TROISIÈME PARTIE
LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

I. UNE SIXIÈME ANNÉE DE DÉPLOIEMENT MARQUÉE PAR LA HAUSSE DU VOLUME DE DÉCAISSEMENT DES AIDES QUI SE TRADUIT PAR LA MOBILISATION DE LA TRÉSORERIE EXCÉDENTAIRE DES OPÉRATEURS PLUTÔT QUE PAR UNE HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION

A. L'EXERCICE 2026 CORRESPONDRA À UN RALENTISSEMENT DU RYTHME D'ATTRIBUTION DES AIDES DU PLAN FRANCE 2030 ET À UNE HAUSSE DES MONTANTS D'AIDE À DÉCAISSER EN RAISON D'UN EFFET D'INERTIE LIÉ AUX AIDES PRÉALABLEMENT ATTRIBUÉES

1. À la fin du premier semestre 2025, les aides du plan France 2030 ont été attribuées à hauteur de 74 % et décaissées à hauteur de 26 %

À la fin du premier semestre 2025, les aides du plan France 2030 avait été attribuées à hauteur de 39 516 millions d'euros, soit 74 % du montant total des aides du plan. À la même date, celles-ci avaient été décaissées à hauteur de 14 106 millions d'euros, soit 26 % de l'ensemble des aides67(*). Cet état des lieux au milieu de l'exercice 2025 illustre le fait que si la majorité des aides du plan France 2030 ont désormais été attribuées, une grande partie de ces aides n'ont pas encore été versées aux bénéficiaires finaux ce qui implique que la mission « Investir pour la France de 2030 » continue à porter des montants importants de crédits de paiement (CP) pour alimenter les décaissements de ces aides.

Niveau d'attribution des aides par objectifs et leviers du plan France 2030

(part des aides attribuées en valeur dans l'enveloppe associée au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Le déploiement du plan, depuis le lancement en 2021 du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4), intégré au plan France 2030, s'est appuyé sur l'organisation par les opérateurs de France 2030 de 250 appels à projets ou appels à manifestation d'intérêts. Le nombre de bénéficiaires finaux des aides est à la fin du premier semestre 2025 de 5 500 structures dont 56 % sont des petites et moyennes entreprises (PME) ou des entreprises de taille intermédiaire (ETI). Les rapporteurs spéciaux relèvent toutefois qu'en montant des aides attribuées, les PME et ETI ne représentent que 22 % des aides attribuées.

Répartition par catégories de bénéficiaires des aides du plan France 2030

(aides attribuées en valeur au 30 juin 2025 en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les données du SGPI

D'un point de vue géographique, les données transmises aux rapporteurs spéciaux font apparaître une forte concentration territoriale des aides. Si trois régions métropolitaines68(*) dépassent le seuil de 4 milliards d'euros d'aides attribuées à des structures localisées sur leur territoire, il existe un facteur trente-six de différence entre le montant des aides dirigées vers la région Île-de--France (24 milliards d'euros) et celles dirigées vers la région Centre-Val de Loire (670 millions d'euros).

Répartition territoriale des aides du plan France 2030

(aides attribuées hors guichet en valeur au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Enfin les rapporteurs spéciaux relèvent que les dix-sept objectifs et leviers du plan France 2030, qui sont tous soutenus et mis en oeuvre simultanément dans le cadre du plan, ne présentent pas un même rythme d'avancement avec un écart important entre certains objectifs et leviers dont les aides ont été attribuées à plus de 90 % et trois « verticales »69(*) qui ont été déployées à moins de 60 % à la fin du premier semestre 2025. Les rapporteurs relèvent également que dans certaines filières soutenues, le niveau élevé d'attribution des aides ne se traduit pas encore par des versements effectifs d'aides comme l'illustre le fait que les aides de l'objectif n° 10 « Grands fonds marins » sont attribuées à hauteur de 72 % mais décaissées à hauteur de seulement 6 %.

Niveau de décaissement des aides par objectifs
et leviers du plan France 2030

(part des aides décaissées en valeur dans l'enveloppe associée au 30 juin 2025)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

2. Le Gouvernement prévoit un recul de 30 % du rythme d'attribution de nouvelles aides en 2026 en dépit duquel le montant global d'aides à décaisser augmentera en valeur de 293 millions d'euros par rapport à 2025

Le déploiement du plan France 2030 est entré depuis 2023 dans une phase d'expansion correspondant à une accélération de l'attribution des aides et à une croissance progressive du volume de décaissement des aides du plan, trois années après le lancement du quatrième volet du programme d'investissement d'avenir (PIA 4), devenu en 2022 le plan France 2030.

Alors que plus de 50 % des aides du plan avaient été attribuées à la fin de l'année 2023, le rythme d'attribution des aides a engagé un ralentissement brutal au cours de l'année 2024, en passant d'un volume de 17 920 millions d'euros d'aides attribuées en 2023 à un volume de 7 752 millions d'euros d'aides attribuées en 2024.

