II. FINANCIÈREMENT, L'IGN RETROUVE UN PEU D'OXYGÈNE
Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1er janvier 201216(*). Les missions de l'IGN se partagent entre ses tâches dites « traditionnelles » et des activités émergentes. La collecte et la production de données géolocalisées souveraines dites « socles »17(*) constituent ainsi le coeur de ses missions de service public. Par ailleurs, l'IGN conçoit et met à jour différents référentiels géographiques publics18(*). Il a aussi en charge la réalisation de l'inventaire forestier.
Au-delà de ces activités « traditionnelles », l'IGN est de plus en plus occupé par des missions nouvelles telles que des activités d'expertise et de conseil, d'assistance à maîtrise d'ouvrage, d'agrégation de données produites par d'autres acteurs ou de diffusion et de valorisation de l'information géographique publique. L'IGN est aussi amené à devenir le pilote de l'écosystème de la donnée géolocalisée.
À compter de 2019, l'IGN a lancé une refonte de son modèle. D'une mission de production-diffusion d'information géographique, il évolue vers des rôles d'agrégateur de données, d'expert, de coordinateur ou de certificateur. Il recentre son action sur la production des données socles souveraines ainsi que sur le pilotage de vastes projets d'accompagnement de grandes politiques publiques directement financés par leurs commanditaires.
Comme l'illustre le graphique ci-après, le nouveau modèle de l'IGN a généré une croissance de son activité et de son budget. Cet accroissement d'activité, à effectifs constants et même désormais en diminution, est permis par l'effet de levier lié au recours à la sous-traitance.
Dépenses et recettes de l'IGN (2017-2026)
(en milliers d'euros)
(p) : prévisions.
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire
A. DES ÉCONOMIES BUDGÉTAIRES ET LE REBASAGE DE SA SUBVENTION, PERMIS PAR DEUX AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR, PERMETTENT AUJOURD'HUI À L'IGN DE « SORTIR LA TÊTE DE L'EAU »
1. Une subvention annuelle rebasée à l'initiative du rapporteur
L'action 12 « Information géographique et cartographique » du programme 159 retrace la subvention pour charges de service public de l'IGN. Pour 2026, celle-ci est prévue à hauteur de 100,5 millions d'euros par le présent projet de loi, soit un montant stabilisé par rapport à la loi de finances pour 2025. Ce montant résulte en réalité d'un double rebasage lié à des initiatives prises par le rapporteur, pour résoudre l'impasse financière dans laquelle se trouvait l'IGN (voir infra), au cours de l'examen du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 puis du projet de loi de finances pour 2025. Deux amendements déposés par le rapporteur et retenus dans les textes promulgués ont en effet permis de relever de 4 millions d'euros en 202319(*) puis de 5 millions d'euros supplémentaires en 202520(*) la subvention versée annuellement à l'IGN sur les crédits du programme 159.
Outre sa subvention pour charges de service public qui a vocation à couvrir le coût de production de ses missions de bases, l'IGN, de par son nouveau modèle, est également très dépendant de ressources perçues d'autres administrations pour mener à bien de grands projets visant à accompagner la mise en oeuvre de certaines politiques publiques. Ces ressources tendent cependant à s'éroder au fil des années.
Évolution des recettes tirées des grands projets (2016-2025)
(en millions d'euros)
LIDAR HD : Light Detection and Ranging HD.
OCS GE : occupation du sol à grande échelle.
RPG : registre parcellaire graphique.
Trex et Geomaps sont des projets réalisés pour le compte du ministère des armées.
BD Forêt : base de données de référence pour l'espace forestier.
Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
À eux seuls, les programmes financés par le ministère des armées et le ministère de l'agriculture et de l'alimentation devraient rapporter à l'IGN environ 27 millions d'euros en 2025.
2. Une situation financière qui s'éclaircit enfin
Avec le tarissement des recettes perçues d'avance par d'autres administrations afin de financer sa contribution à de grands projets qui désormais lui occasionnaient des dépenses, l'IGN s'était retrouvé dès la fin de l'année 2023 dans une impasse financière l'empêchant de voter un budget pour 2024 puisque les prévisions de sa trésorerie pour cet exercice étaient en territoire négatif. C'est pour résoudre ce problème urgent que le rapporteur avait fait adopter une majoration de 4 millions d'euros de la dotation de l'établissement à la fin de l'année 2023.
Cependant, cette situation n'était en réalité que « l'arbre qui cachait la forêt » et les difficultés financières de l'IGN se sont révélées bien plus profondes et structurelles. Un rapport de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) de juillet 2024 avait en effet dressé le constat d'une situation financière plus alarmante et d'une impasse financière structurelle liée à un déséquilibre du financement des missions « socles » de l'établissement.
