des sites sera-t-elle transmise avant l'adoption définitive du texte par le Parlement ? Nous devons être en mesure de nous prononcer en toute connaissance de cause, notamment en matière d'aménagement et de logement.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Nous nous sommes évidemment employés à adapter ces dispositions au contexte de la montagne. Ainsi, nous n'avons pas prévu de mobiliser les logements étudiants, comme ce fut le cas pour les Jeux de Paris 2024, d'autant que ces Jeux se dérouleront en période scolaire. Sur ce sujet, les premières projections dont nous disposons sont d'ailleurs de nature à nous rassurer.
Quant à la carte des sites, elle a bien sûr toute son importance. Elle fait encore l'objet de discussions, parallèlement au budget - les deux sujets sont étroitement liés. Le Comité d'organisation s'est fixé pour objectif d'arrêter cette carte à la rentrée. De nouveaux renforts viennent d'être recrutés par le Comité d'organisation, dont un directeur financier, qui vont nous permettre d'avancer. De plus, le Comité d'organisation s'appuie désormais sur un certain nombre d'experts, travaillant sur la base du projet de candidature initial et du rapport élaboré par l'inspection générale des finances. Nous avons pour objectif de faire converger les deux calendriers.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Ma collègue Patricia Demas est chargée des articles 28 et 29, qui ont pour objet l'installation des polycliniques et le droit d'exercer des professionnels de santé. Avez-vous des informations à nous communiquer à ce sujet, étant entendu que les sites dont il s'agit sont totalement différents de ceux qui avaient été prévus pour les Jeux de Paris 2024 ?
Pour ma part, je suis chargée de l'article 30, introduisant une dérogation au repos dominical. Bien sûr, nous soutiendrons cette mesure, qui reprend peu ou prou les dispositions de 2024. Mais vous savez combien le Sénat est attaché au dialogue social ! Or les organisations syndicales déplorent une consultation quelque peu défaillante ou précipitée des partenaires sociaux. Seront-elles bien consultées à ce titre, à l'instar des organisations patronales ? Plus généralement, à quelle échéance une charte sociale comparable à celle des Jeux de Paris 2024 sera-t-elle signée ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Je suis particulièrement attentive à la place des partenaires sociaux et m'étais d'ailleurs chargée de ce dossier pour les Jeux de Paris 2024, en élaborant la charte sociale et en assurant la présence des partenaires sociaux au sein du conseil d'administration du Comité d'organisation. Nous ferons de même pour les Jeux de 2030.
Nous menons un dialogue continu avec les représentants de la charte sociale depuis la fin des Jeux de 2024. Toutefois, ces acteurs sont en phase de réorganisation, en vue d'une nouvelle stratégie de la charte sociale pour les Jeux de 2030. Ils doivent notamment désigner des représentants qui seront nos interlocuteurs au sein du Comité d'organisation. En effet, leur participation au projet passe par une association de la charte sociale, créée et dirigée par leurs soins.
Les partenaires sociaux prendront toute leur part à ce travail. Il s'agit pour moi d'un sujet essentiel, car, comme vous, je crois beaucoup au dialogue social.
La disposition relative au dialogue social reprend celle de Paris 2024 et sera appliquée au cas par cas : c'est aux préfets qu'il reviendra d'apprécier les différentes situations, sachant que certaines stations dérogent déjà au travail dominical. Les partenaires sociaux seront évidemment associés à ce dialogue.
Quant à la mobilisation des polycliniques, elle est indispensable aux athlètes. À cette fin, des conventions seront signées entre les agences régionales de santé (ARS) et les deux régions. Nous allons y travailler.
M. Pierre-Alain Roiron. - Vous avez évoqué le traitement automatisé des images algorithmiques. Dans quelle mesure les partenaires privés interviendront-ils à ce titre ? Quelles garanties le Gouvernement entend-il apporter ? N'allons-nous pas vers une généralisation de cet outil ? Le Conseil d'État a souligné que ce dispositif contraignant devait rester fondamentalement protecteur.