Le mouvement de ralentissement du rythme d'attribution de nouvelles aides s'est logiquement poursuivi au cours de l'exercice 2025 avec une cible prévisionnelle de 4 993 millions d'euros d'aides attribuées qui s'expliquent par l'épuisement progressif des enveloppes du plan France 2030 qui avaient été attribuées à hauteur de 70 % au 1er janvier 2025.

Rythme d'attribution des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Note : Les données sont prévisionnelles à partir de l'exercice 2025.

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

En matière de versement des aides aux bénéficiaires finaux, le rythme annuel de décaissement est dynamique du fait du cumul des versements associés aux nouvelles aides attribuées70(*) et des versements ayant pour objet de couvrir des aides préalablement attribuées71(*). Le rythme de décaissement est passé de 3 897 millions d'euros d'aides en 2023 à 5 460 millions d'euros d'aides en 2024. En 2025, le montant total des aides décaissées est estimé à 6 576 millions d'euros et il devrait continuer de croître pour atteindre 6 869 millions d'euros d'aides en 2026.

La croissance dynamique du rythme d'attribution des aides, qui atteint 76 % entre l'exercice 2023 et la prévision pour l'exercice 2026, s'explique par l'effet d'inertie préalablement décrit en application duquel une part substantielle des aides décaissées en 2026 correspondront à des versements d'aides attribuées lors du pic d'attribution de nouvelles aides en 2023.

Rythme de décaissement des aides du plan France 2030

(en millions d'euros)

Note : Les données sont prévisionnelles à partir de l'exercice 2025.

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Sur le plan budgétaire, le cadre de gestion extrabudgétaire du plan rappelé en première partie a pour conséquence une disjonction partielle entre le « cycle budgétaire » réglé par les lois de finances annuelles et le « cycle opérationnel » réglé par l'attribution, la contractualisation puis le décaissement des aides aux bénéficiaires finaux par les opérateurs.

Du point de vue opérationnel, les rapporteurs relèvent que le Gouvernement a choisi de ralentir significativement le rythme de déploiement des aides du plan France 2030. Alors que le maintien d'un rythme d'attribution à hauteur de 6 milliards d'euros environ chaque année à partir de 2025 aurait permis un déploiement rapide du plan dans son intégralité avec une fin de déploiement72(*) en 2027. Plutôt que de maintenir le rythme de déploiement du plan, le Gouvernement a choisi de ralentir de 36 % le rythme d'attribution en 2025. Les rapporteurs soulignent que ce ralentissement est notamment une conséquence des amendements de réduction de crédit adoptés avec le soutien de la commission des finances sur la mission « Investir pour la France de 2030 » en loi de finances initiale pour 202573(*).

Pour l'exercice 2026, le Gouvernement a également fait le choix d'un déploiement ralenti du plan avec un recul additionnel de 30 % du rythme d'attribution par rapport à l'exercice 2025. Si ce ralentissement est cohérent avec les objectifs de consolidation des comptes publics, il est regrettable que le Gouvernement ni le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) n'ait clairement expliqué ce choix aux porteurs de projet alors même que la communication gouvernementale sur le plan France 2030 a notoirement et constamment insisté sur la volonté de l'administration de déployer les aides du plan aussi rapidement que possible.

Parallèlement, l'effet d'inertie résultant de l'obligation dans laquelle l'État se trouve d'honorer les engagements pris lors des attributions d'aide dans les exercices antérieurs, et en particulier lors du pic d'attribution de l'exercice 2023, le ralentissement de 30 % du rythme d'attribution des aides n'empêche pas une hausse de 293 millions d'euros soit 4 % des besoins de décaissement des aides du plan France 2030 pour l'exercice 2026.


* 67 Secrétariat général pour l'investissement (SGPI), Bilan financier du plan France 2030, 2e trimestre 2025.

* 68 Les régions Île-de-France, Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.

* 69 Il s'agit des objectifs n° 2 « Hydrogène et énergies renouvelables », n° 3 « Décarbonation de l'industrie » et n° 8 « Culture, création, immersion ».

* 70 Le SGPI estime qu'en moyenne une aide attribuée pendant un exercice entraînera un décaissement de 11 % du montant de l'aide l'année de son attribution.

* 71 Pour rappel, les projets soutenus ont une durée moyenne de sept ans.

* 72 C'est-à-dire l'attribution des dernières aides du plan France 2030, sous réserve des décaissements associés qui s'échelonnent dans le temps.

* 73 Amendement n° II-2034 du Gouvernement adopté avec avis favorable de la commission des finances prévoyant une réduction des crédits de la mission à hauteur de 535 M€ en crédits de paiement.

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