- L'ESSENTIEL
- I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION :
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT, ANNÉE ZÉRO ?
- A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- 1. Définir l'aide publique au
développement
- 2. Un environnement international marqué par
un recul de l'aide au développement...
- 3. ...dans lequel la France demeure le
cinquième bailleur international pour l'année 2024
- 4. Une mission budgétaire qui ne regroupe
qu'une partie des dépenses françaises en matière d'aide au
développement
- 5. Une doctrine française évolutive
en matière d'APD
- 1. Définir l'aide publique au
développement
- B. UNE TRÈS FORTE MISE À CONTRIBUTION
DE LA MISSION AU REDRESSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES
- 1. Une mission budgétaire fortement mise
à contribution par la loi de finances pour 2025 et les annulations
opérées en cours d'année
- 2. Le projet de loi de finances poursuit, dans une
moindre mesure, la réduction du volume de la mission
- 3. Une trajectoire d'aide au développement
arrivée à échéance, qui rend quasi caduque la loi
de programmation du 4 août 2021
- 1. Une mission budgétaire fortement mise
à contribution par la loi de finances pour 2025 et les annulations
opérées en cours d'année
- C. UN BUDGET 2026 QUI FAIT ÉMERGER DE
NOUVELLES ORIENTATIONS POUR NOTRE AIDE AU DÉVELOPPEMENT
- D. LA BAISSE DES MOYENS DE L'AGENCE
FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT DEVRA CONDUIRE À S'INTERROGER
SUR SON MODÈLE
- A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU
DÉVELOPPEMENT
- II. LES CRÉDITS DE LA MISSION
« AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
- A. LE PROGRAMME 110 : L'AMORCE D'UNE
REPRISE EN MAINS DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS
- 1. Si les versements multilatéraux du
programme diminuent en 2026, le stock d'autorisations d'engagement
conduira nécessairement à une progression des crédits de
paiement sur les années à venir
- 2. Sur le plan bilatéral, un effort
indispensable de maîtrise des crédits de bonification des
prêts de l'AFD
- 3. La participation de la France au traitement de
la dette des pays pauvres
- 1. Si les versements multilatéraux du
programme diminuent en 2026, le stock d'autorisations d'engagement
conduira nécessairement à une progression des crédits de
paiement sur les années à venir
- B. LE PROGRAMME 209 : UNE
BILATÉRALISATION DU PROGRAMME DÉCOULANT À LA FOIS
D'ÉCONOMIES CIBLÉES ET D'UN EFFET DE PÉRIMÈTRE
- 1. Sur le plan bilatéral, l'aide-projet
devrait continuer de reculer en 2026, en particulier sur l'enveloppe mise
en oeuvre par l'AFD
- 2. Les contributions multilatérales,
essentiellement volontaires, sont réduites de moitié accentuant
un effet de « bilatéralisation » du programme
- 3. La poursuite du recul des dépenses de la
mission concourant au Fonds européen de développement
- 4. Mieux identifiée au sein de la maquette
budgétaire, l'aide humanitaire, de nature discrétionnaire, subit
une baisse significative
- 1. Sur le plan bilatéral, l'aide-projet
devrait continuer de reculer en 2026, en particulier sur l'enveloppe mise
en oeuvre par l'AFD
- C. LE PROGRAMME 365 : UNE
OPÉRATION BUDGÉTAIREMENT NEUTRE POUR LES FINANCES DE
L'ÉTAT
- D. LE PROGRAMME 370 : AUCUNE RESTITUTION
DE BIENS MAL ACQUIS ANTICIPÉE EN 2026
- E. LE PROGRAMME 384 : L'AMORCE D'UN
REGROUPEMENT DES CONTRIBUTIONS MULTILATÉRALES SUR UN SEUL ET MÊME
PROGRAMME
- A. LE PROGRAMME 110 : L'AMORCE D'UNE
REPRISE EN MAINS DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS
- III. LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS
FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS
ÉTRANGERS »
- I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION :
AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT, ANNÉE ZÉRO ?
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
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N° 139 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026 |
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Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025 |
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RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2026, |
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Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) |
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Rapporteurs spéciaux : MM. Michel CANÉVET et Raphaël DAUBET |
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(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Claire Carrère-Gée, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, M. Georges Patient, Mme Sophie Primas, M. Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel. |
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Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180 Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026) |
L'ESSENTIEL
I. AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT ANNÉE ZÉRO?
A. UNE TRÈS FORTE MISE À CONTRIBUTION DE LA MISSION AU REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
Les exercices 2024 et 2025 ont conduit à une réduction significative du volume de la mission « Aide publique au développement ». Au total, entre la loi de finances pour 2024 et la loi de finances pour 2025, les crédits de la mission ont diminué, à périmètre constant, de 28 % en autorisations d'engagements et de 35 % en crédits de paiement.
Évolution des crédits de la mission sur la période 2018-2026
(en millions d'euros - en autorisation d'engagement et en crédits de paiement)
Note : à compter de la loi de finances pour 2025, les crédits de la mission intègrent la rebudgétisation du fonds de solidarité pour le développement à 738 millions d'euros.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Pour 2026, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » représentent 4,43 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,67 milliards d'euros en crédits de paiement. Par comparaison, les crédits inscrits en LFI 2025 s'élevaient à 5,12 milliards d'euros en AE et 4,37 milliards d'euros en CP. Le budget 2026 équivaudrait ainsi à une baisse de 13,6 % en AE et de 16,1 % en CP.
Ce recul de l'aide publique au développement en France ne constitue en rien une exception, dans un environnement international en profonde mutation, où cette politique publique est remise en cause tant dans de son architecture financière que dans ses présupposés politiques (solidarité internationale et multilatéralisme).
Il importe toutefois de pondérer l'analyse de l'évolution des crédits de la mission à plus long terme.
D'une part, à périmètre constant hors dépenses de titre 2 et en intégrant les crédits du fonds de solidarité pour le développement (FSD), les dépenses de la mission sont, dans le projet de loi de finances, en hausse de 20 % par rapport à l'exécution 2017. Si l'on retraite les effets de l'inflation sur l'évolution de la mission1(*), celle-ci est stable en volume entre 2017 et 2026.
D'autre part, il paraît nécessaire, pour véritablement raisonner de manière constante, de retraiter de l'évolution des crédits le Fonds européen pour le développement (FED), placé en extinction. Les versements au FED sont par conséquent décroissants, permettant de dégager de nouvelles marges de manoeuvre sur le programme 209 où sont inscrites ces contributions2(*). Après ce retraitement, et corrigée de l'inflation, la progression de la mission est de 31 % sur la période 2017-2026.
B. L'AMORCE DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR NOTRE POLITIQUE DE DÉVELOPPEMENT
Trois réflexions peuvent être engagées à l'aune de ce budget 2026.
Premièrement, en l'état actuel, l'aide au développement de la France paraît insuffisamment ciblée à la fois sur un plan géographique et sur un plan thématique.