Mme Marie Barsacq, ministre. - L'objectif n'est pas de généraliser l'outil : il est de le circonscrire aux Jeux de 2030. J'insiste sur le fait que l'on s'en tient aux dispositions prévues pour les Jeux de 2024.
Des prestataires privés vont certes opérer, mais ils seront tenus par un contrat interdisant toute exploitation des images. Ces dernières sont nécessaires à la sécurité des sites et seront traitées par les acteurs publics. Ce sujet ne saurait donc inspirer d'inquiétude, d'autant que l'on ne parle pas d'un contrôle facial : il s'agit d'un dispositif anonymisé, destiné en particulier à surveiller les mouvements de foule.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Agnès Canayer et moi-même avions conduit, en amont des jeux Olympiques de 2024, une mission d'information relative à la sécurité au sens large. Puis, après la tenue des Jeux, nous nous sommes penchées plus précisément sur la vidéosurveillance algorithmique et sur la sécurité privée.
Dès le mois de septembre dernier, le ministre de l'intérieur, Bruno Retailleau, et le préfet de police de Paris estimaient qu'il fallait pérenniser la vidéosurveillance algorithmique. Quant à nous, nous nous sommes prononcées pour une prolongation de l'expérimentation. Le dispositif peut être très utile, notamment pour détecter des intrusions, mais il n'est pas encore totalement mature - on le constate pour les huit cas d'usage déterminés par le ministère de l'intérieur.
M. André Reichardt. - La situation géopolitique mondiale est à tout le moins préoccupante et risque encore de s'aggraver. Dès lors, de nouveaux textes ne seront-ils pas nécessaires d'ici à 2030 pour adapter nos systèmes de sécurité ?
La présence d'une délégation russe ayant fait polémique en 2024, je m'interroge sur la liste des pays susceptibles de prendre part à ces Jeux. Y avez-vous déjà réfléchi ?
Les renforts de police destinés à sécuriser les jeux Olympiques de Paris 2024 ont été déployés aux dépens d'autres missions, comme la surveillance des plages. Faut-il s'attendre à de tels effets collatéraux en 2030 ?
Enfin, pouvez-vous nous donner quelques indications quant aux disciplines sportives qui seront retenues pour les jeux Olympiques de 2030 ?
Mme Cécile Cukierman. - Le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky défendra le même objectif que pour Paris 2024 : tout doit être fait pour que ces JO soient populaires, sociaux et respectueux de l'environnement. Je l'affirme d'autant plus que nous allons entrer dans un temps législatif de préparation où tout risque de mal se passer ! Je suis sénatrice depuis 2011 : j'ai donc vécu l'ensemble de la préparation des Jeux de Paris 2024, sous les gouvernements successifs, et assisté à nombre de drames qui n'avaient pas été anticipés, sur les sites des Jeux comme partout en France. Pourtant, les JO ont été très réussis, et la France s'en est très bien portée - si l'on oublie la pluie pendant de la cérémonie d'ouverture...
Dans les années à venir, le rôle des parlementaires sera donc de tout anticiper, y compris le pire, pour que les Jeux des Alpes françaises de 2030 soient aussi beaux que possible.
Puisque les JO doivent se tenir, nous soutiendrons, une nouvelle fois, les dérogations prévues sur un grand nombre de sujets, notamment en matière d'urbanisme, dès lors qu'elles seront encadrées. Cependant, nous ne voterons pas tous les articles, en particulier ceux qui concernent la sécurité.
Les JO doivent être populaires : veillons à ce qu'Alpes 2030 rayonne dans toute la France, de la même manière que la préparation de Paris 2024 avait irrigué l'ensemble de notre territoire. C'est aussi ce qui fait la réussite de l'événement.
Les JO doivent être sociaux. Sur ce point, je m'associe à la vigilance de Pascale Gruny.
