B. LES CRÉDITS DONT L'OUVERTURE EST PROPOSÉE DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES NE COUVRIRONT QUE 75 % DES AIDES À DÉCAISSER EN 2026, LE SOLDE ÉTANT COUVERT PAR L'EXCÉDENT DE TRÉSORERIE DES OPÉRATEURS

Du point de vue budgétaire, la disjonction partielle entre le « cycle opérationnel » de déploiement des aides du plan et le « cycle budgétaire » de couverture de ces aides par des crédits du budget général a pour conséquence directe que la majeure partie des crédits dont l'ouverture est proposée se rapportent, conformément au cadre extrabudgétaire du plan France 2030 mais en contradiction avec le principe d'annualité, à des aides déjà attribuées et déjà contractualisées pour lesquelles l'ouverture de crédit est nécessaire pour permettre aux opérateurs de l'État d'honorer leurs engagements.

Cette disjonction partielle, qui est une conséquence inévitable du cadre de gestion extrabudgétaire du plan France 2030, est renforcée par un processus pluriannuel d'accumulation par les opérateurs du plan France 2030 d'un excédent de trésorerie dédiée au plan. En effet, le cadre juridique applicable au plan France 2030 prévoit que les opérateurs chargés de sa mise en oeuvre disposent d'une trésorerie spécifique, fléchée vers le décaissement des aides du plan. Dans ce contexte, les opérateurs ont accumulé pendant les premières années de déploiement du plan - pendant lesquelles les montants de décaissement étaient réduits - un excédent massif de trésorerie qui atteignait à la fin de l'exercice 2024 un montant total de 5 822 millions d'euros.

D'après les prévisions transmises aux rapporteurs spéciaux par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI), le niveau de trésorerie prévisionnel des opérateurs atteindra 2 365 millions d'euros à la fin de l'exercice 2025, avec un niveau de trésorerie excédentaire particulièrement élevé pour l'Ademe et Bpifrance dont les trésoreries dépasseraient 850 millions d'euros.

Répartition de la trésorerie fléchée vers les investissements d'avenir
à la fin de l'exercice 2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données prévisionnelles du SGPI

Le Gouvernement a affiché, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2025, sa volonté de mobiliser l'excédent de trésorerie des opérateurs pour financer une partie des décaissements à intervenir au cours de l'exercice 2025. D'après les données transmises aux rapporteurs spéciaux par le Secrétariat général pour l'investissement, le montant total des décaissements atteindra 6 576 millions d'euros en 2025, c'est-à-dire 1 840 millions d'euros de plus que les 4 736 millions d'euros de crédits de paiement (CP) ouverts sur les programmes 424 et 425 par la loi de finances initiale pour 202574(*). Les rapporteurs spéciaux en déduisent que les décaissements de l'exercice 2025 auront été financés à hauteur de 28 % par la mobilisation de l'excédent de trésorerie des opérateurs du plan. Les rapporteurs relèvent toutefois que ce schéma de financement s'éloigne substantiellement de celui présenté lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2025 qui envisageait de financer 50 % des décaissements de l'année par la mobilisation de la trésorerie excédentaire des opérateurs.

Financement des aides décaissées en 2026

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données du SGPI

Pour l'exercice 2026, les rapporteurs notent que le Gouvernement entend de nouveau mobiliser la trésorerie excédentaire des opérateurs du plan dès lors que la prévision de décaissement transmise pour l'exercice 2026, qui atteint 6 869 millions d'euros, est strictement supérieure aux 5 127 millions d'euros de crédits de paiement dont l'ouverture est proposée en projet de loi de finances.

Le Gouvernement prévoit donc un schéma de financement partagé en finançant les décaissements à hauteur de 75 % par l'ouverture de crédits sur les programmes de la mission « Investir pour la France de 2030 » et à hauteur de 25 % par la mobilisation de trésorerie excédentaire des opérateurs du plan.

Les rapporteurs spéciaux relèvent également que le schéma de déploiement du plan France 2030 prévu par le secrétariat général pour l'investissement (SGPI) pour l'année 2026 ne permettra pas d'atteindre la cible de 300 millions d'euros de soutien annuel en autorisations d'engagement (AE) aux aides à la recherche aéronautique civile du « guichet Corac ».

Aides publiques à la recherche aéronautique civile (guichet Corac)

(en millions d'euros et en AE)

Source : commission des finances

En effet le SGPI prévoit un financement à hauteur de 165 millions d'euros en AE du « guichet Corac » en 2026, auquel viendra s'ajouter un financement à hauteur de 50 millions d'euros en AE par le programme 190 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Comme les rapporteurs spéciaux l'avaient exposé dans leur rapport publié en juillet 202575(*), les aides du « guichet Corac », géré par la direction générale de l'aviation civile (DGAC), sont un levier essentiel de maintien de la compétitivité de la filière aéronautique française et il est regrettable que l'engagement public pris par le Gouvernement d'atteindre un financement annuel de 300 millions d'euros ne soit pas respecté.


* 74 Loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025.

* 75 Sénat, commission des finances, 9 juillet 2025, n° 846 (2024-2025), Rapport d'information relatif au financement public de la recherche aéronautique civile, au rapport des sénateurs Rapin, Somon et Dossus.

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