B. CONFRONTÉ À UNE BAISSE DE SES MOYENS, L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER SE TROUVE PLACÉ SOUS PRESSION POUR RÉFORMER SON MODÈLE
Créée par la loi du 6 juillet 199034(*), l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. Son objet est notamment d'assurer les missions de service public relatives à l'éducation pour les enfants de nationalité française, de contribuer au renforcement de la coopération en matière de systèmes éducatifs, de contribuer au rayonnement de la culture et de la langue française, d'aider les familles françaises à supporter les frais de scolarité et d'accorder des bourses scolaires35(*).
À la rentrée 2025, l'agence coordonnait un réseau de 612 établissements homologués, soit une douzaine d'établissements de plus que l'année passée, dont :
- 68 établissements en gestion directe (EGD), qui correspondent aux services déconcentrés de l'agence, un chiffre similaire à la rentrée 2024 ;
- 155 établissements conventionnés, qui forment, avec les EGD le « réseau de l'AEFE » au sens strict ;
- 389 établissements partenaires, qui délivrent un programme scolaire français homologués par le ministère de l'éducation nationale mais sont autofinancés, disposent d'une autonomie de gestion et assurent eux-mêmes leurs recrutements.
Sur l'année scolaire 2024-2025, l'AEFE et son réseau scolarisaient 398 108 élèves. Les prévisions, pour la rentrée 2025, se situent à 403 000 élèves. Les effectifs, en dépit des crises régionales successives, sont dynamiques depuis 2018.
Au titre de la mission « Action extérieure de l'État », l'AEFE est financée à la fois sur le programme 151, au titre de l'enveloppe des bourses scolaires dont elle assure la gestion, et sur le programme 185, au titre d'une subvention pour charges de service public. L'agence ne reçoit aucune subvention pour charge d'investissement. Ses dépenses les plus conséquentes, notamment l'immobilier, reposent par conséquent sur ses ressources propres. Les financements en provenance de la mission AEE représentent environ la moitié du budget de l'agence, le reste reposant sur ses ressources propres.
Montant de la dotation du MEAE au bénéfice de l'AEFE
(en millions d'euros et en pourcentage)
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LFI 2025 |
PLF 2026 |
Variation 2025/2026 |
||||
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AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
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P185 |
420,59 |
420,59 |
396,09 |
396,09 |
- 5,83 % |
5,83 % |
|
P151 |
111,50 |
111,50 |
107,03 |
107,03 |
- 4,01 % |
- 4,01 % |
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Total |
532,09 |
532,09 |
503,11 |
503,11 |
- 5,45 % |
- 5,45 % |
Note n° 1 : les subventions du programme 185 comprennent, outre la subvention pour charges de service public, la dotation de soutien au dispositif des Bourses Excellence Major (BEM) et la subvention au lycée franco-australien de Canberra.
Note n° 2 : les transferts en provenance du programme 151 correspondent au financement des bourses attribuées aux élèves français scolarisés dans les établissements homologués par l'AEFE.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
1. Une baisse significative de la SCSP de l'AEFE qui invite à la vigilance quant à la soutenabilité budgétaire de l'agence
Les crédits du programme 185 comprennent la subvention pour charges de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), opérateur du programme consacré à l'enseignement francophone dans le monde. Pour 2026, la SCSP versée à l'AEFE devrait s'élever à 391,64 millions d'euros en AE=CP, en baisse de 25 millions d'euros par rapport à l'exercice précédent. En 2025, cette dotation avait d'ores et déjà diminué :
- de 14 millions d'euros dans le PLF 2025, pour compenser une subvention de 10 millions d'euros attribuée pour l'équipement en panneaux photovoltaïques des établissements libanais, non exécutée, d'une part, et le coût inférieur à la prévision initiale de la réforme du statut des personnels détachés de l'AEFE, d'autre part ;
- de 20 millions d'euros, à la suite d'un amendement du Gouvernement adopté au Sénat, au titre de la participation de l'opérateur au redressement de nos finances publiques.
Pour 2026, la réduction de la SCSP répond également à la volonté du ministère de l'Europe et des affaires étrangères d'associer l'agence à la réduction du déficit public.
Les auditions menées par les rapporteurs ont indiqué qu'un groupe de travail, organisé autour du ministère, de l'AEFE et de l'ensemble des parties prenantes, avait été formé dans le but de proposer des pistes de réforme du modèle économique de l'agence et d'en assurer la soutenabilité.
Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE
(en millions d'euros et en pourcentage)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La SCSP versée sur le programme 185 permet notamment à l'AEFE d'assurer le financement de sa masse salariale. Pour 2026, le schéma d'emploi de l'agence devrait s'élever à 10 722 équivalents temps plein travaillés (ETPT), dont 5 561 ETPT sous plafond et 5 161 ETPT hors plafond. Par rapport à l'année précédente, une baisse de 18 ETP sous plafond et une réduction de 55 ETP pour le schéma d'emploi est donc opérée par rapport à 2025.