Enfin, les JO doivent être respectueux de l'environnement. Pour ma part, je ne suis pas opposée à la neige de culture. La préparation des JO ne permettra pas de régler l'ensemble des débats politiques de notre société, qui continueront à se poser à la suite de cet événement. En tant qu'élue régionale, je suis témoin que ces sujets se rapportent à une question de fond : que sera la montagne en 2050 ? À ce titre, les JO doivent nous servir d'expérimentation et d'accélérateur scientifique : certaines innovations fonctionneront, d'autres non.
Prenez les JO de Paris 2024 : heureusement que des travaux d'aménagement pour la gestion de l'eau ont été organisés en amont de l'événement ! Cela a permis d'assurer la bonne tenue de certaines épreuves des Jeux, mais aussi de rendre accessible à tous la baignade dans la Seine cet été.
Nous aurons l'occasion de débattre, en séance, de ce texte, qui ouvre la préparation législative d'Alpes 2030. Nous devrons nous montrer à la hauteur pour que le Parlement soit l'un des acteurs de la réussite des JOP.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Concernant la surveillance algorithmique, notre philosophie est de relancer cette expérimentation afin d'identifier les forces et les faiblesses du dispositif, et de le faire évoluer au besoin. Et, s'il est prévu qu'elle arrive à terme en 2027, son véritable horizon reste, bien entendu, 2030. Au demeurant, votre suggestion de prolonger le dispositif jusqu'à la fin du mois de juin 2027 nous paraît tout à fait pertinente.
Monsieur Reichardt, notre dispositif de sécurité devra en effet prendre en compte les tensions internationales qui seront à l'oeuvre en février 2030. Soyez rassuré : dans le cadre de Paris 2024, le Gouvernement avait lancé un grand nombre de travaux, qui n'ont pas tous fait l'objet de communications, sur les risques terroristes, mais aussi sur le hacking informatique. Ces sujets seront suivis de très près à l'approche des Jeux. Des interlocuteurs au sein du Cojop auront pour mission de travailler sur ces risques avec l'État.
La liste des pays qui participeront aux Jeux est un enjeu important, qui ne relève pas de la compétence du Comité d'organisation. C'est une décision prise par les organisateurs, à savoir le CIO et le Comité international paralympique (IPC). Cette liste est encore en discussion à l'approche des Jeux de Milan-Cortina de février 2026, et devra également être définie en vue des Jeux de Los Angeles en 2028. Pour février 2030, nous devrons tenir compte des enjeux géopolitiques. Des discussions très resserrées ont lieu sur ce sujet entre les organisateurs et les fédérations internationales. Outre des enjeux sportifs, la qualification ou non de certains pays soulève des questions sécuritaires.
Concernant les renforts de police, n'oublions pas que l'envergure des Jeux de Paris 2024 n'est pas comparable à celle des Jeux des Alpes 2030 : 10 000 athlètes et 20 000 journalistes ont participé aux premiers, tandis que seuls 3 000 athlètes et 3 000 journalistes sont attendus pour les seconds. Pour autant, les services de l'État sont déjà pleinement mobilisés sur le sujet.
Le choix des sports additionnels pour les Jeux des Alpes 2030 représente un moment fort pour le Comité d'organisation. Il sera arrêté lors de la session du CIO précédant les Jeux de Milan-Cortina, à partir des propositions émises fin 2025. L'équation n'est pas facile : les sports additionnels ne doivent pas représenter un coût supplémentaire pour le budget. En outre, ces choix sont la traduction du récit que nous voulons raconter au travers des Jeux. Ainsi, dans le cadre de Paris 2024, des sports urbains, émergents et populaires, comme le skateboard, le surf ou l'escalade, avaient été retenus pour mettre en avant la jeunesse.
Madame Cukierman, le caractère populaire des Jeux a été la marque de fabrique de Paris 2024 et sera dans l'ADN des Jeux des Alpes 2030. Les Jeux doivent être accessibles à tous. En 2024, le dispositif de billetterie populaire avait été largement porté par l'État, notamment par la Dijop, tandis que le programme « Ma classe aux Jeux » avait permis à de nombreux élèves d'assister aux épreuves paralympiques. Ce sont des réussites de Paris 2024.
