EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 13 novembre 2025, sous la présidence de M. Michel Canévet, vice-président, la commission des finances a examiné le rapport de M. Emmanuel CAPUS, rapporteur spécial et Mme Ghislaine SENÉE, rapporteure spéciale sur la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Michel Canévet, président. - Nous écoutons à présent les rapporteurs spéciaux de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Nous avons mené un travail à deux voix, avec la volonté farouche de trouver des points de consensus. Nous avons partiellement réussi, mais ne sommes pas parvenus à un avis commun.

Les crédits de la mission « Travail, emploi et administration et des ministères sociaux » demandés pour 2026 s'élèvent à 16,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 17,7 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, les crédits connaissent donc une diminution importante de 3 milliards d'euros en AE, soit une baisse de 15,1 %, et de 2,4 milliards d'euros en CP, soit une baisse de 11,8 %.

Cette mission est sans conteste l'une de celles qui contribuent le plus à la réduction des dépenses publiques.

La diminution proposée en 2026 fait suite à une très forte baisse des crédits de la mission en 2025. En effet, entre le dépôt du projet de loi de finances (PLF) et l'adoption de la LFI pour 2025, le Parlement avait adopté, à l'initiative du Gouvernement et du Sénat, d'importantes mesures d'économies dont l'impact cumulé se chiffrait à 1,6 milliard d'euros.

Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2026 sont ainsi sensiblement inférieurs à la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2023 à 2027, bien qu'ils se maintiennent à un niveau supérieur à celui qui avait été proposé dans le projet de LPFP déposé par le gouvernement à l'époque.

Comme les années précédentes, l'évolution des dépenses de la mission dépend principalement de celle des crédits du programme 103, parce que ce programme participe pour une grande part au financement de l'apprentissage, qui constitue en quelque sorte sa politique phare. La baisse des crédits de ce programme, de 21,1 % en AE et 19,4 % en CP, explique ainsi largement la baisse globale des crédits de la mission.

Si l'on prend en compte l'ensemble des dépenses en faveur de la formation en alternance, les crédits dédiés à cette politique sur le budget de l'État s'élèvent à environ 4,6 milliards d'euros. Il s'agit d'une baisse sensible par rapport à 2025, puisque le coût de l'alternance pour la mission était alors de 6,2 milliards d'euros.

Cette baisse est d'abord imputable à la diminution des crédits dédiés à l'aide aux employeurs d'apprentis. En effet, pour couvrir les économies prévues sur ce poste de dépenses en 2025, le Gouvernement a revu à la baisse le barème de l'aide à l'embauche : de 6 000 euros pour tous les contrats, elle est passée à 5 000 euros pour les contrats signés par des PME et à 2 000 euros pour les contrats signés par des entreprises de plus de 250 salariés. Il devrait en résulter une diminution du nombre d'entrées en apprentissage : les prévisions reposent sur l'hypothèse d'une baisse de 10 % des entrées en apprentissage en 2025.

Cette baisse résulte ensuite de l'hypothèse d'une suppression de l'exonération de cotisations salariales dont bénéficient les apprentis, la perte de recettes pour la sécurité sociale étant compensée par l'État. La moindre dépense résultant de cette mesure est estimée à 400 millions d'euros.

Enfin, la diminution des dépenses résulte des nombreuses mesures d'économies adoptées par le Parlement et prises par le Gouvernement afin de réduire les dépenses de France Compétences, notamment la baisse de la prise en charge des formations d'apprentis intégralement réalisées à distance ou la suppression de l'éligibilité au compte personnel de formation (CPF) de formations à l'entrepreneuriat non qualifiantes. Le retour à l'équilibre espéré de cet opérateur permet de diminuer la subvention de l'État. Dans la même veine, le présent projet de loi de finances prévoit deux mesures d'économies aux articles 80 et 81, qui sont rattachés à la mission et dont je vous reparlerai.

Pour résumer, la politique de formation professionnelle et d'apprentissage a été très fortement mise à contribution en 2025 et le sera inévitablement en 2026. C'est pourquoi nous pensons, avec Ghislaine Senée, qu'il convient de donner aux professionnels de ce secteur un peu de stabilité. Aussi, nous ne vous proposons pas, à ce stade, de cibler davantage l'aide à l'embauche des apprentis, comme nous vous le proposions les années précédentes.