Selon un phénomène de « cavalerie budgétaire », les ressources perçues en avance à partir de 2021 pour financer de grands projets et le volume de trésorerie exceptionnel qui en avait temporairement résulté avaient en effet masqué un déficit structurel du financement des activités de base de l'établissement. Ce déficit s'était même fortement aggravé à partir de 2022, notamment depuis la mise à disposition gratuite des données publiques produites par l'établissement et la diminution de recettes qui en a résulté. Il avait également été amplifié par l'augmentation substantielle des coûts de production des activités de base de l'IGN ces dernières années. Ainsi, en 2024, l'IGEDD évaluait-elle à 15 millions d'euros le déficit structurel de financement des missions de base de l'IGN.
Malgré ce constat largement partagé d'une impasse manifeste, dans le contexte de contrainte budgétaire extrême du projet de loi de finances pour 2025, le Gouvernement n'était pas en mesure de parvenir à concevoir une solution susceptible d'assurer à court terme la survie budgétaire de l'établissement. Aussi, c'est par souci de responsabilité que le rapporteur, en concertation avec sa collègue Christine Lavarde, est parvenu à majorer de 5 millions d'euros la dotation de l'IGN en 2025, en finançant cette dépense supplémentaire par une mesure d'économie réalisée sur le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Une partie du chemin vers la résolution du déficit structurel de l'IGN avait ainsi été réalisé à l'orée du début de l'exercice 2025. L'autre partie des efforts devait être accomplie par l'établissement lui-même, à travers des gains de performance.
Ainsi, en 2025, l'IGN a-t-il lancé un plan d'économies structurelles étalé sur quatre ans, entre 2025 et 2028. Ces mesures d'économies se structurent autour de trois axes principaux :
- une baisse de ses effectifs à hauteur de 61 ETP étalée sur les quatre années du plan qui doit générer à terme, en année pleine, une économie structurelle d'environ 4,3 millions d'euros ;
- une ré-internalisation de la géoplateforme, pour une économie estimée à 3 millions d'euros par an ;
- le remplacement des contrats à durée déterminée (CDD) affectés au projet de registre parcellaire graphique (RPG) par des emplois permanents générant une économie d'environ 0,5 million d'euros chaque année.
Ainsi, dès 2025, les dépenses de l'IGN devraient-elles être inférieures de 7 millions d'euros à celles qui avaient été prévues dans le budget initial. Conjugués à la hausse de la subvention résultant de l'initiative du rapporteur, ces efforts devraient permettre de réduire à 8 millions d'euros le déficit budgétaire de l'opérateur au titre de l'exercice 2025.
D'après les estimations prévisionnelles de l'IGN, d'ici 2028, son plan d'économies devraient permettre de réaliser des gains de performance structurels additionnels de 7 millions d'euros, dont un peu plus de 5 millions d'euros dès 2026.
Pour 2026, le déficit budgétaire prévisionnel de l'IGN est estimé à 4,7 millions d'euros, résultant notamment de l'effet inflationniste sur les charges de personnel de mesures extérieures à l'établissement, telle que l'augmentation du taux du CAS pensions, ainsi que de la poursuite de l'érosion de ses recettes commerciales, notamment la vente de cartes.
Si l'horizon financier de l'IGN n'est pas encore tout à fait stabilisé, en témoigne la persistance d'un déficit budgétaire de ses activités et un niveau de trésorerie qui continue de se réduire dangereusement21(*), le rapporteur constate avec satisfaction que la situation de l'opérateur est nettement moins préoccupante qu'elle pouvait l'être en 2023 et en 2024. Il se félicite que son intervention ait pu contribuer à dénouer une situation qui a paru un temps inextricable quand bien même elle semblait menacer l'existence même de l'opérateur. Dans un contexte qui demeure cependant tendu, il conviendra de rester particulièrement vigilant pour ne pas se retrouver à nouveau dans la situation périlleuse qui a été celle de l'opérateur au cours des deux dernières années.
* 16 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.
* 17 Les géodonnées socles sont les données « primaires » de base qui servent de support à toute conception de services d'information géolocalisée.
* 18 Tels que les différentes couches qui composent le référentiel à grande échelle (RGE), la base de données de précision décamétrique dite BD Carto, la base de données géodésique (BDG), la BD Topage, le registre parcellaire graphique (RPG) pour les besoins agricoles ou encore le fond cartographique au 1/25 000e dit Scan 25.
* 19 Montant intégré aux crédits du programme 159 prévus par la loi n° 2023-1114 du 30 novembre 2023 de finances de fin de gestion pour 2023.
* 20 Montant intégré aux crédits du programme 159 prévus par la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.
* 21 14 millions d'euros estimés au 31 décembre 2025, soit 28 jours de dépenses, et potentiellement 8 millions au 31 décembre 2026, soit 17 jours de dépenses.

