D. LE PROGRAMME 370 : AUCUNE RESTITUTION DE BIENS MAL ACQUIS ANTICIPÉE EN 2026
En application de la loi de programmation du 4 août 2021, un nouveau programme a été introduit par la loi de finances pour 2022 afin de mettre en oeuvre l'engagement de la France pour la restitution des biens mal acquis. Cette évolution est venue concrétiser une initiative portée par le Sénat qui avait adopté, dès 2019, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.
Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC). Cette dernière opère sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère de l'économie et des finances. L'objectif de ce dispositif est de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en oeuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier.
En loi de finances initiale pour 2024, le programme 370 avait été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspondait aux cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang, condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis.
Pour 2025, un total de 140,3 millions d'euros devait être inscrit sur le programme 370. Un amendement du Gouvernement, déposé en séance au Sénat, avait cependant drastiquement réduit ce montant, pour le ramener à 32 millions d'euros. Ce montant correspondait à un premier versement, issu de la vente de biens confisqués à Rifaat al-Assad, oncle de l'ex-président Syrien.
En revanche, pour 2026, aucun crédit n'est demandé sur le programme 370.
E. LE PROGRAMME 384 : L'AMORCE D'UN REGROUPEMENT DES CONTRIBUTIONS MULTILATÉRALES SUR UN SEUL ET MÊME PROGRAMME
Pour rappel, la création d'un nouveau programme budgétaire 384, par la loi de finances pour 2025, correspondait à la budgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Cette dernière tirait, tardivement, les conséquences de la réforme de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. En effet, l a Lolf, dans sa version révisée par la loi organique du 28 décembre 2021, dispose à son article 2 que « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » et à son article 34 que cette affectation ne peut se faire qu'au profit de personnes morales autres que l'État.
Or, le FSD faisait jusqu'alors l'objet d'un financement à partie du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF). Dès lors que le FSD était dépourvu de personnalité morale et que les taxes affectées ne présentaient pas de lien direct entre l'objet de la dépense et l'assiette de la taxe, cette opération devenait indispensable.
Les rapporteurs spéciaux estiment cette réforme nécessaire pour se conformer à la loi organique, particulièrement bienvenue d'un point de vue budgétaire.
En particulier, la création du nouveau programme a permis, pour l'exercice 2026, d'adopter une budgétisation dissymétrique en AE ? CP permettant un meilleur suivi des engagements pluriannuels auprès de grands fonds multilatéraux, ce qui explique en partie la forte progression des AE dans le PLF 2026. Comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'évaluation budgétaire au titre de l'exercice 2024 « dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, la budgétisation en AE ? CP contribue à plus de lisibilité et de transparence du point de vue de la soutenabilité. »47(*)
La budgétisation du FSD permettra, par ailleurs, un meilleur suivi de ses financements dans les documents budgétaires, par une justification au premier euro, et renforcera l'information du Parlement. À cet égard, les parlementaires disposeront d'une plus grande marge d'appréciation dans leur examen du projet de loi de finances.
Dans le projet de loi de finances pour 2026, le programme 384 regroupe à la fois :
- d'une part, des contributions multilatérales pilotées par la direction générale du trésor, pour un montant de 251 millions d'euros, soit la contribution au Fonds vert pour le climat (pour 148,8 millions d'euros) et la contribution à la Facilité financière internationale pour la vaccination (pour 109,2 millions d'euros) ;
- d'autre part, les contributions suivies par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, pour un total de 487 millions d'euros.
Par rapport à l'exercice 2025, pour 2026, le programme 384 s'est vu transférer plusieurs contributions multilatérales auparavant inscrites sur le programme 209. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a ainsi fait le choix de regrouper au sein du FSD l'ensemble des contributions multilatérales en matière de santé mondiale, d'éducation et de diplomatie féministe, d'égalité de genre et droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR).
Au-delà d'un souci de cohérence thématique, la direction générale de la mondialisation a indiqué aux rapporteurs spéciaux que ce transfert vise essentiellement à honorer des engagements qui devaient être décaissés en 2025 et avaient été décalés en raison de la baisse des crédits du programme 209.
En 2026 comme en 2025, le Gouvernement défend une sanctuarisation du programme, en indiquant que « compte tenu de son fonctionnement spécifique et de l'historique du FSD, le programme 384 ne sera soumis à aucune régulation budgétaire ni à des mesures de mise en réserve. Il bénéficiera également de reports automatiques de crédits. »48(*)
La création d'un programme séparé et sanctuarisé pour nos contribution multilatérales apparaît justifié pour le rapporteur spécial Raphaël Daubet, dans l'objectif de la préservation des biens publics mondiaux. Ces enjeux nécessitent une approche multilatérale dont la visibilité budgétaire doit être renforcée.
* 47 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission Aide publique au développement, avril 2025.
* 48 Programme annuel de performances, Mission « Aide publique au développement », Annexe au projet de loi de finances pour 2026.