D. DES COUPES DE CRÉDITS SUR DES DISPOSITIFS DE MOINDRE AMPLEUR BUDGÉTAIRE MAIS QUI N'EN SONT PAS MOINS ESSENTIELS POUR LE TISSU ÉCONOMIQUE ET LA LUTTE CONTRE LA FACTURE NUMÉRIQUE
1. La suppression de la ligne budgétaire consacrée au financement des pôles de compétitivité : un désengagement regrettable de l'État à l'égard d'une politique porteuse de croissance
Le PLF pour 2026 prévoit la suppression de la ligne budgétaire consacrée à la participation de l'État au financement des pôles de compétitivité, dotée de 9 millions d'euros en AE et en CP en LFI 2025.
Créés en 2005, les pôles de compétitivité sont des structures de mise en relation entre des entreprises et des centres de recherche et de formation dont l'activité porte sur un ou plusieurs thèmes communs. Les pôles cherchent à développer les relations entre leurs membres pour favoriser les synergies, stimuler l'innovation et atteindre une plus grande efficacité économique.
Une structure d'animation et de gestion a été mise en place dans chaque pôle. Cette structure perçoit pour son fonctionnement des financements publics de l'État et des collectivités locales, ainsi que des financements privés issus des cotisations payées par les membres des pôles ou des prestations qui leur sont facturées.
Comme le montre la direction générale des entreprises (DGE) dans une note publiée en mars 2023, l'adhésion à un pôle de compétitivité aurait des effets positifs en termes de dépenses de R&D et de performances économiques, en particulier pour les petites et moyenne entreprises. Cette étude montre que, si les financements privés sont aujourd'hui majoritaires, les financements publics présentent toutefois un effet d'entraînement sur les montants privés consacrés à la R&D. En moyenne, chaque euro d'aide publique engagé engendrerait ainsi près de 2,8 euros de dépenses en R&D privée. Par ailleurs, sur la période 2013 à 2019, les entreprises ayant adhéré aux pôles de compétitivité auraient un chiffre d'affaires plus élevé d'environ 36 % comparé à la situation contrefactuelle de non adhésion. L'adhésion à un pôle aurait également un effet positif sur les entreprises exportatrices, dont les exportations augmenteraient de 20 % du fait de cette adhésion. Enfin, l'amélioration des performances économiques s'accompagnerait d'un impact positif sur l'emploi, correspondant à environ un emploi créé pour moins de 7 000 euros dépensés.
Le Gouvernement avait déjà tenté, dans le PLF 2025, de supprimer les 9 millions d'euros de crédits dédiés au financement des pôles de compétitivité. Ces crédits avaient été rétablis par amendement au Sénat, à l'initiative des rapporteurs spéciaux de la commission des finances et de plusieurs de leurs collègues. Cet amendement avait finalement été conservé dans le texte adopté par le Parlement.
La suppression de cette ligne budgétaire dans le PLF 2026 confirme le désengagement de l'État du financement de cette politique publique, qui constitue pourtant un vecteur de croissance important. Ce choix est d'autant plus surprenant à l'heure où le Gouvernement affirme vouloir engager le pays dans la voie de la réindustrialisation.
2. Un financement divisé par trois des conseillers numériques France Services
L'action n° 3 « Inclusion numérique » du programme 343 héberge les crédits dédiés au dispositif des conseillers numériques, qui relevaient, avant la LFI pour 2024, de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) sur le programme 349 « Transformation publique ». Ce dispositif s'inscrit dans le cadre de la « Stratégie nationale pour un numérique inclusif » lancée en 2018. Mis en place sur la base de la mobilisation du plan France Relance, il a conduit à la création de 4 200 postes de conseillers numériques depuis 2022. Les financements portent sur la formation et l'activité des conseillers numériques, qui sont accueillis par des collectivités territoriales et des acteurs privés associatifs ou relevant de l'économie sociale et solidaire. Les conseillers sont chargés d'assurer des permanences, des ateliers, et des formations afin de faciliter l'appropriation par ceux qui ont besoin des usages numériques du quotidien. Environ 3 000 000 de personnes auraient été accompagnées depuis 2022.
En 2025, cette ligne budgétaire était initialement dotée de 27,9 millions d'euros. Le Sénat les a toutefois portés à 41,8 millions d'euros, en adoptant un amendement déposé par la rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, Anne-Catherine Loisier et qui est resté dans le texte définitivement adopté par le Parlement.
Le Gouvernement propose dans le PLF 2026 d'inscrire 14 millions d'euros sur cette enveloppe, soit une baisse conséquente de deux tiers des crédits. D'après les informations transmises par la Banque des territoires, ces crédits permettront uniquement de « solder » les derniers engagements pris par l'État au titre des conventions triennales signées avec les employeurs de conseillers numériques. Les rapporteurs spéciaux regrettent ce désengagement de l'État, motivé uniquement par des considérations d'ordre budgétaire, alors même que le dispositif des conseillers numériques semble donner pleine satisfaction.
3. La baisse des crédits consacrés à l'économie sociale et solidaire
L'action 4 du programme 305 « Stratégies économiques » de la mission est consacrée au financement de divers dispositifs dédiés à l'économie sociale et solidaire (ESS). Cette action regroupe notamment des crédits consacrés :
- au dispositif local d'accompagnement (DLA), qui permet à des associations employeuses, structures d'insertion par l'activité économique (IAE) et autres entreprises d'utilité sociale de bénéficier d'accompagnements pour développer leurs activités, les aider à se consolider et à créer ou pérenniser des emplois ;
- aux soutiens financiers aux têtes de réseau de l'ESS ainsi qu'aux chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (CRESS) ;
- aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), qui, sur le modèle des pôles de compétitivité, favorisent le rapprochement sur un même territoire d'entreprises de l'ESS, de collectivités territoriales, de centres de recherche, d'établissements d'enseignement supérieur ou organismes de formation.
Il convient toutefois de noter que la mission « Économie » ne regroupe qu'une part marginale des crédits du budget de l'État consacrés à l'ESS. Dans un rapport de septembre 202520(*) la Cour des comptes montre que ces crédits sont en réalité portés majoritairement par les missions « Cohésion des territoires » (33 %), « Enseignement scolaire » (14 %), « Solidarité, insertion et égalité des chances » (12 %) et « Immigration, asile et intégration » (12 %).
Le PLF 2026 prévoit d'inscrire 12,3 millions d'euros en CP sur l'action 4 « Économie sociale, solidaire et responsable », soit une baisse de 7,5 millions d'euros par rapport à 2025 (- 37,7 %). Cette diminution des crédits est ventilée sur la quasi-totalité des enveloppes portées par cette action :
- le dispositif local d'accompagnement (DLA) qui, d'après la direction générale du Trésor, a été identifié comme prioritaire et « sera préservé autant que possible », malgré une baisse de 3,5 millions d'euros en CP (8,5 millions d'euros dans ce PLF contre 12 millions d'euros en 2025)
- les subventions aux associations nationales de l'ESS, dont les crédits s'élèvent à 2,3 millions, contre 2,7 millions en 2025 (- 14,7 %) ;
- les crédits dédiés aux CRESS, qui passent de 1,7 million d'euros en 2025, à 1 million d'euros en 2026 (- 41,2 %) ;
- les PCTE, dont les crédits prévus s'élèvent à 111 000 euros contre 1 million d'euros en 2025 (- 89 %).
Les rapporteurs spéciaux regrettent la logique de rabot appliquée par le Gouvernement à ces dispositifs.
* 20 Les soutiens publics à l'économie sociale et solidaire, Cour des comptes, 18 septembre 2025.