Il est toutefois à craindre que cette stabilité, que le secteur appelle de ses voeux et que nous estimons souhaitable, n'advienne pas. En effet, les entrées en apprentissage en septembre 2025 - pour lesquelles des données devraient être disponibles très prochainement - sont sans doute plus importantes qu'anticipé par le Gouvernement. La baisse serait de 5 % à 8 % environ, contre 10 % dans les prévisions du Gouvernement. Les économies proposées seraient, dans ce cas, en partie erronées. Il en va de même pour l'exonération de cotisations sociales des apprentis, qui a été rejetée à l'Assemblée nationale. Si ces deux hypothèses s'avéraient fausses, les crédits de la mission augmenteraient mécaniquement. Il faudrait alors réfléchir à la manière de revoir notre copie.

En tout état de cause, il me semble que la situation requiert de la stabilité et la clarification des hypothèses sur lesquelles les économies proposées sont établies. C'est pourquoi je vous propose, en responsabilité et malgré l'horizon qui s'assombrit, d'adopter les crédits de la mission.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ». - Cette position n'est pas la mienne. Cette mission est celle qui, cette année encore, contribuera le plus à la réduction des dépenses publiques.

Je souhaite tout d'abord appeler l'attention de la commission sur le fait que France Travail voit sa subvention pour charges de service public reculer de 12 % par rapport à 2025 et son plafond d'emploi baisser de 515 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Si le Gouvernement fait valoir que cette réduction ne représente que 1 % des effectifs de l'opérateur, nous avons été alertés sur l'opportunité de conserver ces emplois, qui sont utiles dans la mise en oeuvre du plan d'efficience porté par l'opérateur, dans un contexte où ses partenaires sont mis sous tension. En effet, j'ai pu constater sur le terrain les effets de ce plan, qui produit d'ores et déjà des économies très concrètes. Dans les Yvelines, la réaffectation des moyens humains a amélioré le taux de sortie du revenu de solidarité active (RSA) : il est de 52 % contre 38 % au niveau national. Plus il y a de monde au service de France Travail, plus il y a un retour à l'emploi. Il serait contre-productif d'amputer la capacité de France Travail de mener à bien sa mission.

Au sein du service public de l'emploi (SPE), la situation des missions locales apparaît également très préoccupante puisque leurs AE diminueraient de 13 %. Cette baisse aura nécessairement un impact sur le financement de leur accompagnement des bénéficiaires de contrats d'engagement jeune (CEJ), dont le nombre devrait diminuer de 10 000 en 2026. Cette diminution de crédits inquiète grandement les élus, sur de très nombreux territoires et de manière transpartisane. Dans la Sarthe, les acteurs de terrain constatent en effet une hausse de 12 % des demandes, dont une hausse de 33 % des mineurs, fait nouveau. Ces jeunes sont arrivés en 2020 au collège en plein covid. Les taux de décrochage scolaire s'emballent ; ce n'est pas le moment de fragiliser davantage les missions locales.

Enfin, je déplore la diminution des moyens consacrés aux divers dispositifs d'emplois aidés. La très forte baisse des contrats aidés proposée pour 2026 constitue une véritable régression, pour les bénéficiaires de ces contrats comme pour le secteur non marchand, en particulier les collectivités territoriales. Surtout, les moyens consacrés à l'insertion par l'activité économique (IAE) connaîtraient une forte baisse, de 12 % en CP par rapport à la LFI 2025. Selon la fédération des entreprises d'insertion, il s'agit de la plus forte baisse de crédits de l'histoire de l'insertion par l'activité économique. Il conviendrait d'atténuer l'effort demandé aux structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) sans quoi les taux d'insertion en pâtiront.

Alors qu'une remontée du chômage jusqu'à 8,2 % fin 2026 est prévue, les coupes budgétaires auxquelles nous faisons face auront un impact économique très négatif. Si je n'ai pas souhaité déposer d'amendement en tant que rapporteure spéciale, ce n'est pas parce que je me résous aux baisses de crédits que je viens de dénoncer, mais parce que je vous propose de rejeter les crédits de la mission.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -J'ai entendu la dissonance des avis des rapporteurs spéciaux. Nous essayons d'apporter davantage de raison dans les comptes, et notre constat est consensuel : celui de la dérive des comptes publics, qui a connu son apogée en 2023-2024. Revenir à des normes plus conformes aux réalités économiques et sociales quand on a reçu auparavant de l'argent en surabondance est toujours douloureux.

