IV. - REPORTS DE CRÉDITS DE 2025 SUR 2026

ARTICLE 58

Majoration des plafonds de report de crédits de paiement

Le présent article supprime le plafonnement du report vers 2026 des crédits de paiements non consommés en 2025 pour huit programmes du budget général.

La commission a adopté un amendement de sincérisation II-1847 (FINC.1) qui précise le montant maximal des crédits pouvant être reportés, fixé au montant des crédits disponibles sur chacun des programmes concernés.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA LIMITE DE REPORT DES CRÉDITS DE PAIEMENT PEUT ÊTRE MAJORÉE EN LOI DE FINANCES

A. LA LOI ORGANIQUE RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES PRÉVOIT, POUR CHAQUE PROGRAMME, UNE LIMITE DE REPORT DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE 3 % DES CRÉDITS OUVERTS EN LOI DE FINANCES INITIALE...

Le principe d'annualité budgétaire prévoit que les crédits budgétaires ne créent aucun droit au titre des années suivantes.

L'article 15 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF)16(*) prévoit toutefois que les autorisations d'engagement disponibles sur un programme à la fin de l'année peuvent être reportées sur le même programme ou, à défaut, sur un programme poursuivant les mêmes objectifs, par arrêté conjoint du ministre chargé des finances et du ministre intéressé.

S'agissant des crédits de paiement, ceux qui ne portent pas sur des crédits de personnel (titre 2) peuvent être reportés dans la limite de 3 % des crédits initiaux inscrits sur le programme d'origine des crédits, hors titre 2. De même que pour les autorisations d'engagement, ils peuvent être reportés sur un programme poursuivant les mêmes objectifs.

Les crédits de personnel ne peuvent faire l'objet d'aucun report, sauf s'ils proviennent du versement d'un tiers sur un fonds de concours. D'une manière générale, les crédits issus de fonds de concours sont exonérés de la limite de reports précitée.

B. ... QUI EST SUPPRIMÉE CHAQUE ANNÉE POUR UN NOMBRE DE PROGRAMMES TRÈS VARIABLE

L'article 15 précité de la loi organique prévoit que le plafond de 3 % peut être majoré par une disposition dûment motivée en loi de finances.

Dans chaque loi de finances, un article situé dans la seconde partie autorise ainsi une majoration du plafond, voire la suppression de tout plafond.

Alors qu'elle était utilisée de manière parcimonieuse avant 2010, cette dérogation a été étendue à un nombre de programmes compris entre 15 et 29 au cours des années 2010, puis de l'ordre de 45 de 2021 à 2024. L'année 2025 a marqué un quasi-retour à la pratique antérieure à 2020, avec une majoration de la limite des reports pour 23 programmes.

Nombre de programmes faisant l'objet d'une dérogation
à la limitation des reports de crédits de paiement

Source : commission des finances

La rédaction de cet article a évolué, reflétant la modification des pratiques et l'extension du champ de la dérogation.

Les lois de finances pour 2017, 2018, 2019 et 2020 autorisaient à reporter, sur chacun des programmes concernés, un montant de crédits inférieur ou égal à ceux ouverts dans la loi de finances initiale : les reports ne pouvaient donc pas concerner les crédits supplémentaires ouverts en loi de finances rectificative ou reportés de l'exercice précédent.

Les lois de finances pour 2021 et 2022, pour leur part, ont autorisé, pour les programmes concernés, le report de l'ensemble des crédits ouverts non seulement en loi de finances initiale, mais aussi dans les lois de finances rectificatives prises en cours d'année, ce qui a permis de reporter une partie des crédits très importants ouverts dans les collectifs budgétaires pris en 2020 et 2021. La loi de finances pour 2023 est revenue à une limitation des reports au niveau des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2022.

La loi de finances pour 2024 a retenu une rédaction différente, permettant de reporter l'ensemble des crédits disponibles, ce qui semble inclure non seulement les crédits ouverts dans les lois de finances, minorés des crédits annulés en loi de finances rectificative ou de fin de gestion, mais aussi ceux résultant de mouvements de crédits, notamment des reports de crédits non consommés au cours de l'exercice précédent.

Les reports doivent par ailleurs respecter une limite globale introduite à l'article 15 de la loi organique, sur une initiative du Sénat, par la révision de la loi organique du 28 décembre 202117(*) : le montant total des crédits de paiement ainsi reportés ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année. Cette limite pourrait, elle aussi, être levée par la loi de finances, mais seulement en cas de nécessité impérieuse d'intérêt national.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LEVER LE PLAFOND DE REPORT POUR HUIT PROGRAMMES

Le projet de loi de finances déposé à l'Assemblée nationale prévoit de faire bénéficier 8 programmes de l'exception à la règle de limitation des reports, comme dans le texte initial du projet de loi de finances pour 202518(*).