En dépit de cibles géographiques fixées par le comité interministériel de la coopération et du développement international, l'APD française fait l'objet d'une très forte dispersion géographique qui l'expose, à mesure de la réduction de son enveloppe budgétaire, à un risque de dilution. Notre APD bilatérale, qui intervient dans 124 pays (contre 60 pour l'Allemagne), représente en moyenne 5 % de l'APD reçue par les pays bénéficiaires. L'objectif de concentrer 60 % de notre aide dans les pays les moins avancés (PMA) et vulnérables n'est pas respecté.
Part de l'aide française à
destination des pays les moins avancés
sur la
période 2019-2023
(en millions d'euros courants et en pourcentage)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
|
Aide en millions d'euros courants |
2 593 |
3 327 |
3 394 |
3 322 |
3 418 |
|
Pourcentage du total de l'aide de la France |
25 % |
24 % |
25 % |
21 % |
24 % |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Deuxièmement, si notre aide bilatérale progresse en proportion et passe de 57 % à 65 % du total de notre APD dans le PLF 2026, la France pourrait encore renforcer la sélectivité de ses contributions internationales. Les remarques formulées par la Cour des comptes3(*) et la commission des finances4(*) n'ont pas été toutes mises en oeuvre : il n'existe toujours pas de doctrine d'articulation entre les canaux bilatéraux et multilatéraux de notre aide.
En outre, la plus-value de certaines contributions internationales peut interroger. En particulier, les fonds verticaux dans le domaine de l'environnement soulèvent plusieurs difficultés. Leur nombre est trop important et encourage un phénomène de redondance, tandis que les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure en sont les principaux bénéficiaires. La Chine est ainsi devenue la principale bénéficiaire du Fonds pour l'environnement mondial pour lequel la France se réengage pour 100 millions d'euros dans le présent PLF.
Troisièmement, l'évaluation de notre politique d'aide au développement est insuffisante. La commission d'évaluation de l'APD, créée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, n'a toujours pas commencé ses travaux.
II. DES MESURES D'ÉCONOMIES RÉPARTIES SUR L'ENSEMBLE DE LA MISSION, À L'EXCEPTION DU PROGRAMME 384, SANCTUARISÉ
A. UNE TENTATIVE DE REPRISE EN MAIN DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS SUR LE PROGRAMME 110
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances. Les montants de crédits demandés diminuent de 1,1 milliard d'euros en AE et de 223,6 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 45 % et de 15 %.
Le programme 110 se distingue par le volume très élevé des restes-à-payer découlant d'engagements pluriannuels, le montant des crédits de paiement n'étant jamais équivalent au montant des autorisations d'engagement.
Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans.
Pour 2026, des contributions jugées moins essentielles ont été diminuées ou supprimées. Par exemple, la contribution au Fonds africain de développement a ainsi été réduite de 50 %.
Par ailleurs, plusieurs contributions obligatoires n'ont pas été honorées dans le calendrier prévu en 2025. Les décaissements ne pourront être réalisés qu'en 2026.
Toutefois, la France s'est réengagée dans plusieurs fonds verticaux.
Restes à payer sur les autorisations
d'engagement antérieures à 2026
du programme 110
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
B. UNE BILATÉRALISATION RENFORCÉE DU PROGRAMME 209
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
Comme en 2025, le programme porte l'essentiel de l'effort de réduction des crédits de la mission. Ses dépenses, plus pilotables, sont réduites de 36 % en AE et de 22 % en CP.
Le PLF 2026 réduit ainsi de 300 millions d'euros l'aide bilatérale mise en oeuvre par l'Agence française de développement (220,5 millions d'euros sur le don-projet et 62,5 millions d'euros sur le don-ONG) et rationalise les contributions internationales volontaires.
Pour la deuxième année consécutive, l'aide humanitaire diminue fortement (- 41 %).
Évolution des crédits liés à l'aide humanitaire entre 2018 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
C. LE REGROUPEMENT D'UNE PART SIGNIFICATIVE DE NOS CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES SUR LE PROGRAMME 384
Créé par la loi de finances pour 2025 pour assurer la rebudgétisation du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), le programme 384 regroupe des contributions internationales en matière de santé et de climat. Pour 2026, le programme s'est vu transférer plusieurs contributions multilatérales auparavant inscrites sur le programme 209.
III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense. Ces crédits évoluent faiblement en 2026 et n'appellent pas d'observation particulière.
Réunie le 6 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » tels que modifiés par son amendement visant à ramener les crédits de la mission à leur niveau de 2019, corrigé de l'inflation.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 0 % des réponses.
À la date d'examen en commission du rapport le 6 novembre, ils ont obtenu 92 % des réponses.
I. LES GRANDS ÉQUILIBRES DE LA MISSION : AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT, ANNÉE ZÉRO ?
A. PRINCIPES ET STRUCTURES DE L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT
1. Définir l'aide publique au développement
La notion d'aide publique au développement (APD) est née dans les années 1960. Selon Hubert de Milly5(*), actuellement conseiller scientifique auprès de l'Agence française de développement (AFD), le concept d'une politique d'aide publique au développement (APD) a émergé de quatre champs de réflexion :
- une réflexion économique, qui repose sur le constat d'un déficit d'épargne domestique dans les pays dits « sous-développés » ;
- une réflexion morale sur la redistribution des richesses entre « Nord » et « Sud » ;
- une réflexion géopolitique, qui perçoit l'aide au développement comme un levier d'influence ;
- une réflexion « territoriale », qui vise à mettre en valeur les territoires des pays en développement.
L'aide publique au développement (APD) constitue un agrégat statistique défini par le Comité d'aide au développement (CAD) de l'OCDE. Elle est ainsi constituée de tous les apports en ressources - monétaire, en expertise ou en nature - qui sont fournis aux pays et territoires figurant sur une liste des bénéficiaires de l'APD (aide bilatérale) ou à des institutions multilatérales (aide multilatérale).
En outre, l'aide doit répondre aux conditions suivantes :
- émaner d'organismes publics ou agissant pour leur compte ;
- avoir pour objectif essentiel de favoriser le développement économique et l'amélioration du niveau de vie des pays bénéficiaires ;
- être assortie de conditions d'octroi favorables, plus particulièrement dans le cas de prêts.
L'APD peut prendre plusieurs formes et notamment :
- l'octroi de subventions directes ;
- l'octroi de prêts à conditions préférentielles (« prêts concessionnels ») ;
- l'allègement de dette d'un débiteur ;
- la réalisation de projets au profit d'un bénéficiaire ;
- la prestation de ressources techniques ou d'expertise ;
- la prise en charge du coût représenté par l'accueil de réfugiés ressortissants des pays bénéficiaires de l'APD ;
- la prise en charge du coût de l'accueil et de la scolarisation d'étudiants ressortissants de pays bénéficiaires.
La comptabilisation de l'APD réalisée au titre d'une année incombe à chaque pays dans le cadre fixé par le CAD de l'OCDE. Par ailleurs, l'organisation procède à la collecte et à l'agrégation des données relatives à l'APD par pays afin de mesurer et de comparer l'effort réalisé ainsi que la nature et la destination des aides.