En euros constants, cette mission bénéficie de 1 milliard d'euros supplémentaires en 2026 par rapport à 2019, année au cours de laquelle le déficit était à 3 %. En outre, les besoins ne sont pas forcément plus élevés. Le soutien à l'apprentissage a eu des effets qui n'atteignaient pas totalement leur cible. La profusion d'organismes de formation, réceptacles des financements des coûts pédagogiques de près d'un million d'apprentis, est-elle normale ? Est-il souhaitable de donner de l'argent à profusion à des organismes qui se créent quasiment du jour au lendemain, sans même améliorer le parcours individuel des uns et des autres ? Il faut couper la perfusion.

En dépit de toutes les actions menées, il reste 500 000 emplois non pourvus, par manque de correspondance entre l'offre abondante de formation et les besoins sur le terrain.

Il faut retrouver de la raison, mais aussi de la rigueur. L'apprentissage doit d'abord mieux former celles et ceux qui sortent de la voie générale, pour augmenter leur niveau de formation. Des métiers ont perdu de l'attractivité parce qu'ils ont été trop longtemps méprisés. Beaucoup louent l'intelligence de la main, mais il n'est qu'à regarder les parcours des uns et des autres : pour quelques belles réussites, combien de jeunes cabossés ?

Nous sommes dans un moment de vérité : soyons attentifs à nos objectifs.

M. Éric Jeansannetas. - Les rapporteurs spéciaux émettent des avis différents, mais ils convergent sur un point : ils demandent de la stabilité pour les opérateurs. Je partage quelques éléments de l'analyse de notre rapporteur général. Il faut utiliser l'argent public à bon escient. Je souscris à son appel au pragmatisme dans le domaine de la formation.

France Travail a changé sa stratégie et Ghislaine Senée le disait : cela fonctionne. Et c'est à ce moment-là qu'il est amputé de moyens importants. L'accompagnement renforcé pourrait être abandonné.

Les missions locales accompagnent le public le plus éloigné de l'emploi. Avant l'insertion professionnelle, il faut une insertion sociale. Amputer les crédits des missions locales deux années de suite, de manière forte, de 20 % en deux années d'exercice, c'est faire perdre des chances aux jeunes les plus en difficulté.

Aurons-nous une marge de manoeuvre en séance pour redonner confiance aux opérateurs du service public de l'emploi ? Je suis président d'une mission locale et je constate une perte de motivation et de sens chez les conseillers.

M. Grégory Blanc. - Je tiendrai un raisonnement purement économique. J'ai entendu les propos du rapporteur général sur le milliard d'euros supplémentaires par rapport à 2019. Comment et où coupe-t-on ? Je souscris aux propos de Ghislaine Senée. En haut de cycle économique, il y a eu une baisse de fiscalité et des moyens déployés par le « quoi qu'il en coûte ». J'étais moi-même chef d'entreprise à ce moment-là. Cela a entraîné des effets de levier - ainsi que des effets d'aubaine - qui ont conduit beaucoup d'entreprises à faire du social. Dans cette période marquée par une carence en main d'oeuvre, les chefs d'entreprise, sachant qu'ils recevraient des aides, sont allés chercher des personnes plus éloignées de l'emploi, car ils en avaient besoin et surtout, ils étaient dans une situation où ils pouvaient le faire. Depuis, le cycle économique s'est retourné. Cela nous conduit à devoir réaliser une consolidation budgétaire alors que les entreprises n'ont plus les moyens de mener ce travail social et que notre appareil économique est en sous-production. Si les entreprises ne réalisent plus ce travail et que l'on coupe les moyens publics des SIAE et des missions locales, qui le fera ?

Depuis 2020, les pathologies psychologiques se sont renforcées. On le constate par la crise de financement des départements. Si, demain, on veut un appareil productif qui fonctionne, on doit voter des budgets qui favorisent l'insertion.

M. Marc Laménie. - Ce budget est important. Quels sont les effectifs de l'administration de l'État, en central et sur le terrain ? Comment se répartissent-ils ? Y a-t-il suffisamment de moyens humains pour lutter contre le travail illégal ?

