II. UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA POLITIQUE DE L'APPRENTISSAGE ET DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE QUI N'APPARAÎT PLUS HORS DE PORTÉE
A. LE DÉSÉQUILIBRE FINANCIER DE FRANCE COMPÉTENCES SERAIT PROGRESSIVEMENT RÉSORBÉ
1. Jusqu'en 2025, France compétences était confronté à une véritable « impasse financière »26(*)
Établissement public à caractère administratif, France compétences a été créé en 2019, en application de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, par fusion de quatre organismes préexistants27(*).
Les missions de France Compétences
France compétences est chargée de répartir le versement des contributions à la formation professionnelle et à l'apprentissage aux différents acteurs concernés, principalement les opérateurs de compétences (Opco), la Caisse des dépôts et consignations, pour le financement du compte personnel de formation (CPF), les régions, pour le financement des centres de formation d'apprentis (CFA), mais aussi l'État, au titre de la formation des demandeurs d'emploi.
France compétences assure également une fonction de régulation et de contrôle. Elle établit notamment le répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) et le répertoire spécifique, habilite les instances de labellisation pouvant délivrer aux formations la certification Qualiopi et émet des recommandations sur le niveau et les règles de prise en charge du financement de l'alternance.
Source : commission des finances du Sénat, d'après la Cour des comptes
France compétences bénéficie de ressources affectées, principalement la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance (Cufpa), ainsi que d'autres contributions ou participations des employeurs (contribution au financement du compte personnel de formation pour les titulaires d'un contrat à durée déterminée, contribution supplémentaire à l'apprentissage, participation au financement de la formation des professions non salariées...).
Le produit de ces ressources est de l'ordre de 11,6 milliards d'euros en 2025. Elles permettent à France Compétences de financer l'alternance pour environ deux tiers, et divers dispositifs de formation professionnelle pour le tiers restant. Plus de la moitié des fonds de formation professionnelle alimentent le compte personnel de formation (CPF).
Budget initial de France compétences pour 2025
(en millions d'euros)
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RESSOURCES |
13 651 |
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Contributions |
11 640 |
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dont Cufpa et CSA |
11 096 |
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dont autres contributions |
544 |
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Excédent de trésorerie |
0 |
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Dotation de l'État |
1 915 |
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Report de crédits du PIC |
52 |
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Autres |
45 |
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EMPLOIS |
14 116 |
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Formation des demandeurs d'emploi |
800 |
|
Transitions Pro |
435 |
|
Projets de reconversion et de transition professionnelle |
45 |
|
Conseil en évolution professionnelle |
110 |
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Alternance |
9 687 |
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dont péréquation inter-branches |
5 776 |
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dont actions de l'alternance |
3 600 |
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dont aide au permis de conduire |
47 |
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dont dotation régions "fonctionnement des CFA" |
88 |
|
dont dotation régions "investissement des CFA" |
180 |
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dont financement complémentaire CNFPT |
5 |
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Compte personne de formation |
1 950 |
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Fonds divers |
1 030 |
|
Dépenses de fonctionnement |
21 |
|
Dépenses d'investissement |
4 |
|
Intérêt sur concours bancaires |
35 |
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SOLDE PRÉVISIONNEL |
- 465 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après France compétences
Les facteurs du déséquilibre financier de France Compétences sont en effet structurels, et sont apparus dès 2020. Comme l'a souligné la Cour des comptes28(*), les implications financières de la réforme de 2018 n'ont fait l'objet que d'évaluations sommaires et insuffisamment étayées. En outre, la très forte dynamique des entrées en apprentissage, dispositif passé d'un fonctionnement contingenté à un fonctionnement en enveloppe ouverte avec la loi « Avenir professionnel »29(*) de 2018 et « dopé » par l'élargissement du bénéfice de l'aide exceptionnelle aux employeurs aux grandes entreprises et aux apprentis de l'enseignement supérieur, a contribué à alourdir considérablement les charges de l'opérateur, sans que ses ressources ne bénéficient d'une évolution comparable.
2. En 2026, une dotation de l'État en-deçà du milliard d'euros pour la première fois depuis 2022
France Compétences s'est immédiatement trouvée dans une situation financière très déséquilibrée, avec un déficit de 4,6 milliards d'euros en 2020 qui n'a cessé de s'aggraver les années suivantes. En 2022, le déficit de France Compétences aurait été de 7,4 milliards d'euros sans les deux « dotations exceptionnelles », pour un montant total de 4 milliards d'euros, versées par l'État en cours d'exercice. Une telle dotation a ensuite été reconduite en 2023, puis en 2024, afin de pallier les déficits persistants de l'opérateur.
En 2025, le budget initial de France Compétences prévoyait la budgétisation d'une dotation d'équilibre de l'État à hauteur d'1,9 milliard d'euros ; même en tenant compte de cette recette dérogatoire et très importante, le budget initial de l'opérateur présentait encore un déficit prévisionnel de 465 millions d'euros.
Au cours des débats parlementaires sur le budget 2025, le financement de l'apprentissage a toutefois fait l'objet d'importantes mesures d'économies - qui sont détaillées infra. Ces moindres charges pour France compétences ont ainsi permis de réduire significativement la dotation versée par l'État à l'opérateur. Les principales mesures prises dans la LFI 2025 concernent :
- une nouvelle baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des frais pédagogiques des centres de formation d'apprentis (CFA), pour 225 millions d'euros ;
- une baisse des NPEC sur les formations réalisées intégralement à distance, pour un rendement de 10 millions d'euros ;
- la proratisation journalière du versement des NPEC aux CFA, pour un rendement de 20 millions d'euros ;
- la suppression de l'éligibilité de droit des formations à l'entrepreneuriat non-certifiantes (formations « ACRE »), pour une économie estimée à 100 millions d'euros ;
- la création d'une participation de l'employeur d'apprentis (dite « reste à charge ») au financement des CFA, pour une moindre dépense de 375 millions d'euros.
La dotation à France compétences finalement budgétée dans la LFI pour 2025 s'est ainsi établie à environ 913 millions d'euros. En 2026, cette dotation serait significativement réduite et fixée à 673 millions d'euros en CP, soit une diminution de 240 millions d'euros (- 26,3 %).
Évolution du montant de la subvention versée à France Compétences
(en millions d'euros)
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2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
LFI 2025* |
PLF 2026* |
|
0 |
4 000 |
1 596 |
1 350 |
913 |
673 |
* Selon les données du projet annuel de performances annexé au PLF 2026
Source : commission des finances du Sénat
Les rapporteurs spéciaux relèvent que la subvention versée à cet opérateur conduit dans les faits à faire financer en partie l'apprentissage et la formation professionnelle directement par l'État, alors que ces dispositifs devraient être intégralement financés grâce des ressources (Cufpa, etc.) dédiées. Ils considèrent donc comme satisfaisant le retour progressif à l'équilibre des ressources et des charges de l'opérateur, qui permet de diminuer le soutien de l'État.
Il convient à leurs yeux de poursuivre ces efforts en continuant la démarche d'examen approfondi de la pertinence de certains dispositifs financés par France compétences.
* 26 Cour des comptes, La formation professionnelle des salariés. Après la réforme de 2018, une stratégie nationale à définir et un financement à stabiliser, juin 2023.
* 27 Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop), deux instances paritaires, le Comité paritaire interprofessionnel national pour l'emploi et la formation (Copanef) et le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP), et la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP).
* 28 Cour des comptes, référé S2022-072, France Compétences, une situation financière préoccupante, 9 juin 2023.
* 29 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.