2. Un environnement international marqué par un recul de l'aide au développement...
Si l'aide au développement des pays du Comité de l'aide au développement (CAD) de l'OCDE a largement progressé entre 2015 et 2023, elle a amorcé une baisse sensible à compter de 2023-2024, qui devrait se poursuivre en 2025-2026. Selon les données transmises aux rapporteurs spéciaux, le volume d'APD des 32 États du CAD a décru pour la première fois en six ans : de 6 % par rapport à 2023 en versements et de 7,1 % en équivalent-don.
Selon le comité de l'aide au développement de l'OCDE, pour l'année 2025, le recul de l'aide au développement internationale devrait se poursuivre, dans une proportion comprise entre 9 % et 17 %, ce qui devrait ramener le total de l'aide de 186 milliards de dollars à 170 milliards de dollars6(*). Les flux d'aide au développement à destination de certaines zones géographiques et catégories d'État devraient reculer dans une proportion encore plus significative, avec :
- d'une part, une baisse de 13 à 25 % de l'aide bilatérale des pays du CAD à destination des pays les moins avancés (PMA) ;
- d'autre part, une baisse de 16 à 28 % de cette même aide pour les pays subsahariens.
Évolution des contributions à l'aide au développement portées par les États membres du comité d'aide au développement de l'OCDE
(en millions de dollars constants)
Source : Le Grand Continent
En particulier, la décision de l'administration américaine de réduire drastiquement les moyens administratifs de l'Agence des États-Unis pour le développement international (United States Agency for International Development, USAID)7(*) et de mettre fin à 83 % de ses programmes devrait en effet se répercuter à compter de l'année 2025.
De fait, l'USAID constituait jusqu'alors l'un des principaux bailleurs internationaux, avec près de 44 milliards de dollars d'engagements pour la période 2024-2025. Selon les données publiées par l'agence, la baisse de ses financements devrait représenter un total de 23 milliards de dollars, soit l'équivalent de 10 % des dépenses d'APD de l'ensemble des donateurs du CAD en 2023. Compte tenu de l'importance de cette réduction, il semble peu probable que d'autres bailleurs soient en mesure de la compenser en volume.
Selon une étude de la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), le démantèlement de l'USAID devrait avoir d'importantes conséquences pour les pays bénéficiaires8(*) :
- tout d'abord, une partie significative des financements de l'USAID (26 %) était destinée aux pays les moins avancés (PMA). Si les financements humanitaires pourraient être maintenus, la réduction de cette manne financière pour des États dont les économies se trouvent dans une situation particulièrement précaire ne sera pas sans effet ;
- ensuite, la majorité des financements de l'USAID (58 %) était dirigée vers des pays en conflit, dont la stabilité pourrait se trouver affectée par ces coupes budgétaires. En 2023, l'aide à destination de l'Ukraine représentait 11 milliards de dollars ;
- de plus, la remise en cause de programmes de long terme pourrait remettre en cause les avancées obtenues, en particulier dans le domaine de la santé. La directrice exécutive du Programme commun des Nations unies sur le VIH/sida (Onusida) Winifred Byanyima a ainsi indiqué en mars 2025 que le nombre de décès liés au VIH devrait progresser de 6,3 millions sur les cinq prochaines années sans rétablissement des financements ;
- enfin, l'écosystème des organisations de la société civile, opérateurs majeurs des programmes de développement, pourrait se trouver largement affecté.
Il importe cependant de souligner qu'il serait irréaliste d'envisager, pour l'Union européenne comme pour ses États membres, de compenser le retrait américain. Si la Commission européenne a bien mené un travail de cartographie des secteurs prioritaires dans lesquels une intervention de l'Union pourrait être envisagée en réponse au retrait américain, l'engagement européen ne saurait y répondre seul.
Au-delà de la décision américaine, motivée par une volonté d'aligner l'aide au développement sur des intérêts géopolitiques et géoéconomiques, d'autres bailleurs internationaux ont fait le choix de revoir à la baisse leurs ambitions financières en matière d'APD dans la période récente. En particulier, dans un contexte budgétaire contraint, plusieurs pays européens ont pris la décision, comme la France, de réduire le montant de leur aide :
- l'Allemagne a ainsi réduit son aide au développement d'un milliard d'euros en 2025, pour passer de 0,67 % de son RNB en 2024 à environ 0,57 % en 2025 ;
- les Pays-Bas ont minoré d'un milliard d'euros leur budget pluriannuel 2026-2030 en matière d'APD, soit une baisse de 71,4 % du budget de cette politique ;
- le Royaume-Uni, entre 2020 et 2021, a réduit le volume de son aide de 21 %, notamment au travers d'une réduction de ses contributions multilatérales ;
- la Belgique a décidé en janvier 2025 de réduire son budget d'APD de 25 % entre 2025 et 2029 ;
- la Suède, après avoir abandonné son objectif de ratio d'APD/RNB de 1% en 2022 puis mené des restrictions sur son budget 2023-2026, a annoncé de nouvelles économies à compter de 2026.
Au total, l'OCDE a indiqué en juin 2025 qu'onze membres du CAD ont d'ores et déjà annoncé des réductions de leur APD pour la période 2025-2027 (Allemagne, Autriche, Belgique, États-Unis, Finlande, France, Nouvelle-Zélande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse). Le total de l'aide de ces onze États représenterait près des trois quarts de l'APD totale en 2024 tandis que l'aide combinée de seulement quatre d'entre eux (Allemagne, États-Unis, France et Royaume-Uni) équivaudrait aux deux tiers de l'aide totale au cours de la dernière décennie.
Ainsi, la baisse des crédits de l'aide publique au développement en France ne constitue en rien une exception dans un environnement international en profonde mutation où la contestation de cette politique est une remise en cause tant de son architecture financière que de ses présupposés politiques (solidarité internationale et multilatéralisme).
3. ...dans lequel la France demeure le cinquième bailleur international pour l'année 2024
Dans un contexte international de baisse de l'investissement des grands bailleurs d'aide au développement, la France maintient, pour l'année 2024, son rang en tant que cinquième donateur parmi les États du CAD pour la deuxième année consécutive, avec 15,6 milliards d'euros (0,48 % de son RNB). Pour rappel, elle avait atteint la quatrième place, devant le Royaume-Uni en 2022.
Si l'on comptabilise l'aide versée en termes de proportion du revenu national brut, la France, avec une APD équivalente à 0,48 % de son RNB excède la moyenne des pays du CAD (0,33 %). Elle est au troisième rang des pays du G7 en pourcentage de RNB, derrière l'Allemagne (0,67 %) et le Royaume-Uni (0,50 %).