Dans les Ardennes, il est difficile de trouver localement des saisonniers en arboriculture. C'est aussi le cas dans les régions viticoles.

Le budget prévoit une baisse de 515 ETPT chez les opérateurs, notamment France Travail. Combien pour cet opérateur ?

L'apprentissage est une politique menée en partenariat avec l'ensemble des collectivités territoriales, mais c'est de plus en plus compliqué. Il faut susciter des vocations chez les collégiens. Nombre de secteurs, tels que le bâtiment, peinent à trouver des apprentis.

Ma dernière question porte sur les contrats aidés, qui disparaîtraient totalement. Je regrette aussi cette suppression, car ce dispositif permettait de former des jeunes dans les villages ou les petites communes et de soulager les bénévoles au sein des associations.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - En ce qui concerne le niveau des crédits de la mission, la comparaison avec 2019 n'est pas très pertinente : nous étions alors en haut de cycle en matière d'emploi et l'inflation a fortement progressé depuis lors.

Je suis assez réservée quant à l'ampleur de la diminution des crédits affectés au service public de l'emploi et aux opérateurs. Une diminution de 13 % des autorisations d'engagement pour les missions locales et pour le secteur de l'insertion par l'activité économique me paraît extrêmement sévère. Que l'État soit plus sélectif et exigeant à l'égard des missions locales ou des organismes d'insertion par l'activité économique en matière de performance et de taux de retour à l'emploi, cela me paraît légitime, de même que le fait de conditionner les financements à ces résultats, mais appliquer indistinctement cette logique à tous les organismes, car tel semble être le cas, me paraît singulier, surtout dans la période actuelle.

La suppression de l'exonération de cotisations salariales pour les apprentis ne me paraît pas judicieuse non plus. Réduire les aides à l'apprentissage pour limiter les effets d'aubaine, soit, mais diminuer le salaire des apprentis, non.

Ce manque de discernement figure ailleurs dans le PLF, par exemple dans la suppression de l'aide au permis de conduire pour les apprentis. On pourrait envisager de soumettre cette aide à une condition de revenu, comme le fait France Travail, mais le fait de ne pas disposer du permis constitue un véritable obstacle à l'obtention d'un contrat d'apprentissage pour certains jeunes. Bercy objecte qu'il existe le permis à un euro, mais il s'agit d'un prêt, non d'une aide ; quant au CPF, les apprentis n'y ont pas accès en début de contrat ; enfin, les aides locales existent, certes, mais pas partout.

Sans doute, il faut faire des économies, mais il faut le faire de façon intelligente, faute de quoi les textes ne sont pas acceptés par la population.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Je partage l'agacement du rapporteur général sur l'apprentissage.

Ma question s'adresse à Ghislaine Senée. Je m'associe volontiers à la défense des missions locales dont chacun assure, sur son territoire, un travail de dentelle en matière sociale et d'insertion. Pourriez-vous nous préciser, madame la rapporteure spéciale, à quelle diminution en valeur, en euros sonnants et trébuchants, correspond la baisse de 13 % des crédits ?

M. Laurent Somon. - Un bon budget n'est pas forcément un budget qui augmente ; simplement, dès lors qu'on le réduit, cela pose en effet des problèmes d'organisation, et réorganiser une structure n'est pas toujours simple.

Toutefois, la réforme de France Travail porte aujourd'hui ses fruits. Le département de la Somme a mis en place l'accompagnement renforcé entre les services de France Travail et ceux du département. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, notamment à Amiens-Nord, le nombre d'allocataires a baissé de 13 %. Cela démontre que la mutualisation des moyens et la coordination des actions donnent des résultats positifs ; plus on est cloisonné, moins on est efficace. Il faut parvenir à mutualiser l'action de France Travail avec celle des conseillers d'insertion et des conseillers sociaux des départements pour les personnes les plus défavorisées, afin de lever les blocages et de permettre l'immersion dans les entreprises.

Je citerai un autre exemple, en lien avec l'éducation nationale. A été créé dans la Somme, à Friville-Escarbotin, le premier micro-lycée professionnel. Le travail conjugué des industriels, de l'éducation nationale, du département et de France Travail, permet de trouver des solutions pour que des jeunes, même en décrochage, reviennent dans l'entreprise.