Le présent article prévoit que les crédits de paiement peuvent être reportés sur ces programmes en 2026, au-delà de la limite globale de 3 %, sans prévoir d'autre plafond que le montant des crédits disponibles sur ces programmes à la fin de l'année 2025. Il rappelle que le montant total des crédits de paiement reportés en 2026 ne peut excéder 5 % des crédits de paiement ouverts par la loi de finances de l'année 2025.

Sur le plan formel, on peut noter que le tableau inclut les numéros de programmes, en plus de leur intitulé et de celui de la mission de rattachement, ce qui doit être approuvé en ce que cela en améliore la lisibilité.

Programmes faisant l'objet d'une majoration du seuil de reports
dans le projet de loi de finances pour 2026

Numéro

Intitulé du programme

Mission de rattachement

122 

Concours spécifiques et administration

Relations avec les collectivités territoriales

123 

Conditions de vie outre-mer

Outre-mer

220 

Statistiques et études économiques

Économie

232 

Vie politique

Administration générale et territoriale de l'État

343 

Plan France Très haut débit

Économie

362 

Écologie - mise en extinction du plan de relance

Plan de relance (en 2025)

Écologie, développement et mobilité durables (en 2026)

367 

Financement des opérations patrimoniales en 2025 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (en 2025)

Financement des opérations patrimoniales en 2026 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (en 2026)

Économie

370 

Restitution des « biens mal acquis »

Aide publique au développement

Source : commission des finances, à partir du présent article

*

* *

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale. En conséquence, le présent article est considéré comme ayant été rejeté.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPROUVER UNE DÉROGATION MAIS RESPECTER LES RÈGLES FIXÉES PAR LA LOI ORGANIQUE

Alors que la loi organique relative aux lois de finances prévoit que le plafond de report de 3 % des crédits initiaux peut faire l'objet d'une « majoration » par une disposition de la loi de finances, le présent article supprime en fait tout plafond puisqu'il autorise, sur les programmes qu'il cite, le report de la totalité des crédits disponibles.

Cette formulation, déjà retenue par les lois de finances initiale pour 2024 et pour 2025, permet par exemple, depuis plusieurs années, de reporter un montant très élevé de crédits du programme 367, relatif au financement d'opérations patrimoniales sur le compte d'affectation spéciales « Participations financières de l'État » (1,8 milliard de crédits entre 2024 et 2025), alors même qu'aucun crédit n'a été ouvert en loi de finances sur ce programme depuis 2022. Tous les crédits disponibles sur ce programme sont issus de crédits non consommés en 2022 et reportés de manière constante par la suite.

Le montant des reports, sur les huit programmes prévus par le présent article dans le texte transmis au Sénat, ne serait donc limité que par le montant des crédits disponibles, ainsi que par la règle selon laquelle le montant total des crédits de paiement ainsi reportés, tous programmes confondus, ne peut excéder 5 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année19(*).

Montant des crédits disponibles sur chaque programme au 2 décembre 2025,
comparé au seuil de 3 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2025

(en millions d'euros)

Lecture : sur le programme 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », le montant des crédits disponibles au 2 décembre 2025, hors titre 2, est de 248,2 millions d'euros, alors que la loi organique, en l'absence de la dérogation prévue par le présent article, n'autoriserait le report des crédits qu'à un montant de 10,6 millions d'euros, soit 3 % des crédits ouverts, hors titre 2, par la loi de finances initiale.

Source : commission des finances, à partir des informations issues du système d'information Chorus

Au total, le rapporteur général remarque que, au lieu de majorer de manière limitée et raisonnée, lorsque cela apparaît nécessaire, le plafond de 3 % prévu par la loi organique, le présent article supprime tout plafond en soustrayant des montants non négligeables de crédits au principe d'autorisation annuelle des crédits, en violation de la loi organique.

En conséquence, la commission a adopté, sur sa proposition, un amendement II-1847 (FINC.1) de sincérisation et de mise en conformité avec la Lolf qui précise le montant maximal des crédits pouvant être reportés, fixé au montant des crédits disponibles sur chacun des programmes concernés à la date du 2 décembre 2025.

Sur le fond, le rapporteur général constate que, dans le texte transmis, le montant total des relèvements de plafonds reste très limité, et ne s'y opposera donc pas.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 16  Loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

* 17  Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 18 Le nombre avait ensuite été augmenté par voie d'amendement à 23 programmes au cours des débats.

* 19 Cette limite de 5 % correspond, par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2024 sur le budget général, les budgets annexes, les comptes d'affectation spéciale et les comptes de concours financiers, à un montant global de 40,7 milliards d'euros.

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