Classement des pays donateurs d'aide publique
au développement en 2024 en fonction des montants engagés
(en milliards de dollars)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
La position française découle d'un important effort consenti pour augmenter les dépenses d'APD, toutes missions confondues, entre 2017 et 2023. Pour la seule mission « Aide publique au développement », les crédits avaient ainsi progressé de 40 % sur la période, après plusieurs années de baisse entre 2010 et 2015.
Pour autant, compte tenu de la diminution significative de notre aide à compter de 2025, la France devrait encore reculer dans le classement des grands donateurs.
4. Une mission budgétaire qui ne regroupe qu'une partie des dépenses françaises en matière d'aide au développement
Au total, les crédits de la mission APD, d'un montant de 5,8 milliards d'euros, ne représentent qu'une minorité (41 %) du volume de l'aide au développement de la France en 2024, prise au sens large.
Les canaux de financement de l'aide publique au développement de la France
(en millions d'euros et en pourcentage)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
|
Crédits budgétaires |
7 706 |
8 914 |
9 308 |
10 546 |
9 689 |
9 041 |
8 719 |
|
Mission Aide publiques au développement (hors prêts) |
2 726 |
3 117 |
3 918 |
4 664 |
4 615 |
4 051 |
3 678 |
|
Prêts bilatéraux de l'AFD au secteur public |
1 364 |
2 280 |
1 722 |
1 822 |
1 301 |
1 558 |
1 374 |
|
Instruments du secteur privé (prêts, prises de participation) |
564 |
571 |
918 |
621 |
198 |
227 |
307 |
|
Autres missions budgétaires |
3 052 |
2 946 |
2 750 |
3 439 |
3 575 |
3 205 |
3 360 |
|
Autres prêts |
146 |
334 |
261 |
424 |
273 |
213 |
213 |
|
Contrats de désendettement (décaissements) |
366 |
139 |
117 |
151 |
289 |
288 |
280 |
|
Contribution financée par le budget de l'Union européenne |
1 451 |
1 658 |
1 948 |
2 486 |
2 495 |
3 268 |
2 981 |
|
Allègement de dette |
18 |
333 |
- |
5 |
- |
101 |
- |
|
Dons de doses de vaccins contre le covid- 19 |
- |
- |
269 |
255 |
65 |
- |
- |
|
Fonds de solidarité pour le développement |
733 |
494 |
663 |
747 |
738 |
738 |
- |
|
Total budget de l'État et de ses agences |
10 421 |
11 872 |
12 565 |
14 613 |
13 549 |
13 650 |
12 193 |
|
Collectivités territoriales et agences de l'eau |
138 |
138 |
144 |
190 |
199 |
214 |
217 |
|
Frais administratifs de l'AFD hors rémunération des opérations de l'AFD pour le compte de l'État |
349 |
384 |
402 |
425 |
461 |
540 |
602 |
|
Total de l'aide publique au développement |
10 908 |
12 394 |
13 112 |
15 228 |
14 209 |
14 404 |
13 012 |
|
En % du revenu national brut |
0,44 |
0,53 |
0,51 |
0,56 |
0,50 |
0,48 |
0,43 |
Source : document de politique transversale consacré à la politique d'aide au développement annexé au projet de loi de finances
Cette comptabilisation au sens large des dépenses d'aide publique au développement permet d'afficher la stabilité relative du total de l'aide au développement française et a tendance à masquer les fortes mesures d'économies décidées au cours des exercices 2024 et 2025 et proposées pour l'exercice 2026.
En particulier, la contribution de la France au budget de l'Union européenne lui permet, dans une certaine mesure, de maintenir un niveau élevé d'aide au développement mais qui n'a pas les mêmes effets en termes de visibilité pour la France. De fait, une partie significative de la participation française, qui transite par le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne, peut être comptabilisée en APD. Cela correspond à notre quote-part au sein du budget de l'action extérieure de l'UE, dont l'enveloppe a doublé depuis 2017 et qui correspond principalement à l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (Neighborhood, Development and International Cooperation Instrument, Ndici) et à la Facilité pour l'Ukraine.
Évolution du montant de la contribution de
la France au budget
de l'Union européenne pour le
développement sur la période 2017-2025
(en millions d'euros courants, à gauche, et en pourcentage, à droite)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Selon la direction générale du Trésor, cette croissance est portée par une combinaison de facteurs, parmi lesquels :
- une augmentation sensible des crédits de l'action extérieure de l'Union dans le cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021 à 2027 par rapport au précédent CFP ;
- la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, qui a conduit à augmenter la quote-part de la France dans ce budget ;
- un effet de décaissement, les montants étant plus élevés en fin d'exercice.
5. Une doctrine française évolutive en matière d'APD
a) Une gouvernance « présidentialisée » de l'aide publique au développement
Le pilotage de la politique française de développement repose sur deux instances : le Conseil présidentiel du développement et le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid).
Réuni pour la première fois en décembre 2020, le Conseil présidentiel du développement a été institué par le Cicid du 8 février 2018 pour renforcer le pilotage de la politique de développement de la France. Il arbitre, sous la direction du président de la République, les décisions stratégiques de la politique de développement.
Institué par le décret n° 98-66 du 4 février 1998, le Cicid définit les grandes orientations de la politique de développement. Présidé par la Première ministre, il réunit les principaux ministères concernés par la politique de développement. Son secrétariat est assuré conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, le ministère de l'économie et des finances et le ministère de l'intérieur. L'AFD peut être associée à ses réunions.
Organisation de la gouvernance de l'aide publique au développement
Note : ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), ministère de l'économie et des finances (ex-ministère de l'économie, des finances et de la relance - MEFR), coordination nationale des conseils de développement (CNCD), conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI).
Complexe sur le papier, cette organisation se montre également peu efficiente en termes de pilotage de notre politique de développement. Deux facteurs contribuent à ces résultats décevants :
- d'une part, la grande faiblesse du niveau interministériel, pourtant indispensable face à une politique partagée entre deux ministères et un opérateur aussi important que l'AFD. Le Cicid fait figure de chambre d'enregistrement des décisions prises par le conseil présidentiel. Ses réunions sont sporadiques, la dernière ayant eu lieu en juillet 2023. Dans sa revue des pairs sur la politique d'APD de la France, l'OCDE note ainsi à propos du pilotage de cette politique qu'au « niveau du Cicid, cette faiblesse s'explique par le manque de régularité des réunions, le niveau de participation et les outils à disposition pour assurer ce pilotage. »9(*) En l'absence de secrétariat permanent, la plus-value de cette instance est limitée et les échanges qui y ont lieu paraissent avant tout formels ;
- d'autre part, notre politique de développement est confrontée à l'intervention fréquente de l'échelon présidentiel. Le rapport d'enquête de la Cour des comptes remis à la commission des finances sur le financement de l'action multilatérale de la France a confirmé l'absence de Matignon dans la coordination interministérielle de la politique de développement et une concentration excessive des arbitrages au sein de la cellule diplomatique de la présidence de la République10(*).