Je le répète, un bon budget n'est pas forcément un budget en hausse, c'est un budget rendu plus efficient par la mutualisation des services compétents qui travaillent ensemble.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je commencerai en répondant au rapporteur général sur deux points. Je veux d'abord souligner la dérive des comptes publics en 2023 et 2024 : les crédits de cette mission ont énormément augmenté au cours de ces deux années ; elle reflue donc naturellement en 2026. Cette augmentation s'explique surtout par l'accent mis sur l'apprentissage. Nous souhaitons stabiliser ce budget et rendre les dépenses pilotables ; en d'autres termes, refroidir le moteur sans casser la machine. Cela exige de faire des arbitrages pour ralentir, sans rompre la dynamique enclenchée, notamment en matière d'apprentissage. Ensuite, je partage ses propos sur la redécouverte bienvenue de certains métiers. Même s'il y a beaucoup d'apprentis dans le supérieur, nous assistons à la mise en valeur, par l'apprentissage, de certains métiers naguère dévalorisés.

Je veux souligner la grande cohérence des propos d'Éric Jeansannetas d'une année sur l'autre pour ce qui concerne les missions locales.

Nous sommes d'accord sur le besoin de stabilité des opérateurs.

L'accompagnement renforcé de France Travail est extrêmement intéressant ; comme je le disais, il faut accompagner le mouvement sans casser. Nous devons attendre de récolter complètement les fruits de la loi du 18 décembre 2023 pour le plein emploi, notamment pour ce qui a trait à l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, car il s'agit d'un effort nouveau, important et positif, puisque l'objectif est de faire revenir vers le travail des personnes qui en étaient très éloignées. Cela passe par l'accompagnement des titulaires du RSA par les conseillers de France Travail, et, d'après Thibaut Guilluy, cela semble bien fonctionner. Il ne faudrait donc pas de casser ce dispositif.

Pour ce qui concerne les missions locales, il est vrai que ce PLF acte une baisse sensible, non des crédits de paiement, qui augmentent, mais des autorisations d'engagement, qui diminuent de 13 %, soit de 78 millions d'euros. Ce n'est certes pas neutre, cela impliquera des efforts sur les dépenses de fonctionnement des missions locales, ainsi qu'une baisse du nombre de CEJ, qui passeront de 200 000 à 190 000 ; les 85 000 CEJ gérés par France Travail ne seront pas affectés. Il y a donc une baisse, mais elle est relative et il faut se souvenir qu'en 2017 il n'y avait que 50 000 contrats de ce type. Il y a bien un léger reflux, mais il n'est pas question de casser la machine.

Nous avons en particulier demandé au Gouvernement d'être très sensible à la situation des missions locales, car nous connaissons leur importance - j'ai moi-même rédigé un rapport d'information sur leur intérêt il y a quelques années - et nous savons aussi que certaines régions diminuent leurs financements. Nous lui avons donc demandé d'être méticuleux et d'étudier les missions locales au cas par cas, pour identifier celles qui rencontreraient des problèmes de trésorerie. Nous aurons sans doute l'occasion de reparler de ce sujet d'ici à l'examen de la mission en séance.

Ce que j'ai dit sur les missions locales vaut pour l'ensemble des dispositifs d'insertion par l'activité économique.

Monsieur Laménie, les crédits de France Travail s'élèvent à 3 321 491 000 euros en tant compte de sa subvention pour charge de ses services public (SCSP) et des divers transferts en provenance de la mission. C'est la principale agence de l'État, avec près de 50 000 agents ; ce sont donc des moyens très importants, d'où la demande, qui reprend celle de Michel Barnier l'année dernière, de supprimer 515 équivalents temps plein (ETP), soit 1 % de l'effectif de l'Agence.

Il est vrai que le nombre de contrats aidés diminue chaque année. Nous actons la fin de ces contrats dans le secteur marchand et, dans le secteur non marchand, leur nombre passera de 50 000 à 16 000. Je n'ai pas réussi à connaître la localisation de ces 16 000 emplois aidés, puisque les 50 000 qui restaient étaient plutôt fléchés vers des zones particulières, notamment en outre-mer. Sera-ce toujours le cas ? Je ne le sais pas. En tout état de cause, avec 16 000 contrats, ce dispositif est en effet en voie d'extinction.

