C. UNE DIPLOMATIE CULTURELLE ET D'INFLUENCE QUI CONCENTRE L'ESSENTIEL DES MESURES D'ÉCONOMIES SUR LA MISSION

Le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » rassemble les crédits destinés aux politiques culturelle, linguistique, universitaire, scientifique et d'attractivité. Placé sous la responsabilité de la direction générale de la mondialisation (DGM), il comprend également les subventions versées aux opérateurs de la mission.

Au total, pour 2026, les crédits du programme baissent, en AE comme en CP, de l'ordre de 7 %, une proportion similaire à celle constatée en 2025. À l'inverse des deux autres programmes de la mission, les économies réalisées au cours de l'exercice précédent sont donc maintenues et même prolongées.

Une grande partie des crédits du programme 185 est gérée par trois opérateurs :

- l'Agence française pour l'enseignement français à l'étranger, évoquée supra et placée sous la tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, a pour principal objectif d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation en faveur des enfants de nationalité française résidant à l'étranger ;

- l'Institut français, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de la culture, assure la promotion de la culture française à l'étranger et accompagne le réseau culturel français ;

Campus France, placé sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et de financer des programmes de mobilité internationale.

Pour 2026, le total des crédits alloués aux trois opérateurs de la mission devrait s'élever à 420,5 millions d'euros au titre du programme 185. Le montant de cette enveloppe globale, en baisse de 6 %, contribue à rigidifier les dépenses du programme. Près de 68 % des crédits du paiement du programme sont ainsi versés aux opérateurs dans le cadre de SCSP.

Sans constituer des opérateurs au sens de la loi organique relative aux lois de finances, les Alliances françaises mettent également en oeuvre une partie des crédits de la mission.

À noter que, pour 2026, la maquette budgétaire du programme 185 connaît une évolution substantielle visant à la fois à clarifier la présentation des crédits en simplifiant l'architecture du programme et à tirer les conséquences de la baisse des crédits proposée par le présent projet de loi.

Évolution des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »
de la mission « Action extérieure de l'État »

(en millions d'euros)

 

LFI 2025
(en AE=CP)

PLF 2026
(en AE=CP)

Évolution en valeur absolue

Évolution en pourcentage

Ancienne nomenclature

Appui au réseau

44 897 874

44 897 874

0

-

Coopération culturelle et promotion du français

49 047 955

44 307 022

- 4 740 933

- 10 %

Dont SCSP à l'Institut français

26 521 625

25 521 625

- 1 000 000

- 4 %

Objectifs de développement durable

769 355

0

1 769 355

- 100 %

Enseignement supérieur et recherche

104 486 827

89 512 787

- 14 974 040

- 14 %

Dont SCSP à Campus France

3 383 132

3 383 132

0

-

Agence pour l'enseignement français à l'étranger

416 637 965

391 637 965

- 25 000 000

- 6 %

Diplomatie économique et attractivité

5 000 000

6 680 000

+ 1 680 000

+ 34 %

Total - ancienne nomenclature

651 744 733

605 940 405

- 45 804 328

- 7 %

Nouvelle nomenclature

Réseau culturel et de coopération

108 850 284

103 445 956

- 5 404 328

- 5 %

Bourses de mobilité

70 072 657

56 272 657

- 13 800 000

- 20 %

Opérateurs

446 542 722

420 542 722

- 26 000 000

- 6 %

Crédits centraux

26 279 070

25 679 070

- 600 000

- 2 %

Total - nouvelle nomenclature

651 744 733

605 940 405

- 45 804 328

- 7 %

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les éléments transmis par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères

1. Un soutien au réseau de coopération culturelle renforcé, dans un contexte budgétaire dégradé pour les établissements

Le réseau français de la coopération culturelle se caractérise par une très forte diversité des acteurs et des statuts juridiques. Il comprend ainsi :

- les services de coopération et d'action culturelle (Scac) des ambassades ;

- les établissements à autonomie financière (EAF), soit les Instituts français37(*) et les unités mixtes des instituts français de recherche à l'étranger (IFRE). Inscrits dans la Lolf, ces établissements disposent de ressources propres et perçoivent une dotation de fonctionnement sur le programme 185 ;

- les Alliances françaises, dotées de statuts associatifs de droit local, qui bénéficient de subventions.

En 2024 et en 2025, le ministère, pour compenser la baisse du taux d'autofinancement de ces établissements (du fait d'une reprise de l'inflation internationale et d'une dégradation de leurs recettes) et mettre en oeuvre les engagements pris lors des états généraux de la diplomatie d'augmenter leurs moyens, avait porté à 41 millions d'euros la dotation de fonctionnement des EAF.