Conclusions du conseil présidentiel pour les partenariats internationaux d'avril 2025
Dans le prolongement des réunions du conseil présidentiel du développement en mai 2023 et du Cicid en juillet 2023, un conseil présidentiel pour les partenariats internationaux (CPPI, nouvelle dénomination du CPD) s'est tenu en avril 2025. Si ses conclusions ont fait évoluer plusieurs paramètres de notre politique d'aide, le CPPI a confirmé les dix objectifs prioritaires, faisant l'objet d'indicateurs et de résultats à attendre, identifiés en 2023, à savoir :
- accélérer la sortie du charbon et financer les énergies renouvelables dans les pays en développement et émergents pour limiter le réchauffement climatique global à 1,5° C ;
- protéger les réserves les plus vitales de carbone et de biodiversité, dans les forêts et l'Océan, pour préserver la planète ;
- investir dans la jeunesse en soutenant l'éducation et la formation des professeurs dans les pays en développement ;
- renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaires et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles ;
- promouvoir l'innovation et l'entreprenariat africain qui participent au destin partagé entre les jeunesses d'Europe et d'Afrique ;
- mobiliser l'expertise et les financements privés et publics pour les infrastructures stratégiques, de qualité et durables dans les pays en développement ;
- renforcer la souveraineté alimentaire, notamment en Afrique ;
- soutenir partout les droits humains, la démocratie et lutter contre la désinformation ;
- promouvoir les droits des femmes et l'égalité femmes-hommes, notamment en soutenant les organisations féministes et les institutions de promotion des droits des femmes ;
- aider nos partenaires à lutter contre l'immigration irrégulière et les filières clandestines.
Source : relevé de décisions du conseil présidentiel pour les partenariats internationaux
b) Une nouvelle évolution des priorités géographiques de l'APD : l'inclusion des pays vulnérables
Pour la seconde fois en moins de trois ans, les objectifs géographiques assignés à notre politique d'aide au développement ont évolué.
Pour rappel, entre 2013 et 2023, les réunions successives du comité interministériel de la coopération internationale et du développement11(*) ont identifié une liste de pays prioritaires de l'aide au développement de la France. En dernier lieu, la réunion du 8 février 2018 a dressé une liste de dix-neuf pays prioritaires, essentiellement situés en Afrique et appartenant tous à la catégorie des pays les moins avancés12(*).
La loi de programmation du 4 août 2021 a donné aux « pays prioritaires de la politique française de développement » un fondement législatif et a fixé, à son article 2, une cible de concentration de 25 % de l'aide pays programmable sur ces États. Elle a également intégré la liste des dix-neuf pays, identifiée par le Cicid de 2018 dans son rapport annexé.
Pour autant, le CICID du 18 juillet 2023 a acté la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires de l'aide au développement fixée par le CICID du 8 février 201813(*), d'une part, et l'a remplacée par une cible de concentration de l'effort financier bilatéral de l'État à destination des pays les moins avancés (PMA) à hauteur de 50 %.
Les pays les moins avancés (PMA) constituent une catégorie d'États, établie depuis 1971 par les Nations unies, regroupant des États jugés très défavorisés dans leur processus de développement. La qualification de PMA repose sur trois critères principaux : le revenu brut par habitant, le capital humain et la durabilité économique. Ces États sont particulièrement exposés à la pauvreté et au risque de sous-développement. Cette situation les rend également fortement sensibles aux chocs économiques, aux catastrophes naturelles et aux troubles politiques14(*).
Moins de deux ans après cette première évolution, et sans que l'on puisse disposer d'aucun recul ni évaluation, le conseil présidentiel des partenariats internationaux d'avril 2025 a fait de nouveau évoluer nos priorités géographiques en élargissant la cible aux pays vulnérables et en augmentant le ciblage de notre aide de 50 % à 60 %.
Ce choix visait à inclure dans les priorités de notre aide des pays qui, bien que ne faisant pas partie de la catégorie des PMA, présentent une forte vulnérabilité. L'identification de ces pays devrait s'appuyer sur l'indice de vulnérabilité multidimensionnelle des Nations unies (MVI). Le choix d'un critère de vulnérabilité permet notamment d'inclure parmi les pays prioritaires de notre aide l'Ukraine.
B. UNE TRÈS FORTE MISE À CONTRIBUTION DE LA MISSION AU REDRESSEMENT DE NOS FINANCES PUBLIQUES
1. Une mission budgétaire fortement mise à contribution par la loi de finances pour 2025 et les annulations opérées en cours d'année
Les exercices 2024 et 2025 ont conduit à une réduction significative du volume de la mission « Aide publique au développement ».
Dès le mois de février 2024, un décret d'annulation de crédits avait amputé la mission de 742,1 millions d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement15(*). La mise à contribution de la mission au redressement de nos finances publiques s'est poursuivie avec la loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de finances de fin de gestion pour 2024 qui a annulé 319,9 millions d'euros en AE et 275,1 millions d'euros en CP.
S'agissant de l'exercice 2025, la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 de finances pour 2025 a prévu 5 124,3 millions d'euros en AE et 4 372,6 millions d'euros en CP, des montants inférieurs de 549,4 millions d'euros en AE et de 781,4 millions d'euros par rapport au projet de loi initialement déposé au Parlement. Le Gouvernement a en effet porté tardivement un amendement de diminution des crédits en cours d'examen au Sénat. Les montants inscrits en loi de finances pour 2025 ont, par ailleurs, fait l'objet de nouvelles annulations en cours d'année par le décret n° 2025-374 du 25 avril 2025, de l'ordre de 211,5 millions d'euros en AE et de 133,7 millions d'euros en CP, répartis entre :
- d'une part, 135,4 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP sur le programme 110, reportés à 89 % sur les crédits de bonification des prêts aux États étrangers de l'Agence française de développement ;
- d'autre part, 76,1 millions d'euros en AE et 88,7 millions d'euros en CP sur le programme 110, principalement au titre de la réserve de précaution.
Au total, pour 2025, la part du revenu national brut consacrée à l'APD devrait être de 0,43 %, en baisse de cinq points de pourcentage par rapport à 2024 (0,48 %, chiffre en cours de validation par l'OCDE) et largement en-deçà de la cible, très ambitieuse, fixée par loi de programmation sectorielle, de 0,7 %.
À noter que le décalage entre le projet de loi de finances initial pour 2025, la loi de finances initiale et la réalité de l'exécution rend quelque peu artificielle la comparaison entre 2025 et 2026. Les montants figurant dans les documents budgétaires annexés au PLF 2025 sont frappés d'obsolescence. Si les rapporteurs spéciaux se sont efforcés d'obtenir de l'administration des éléments sur l'évolution des différentes enveloppes en cours d'exercice, faute de réponse systématique, ils ont dû se résoudre à s'appuyer sur des chiffres dépassés. S'ajoute à cette difficulté la baisse de qualité des documents budgétaires depuis deux ans, concomitante à la réduction du budget de la mission : plus ce dernier recule, plus les informations et la répartition des crédits entre les différentes lignes budgétaires sont limitées.
