C. SELON LE TEXTE INITIAL, UN COÛT PEU SIGNIFICATIF EN 2026, IMPORTANT EN 2027 ET NUL EN 2033

Comme indiqué supra, le coût de la mesure dépend du périmètre pris en compte.

Le graphique ci-après synthétise les données figurant dans l'évaluation préalable (qui ne prennent pas en compte la réduction du PIB, et donc l'impact sur l'ensemble des administrations publiques).

Impact sur le solde du décalage de la réforme des retraites

(en milliards d'euros)

NB : Dans le cas du système de retraite, seules les données relatives à 2026, 2027, 2030 et 2033 sont disponibles. Les données manquantes sont interpolées de manière linéaire.

Source : D'après l'évaluation préalable de l'article 45 bis du PLFSS

Après prise en compte de la majoration de 0,5 point de la sous-indexation des prestations en 2027 (correspondant à un rendement de 1,5 milliard d'euros), le solde 2029 de la sécurité sociale serait légèrement amélioré par rapport à celui prévu par le texte déposé le 14 octobre.

Trajectoire de solde de la sécurité sociale de 2024 à 2029 : comparaison du texte déposé le 14 octobre et de celui résultant de la lettre rectificative

(en milliards d'euros)

Lecture : Afin de faire apparaître l'effet du décalage de la réforme des retraites de 2023 et de son financement, ce graphique indique, s'agissant du PLFSS pour 2026, la trajectoire prévue par le texte déposé le 14 octobre, et celle prévue par le texte résultant de la lettre rectificative du 23 octobre.

Source : D'après les textes indiqués

1. Un coût en 2026 de seulement 0,1 milliard d'euros (pour le système de retraite comme pour la sécurité sociale), financé par une augmentation de la contribution exceptionnelle sur les complémentaires santé

En 2026, le Gouvernement évalue le coût de la suspension, pour l'ensemble du système de retraite (donc en incluant les régimes complémentaires obligatoires de retraite), à 0,1 milliard d'euros.

Le coût serait analogue sur le champ de la sécurité sociale.

Ce léger coût serait financé par une majoration à due concurrence de la contribution exceptionnelle sur les complémentaires santé, prévue par l'article 7 du PLFSS, applicable seulement en 2026. Son taux, de 2,05 % dans le texte du 14 octobre, est de 2,25 % dans le texte résultant de la lettre rectificative.

Pourquoi le coût de la suspension serait beaucoup plus faible
en 2026 qu'en 2027

Selon le PLFSS, la suspension coûterait, sur le champ du système de retraite, 1,4 milliard d'euros en 2027, mais seulement 0,1 milliard d'euros en 2026.

Il est possible de retrouver l'ordre de grandeur par le raisonnement suivant.

Selon le droit actuel, la génération 1963 peut partir à la retraite à partir du 1er octobre 2025 (AOD de 62 ans et 9 mois) et la génération 1964 le pourra à partir du 1er janvier 2027 (AOD de 63 ans). La suspension de l'AOD à 63 ans bénéficierait à la génération 1964, qui pourrait liquider ses droits trois mois plus tôt.

Toutefois, seule une petite partie de ces mois de retraite supplémentaires pour la génération 1964 concernerait l'année 2026. En effet, les personnes concernées devraient toujours avoir atteint 62 ans et 9 mois. 

Schématiquement, la suspension porterait en 2026 sur un quart de l'année 2026 (le dernier trimestre) et ne concernerait qu'un quart de la génération 1964 (celle née au premier trimestre), d'où un effet global correspondant à environ 25 % de 25 %, soit moins de 10 % de l'effet annuel à partir de 2027 40(*).

2. À partir de 2027, une mesure coûteuse et non financée si l'on se place au niveau de l'ensemble des administrations publiques
a) En 2027, une mesure financée, pour la sécurité sociale comme pour l'ensemble du système de retraite, par une augmentation de 0,5 point de la sous-indexation des pensions
(1) En 2027, un coût brut de la suspension estimé à 1,4 milliard d'euros pour le système de retraite

En 2027, la suspension de la réforme des retraites dégraderait le solde du système de retraite de 1,4 milliard d'euros41(*).

Sur le seul périmètre de la sécurité sociale (donc hors régimes complémentaires de retraite et hors contribution de l'État au régime de la fonction publique d'État), le coût en 2027 serait de seulement 0,8 milliard d'euros (dont 0,7 milliard d'euros de dépenses supplémentaires et 0,1 milliard d'euros de moindres recettes42(*)).

(2) En 2027, un léger gain net pour le système de retraite, du fait d'une sous-indexation supplémentaire des retraites

En 2027, sur le champ de l'ensemble du système de retraite, le coût de 1,4 milliard d'euros serait financé par une augmentation de 0,5 point de la sous-indexation des pensions améliorant le solde de 1,5 milliard d'euros43(*), suscitant un léger gain net44(*).

Si on se limite au champ de la sécurité sociale, la comparaison du texte déposé le 14 octobre et de celui résultant de la lettre rectificative montre que ces deux mesures ont globalement pour effet d'améliorer le solde de 0,3 point de PIB en 2027. La rapporteure générale a demandé à la direction de la sécurité sociale de lui transmettre la décomposition de cet effet global ; la réponse est synthétisée par le tableau ci-après.

