B. DES DÉPENSES D'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT EN CONSTANTE AUGMENTATION
1. Une progression de 70 % des dépenses réelles d'AME en dix ans...
Les dépenses réelles d'aide médicale d'État s'élèvent en 2024 à 1 387 millions d'euros, dont 1 256 millions d'euros pour l'AME de droit commun, qui doit être financée intégralement par l'État. Les dépenses d'AME pour « soins urgents » s'élèvent à 132 millions d'euros. Celles-ci n'ont pas à être prises en charge intégralement par l'État, contrairement à l'AME de droit commun.
Au global, les dépenses d'AME ont augmenté de 68,5 % en dix ans, entre 2014 et 2024, représentant 564 millions d'euros de dépenses en plus. Il s'agit d'une hausse bien supérieure à l'inflation, qui traduit l'absence totale de maitrise du dispositif d'AME.
Évolution des dépenses réelles d'AME entre 2012 et 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
En 2025, les dépenses réelles d'AME s'élèveraient à 1 443 millions d'euros8(*), dont 1 314 millions d'euros pour l'AME de droit commun et 129 millions d'euros pour l'AME pour soins urgents. L'État aurait donc dû budgéter une dotation de 1 385 millions d'euros pour l'AME en 2025 en l'absence de réforme de fond du dispositif, au lieu des 1 208 millions d'euros prévus, ce qui correspond à une sous-budgétisation de 177 millions d'euros.
Les dépenses devraient augmenter de 4,7 % entre 2024 et 2025 au total. Concernant l'AME de droit commun, la hausse devrait être de 4 % des dépenses.
Or pour l'année 2026, les documents budgétaires indiquent :
- d'une part, que les soins de ville hors produits de santé représentent en 2024 environ 26,5 % des dépenses d'AME. La dépense moyenne de soins de ville augmenterait en moyenne de 2,6 % entre 2025 et 2026, ce qui représenterait une hausse de 9 millions d'euros ;
- d'autre part, la dépense moyenne en prestations hospitalières et en produits de santé resterait stable en 2026 ;
- l'ensemble des dépenses augmenterait sous l'effet de la hausse du nombre de bénéficiaires, estimée à 4 % entre 2025 et 2026, ce qui représenterait au total 52,6 millions d'euros de dépense supplémentaires.
Ainsi, selon ces prévisions à considérer avec précaution, les dépenses réelles d'AME de droit commun pourraient s'élever en 2026 à 1 375,6 millions d'euros, alors que seuls 1 137 millions d'euros ont fait l'objet d'une budgétisation par l'État, soit un manque de 238,6 millions d'euros, qui pourrait occasionner la création d'une dette de ce montant de l'État à l'égard de la sécurité sociale. Une réforme structurelle du dispositif doit donc être opérée, non seulement pour que la budgétisation corresponde à l'exécution des dépenses, et pour permettre même de réaliser des économies.
Prévision et exécution
réalisée ou anticipée des dépenses d'AME
de
droit commun entre 2024 et 2026
Source : calculs de la commission des finances d'après les documents budgétaires
2. ... liée tant à la hausse du nombre de bénéficiaires qu'au coût des soins
En 2024, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires a ralenti, puisqu'elle a été de 1,9 %, après une hausse de 11 % en 2022 et 2023. On comptait, fin 2024, 465 208 bénéficiaires de l'AME de droit commun, soit environ 8 500 de plus qu'un an auparavant.
Au 31 mars 2025, ce sont 461 833 bénéficiaires de l'AME qui sont comptabilisés, soit une décrue de 0,7 % par rapport à 2024. S'il est très regrettable de ne pas disposer d'une évaluation actualisée du nombre de bénéficiaires de l'AME, cette première estimation semble confirmer un ralentissement de la hausse du nombre de bénéficiaires, voire une décrue entre 2024 et 2025. Il est possible, à ce titre, que l'augmentation de 4 % envisagée entre 2025 et 2026 soit surestimée par le ministère.
Entre 2017 et 2024, la hausse du nombre de bénéficiaires de 47,3 % est frappante, et illustre bien l'absence de maitrise des flux migratoires en France. C'est bien cette augmentation qui est principalement à l'origine de la progression globale des dépenses d'AME, de 60,1 % à la même période.
Évolution du nombre moyen annuel de
bénéficiaires des dépenses d'AME
de droit commun
(en nombre de bénéficiaires)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les bénéficiaires de l'AME sont significativement concentrés sur l'Île-de-France, qui totalise 45,7 % des bénéficiaires en 2024, et en Guyane, qui en représente près de 7,4 %. Le dispositif d'AME n'est par ailleurs pas applicable à Mayotte. Dans ce département, une participation forfaitaire est demandée aux patients en situation irrégulière, dont le nombre est difficile à évaluer9(*). L'essentiel des frais de santé correspondants est financé par l'Assurance maladie, sur les crédits du Fonds d'intervention régional10(*) (FIR).
Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun en fin d'année
(1) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. L'AME ne s'applique pas à Mayotte.
(2) Les données après le premier trimestre 2025 ne sont pas disponibles à ce jour.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
La dépense moyenne en soins de santé par bénéficiaire de l'AME demeure modérée par rapport à la moyenne des assurés sociaux. Elle ainsi s'élevait à 2 699 euros en 2024, tandis qu'en comparaison, la dépense moyenne de la population générale couverte était de 3 659 euros en 202311(*), date de la dernière estimation disponible. Il est à noter toutefois que 7,5 % des dépenses est financée par les ménages dans le cadre du reste à charge, alors que pour les bénéficiaires de l'AME, ce dernier est nul. Par ailleurs, 12,4 % des dépenses relèvent des organismes complémentaires. Seuls 80 % de la consommation de soins et de biens médicaux est financée par les administrations publiques, représentant 2 927 euros par bénéficiaire.
Les dépenses des bénéficiaires de l'AME sont assez spécifiques en termes de structure de la dépense de soins. Près de 60,8 % des dépenses sont constituées de prestations hospitalières, tandis que les produits de santé ne représentent que 12,7 % des dépenses et les soins de ville 26,5 % des dépenses.
Répartition par postes de dépenses d'AME en 2024
(en pourcentage)
Source : commission des finances d'après la direction de la sécurité sociale
Parallèlement, les prestations hospitalières représentent seulement 49,1 % des dépenses de soins et de biens médicaux pour l'ensemble de la population, alors que les soins de ville comptent pour 29 % des dépenses et les produits de santé 21,9 %.
* 8 D'après des informations communiquées en audition par la Direction de la sécurité sociale.
* 9 Selon l'Insee, en 2015, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvait en situation administrative irrégulière (Insee analyses La Réunion Mayotte, n° 12, mars 2017), soit sans doute plus de 40 000 personnes compte tenu du nombre d'étrangers nés à l'étranger, évalué à près de 82 000 en 2017 (Insee, « À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première, n° 1737, février 2019).
* 10 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 833 (2021-2022) de la commission des affaires sociales : Mayotte : un système de soins en hypertension - juillet 2022.
* 11 Ce calcul est effectué à partir de la consommation de soins et de biens médicaux (CSBM) totale et du nombre de résidents sur le territoire français en 2023.