2. Le projet de loi de finances poursuit, dans une moindre mesure, la réduction du volume de la mission
Évolution des crédits de la mission
« Aide publique au développement »
entre 2025
et 2026
(en millions d'euros et pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
|
Programme/action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
110 - Aide économique et financière au développement |
2 461,3 |
1 512,7 |
1 352,4 |
1 289,1 |
- 1 108,9 |
- 223,6 |
- 45,05% |
- 14,78% |
|
Aide économique et financière multilatérale |
1 290,4 |
858,4 |
512,1 |
593,7 |
- 778,3 |
- 264,7 |
- 60,32 % |
- 30,83 % |
|
Aide économique et financière bilatérale |
1 170,9 |
601,6 |
825,7 |
601,9 |
- 345,2 |
+ 0,3 |
- 29,48 % |
+ 0,06 % |
|
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
52,7 |
14,7 |
93,4 |
+ 14,7 |
+ 40,7 |
- |
+ 77,34 % |
|
365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement |
145 |
145 |
100 |
100 |
- 45 |
- 45 |
- 31,0 % |
- 31,03 % |
|
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
1 748,1 |
1 976,9 |
1 130,0 |
1 541,9 |
- 618,1 |
- 435 |
- 35,36 % |
- 22,00 % |
|
Coopération bilatérale |
1 366,9 |
1 560,4 |
650,8 |
1 062,4 |
- 716,1 |
- 498 |
- 52,39 % |
- 31,92 % |
|
Coopération multilatérale |
237,1 |
272,4 |
60,5 |
60,8 |
- 176,6 |
- 211,6 |
- 74,48 % |
- 77,67 % |
|
Coopération communautaire |
144,1 |
144,1 |
124,7 |
124,7 |
- 19,4 |
- 19,4 |
- 13,47 % |
- 13,47 % |
|
Action humanitaire |
- |
- |
294 |
294 |
- |
- |
- |
- |
|
370 - Restitution des biens mal-acquis |
32 |
32 |
0 |
0 |
- 32 |
- 32 |
- 100 % |
- 100 % |
|
384 - Fonds de solidarité pour le développement |
738 |
738 |
1 843,7 |
738 |
+1 105,7 |
- |
+ 149,82 % |
- |
|
Total - Mission « Aide publique au développement » |
5 124,3 |
4 372,6 |
4 426,1 |
3 669,0 |
- 698,2 |
- 703,1 |
- 13,63 % |
- 16,09 % |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Pour 2026, les crédits demandés au titre de la mission « Aide publique au développement » représentent 4,43 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,67 milliards d'euros en crédits de paiement. Par comparaison, les crédits inscrits en LFI 2025 s'élevaient à 5,12 milliards d'euros en AE et 4,37 milliards d'euros en CP. Le budget 2026 équivaudrait ainsi à une baisse de 13,6 % en AE et de 16,1 % en CP.
Les auditions menées par les rapporteurs ont permis d'identifier la méthode retenue pour la construction du budget de la mission pour l'année 2026. Devant la commission des finances le 16 juillet 2025, la ministre chargée des comptes publics, Amélie de Montchalin, avait indiqué que « concernant l'aide publique au développement, nous avons mené une revue de dépenses dont découlent plusieurs décisions. Premièrement, nous allons cesser de financer les projets rentables. Pour ces derniers, les subventions ne sont pas le bon outil, nous pouvons faire des prêts. Deuxièmement, nous recentrons l'action de l'APD en dehors des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), qui disposent d'autres outils de financement, en particulier la Chine. Troisièmement, nous portons nos efforts sur les enjeux de santé et sur les enjeux humanitaires [...] Il est très important de noter que l'enveloppe globale reste en augmentation significative par rapport à 2017. Nous avons voulu reprendre une vision de budget base zéro. Je ne doute pas que cela fera l'objet de nombreux débats, mais c'est ainsi que nous avons essayé de reconstruire l'APD. »16(*)
Les administrations entendues ont confirmé que la budgétisation de la mission s'était organisée autour des conclusions d'une mission conjointe de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires étrangères (IGAE) achevée à l'été. À cet égard, la direction du budget a indiqué que trois orientations principales avaient été définies :
- tout d'abord, le Gouvernement a entendu réduire fortement les autorisations d'engagement de la mission pour retrouver, dans la définition des crédits de paiement, des marges de manoeuvre pour les années à venir ;
- ensuite, plusieurs enveloppes, dont l'impact sur le développement et l'alignement sur les intérêts stratégiques de la France était insuffisant, ont vu leurs moyens réduits, qu'il s'agisse de contributions à de grands fonds multilatéraux et aux guichets concessionnels ou d'instruments bilatéraux ;
- enfin, il a été décidé de préserver en priorité, sans pour autant maintenir l'ensemble de leurs financements, les contributions multilatérales en matière de santé et l'aide humanitaire dont l'action est concentrée sur les pays en crise.
Néanmoins, l'ensemble des recommandations de la mission interinspections, notamment plusieurs pistes d'économies, n'ont pas été retenues lors des arbitrages budgétaires.
Évolution des crédits de la mission sur la période 2018-2026
(en millions d'euros - en autorisations d'engagement et en crédits de paiement)
Note : à compter de la loi de finances pour 2025, les crédits de la mission intègrent la rebudgétisation du Fonds de solidarité pour le développement à 738 millions d'euros.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Si la baisse des crédits proposée pour 2026 demeure substantielle, elle est sans commune mesure avec les économies réalisées en 2025. Il n'en demeure pas moins que le volume de la mission reste élevé sur une période plus longue.
De fait, il importe de pondérer l'analyse de l'évolution des crédits de la mission à plus long terme.
D'une part, à périmètre constant hors dépenses de titre 2 et en intégrant les crédits du FSD, les dépenses de la mission sont, dans le projet de loi de finances, en hausse de 20 % par rapport à l'exécution 2017. Si l'on retraite les effets de l'inflation sur l'évolution de la mission17(*), celle-ci est stable en volume entre 2017 et 2026.
D'autre part, comme le souligne la direction du budget, il paraît nécessaire, pour véritablement raisonner de manière constante, de retraiter de l'évolution des crédits le Fonds européen pour le développement (FED), placé en extinction. Dans le dernier cadre financier pluriannuel, le FED a été remplacé par le nouvel instrument Ndici et la contribution de la France au budget de l'UE en matière de développement transite désormais par le PSR-UE. Les versements au FED sont par conséquent décroissants, permettant de dégager de nouvelles marges de manoeuvre sur le programme 209 où sont inscrites ces contributions18(*).