Mme Carrère-Gée formule toujours cette demande d'intelligence ; la constance de vos interventions doit aussi être soulignée, ma chère collègue. J'ai à peu près répondu à vos questions. Nous reparlerons du permis de conduire lors de l'examen de l'article 80.

Pour ce qui est du soutien à l'apprentissage, je dirai, au risque d'être extrêmement minoritaire ici, que les exonérations de l'impôt sur le revenu et des cotisations salariales ont été instaurées lorsqu'il y avait 139 000 apprentis. Cela fonctionnait très bien. À un million d'apprentis, ce n'est plus du tout la même musique. Il convient donc de s'interroger, surtout quand les apprentis ne sont plus seulement de niveau infra bac, mais parfois de niveau bac + 5, avec un niveau d'indemnité qui leur permettrait d'être imposés sur le revenu ! En outre, cette exonération pose une autre difficulté : le jour où ils entrent dans la vie active, avec une rémunération potentiellement équivalente, la surprise risque d'être désagréable quand ils seront assujettis aux cotisations sociales et à l'impôt sur le revenu.

Nous aurons de toute façon ce débat durant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, lorsque se posera la question de l'exonération de charges sociales sur les indemnités d'apprentis. Je comprends votre interrogation, mais cette exonération coûte tout de même plus d'un milliard d'euros et sa suppression rapporterait 400 millions d'euros dès 2026. Par conséquent, si nous voulons la maintenir, il faudra trouver 400 millions d'euros ailleurs.

Enfin, je partage évidemment les propos de Laurent Somon sur la nécessaire coordination des actions entre les missions locales et les collectivités locales ; vous avez raison, mon cher collègue, le budget le plus efficient n'est pas nécessairement le budget le plus élevé.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Certes, chacun appelle de ses voeux un retour à une situation plus conforme à la réalité économique, mais le Président de la République et le Gouvernement ont fait le choix de conduire une politique très ambitieuse via la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux », avec comme objectif la signature d'un million de contrats d'apprentissage.

Je pose donc la question de la cohérence. On ne peut pas augmenter fortement les moyens consacrés à l'apprentissage à son arrivée en 2017, puis, en l'espace de deux ans, casser la machine. Il y a certes eu des effets d'aubaine, nous l'avons constaté nous-mêmes, mais nous avons oeuvré pour réduire les montants affectés à l'apprentissage, qu'il s'agisse des aides aux entreprises ou de la prise en charge des coûts de formation. Ainsi, cette année, on a réalisé 1,6 milliard d'euros d'économies sur cette mission et, on l'a vu dans le projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), quelque 886 millions d'euros de crédits seront annulés. Le travail a donc été largement engagé. C'est la raison pour laquelle nous demandons de la stabilité. De nombreux centres de formation d'apprentis (CFA), pourtant très structurés, se trouvent aujourd'hui en grande difficulté, car, après la révision générale du coût de leur formation, ils ne dégagent plus aucune marge, au point que l'État doit régler les situations une à une. Il s'agit d'une question de cohérence et de continuité de l'action de l'État : on ne mobilise pas autant de moyens pour les retirer aussi vite. Nous en débattrons dans l'hémicycle.

Monsieur Jeansannetas, M. Capus a répondu à vos questions sur les missions locales.

Monsieur Hugonet, la diminution des autorisations d'engagement affectées aux missions locales atteindrait 78 millions d'euros. Les crédits de paiement augmentent, certes, mais il s'agit simplement du rattrapage lié à la reprise d'excédent effectuée en 2025 ; en réalité, ils demeurent stables, ce qui engendre d'importantes difficultés. Je défendrai en séance, à titre personnel, des amendements visant à dégager d'autres marges de manoeuvre afin de sauver les missions locales. En effet, si celles-ci perdent des moyens, ce seront les collectivités territoriales qui devront compenser. Or, chacun le sait, elles se trouvent en grande difficulté et doivent déjà faire des choix cornéliens.

