C. L'INTRODUCTION DE STIPULATIONS PERMETTANT DE PRÉVENIR LES MONTAGES EXTERNES D'ARBITRAGE DE DIVIDENDES, DIT « CUMCUM », QUI DEVRAIT INSPIRER LA RENÉGOCIATION D'AUTRES CONVENTIONS FISCALES SIGNÉES PAR LA FRANCE

1. La convention du 11 septembre 1970, en prévoyant un taux nul sur les dividendes, laissait la porte ouverte à des pratiques abusives

En l'état du droit, l'article 10 de la convention franco-finlandaise du 11 septembre 1970 stipule, sous réserve du respect de toutes les conditions requises, que les dividendes payés par une société française à un bénéficiaire, résident de Finlande, sont exonérés en France de retenue à la source.

Cette exonération de retenue à la source ouvrait la voie à des montages abusifs d'arbitrage de dividendes visant à échapper à l'imposition interne sur ces revenus passifs.

Parmi les neuf conventions fiscales bilatérales prévoyant une telle exonération (Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Finlande, Koweït, Liban, Oman et Qatar), la Finlande se trouve être le seul État européen.

Montages « CumCum » externes et internes :
quels sont les mécanismes en cause ?

En principe, les versements de dividendes aux actionnaires étrangers (non-résidents) d'une société française sont soumis à une retenue à la source prévue au taux « interne » de 30 % pour les personnes morales1. La plupart des conventions fiscales prévoient toutefois un taux réduit, souvent 10 % ou 15 %, auquel peuvent prétendre les résidents des États concernés.

L'arbitrage de dividendes permet d'échapper à cette retenue à la source - c'est-à-dire à l'impôt - grâce à deux types de montages :

- d'une part, le montage « interne » : à l'approche de la date de versement des dividendes, afin d'échapper à la retenue à la source, le propriétaire de l'action la prête à un résident français, qui est le plus souvent un établissement financier. Le résident français, qui n'est soumis à aucune retenue à la source, rétrocède ensuite le dividende à son bénéficiaire réel sous la forme d'un flux financier indirect, en échange d'une commission ;

- d'autre part, le montage « externe » : à l'approche de la date de versement des dividendes, afin d'échapper à la retenue à la source, le propriétaire de l'action la prête au résident d'un État dont la convention fiscale signée avec la France ne prévoit aucune retenue à la source. Comme pour le montage « interne », cette possibilité est souvent « offerte » par des établissements financiers disposant de filiales dans les pays concernés.

Source : commission des finances d'après le rapport d'information n° 72 (2022-2023) fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, en conclusion de la mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, 25 octobre 2022

Pour contrer les pratiques de « CumCum » externes, l'article 96 de la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a introduit, à l'initiative de la commission des finances du Sénat, un II à l'article 119 bis A du code général des impôts (CGI) pour prévoir l'application, à titre conservatoire, d'une retenue à la source sur les dividendes et produits assimilés versés à des personnes établies ou ayant leur résidence « dans un État ou un territoire ayant signé avec la France une convention d'élimination des doubles impositions qui ne prévoit pas ou exonère de retenue à la source ces produits. »15(*)

L'application de cette retenue à la source, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026, concernera en pratique les conventions fiscales bilatérales signées entre la France et les neuf États précités, dont la convention franco-finlandaise de 1970.

2. La rédaction retenue par l'article 10 de la convention de 2023 est de nature à prévenir les abus fiscaux et paraît compatible avec les avancées obtenues par la commission des finances du Sénat

La nouvelle convention de 2023 propose de de prévenir tout montage abusif en matière d'arbitrage de dividendes.

Son article 10 prévoit, ainsi, un nouveau régime pour l'imposition des dividendes. Il introduit une retenue à la source, plafonnée à 15 %, pour les dividendes versés à un bénéficiaire détenant moins de 5 % du capital de la société distributrice.

L'article 10 conserve toutefois une exonération pour les dividendes versés au bénéficiaire détenant plus de 5 % du capital de la société distributrice pendant une durée supérieure à 365 jours. Cette exonération correspond au régime « mère-fille » conventionnel. Elle entrerait donc dans l'hypothèse prévue par le Bofip du 17 avril 2025 (révisé le 24 juillet 2025), qui précise l'application du II de l'article 119 bis A du CGI. Ces dispositions « ne s'appliquent pas lorsque qu'un taux nul s'applique aux produits de source française en vertu du régime fiscal des sociétés mères et filiales, prévu par une convention fiscale ou par la directive 2011/96/UE du Conseil du 30 novembre 2011 modifiée concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents (dite directive « mère-fille »). »16(*)

En pratique, l'exonération prévue par l'article 10 de la nouvelle convention ne devrait pas, selon les informations transmises au rapporteur, susciter de nouveaux abus : les deux critères de seuil et de durée de détention paraissent trop contraignants pour mener de telles opérations.

À noter que, dans la période comprise entre le 1er janvier 2026, date de l'entrée en vigueur du II de l'article 119 bis A du CGI, et la date de ratification de la convention du 4 avril 2023 par la France, la retenue à la source prévue par le code général des impôts s'appliquera aux dividendes versés depuis la France à une personne établie ou résidant en Finlande.

3. Au-delà de la convention franco-finlandaise, huit autres conventions bilatérales prévoient un taux d'imposition nul pour les dividendes et devraient être inscrites au sommet des priorités de la rénovation de notre réseau conventionnel

Une fois la convention fiscale franco-finlandaise définitivement entrée en vigueur, huit autres conventions fiscales bilatérales de notre réseau conventionnel demeureront concernées par la retenue à la source anti « CumCum » externes (Arabie Saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Koweït, Liban, Oman et Qatar).

La direction de la législation fiscale, en charge de la négociation et du suivi des conventions fiscales, a indiqué au rapporteur avoir inscrit à son programme de négociation la révision des conventions avec l'Égypte et l'Arabie Saoudite. Ces deux États ont donc accepté le principe d'une évolution de ces accords et, potentiellement, l'introduction de stipulations identiques à l'article 10 de la convention franco-finlandaise.

Le rapporteur estime que les efforts de révision de notre réseau conventionnel doivent être poursuivis, afin de compléter la lutte contre les pratiques « CumCum » dans leur volet externe. En effet, si la retenue à la source prévue par le II de l'article 119 bis A du CGI devrait neutraliser les effets délétères des stipulations de ces neuf conventions en matière d'imposition des dividendes, le rapporteur ne peut que faire sienne la recommandation du rapport d'information de la commission des finances sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales du 25 octobre 2022, qui visait « rappeler au Gouvernement la nécessité de réviser les conventions fiscales internationales prévoyant un taux de retenue à la source nul sur les dividendes, et ce afin de prévenir tout abus fiscal. »17(*)


* 15 Article 119 bis A du code général des impôts, dans sa version en vigueur à compter du 1er janvier 2026.

* 16 BOI-RES-RPPM-000203.

* 17 Rapport d'information n° 72 (2022-2023) fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, en conclusion de la mission d'information sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, 25 octobre 2022.

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