B. ....PAR LE BIAIS DE LIGNES DIRECTRICES DE LA COMMISSION EUROPÉENNE CONCRÈTES ET EXIGANTES ENVERS LES PLATEFORMES
La Commission européenne a publié le 13 mai dernier son projet de ligne directrices sur la protection des mineurs en ligne dans le cadre de l'article 28 du DSA10(*).
La commission des affaires européennes se félicite, dans cette PPRE - par le biais de l'amendement COM-7 rect. de la rapporteure, - du niveau d'ambition de ces lignes directrices qui fixent un cadre concret et exigeant à l'égard des plateformes, mais appelle à aller plus loin d'une part sur les dispositifs de vérification d'âge qui doivent être explicitement étendus aux réseaux sociaux et d'autre part sur le contenu de ces plateformes, et notamment des réseaux sociaux, avec la mise en place de mesures de protection effectives concernant notamment les systèmes de paramétrage et de recommandation des comptes par défaut.
La commission des affaires européennes appelle la Commission européenne à adopter rapidement ces lignes directrices et à veiller à leur application prompte et concrète par les plateformes, qui doivent être tenues, sur le plan juridique et éthique, responsables de leur contenu et de la vérification des âges des utilisateurs (amendement COM-7 rect. de la rapporteure).
1. Un appel à la mise en place de contrôles de vérification d'âge par les plateformes elles-mêmes, y compris les réseaux sociaux, et l'imposition d'une majorité numérique...
Cette PPRE apporte un soutien au gouvernement dans les négociations en cours auprès de la Commission européenne (cf. encadré infra), afin de parvenir à une harmonisation européenne des contrôles de vérification d'âge et l'imposition d'une majorité numérique à l'échelon européen, au à défaut, au niveau de chaque État membre.
La France, en première ligne à Bruxelles, pour influer sur la Commission européenne
La France est à l'origine de plusieurs initiatives visant à fédérer un maximum d'États membres pour faire pression sur la Commission européenne, dans le cadre des négociations sur ces lignes directrices : après un non-papier adressé à la Commission regroupant 6 États membres, ce sont 12 États (l'Autriche, la Croatie, Chypre, le Danemark, la France, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Slovaquie, la Slovénie, l'Espagne et la Belgique) qui ont signé une lettre à la Commission européenne le 18 juin dernier lui demandant d'inclure, dans son projet de ligne directrices, un dispositif de vérification d'âge pour les réseaux sociaux.
La commission des affaires européennes reprend ainsi en large partie les dispositions prévues dans la PPRE initiale, et vise à les compléter et les renforcer.
Si le texte initial demandait l'instauration de solutions de vérification de l'âge et de logiciels de contrôle parental obligatoires intégrés à tous les appareils et services accédant à internet et disponibles sur le marché européen, notre commission - pleinement favorable à cette demande - a toutefois souhaité clarifier ces dispositions en rappelant que la responsabilité première de la vérification de l'âge de leurs utilisateurs revenait aux plateformes, qui ne peuvent s'en défausser sur les autres acteurs (amendements identiques COM-10 de la rapporteure et COM-1 de Mme Marie Mercier). La commission des affaires européennes a également demandé, en complément, la mise en place de solutions de vérification de l'âge et de logiciels de contrôle parental obligatoires pour tous les acteurs opérant sur le marché européen (fabricants d'appareils, systèmes d'exploitation, magasins d'applications, plateformes) de façon à établir une réponse combinée en matière de protection des mineurs en ligne (amendements identiques COM-10 de la rapporteure et COM-1 de Mme Marie Mercier).
Les outils de vérification de l'âge et de contrôle parental sont complémentaires, le contrôle parental ne pouvant suffire à exonérer les plateformes de leur responsabilité, quant au contenu qu'elles diffusent et quant à la vérification d'âge des utilisateurs, qu'elles doivent assumer (amendement COM-11 de la rapporteure).
La commission des affaires européennes reprend donc la demande, inscrite dans la PPRE initiale de Mme Morin-Desailly, d'instaurer une majorité numérique, au niveau européen, mais la complète en indiquant que cette majorité numérique pourrait, à défaut, être fixée au niveau de chaque État membre (amendement COM-12 de la rapporteure). Le même amendement prévoit également que cette majorité numérique corresponde à l'âge en dessous duquel les mineurs ne pourront pas accéder aux réseaux sociaux mais également plus largement, aux plateformes dont le contenu leur est préjudiciable, par la mise en oeuvre obligatoire de dispositifs de vérification d'âge par les plateformes elles-mêmes.
La présente PPRE ne se prononce pas sur l'âge à fixer, mais la rapporteure serait favorable à l'âge de 15 ans pour établir cette majorité numérique. C'est cet âge de 15 ans qui avait été retenu dans la loi Marcangelli, et dans le cadre de l'application du RGPD aux mineurs. Cet âge est également celui recommandé par la commission d'experts précitée, puisqu'il correspond également « le plus souvent au passage au lycée, marquant une étape dans l'adolescence et dans le parcours du jeune vers son autonomie progressive »11(*).
La Commission européenne prête à autoriser des lois nationales visant à établir une majorité numérique
D'après les dernières annonces de la Commission européenne, dans le cadre des négociations sur le projet de lignes directrices, il semblerait que cette dernière soit prête à ouvrir la voie à des législations nationales, alors qu'elle avait jugé non conforme au droit de l'Union les dispositions de la loi Marcangelli visant à instaurer une majorité numérique.
La Commission européenne a également annoncé une application temporaire européenne de vérification d'âge d'ici l'été, avant la mise en place d'un futur portefeuille numérique européen, prévu au mieux courant 2026, qui devrait permettre d'attester d'une majorité numérique.
2. ...et à l'instauration d'un contenu adapté aux mineurs
La commission des affaires européennes demande également que figurent dans ces lignes directrices des dispositions veillant à réguler le contenu des plateformes concernant la configuration des comptes des mineurs par défaut, avec des mesures de protection comme la désactivation de la possibilité, pour des adultes inconnus, de contacter des mineurs, ou la désactivation par défaut de la fonction de lecture automatique des vidéos. Elle demande également la mise en place de systèmes de recommandation transparents et protecteurs des enfants par défaut, avec par exemple la désactivation par défaut de l'utilisation des signaux implicites basés sur l'engagement (amendement COM-7 rect. de la rapporteure).
Plus généralement, la commission des affaires européennes rappelle - en conservant la rédaction de l'alinéa figurant dans la PPRE déposée - l'importance d'établir, au niveau européen, des normes en matière d'éthique et de respect des droits fondamentaux, qui devraient être respectées lors de l'élaboration des algorithmes d'ordonnancement des contenus, de modération et d'adressage de la publicité ciblée utilisés par les fournisseurs de services intermédiaires, selon un principe de « legacy » et « safety by design » (légalité et sécurité dès la conception).
* 10 L'article 28 prévoit l'obligation pour les plateformes accessibles aux mineurs de prendre toutes mesures utiles pour garantir le plus haut niveau de protection de la vie privée, de la sécurité et de la sûreté des mineurs.
* 11 Rapport de la commission d'experts sur l'impact de l'exposition des jeunes aux écrans, « Enfants et écrans. À la recherche du temps perdu » remis le 30 avril 2024 au Président de la République, page 97.