En retenant ce périmètre corrigé des paiements au FED, on constate que les crédits de la mission ont, en réalité, progressé de 53 % depuis 2017, le seul programme 209 ayant vu ses crédits doubler sur la même période. Corrigée de l'inflation, la progression de la mission est de 31 % sur la même période.
|
Comparaison entre l'exécution 2017 et le projet de loi de finances pour 2026, incluant le Fonds européen pour le développement (en millions d'euros et en pourcentage) Source : commission des finances d'après les données de la direction du budget |
Comparaison entre l'exécution 2017 et le projet de loi de finances pour 2026, hors Fonds européen pour le développement (en millions d'euros et en pourcentage) Source : commission des finances d'après les données de la direction du budget |
3. Une trajectoire d'aide au développement arrivée à échéance, qui rend quasi caduque la loi de programmation du 4 août 2021
La trajectoire d'aide au développement fixée à la fois par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales et par la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 n'apparaît plus d'actualité.
Trajectoire fixée par la loi de programmation du 4 août 2021
(en millions d'euros et en pourcentage du revenu national brut)
|
Cibles de crédits de paiement |
Cibles d'APD totale de la France |
||||
|
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
3 251 |
3 925 |
4 800 |
0,61 |
0,66 |
0,70 |
Source : commission des finances d'après la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales
Pour mémoire, l'article 2 de la loi de programmation du 4 août 2021 a décidé d'une trajectoire de dépenses d'aide au développement visant à atteindre 0,7 % du revenu national brut en 2027. Dans cette perspective, elle a fixé pour les années 2020 à 2022 une cible de crédits de paiement pour la mission « Aide publique au développement », d'une part, et des cibles indicatives de dépenses d'APD en pourcentage du RNB pour les années 2023 à 2027, d'autre part. La loi de programmation des finances publiques a précisé des cibles de crédits de paiement en prenant en compte ces objectifs.
Trajectoire de la mission « Aide
publique au développement »
pour les années
2023 à 2026
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Dans les faits, à compter de 2023, les cibles de dépenses proposées par la loi du 4 août 2021 n'ont pas été réalisées en exécution :
- d'une part, force est de constater que ces cibles de dépenses, de nature purement indicative à compter de 2023, paraissaient excessivement ambitieuses au regard des capacités de décaissements des ministères et opérateurs de la mission comme de l'état de nos finances publiques ;
- d'autre part, la cible de 0,7 % de RNB prévue par la loi de programmation sectorielle constitue un objectif politique. Les travaux économiques ont démontré que cet objectif de 0,7 % est davantage fondé sur un niveau politiquement acceptable que sur des évaluations macroéconomiques19(*). Enfin, l'évolution de certaines composantes de l'aide au développement est difficilement prévisible.
Le Gouvernement a progressivement renoncé à la cible symbolique de 0,7 %. En premier lieu, la réunion du Cicid de juillet 2023 a conduit à reporter à 2030 l'objectif de 0,7 % du RNB. Cette révision, décidée sans consultation ni information du Parlement, a reposé sur le constat d'une impossibilité d'atteinte de la cible. En second lieu, le conseil présidentiel des partenariats internationaux (CPPI) a décidé l'abandon, lors de sa réunion du 4 avril 2025, de toute référence à une cible d'aide au développement en termes de pourcentage de revenu national brut. Les conclusions du CPPI soulignaient ainsi que « l'impératif national de redressement de nos finances publiques nous rappelle aussi l'importance de recentrer nos efforts là où ces partenariats ont le plus d'impact et d'efficacité, de notre point de vue et de celui de nos alliés. »
À l'approche de l'échéance de la programmation sectorielle de l'aide au développement, le réalisme conduit à estimer qu'un retour à la cible de 0,7 % du RNB est inenvisageable dans le contexte particulièrement dégradé de nos finances publiques. Il serait également inapproprié de privilégier cette cible en volume. Dans ces conditions les rapporteurs spéciaux estiment que la priorité devrait être portée :
- tout d'abord, sur la définition de priorités thématiques et géographiques de notre aide suffisamment précises et opérationnelles pour pouvoir guider un ciblage de nos financements ;
- ensuite, sur l'identification d'une véritable doctrine de recours aux différents canaux de notre politique de développement ;
- enfin, sur le développement d'une véritable culture de l'évaluation des projets financés pour en mesurer l'impact.
Une fois réalisé ce travail, d'ores et déjà amorcé par les deux ministères compétents, la fixation d'une trajectoire réaliste et crédible pourra être envisagée. Il importera alors de demeurer vigilants pour ne pas reproduire les erreurs de la précédente loi de programmation construite autour d'une trajectoire trop ambitieuse et déconnectée des capacités d'action des ministères et opérateurs.
La position des rapporteurs spéciaux
La position du rapporteur spécial Michel Canévet :
Le prolongement de l'effort de réduction des dépenses de la mission « Aide publique au développement », opéré par le PLF 2026, vise à la fois à associer la mission au redressement de nos finances publiques et à poursuivre la rationalisation de notre politique de développement.
La France est loin d'être un cas isolé. Plusieurs pays européens ont récemment revu à la baisse leurs objectifs d'aide au développement. Outre la France, dix pays membres du Comité d'aide au développement de l'OCDE ont annoncé des réductions de leur APD pour la période 2025-2027.
Il est désormais indéniable que le choix de doubler les crédits de la mission APD entre 2017 et 2024 s'est avéré aventureux et décorrélé de nos capacités réelles d'action comme de l'état de nos finances publiques.
Tout d'abord, le doublement des moyens de la mission APD entre a constitué une marche budgétaire trop importante au regard des capacités de décaissement des ministères et de l'AFD. Certaines enveloppes de la mission connaissaient en ce sens une sous-exécution chronique.
Ensuite, la hausse des crédits s'est faite en suivant une logique de moyens et non de résultats, parfois en contradiction avec les objectifs qualitatifs fixés par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
Ainsi, le volume de nos contributions internationales a fortement progressé, à rebours de l'objectif de bilatéralisation de notre aide. En 2023, la France contribue à 271 entités, ce qui soulève un risque de doublonnage des versements et de dispersion de l'aide. Dans le même sens, l'Agence française de développement, dotée d'une grande autonomie, a augmenté son volume d'activité sans toujours suivre les cibles géographiques et thématiques fixées à notre politique d'aide.
Enfin, les objectifs qualitatifs de notre politique de développement n'ont pas été atteints. D'une part, les capacités d'évaluation de notre politique de développement demeurent aujourd'hui très inférieures à la perspective tracée par la loi de programmation et à celles de nos partenaires européens. D'autre part, notre aide demeure géographiquement dispersée avec 124 pays bénéficiaires de nos versements bilatéraux, contre 30 pour la Suède.
Sur le volet multilatéral, il nous importera d'opérer des arbitrages précis et de davantage cibler nos contributions. Le renouvellement de nombreux fonds multilatéraux en 2026 sera notamment pour la France l'occasion de sélectionner les structures dans lesquelles il sera pertinent de continuer à s'investir. Si l'influence au sein des organisations internationales se mesure au volume de notre participation, nous devons choisir celles dans lesquelles il importe le plus de peser.
Dans un contexte budgétaire contraint, les objectifs de dépenses doivent toujours être réexaminés, sans sanctuarisation aucune. Le niveau des crédits de la mission demeurera supérieur, en volume, de 20 % par rapport à l'exécution 2017 et de 53 % si l'on retraite les contributions à la politique européenne de développement, aujourd'hui intégrée dans le PSR-UE. La progression des moyens de la mission n'est donc nullement effacée.
