N° 844
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2025
RAPPORT
(VERSION PROVISOIRE)
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive,
Par Mme Lauriane JOSENDE,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Première lecture : 298, 429, 430 et T.A. 82 (2024-2025)
Deuxième lecture : 840 et 845 (2024-2025) |
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Assemblée nationale (17ème législ.) : |
Première lecture : 1148, 1640 et T.A. 163 |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d'une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive, présentée par Jacqueline Eustache-Brinio et ses collègues du groupe Les Républicains, que le Sénat avait adoptée en première lecture le 18 mars 2025, vient de l'être par l'Assemblée nationale le mardi 8 juillet 2025.
L'article 1er de la proposition de loi tend à porter de 90 à 210 jours la durée maximale de la rétention administrative pour les étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des faits graves ou présentant une menace d'une particulière gravité. Elle étend à cet effet le régime dérogatoire prévu par l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) qui, en l'état du droit, est réservé aux étrangers ayant fait l'objet d'une condamnation pénale pour des activités terroristes.
Cet allongement de la durée de la rétention administrative a pour objectif de favoriser l'éloignement effectif des personnes concernées, compte tenu des difficultés particulières auxquelles se heurte cet éloignement et du risque élevé de fuite en cas d'adoption de mesures moins contraignantes comme l'assignation à résidence.
L'Assemblée nationale a adopté l'article 1er au prix d'une double modification de son champ d'application. Si elle l'a étendu à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, elle a préféré, s'agissant du critère tiré de la condamnation pénale pour des faits graves, se référer à une énumération limitative d'infractions plutôt qu'à la durée de la peine d'emprisonnement encourue.
En revanche, la commission a constaté avec satisfaction que les autres apports du Sénat - à l'instar de la simplification du séquençage et des motifs des ultimes prolongations de la rétention (article 3) ou du décompte en heures, plutôt qu'en jours, des délais de placement initial en rétention et en zone d'attente (article 4) - ont fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées.
Elle a également approuvé les dispositions introduites par l'Assemblée nationale, qui visent à permettre de contraindre l'étranger placé en rétention à se soumettre à la prise de ses empreintes digitales et de sa photographie (article 2 bis) ainsi qu'à permettre de nouveau le placement en rétention administrative des demandeurs d'asile (article 3 bis).
La procédure accélérée n'ayant pas été engagée par le Gouvernement, et eu égard à l'urgence qui s'attache à une mise en oeuvre rapide de ce texte, la commission a estimé que les divergences mineures qui subsistaient entre les deux assemblées ne justifiaient pas d'en prolonger l'examen.
Elle a donc adopté la proposition de loi sans modification, en vue de son adoption conforme par le Sénat.
I. UN ACCORD AVEC L'ASSEMBLÉE NATIONALE SUR L'EXTTENSION À 210 JOURS DE LA DURÉE DE LA RÉTENTION POUR LES ÉTRANGERS QUI CONSTITUENT UNE MENACE POUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
L'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit un régime spécifique pour les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation au titre d'activités terroristes, pour lesquelles la durée maximale de la rétention administrative est portée à 210 jours, contre 90 dans le régime de droit commun.
Dans sa rédaction adoptée en première lecture par le Sénat, l'article 1er de la proposition prévoyait d'étendre son application aux étrangers :
- condamnés à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ;
- faisant l'objet d'une décision d'éloignement au titre de faits ayant donné lieu à une condamnation définitive à un crime ou à un délit puni de cinq ans ou plus d'emprisonnement ;
- ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
L'Assemblée nationale a réécrit l'article 1er en vue, d'une part, d'étendre l'application du régime dérogatoire à tout étranger faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'une interdiction administrative du territoire et, d'autre part, de restreindre le critère tiré de l'existence d'une condamnation pénale à une énumération limitative d'infractions qu'elle a estimées être d'une gravité suffisante.
Les critères pour l'application du régime de l'article L. 742-6 du CESEDA dans la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale :
Relèverait désormais du régime institué par l'article L. 742-6 l'étranger :
- faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire prononcée par l'autorité administrative ;
- condamné par le juge pénal à la peine d'interdiction du territoire français (ITF) ;
- condamné définitivement pour une infraction figurant parmi les seize catégories mentionnées à cet article ;
- ou dont le comportement constitue une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public.
Si elle a approuvé l'extension du champ d'application du régime de l'article L. 742-6 du CESEDA à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une décision d'expulsion ou d'interdiction administrative du territoire, la commission a regretté le choix de l'Assemblée nationale de se référer, pour le critère tiré de la condamnation pénale, à une énumération d'infractions.
Relevant toutefois que l'essentiel de ces dispositions fait l'objet d'un accord avec l'Assemblée nationale et soucieuse de permettre leur application rapide, la commission a adopté sans modification les articles correspondants.