Effet conjugué en 2027 de la suspension de la réforme des retraites
et de la majoration de 0,5 point de la sous-indexation des retraites

(champ : sécurité sociale)

(en milliards d'euros)

 

Suspension de la réforme des retraites (art 45 bis)

Majoration de 0,5 point de la sous-indexation des retraites (art. 44)

Total

Recettes

- 0,1

- 0,3

- 0,4

Dépenses

0,7

-1,4

- 0,7

Solde

- 0,8

1,1

0,3

Source : Direction de la sécurité sociale (réponse à la rapporteure générale et au rapporteur de la branche vieillesse)

b) Un manque de financement d'environ 1,5 milliard d'euros en 2027 au niveau de l'ensemble des administrations publiques ?

La mesure n'est manifestement pas financée si l'on se place au niveau de l'ensemble des administrations publiques.

En effet, le recul de l'âge moyen de départ à la retraite se traduit par une diminution du nombre d'emplois, et donc par une diminution du PIB, qui réduit les recettes non du seul système de retraite, mais de l'ensemble des administrations publiques. Ainsi, selon le rapport de février 2025 de la Cour des comptes sur les retraites45(*), la dégradation du solde résultant d'une réduction de l'AOD ou de la DAR serait à peu près deux fois plus élevée pour l'ensemble des administrations publiques que pour le seul système de retraite, la réduction de la population active réduisant le PIB, et donc les recettes46(*).

Comme indiqué supra, selon le Gouvernement, en 2027 le coût de la suspension pour l'ensemble des administrations publiques serait égal, après prise en compte des mécanismes économiques, à environ 3 milliards d'euros. Après prise en compte du 1,5 milliard d'euros correspondant à l'augmentation de 0,5 point de la sous-indexation des retraites en 2027, cela correspondrait à un coût net d'environ 1,5 milliard d'euros.

3. Un décalage qui améliorerait légèrement le solde du système de retraite à partir de 2033, du fait d'une réduction des pensions

L'article 45 bis du PLFSS ne suspend la réforme des retraites que pour la génération 1964 (dont l'AOD et la DAR seraient les mêmes que pour la génération 1963). Pour les générations suivantes, il se contente de la décaler, sans modifier les cibles (64 ans pour l'AOD et 43 ans pour la DAR). À partir de la génération 1966 le décalage n'a plus d'effet sur la DAR et à partir du 1er janvier 2033 (génération 1969) il n'en a plus sur l'AOD.

Selon l'évaluation préalable de l'article 45 bis, la mesure susciterait même une légère amélioration du solde à partir de 2033, du fait d'une réduction du montant des pensions.

L'effet du décalage de la réforme des retraites à l'horizon 2033,
selon l'évaluation préalable

« À court terme, la baisse de l'AOD et de la DAR permet aux assurés d'anticiper leur départ à la retraite, accroissant ainsi les dépenses de pension. Par ailleurs, la diminution de la DAR permet aux assurés d'améliorer leur proratisation et de réduire leur taux de décote lorsqu'il est calculé en fonction de la DAR. La mesure coûterait 0,1 milliard d'euros en 2026 et 1,4 milliard d'euros en 2027.

À moyen terme, seule la baisse de l'AOD persiste, augmentant les dépenses de retraites de manière plus modérée. De plus, les retraités anticipant leur départ cumulent moins de droits, affectant négativement leur pension moyenne à la liquidation et réduisant les masses de pension à verser. Le coût de la mesure s'élèverait à 1,2 milliard d'euros en 2030.

À long terme, à mesure que des générations non concernées par la mesure partent à la retraite, les effets de la réforme s'amenuisent et seuls les effets sur la baisse de la pension moyenne persistent, permettant au système de retraite de verser moins de masses de pension. À partir de 2033, le décalage de la montée en charge de l'AOD et de la DAR aurait un effet légèrement positif sur les comptes, pour environ 0,1 milliard d'euros par an. »

Source : Évaluation préalable de l'article 45 bis du PLFSS


* 40 « Après la suspension de la réforme des retraites de 2023, les personnes nées au premier trimestre 1964, soit un quart de la génération 1964, pourraient liquider leurs droits à partir du 1er octobre 2026. Toutefois, un peu moins de 10 % des effets d'anticipation pour cette génération concerneraient l'année 2026. En effet, un assuré né en janvier 1964 pourrait passer deux mois supplémentaires à la retraite en 2026 et un mois en 2027 mais celui né en février ne pourrait en passer qu'un en plus en 2026. Tous les retraités nés après mars 1964 auraient 3 mois supplémentaires à la retraite seulement répartis sur l'année 2027. » (direction de la sécurité sociale, réponse à la rapporteure générale et au rapporteur de la branche vieillesse).

* 41 Montant indiqué par l'évaluation préalable et par l'exposé des motifs de l'article 45 bis.

* 42 Source : direction de la sécurité sociale.

* 43 Selon l'exposé des motifs de l'article 44, celui-ci vise à « financer le coût [de la suspension de la réforme de 2023] à compter de 2027 par une sous-indexation supplémentaire des pensions de retraite des régimes de base en 2027 de 0,5 point, soit un rendement supplémentaire de 1,5 milliard d'euros ».

* 44 Source : exposés des motifs des articles 44 et 45 bis.

* 45 Cour des comptes, Situation financière et perspectives du système de retraites, communication au Premier ministre, février 2025.

* 46 Selon le rapport de la Cour des comptes de février 2025 sur les retraites, dans le cas du passage de l'AOD de 64 ans à 63 ans, le coût en 2035 serait de 5,8 milliards d'euros pour le seul système de retraites et de 13 milliards d'euros pour l'ensemble des administrations publiques. Dans le cas du passage de la DAR de 172 trimestres à 168 trimestres, le coût serait de respectivement 3,9 milliards d'euros et 7,1 milliards d'euros.

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