Pour ce qui est des enjeux sociaux, au-delà de la charte sociale, les Jeux sont source d'opportunités pour le tissu économique local et pour les demandeurs d'emploi. Cette question sera au coeur de notre projet.
Enfin, l'impact environnemental est un enjeu important. Les Jeux sont à l'origine d'importantes innovations. Ainsi, grâce aux investissements des sponsors de Paris 2024, EDF et GRDF, tous les sites de compétition des Jeux ont été raccordés aux réseaux. Désormais, des événements tels que le concert du 14 juillet au pied de la tour Eiffel ou la fashion week, place de la Concorde, pourront se passer de générateurs.
Le rayonnement des Jeux dans toute la France est un enjeu majeur. Des programmes mis en place à l'occasion des Jeux d'été pourront être renouvelés pour les Jeux d'hiver. Ainsi, « Génération 2030 » permettra de mobiliser les écoles, les collèges, les lycées et les universités de France. Nous devrons aussi nous inspirer du programme « Terre de Jeux 2024 », qui avait permis aux Jeux de trouver un écho partout en France. Le parcours de la flamme olympique, enfin, avait suscité un engagement des territoires en amont de l'événement.
M. Guy Benarroche. - Je ne vous cacherai pas les doutes et les réticences des mouvements associatifs écologistes et de mon parti quant à l'organisation des jeux Olympiques en France en 2030.
Tout d'abord, on ne peut que constater la raréfaction de la neige. Nonobstant toutes les innovations dans ce domaine, on connaît les difficultés actuelles des stations à garantir la pérennité de leur activité économique en lien avec la neige. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs déjà entamé une reconversion vers d'autres domaines. Aussi, est-il pertinent d'organiser dans ces mêmes stations, en 2030, des jeux Olympiques qui nécessiteront des conditions optimales d'enneigement pour la bonne tenue des épreuves ?
Quand on évalue les coûts, on ne prend pas en compte celui de l'inaction climatique ou des actions contre le climat, même si celles-ci sont compensées par d'autres afin d'affirmer que ces Jeux sont respectueux de l'environnement... Certes, il est difficile de chiffrer ce montant, mais beaucoup, à cette heure, s'y attellent : nous le connaîtrons donc à terme.
Une action auprès des tribunaux administratifs a été engagée courant mai par un collectif d'associations réunissant notamment la Ligue des droits de l'Homme, Greenpeace, des associations locales et des représentants de collectivités locales. Pensez-vous que cette action puisse vous porter préjudice ? Si le climat permet effectivement la tenue des jeux Olympiques de 2030, alors nous devrons tout faire pour qu'ils se passent au mieux.
Enfin, concernant le caractère populaire des Jeux, je reçois de nombreux courriers de récrimination des mouvements sportifs associatifs, qui déplorent que les retombées positives de la réussite de Paris 2024 soient mises à mal par la baisse de leurs budgets. En effet, les collectivités territoriales n'ont plus les moyens de financer ces associations, et l'État ne les soutient pas davantage, car la tendance est plutôt aux restrictions budgétaires...
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Madame la ministre, vous avez évoqué l'impact positif des Jeux sur le tissu économique local.
Pendant les Jeux de Paris, la sécurité privée avait été pilotée par le préfet de la région Île-de-France, Marc Guillaume. En effet, les Jeux nécessitaient l'intervention de milliers d'agents de sécurité privée. De nombreuses petites structures se sont créées à cette occasion, la plupart des grandes entreprises de ce domaine ne s'étant pas portées candidates. France Travail, notamment, a étroitement accompagné cette nouvelle filière pour l'aider à se développer et à se consolider.
Y aura-t-il un besoin important de recourir à la sécurité privée pour les Jeux des Alpes ?
Mme Marie Barsacq, ministre. - Le CIO a établi une règle importante pour restreindre le nombre de candidatures aux Jeux d'hiver : les pays doivent démontrer qu'ils disposent d'une capacité d'enneigement suffisante. La France en a donc fait la preuve.