En ce qui concerne France Travail, je veux rappeler quelques chiffres, liés à l'objectif de plein emploi confié à cet opérateur. L'an dernier, le nombre d'entrées dans le dispositif d'accompagnement intensif a augmenté de 50 % par rapport à 2024, avec un objectif de 700 000 accompagnements en 2027. Les actions de prospection auprès des employeurs ont progressé de plus de 300 % en 2025, passant de 100 000 à 400 000, et l'objectif pour 2027 est de 600 000. Les contrôles de la recherche d'emploi ont augmenté de 64 %, ce qui représente 480 000 contrôles, et l'objectif fixé pour 2027 s'élève à 1,5 million.

À cela s'ajoutent la généralisation du dispositif Avenir pro, dans les lycées professionnels, la mise en place du plan Senior 50+, pour les plus de 50 ans, la lutte contre les trop-perçus et les comportements abusifs, ainsi que les mesures issues de la Conférence nationale du handicap. Il faut encore ajouter le transfert à France Travail de la gestion des fonds d'allocation des élus en fin de mandat, dont nous avons adopté le principe au travers de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2027.

Certes, un plan d'efficience de l'opérateur lui a permis de redéployer 3 700 ETP, notamment grâce aux outils numériques, mais on ne peut pas leur en demander toujours plus tout en exerçant une pression supplémentaire sur les effectifs, d'autant que chaque demandeur d'emploi qui retrouve un poste permet de dégager des économies ailleurs.

Je veux citer une brève anecdote. Aujourd'hui, les grandes entreprises recourent à l'intelligence artificielle pour trier les curriculum vitae. Par conséquent, les conseillers de France Travail doivent accompagner les demandeurs d'emploi pour mettre en page leur CV, car certains rejets tiennent uniquement à des biais de l'IA. Cela peut sembler anecdotique, mais cela montre combien la présence humaine demeure indispensable. Je n'insiste pas davantage sur France Travail, mais vous aurez compris le sens de mon propos.

M. Capus a répondu aux questions de Grégory Blanc. Si les entreprises ne sont plus aidées, ce sont les collectivités territoriales qui devront prendre le relais.

Monsieur Laménie, les effectifs de la direction générale du travail s'élèvent à 4 375 ETPT. Les effectifs sous plafond de France Travail diminueront de 515 ETP.

Madame Carrère-Gée, merci de vos propos. En effet, quand il faut faire des choix, il faut le faire intelligemment. Sans doute, il faut remédier aux effets d'aubaine, mais je crois que nous l'avons fait. Et, vous avez raison, la comparaison avec l'année 2019 est peu pertinente. Le service public de l'emploi se transforme profondément dans le cadre de l'objectif de plein emploi. Des comités nationaux, régionaux, départementaux et locaux se mettent en place.

Bref, vous l'aurez compris, il faut impérativement sauver France Travail et les missions locales, pour le bien de nos demandeurs d'emploi, de nos jeunes et de notre économie.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 80

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - L'article 80 supprime l'aide forfaitaire de 500 euros pour le financement du permis de conduire des apprentis. Cet article diminuerait de 36 millions d'euros des charges de France Compétences. Il existe en effet d'autres dispositifs pour aider à financer son permis de conduire - CPF, permis à un euro, aides locales, etc. -, qui ne sont au demeurant pas réservés aux apprentis.

Nous vous proposons d'adopter cet article sans modification, puisque nous cherchons à dégager des économies.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 80.

Article 81

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 81 procède à diverses mesures de régulation du CPF, afin d'en limiter le coût pour les formations non certifiantes, qui présentent le moins d'intérêt pour sécuriser les parcours professionnels. En effet, le coût par heure de formation des formations non certifiantes est plus élevé que celui des formations certifiantes, ce qui est quelque peu étonnant...

L'article plafonne donc les montants qui peuvent être mobilisés au titre du CPF pour les formations non certifiantes : permis de conduire, validation des acquis de l'expérience, etc. Il supprime également l'éligibilité au CPF des bilans de compétences. Cela ne signifie pas que ces formations ne pourront plus être suivies, mais elles devront simplement être financées, en partie ou en totalité, par les bénéficiaires ou par leur employeur.

S'agissant de formations non certifiantes dont le coût est très élevé, nous vous proposons également d'adopter cet article sans modification.

Mme Ghislaine Senée, rapporteure spéciale. - Je précise que je soutiendrai à titre personnel le déplafonnement pour le cas spécifique de la validation des acquis de l'expérience, afin de la sortir du champ de cet article, puisque, en un sens, elle est certifiante.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 81.

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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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