Pour 2026, cette tendance haussière se poursuit et la dotation de fonctionnement devrait atteindre 45,7 millions d'euros (+ 11,5 %). Comme l'année dernière, elle vise notamment à couvrir le processus de convergence des cadres salariaux des agents de droit local des Instituts français avec ceux des ambassades, d'une part, et l'élargissement des mesures de protection sociale des agents de droit local, d'autre part. Une dotation pour opérations de 17,5 millions d'euros est également prévue pour accompagner les actions de ces établissements.

Changement par rapport à l'année passée, les différentes enveloppes budgétaires libellées « autres crédits d'intervention de postes à l'étranger et en administration centrale » sont renommées, dans un souci de clarification, « crédits d'intervention non spécifiques ». Ces derniers sont répartis en deux enveloppes, l'une mise en oeuvre par les postes pour 20,2 millions d'euros, et l'autre, destinée aux services centraux pour 23,3 millions d'euros, soit six millions d'euros de moins que le total des précédentes enveloppes en 2025. Leur déploiement correspond à des subventions de projets en matière culturelle.

2. Une forte baisse des crédits de l'attractivité universitaire et scientifique qui traduit un renoncement aux ambitions de la stratégie « Bienvenue en France »

L'enseignement supérieur et la recherche a été placé, au cours des dernières années, au centre de la diplomatie d'influence. La « feuille de route de l'influence » publiée en 2021 par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères avait placé cette question parmi les six priorités stratégiques de l'influence. La feuille de route rejoignait en cela l'objectif de 500 000 étudiants étrangers en France d'ici à 2027, fixé en 2018 dans le cadre de la stratégie « Bienvenue en France ». Cette dernière prévoyait également un doublement des bourses d'études accordées par la France38(*).

La stratégie interministérielle « Bienvenue en France » et ses limites

La stratégie interministérielle « Bienvenue en France », présentée en 2018, visait à aborder la mobilité internationale dans une approche exhaustive et à repositionner la France dans la concurrence internationale pour l'accueil des étudiants étrangers. Elle a notamment défini un objectif quantitatif d'un demi-million d'étudiants accueillis en France en 2027. La Cour des comptes, dans un récent rapport public thématique39(*), a sévèrement jugé cette stratégie en soulignant deux faiblesses principales :

- d'une part, « Bienvenue en France » correspondait davantage à un plan d'action qu'à une stratégie, la Cour notant « l'incapacité des ministères à prioriser les objectifs associés à l'attractivité » ;

- d'autre part, à compter de la crise sanitaire de 2020, cette stratégie a été reléguée au second plan et son portage politique s'est étiolé, rendant plus qu'improbable l'atteinte de l'objectif de 500 000 étudiants étrangers en 2027.

Source : commission des finances d'après les travaux de la Cour des comptes

Les efforts engagés ces dernières années ont permis de renforcer l'attractivité universitaire de la France, sans pour autant réaliser l'objectif fixé par le Gouvernement en 2018. Avec 443 500 étudiants internationaux en France sur l'année universitaire 2024-2025, le volume de mobilité internationale vers la France a progressé de 17 % sur les cinq dernières années et de 4,5 % sur un an. Les visas pour études représentent, depuis 2022, le premier flux d'immigration légale en France.

La direction générale de la mondialisation, auditionnée par les rapporteurs spéciaux, soutient que « l'atteinte de la cible chiffrée de la stratégie « Bienvenue en France », d'ici à 2027, est en bonne voie. »40(*) Néanmoins, l'ensemble des mesures proposées dans le projet de loi de finances pour 2026 dessine une politique d'attractivité étudiante plus restrictive. Le PLF pour 2026 prévoit ainsi :

- d'une part, la suppression de l'aide personnalisée au logement pour les étudiants extra-communautaires non-boursiers prévue à l'article 67 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Cohésion des territoires » ;

- d'autre part, une diminution du volume des bourses du Gouvernement français, détaillée infra.

En parallèle de ces mesures budgétaires, des ajustements qualitatifs visent à tirer les conséquences du récent rapport de la Cour des comptes sur l'attractivité de l'enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux41(*), à savoir :

- un rehaussement du seuil minimal de ressources dont doivent justifier les étudiants extra-communautaires, décidé par le ministère de l'intérieur ;

- et une application plus généralisée des frais différenciés par les établissements d'enseignement supérieur.

La mobilité étudiante en France selon la zone géographique en 2023-2024

(en pourcentage et en nombre d'étudiants)

Source : commission des finances d'après les données de Campus France

Les bourses du Gouvernement français (BGF) constituent le principal outil de promotion de l'attractivité universitaire et scientifique.

Il importe de souligner que ces bourses, dont la gestion est assurée par l'opérateur Campus France, sont loin de financer l'ensemble des étudiants internationaux présents en France.