Il est vrai que les compétitions internationales sont aussi assorties d'exigences en matière de qualité. Nous sommes donc amenés à nous interroger sur l'utilisation, peut-être nécessaire, de neige de culture pour offrir un niveau d'enneigement équivalent tout au long de la compétition. En effet, il est essentiel de garantir l'équité entre athlètes, selon qu'ils descendent la piste les premiers ou les derniers.
En Savoie, nous sommes relativement rassurés, car nous constatons que seulement 1 % de la ressource en eau est utilisée pour produire de la neige de culture. Surtout, comme l'expliquait hier Edgar Grospiron, elle est restituée au printemps, période où le besoin est le plus élevé, et prélevée à l'automne, période où le besoin est le moins élevé. Par conséquent, nous considérons que nous ne mettons pas en danger la ressource dans les territoires hôtes des Jeux.
Le Gouvernement a pris connaissance de la saisine du tribunal administratif par voie de presse. Nous en attendrons l'issue. Cette procédure traduit une forte inquiétude au sein du tissu associatif. J'avais déjà pu, à l'occasion de Paris 2024, rencontrer de nombreuses associations qui étaient soit opposées à l'événement, soit très inquiètes. Il faut rassurer, en réfléchissant à la manière de faire participer la population, se fixer des ambitions et, surtout, prouver, par le biais de programmes de communication, qu'aucune catastrophe n'adviendra. Les Jeux sont non seulement une compétition sportive, mais aussi une occasion à saisir, du fait de ses effets positifs pour les territoires.
Le budget des sports en France est une source d'inquiétude, pour moi la première ! Le lendemain des Jeux de Paris est difficile, je le concède. Pourtant, certains chiffres incroyables témoignent de l'envie de sport des Français, notamment chez les personnes en situation de handicap : le nombre de licenciés est en hausse de 33 % pour la Fédération française de triathlon et de 21 % pour la Fédération française handisport. La Fédération française de basket-ball a refusé 150 000 personnes et la Fédération française de handball, 120 000.
Même si nous en avons construit dans le cadre des Jeux de Paris, les équipements sportifs ne sont pas assez nombreux et notre budget se trouve contraint.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Pourquoi ne pas profiter des Jeux d'hiver ? C'est un choix politique...
Mme Marie Barsacq, ministre. - Élisabeth Borne et moi travaillons à ouvrir aux associations les équipements situés à l'intérieur des établissements scolaires : sur un total de 28 000, seulement 5 000 sont ouverts actuellement. Il n'est pas possible de faire autrement au regard de la tension de la demande. Ces équipements sportifs sont des biens publics. Il faut que les chefs d'établissement entendent cet appel. Nous mènerons ce combat.
Il faudra trouver dans le budget 2026 les bons équilibres pour faire face à la demande de sport : je suis pleinement mobilisée. La conjonction de restrictions budgétaires en cascade entre l'État et les collectivités fait que de nombreux acteurs associatifs sont en difficulté.
En évoquant la sécurité privée, vous n'auriez pas pu faire plus plaisir à Pierre-Antoine Molina et à moi-même, car Marc Guillaume et nous avons été les chevilles ouvrières du dispositif mis en place pour Paris 2024, qui a formidablement bien marché. Nous y avons cru dès le départ.
Pour faciliter la vie à ce secteur en tension, les entreprises de sécurité attributaires des marchés des Jeux de Paris ont eu affaire à un interlocuteur unique : pour recruter, il ne leur a pas été nécessaire de recourir à France Travail, aux missions locales ou à des facilitateurs. En effet, dès l'obtention d'un marché, chacune disposait du nom et des coordonnées d'un référent qui la contactait pour lui présenter une liste de demandeurs d'emploi. Cette force d'appui incroyable a permis aux entreprises d'avoir les ressources humaines nécessaires. Pourtant, les inquiétudes étaient fortes. Le plus beau de l'histoire est que plus de 90 % des personnes recrutées disposent toujours d'un emploi à l'heure actuelle. Par conséquent, nous appliquerons évidemment cette méthode aux Alpes françaises 2030.