Compte tenu du montant prévisionnel de la subvention pour charges de service public alloué à l'AEFE, la trésorerie disponible de l'opérateur devrait se situer à 50 millions d'euros en 2026. Comme a pu le souligner la direction du budget auprès des rapporteurs spéciaux, ce montant se situe en-deçà du seuil pour assurer un mois de rémunération des agents de l'AEFE, fixé à 55 millions d'euros. Si le MEAE table sur une meilleure remontée de la trésorerie immobilisée dans les établissements du réseau, en particulier en Algérie et en Chine, le rendement espéré ne serait que de 20 millions d'euros pour 2026.
Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux propositions formulées par le groupe de travail sur la soutenabilité budgétaire de l'AEFE. Il suivra avec attention l'évolution du niveau de trésorerie de cet opérateur, dès lors qu'il conditionne la capacité de ce dernier à financer ses dépenses immobilières en l'absence d'un mode de financement alternatif durable. Une révision du modèle économique ne pourra ainsi pas faire l'impasse sur une évolution des modalités de financement de l'agence et de son réseau, notamment sur l'ouverture d'une capacité d'endettement.
2. Les bourses scolaires poursuivent leur baisse, privant les établissements d'enseignement français d'une partie de leurs ressources tout en réduisant la capacité des familles françaises de l'étranger à y inscrire leurs enfants
L'objectif des bourses scolaires versées aux familles françaises expatriées est d'atténuer le coût financier de l'inscription dans un établissement français à l'étranger. Cette aide à la scolarisation est versée par les établissements mais l'enveloppe globale est gérée par l'AEFE. Les règles d'application des bourses sont fixées chaque année par une instruction spécifique. Les bourses sont versées dans la devise du pays d'accueil et peuvent donc connaître un effet de change assez conséquent.
Cette enveloppe représente plus des deux tiers des crédits mis en oeuvre par le programme 151.
Pour 2026, le montant des bourses scolaires versé depuis le programme 151 devrait être de 104,5 millions d'euros, en baisse de 4 %.
De fait, en loi de finances pour 2025, cette enveloppe s'élevait à 109,5 millions d'euros, soit un montant disponible de 103,4 millions d'euros, après application de la réserve de précaution. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, un surgel de trois millions d'euros a été appliqué en cours de gestion pour prendre en compte un risque de sous-consommation des crédits, la prévision d'exécution se situant à 100,5 millions d'euros.
Deux arguments principaux sont présentés par la direction des Français à l'étranger et des affaires consulaires pour justifier la baisse des crédits sur cette ligne budgétaire :
- d'une part, la baisse du nombre de boursiers dans l'enseignement français à l'étranger, de l'ordre de 10 % entre l'année scolaire 2023-2024 et l'année scolaire 2024-2025. Depuis 2021, un recul du nombre de familles sollicitant des aides à la scolarité est observé et résulte de la diminution du nombre d'enfants français inscrits dans l'enseignement français à l'étranger dont le niveau est inférieur à celui de 201936(*) ;
- d'autre part, un recul de l'indice de parité de pouvoir d'achat (IPPA) dans plusieurs pays.
La DFAE indique également que plusieurs postes consulaires, où le nombre de boursiers est élevé, ont engagé un travail de lutte contre la fraude.
Évolution
du montant de l'enveloppe des bourses scolaires
et du nombre de boursiers
entre 2017 et 2026
(en millions d'euros - échelle de droite,
en
nombre de boursiers - échelle de gauche)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le rapporteur spécial souligne, dans un contexte international dégradé, la nécessité de soutenir les familles françaises de l'étranger et l'importance de ce dispositif d'aide à la scolarisation qui poursuit le double objectif de garantir un égal accès aux enfants français au service public de l'éducation et de conserver un vivier d'élèves français pour le réseau de l'AEFE.
Outre l'enveloppe des bourses, le dispositif d'aide à la scolarisation des élèves en situation de handicap voit quant à lui ses crédits progresser, pour atteindre 2,5 millions d'euros (contre deux millions d'euros en 2025). Ce dispositif, créé en 2018 et généralisé en 2021 aux non-boursiers, permet de financer le recrutement et la formation des AESH (accompagnant(e) d'un élève en situation de handicap) nécessaires à la scolarisation de ces élèves. En cours d'exercice 2025, cette dotation avait été portée à 2,41 millions d'euros pour répondre à une demande croissante (474 demandes en 2024).
* 34 Loi n° 90-588 du 6 juillet 1990 portant création de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.
* 35 Article L.452-2 du code de l'éducation.
* 36 Plusieurs facteurs peuvent expliquer la baisse du nombre de familles scolarisant leurs enfants dans les établissements français à l'étranger : effets de la pandémie de covid, baisse du nombre de Français à l'étranger, hausse des frais de scolarité...