Pour 2026, elles devraient ainsi s'élever à 56,3 millions d'euros contre 70,1 millions d'euros l'année passée, soit une baisse significative de près de 20 %. La capacité des postes diplomatiques à dispenser des financements à des étudiants étrangers sera d'autant plus limitée que, sur le total de cette enveloppe, 31,2 millions d'euros sont d'ores et déjà engagés du fait de la récurrence de bourses pluriannuelles. De plus, une partie des bourses du Gouvernement français est réservée à des engagements bilatéraux comme l'université franco-allemande.

Sans modifier les critères d'attribution des bourses, la direction générale de la mondialisation a indiqué travailler sur une priorisation dans la délivrance de ces bourses :

- en premier lieu, en les concentrant sur les thématiques prioritaires pour l'enseignement supérieur et la recherche français, en ciblant les hautes technologies et les sciences de l'ingénieur ;

- en second lieu, en renonçant à l'universalité de la politique de bourses et en réorientant cette enveloppe vers des géographies prioritaires. Certains postes verraient, à l'inverse, leur enveloppe supprimée.

Évolution des bourses pour étudiants et chercheur étrangers
entre 2018 et 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial regrette la diminution du volume de bourses qui aura pour conséquence d'affaiblir l'attractivité de l'enseignement supérieur français à l'étranger. Il importe de rappeler que les étudiants étrangers correspondent à un investissement de long terme en matière d'influence et constituent de futurs ambassadeurs de notre culture et de nos valeurs.

La procédure de sélection des étudiants étrangers
pour des études supérieures en France

Sur le plan académique, le dépôt des voeux d'admission dans l'enseignement supérieur, la très grande majorité des étudiants obtenant un visa (95 %) suivent la procédure de candidature sur une plateforme dédiée, « Études en France ». Dans une logique similaire à la plateforme Parcoursup, les candidats peuvent formuler jusqu'à sept voeux.

L'animation du réseau de 500 agents en charge de la procédure « Études en France », sous l'autorité des services de coopération et d'action culturelle (Scac), est assurée par la direction générale de la mondialisation (DGM) du MEAE. La DGM assure également le pilotage des espaces Campus France (ECF)42(*), présents dans 134 pays et rattachés aux Scac.

En parallèle de ce volet académique, les candidats à des études en France doivent déposer une demande de visa. Le sérieux et la cohérence de leur projet académique sont contrôlés par les espaces Campus France au cours d'un entretien, à la suite duquel le service de coopération et d'action culturelle émet un avis sur les voeux du candidat sur recommandation de l'ECF. Les services consulaires s'appuient sur ces éléments pour l'instruction de la demande de visa, tout en opérant les contrôles sécuritaires et migratoires nécessaires.

Source : commission des finances

3. Les dotations aux opérateurs, hors AEFE, sont stabilisées par rapport à 2025

En premier lieu, l'Institut français, doté du statut d'établissement public industriel et commercial (EPIC), est le principal opérateur de la coopération culturelle. À noter que l'Institut français n'exerce aucune tutelle sur le réseau des instituts français, avec lesquels il n'a pas de lien juridique et qui sont placés sous l'autorité du MEAE.

La subvention pour charges de service public de cet opérateur est en baisse d'un million d'euros pour 2026, pour atteindre 25,5 millions d'euros. La réduction des moyens alloués à l'Institut français s'inscrit dans une politique globale de mise à contribution des opérateurs au redressement des finances publiques. Elle devrait conduire à une plus grande mobilisation de sa trésorerie, d'un montant de 29,9 millions d'euros mais dont seulement 2,4 millions d'euros sont véritablement disponibles.

Une revue plus large des missions de cet opérateur serait en cours de réalisation par la direction générale de la mondialisation depuis 2024.

En second lieu, Campus France, également doté du statut d'EPIC et placé sous la double tutelle du MEAE et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, est chargé d'assurer la promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger et d'assurer un certain nombre de services aux étudiants bénéficiaires de programmes de mobilité en France. En 2026, le montant de la SCSP est de 3,31 millions d'euros, identique à celui prévue par la loi de finances pour 2025.

Le rapporteur spécial invite par conséquent à rester vigilant sur les capacités d'action des opérateurs de la mission : une incitation à mobiliser les ressources de leurs trésoreries respectives ne doit pas remettre en cause leur équilibre financier. Il importe en effet de préserver leur potentiel d'investissement alors que des dépenses inéluctables devront être engagées dans les prochaines années.


* 37 Distincts de l'opérateur Institut français de Paris.

* 38 Pour passer de 7 000 bourses en 2017 à 15 000 en 2027.

* 39 Cour des comptes, Une étude de l'attractivité de l'enseignement supérieur français pour les étudiants internationaux, Rapport public thématique, Évaluation de politique publique, mars 2025.

* 40 Réponses au questionnaire d'audition des rapporteurs spéciaux.

* 41 Cour des comptes, rapport précité.

* 42 Qui ne dépendent pas de l'opérateur Campus France.

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