M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur. - Il a été peu question dans notre discussion du volet paralympique : les Jeux doivent être populaires et inclusifs. Les Jeux de 2024 ont changé le regard de la société sur le handicap de manière formidable. Une labellisation des stations en fonction de l'inclusion pourrait être un héritage précieux. Il serait opportun d'ouvrir la montagne au handicap tout au long de l'année.
Par ailleurs, le maire de Montgenèvre m'indiquait à juste titre que les travaux ne pouvaient se faire sur sa station qu'entre mai et octobre : en montagne, les saisons sont courtes. Par conséquent, il nous faut rapidement une maquette financière pour faciliter les différents chantiers : villages olympiques, épreuves et équipements annexes. Des annonces seront-elles faites le 27 juin prochain lors du comité interministériel dédié aux jeux Olympiques, à Briançon ? Je lance une alerte : chaque saison est précieuse pour réaliser les équipements nécessaires.
Mme Marie Barsacq, ministre. - Les jeux Paralympiques ont été un formidable succès, au-delà du moment même de leur déroulement. Nous élaborons déjà une stratégie en deux points pour assurer l'héritage des jeux Paralympiques des Alpes françaises 2030.
Le premier point est de porter une ambition de haute performance : nous avons besoin d'un réservoir d'athlètes paralympiques. Actuellement, trop peu de jeunes en situation de handicap pratiquent les sports d'hiver, même parmi ceux qui habitent les vallées. Le plafond de verre demeure. Il faut créer une dynamique pour rendre les clubs inclusifs, c'est-à-dire former les clubs ordinaires à mieux accueillir les personnes en situation de handicap. L'État soutient les structures allant en ce sens, au travers d'un programme qui prendra fin en 2027, autre héritage des Jeux de Paris. Il est encore temps de détecter de jeunes talents pour les accompagner et permettre à ces athlètes d'être au rendez-vous de 2030 et de 2034. Cette stratégie de haute performance est portée par le Comité paralympique et sportif français avec le concours de l'Agence nationale du sport.
Le second point est l'accessibilité pour le grand public des stations. Il sera fait mention des engagements des départements sur le sujet dans le projet de loi. Là encore, les Jeux sont une opportunité : les stations seront encouragées à aménager leurs équipements pour les personnes en situation de handicap et pourront le mettre en avant. Comme des compétitions parasports s'ensuivront, certains aménagements seront pérennes.
L'École du ski français (ESF) fait depuis plusieurs années un travail formidable pour l'accueil des personnes en situation de handicap. Pourtant, il reste beaucoup à faire avant qu'ils ne puissent accéder à un professeur ! Le Cojop le sait. Nous en prenons acte en proposant un label dédié aux stations de sport d'hiver inclusives.
Le timing est bien un sujet crucial : les Jeux sont dans cinq ans et les aménagements doivent se faire hors saison. Les travaux à mener ne sont pas de l'ampleur de ceux de Paris 2024 ; aussi, nous ne sommes pas inquiets.
Je ne suis pas sûre de disposer de la maquette financière le 27 juin : même si elle est notre priorité, nous la prévoyons plutôt pour la rentrée. Cependant, il sera important d'avoir, à cette date, un engagement interministériel sur les Jeux et leur héritage.
M. Pierre-Antoine Molina. - Dans la perspective du 27 juin, le Premier ministre a déjà fait des annonces, notamment en matière de desserte. Par « maquette financière », nous entendons deux choses : d'une part, le budget du Cojop ; d'autre part, la liste des équipements financés et supervisés par la Solideo, dont les fonds proviennent de l'État et des collectivités locales.
Nous travaillons déjà sur cette liste. Une première version a été présentée au premier conseil d'administration de la Solideo. Cette dernière a fait appel à un bureau d'études pour expertiser les aspects techniques et financiers sous-jacents, afin d'affiner l'évaluation de la faisabilité des équipements présentés par les maîtres d'ouvrage et de leurs coûts. Sur ce fondement, nous discuterons avec les collectivités locales et établirons la « maquette » à l'horizon du début de la discussion du projet de loi de finances, à l'automne.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.