La position du rapporteur spécial Raphaël Daubet :
La mise à contribution des crédits de la mission « Aide publique au développement », à hauteur de 700 millions d'euros, au redressement de nos finances publiques paraît aujourd'hui excessivement brutale, alors même que nous faisons face à des bouleversements majeurs des équilibres mondiaux, dans une situation politique instable et surtout sans doctrine et sans stratégie. Depuis 2024, la mission a été la plus affectée par les coupes budgétaires, sans commune mesure avec les autres missions du budget de l'État.
En effet, par rapport à la loi de finances initiale pour 2024, à périmètre constant, le volume de la mission a été réduit de près de 45 % en crédits de paiement. Ces coupes budgétaires sont purement comptables, utiles au redressement des comptes publics mais faites à l'aveugle, et obligeant nos administrations à des adaptations rapides sans plan d'action.
Certes la trajectoire de dépenses fixée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ne paraît plus réaliste au regard de la situation de nos finances publiques, pour autant l'effort demandé à notre politique de développement risque de déséquilibrer notre politique étrangère. Avec 0,43 % de notre RNB consacré à l'APD en 2025, la France se situera bien en-deçà de la cible de 0,7 %.
Au même titre que la justice, la police et la défense, la diplomatie figure parmi les monopoles régaliens de l'État20(*). Alors que la loi de programmation militaire21(*) est respectée et que nos efforts en matière de défense se trouvent renforcés, le volet diplomatique de notre action extérieure ne doit pas être négligée et mérite une actualisation réfléchie de notre stratégie.
De fait, l'APD répond à des besoins importants, tant du point de vue des États bénéficiaires que de la France. Du côté des bénéficiaires, la multiplication des crises et leur inscription dans le temps déstabilise de nombreux États pour lesquels l'assistance financière internationale est cruciale. En retour, l'effondrement de la sécurité et de la santé dans ces États multiplie les enjeux pour notre pays en particulier sur le plan de la sécurité sanitaire et au regard de la question migratoire. À cet égard, la diminution de 41 % de notre aide humanitaire limitera nos capacités d'action face aux crises internationales.
Le rapporteur spécial tire de ses travaux et déplacements la conviction qu'il importe de préserver, pour nos postes diplomatiques et pour les opérateurs de la mission les marges d'action nécessaires pour remplir les objectifs assignés à nos politiques de coopération, de partenariats et d'investissements solidaires.
De surcroît, le recul de notre aide au développement aura des incidences sur l'influence de la France dans les instances multilatérales. Nos choix budgétaires comportent des conséquences en termes réputationnels dans des organisations où l'influence se mesure à l'aune de notre participation financière et de nos leaderships. Le rapporteur spécial rappelle que les coupes budgétaires opérées par le budget 2025 nous ont conduit à reporter le paiement de certains engagements internationaux, affaiblissant la parole de la France. Pour 2026, la baisse soudaine et drastique de notre participation à plusieurs entités clefs de la coopération internationale signifiera l'effacement de la France des enceintes.
S'agissant de notre coopération bilatérale, nos compétiteurs ne s'y tromperons pas. Nos partenaires se tournerons vers d'autres bailleurs à mesure que notre assistance diminuera dans des zones pourtant stratégiques.
Au total, si nous devons conserver une approche critique et exigeante de cette politique, il importe de ne pas céder à certains élans de notre époque. En brisant un outil, certes imparfait, mais reconnu et produisant des effets, nous nous privons d'un levier indispensable dans un environnement stratégique incertain.
C. UN BUDGET 2026 QUI FAIT ÉMERGER DE NOUVELLES ORIENTATIONS POUR NOTRE AIDE AU DÉVELOPPEMENT
1. L'amorce d'un ciblage géographique et thématique de nos engagements qui doit être confirmé
En l'état actuel, l'aide au développement de la France paraît insuffisamment ciblée à la fois sur un plan géographique et sur un plan thématique.
En premier lieu, en dépit de la fixation de cibles géographiques prioritaires par le Conseil présidentiel et le Cicid, l'aide au développement de la France fait l'objet d'une très forte dispersion géographique qui l'expose, à mesure de la réduction de son enveloppe budgétaire, à un risque de dilution. À cet égard, l'APD bilatérale de la France représente en moyenne 5 % de l'APD reçue par les bénéficiaires.
Ainsi, selon les données transmises aux rapporteurs spéciaux, l'APD française, canal bilatéral et canal multilatéral confondus, est répartie entre 141 pays et territoires. Notre seule aide bilatérale intervient dans 124 États et territoires. Si d'autres États, comme le Royaume-Uni avec 120 États bénéficiaires, font également le choix d'une couverture géographique aussi étendue, d'autres, comme l'Allemagne avec 60 bénéficiaires et la Suède avec 30 pays cibles, privilégient une priorisation de leurs financements.
Pourtant la France, comme exposé supra, s'est fixée des objectifs géographiques prioritaires : d'abord une liste de 19 pays prioritaires puis, à partir de 2023, une cible de 50 % de l'aide versée aux PMA, portée à 60 % après l'inclusion des pays vulnérables. Néanmoins, elles n'ont jamais véritablement été respectées :
- avant 2023, les dix-neuf pays visés par le Cicid et la loi de programmation étaient loin de figurer parmi les premiers bénéficiaires de l'aide française, l'OCDE rappelant que le « concept de pays prioritaires, rendu caduque par le CICID de 2023, ne s'est jamais reflété dans les allocations financières. Un seul des 19 pays prioritaires listés par la France pré 2023, le Sénégal, figure parmi les 10 premiers bénéficiaires de l'APD française »22(*) ;
- depuis 2023, la cible de 50 puis 60 % d'aide vers les pays les moins avancés ne semble pas non plus en passe d'être réalisée. Sur la période 2019-2023, la proportion d'aide vers ces États a été relativement stable. L'inclusion des pays vulnérables (dont l'Ukraine) devrait permettre, à terme, de gonfler cette statistique.
Part de l'aide française à
destination des pays les moins avancés
sur la
période 2019-2023
(en millions d'euros courants et en pourcentage)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
|
|
Aide en millions d'euros courants |
2 593 |
3 327 |
3 394 |
3 322 |
3 418 |
|
Pourcentage du total de l'aide de la France |
25 % |
24 % |
25 % |
21 % |
24 % |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Notre échec à orienter en priorité notre aide vers ces cibles géographiques peut s'expliquer par plusieurs facteurs :
- d'une part, la forte progression des financements d'APD sur les années 2017-2024 n'a pas été suffisamment accompagnée d'une réflexion sur le déploiement de cette aide ;
- d'autre part, les instances de gouvernance de notre politique de développement ont fixé, en parallèle de cibles géographiques, l'objectif d'étendre notre aide à de nouvelles zones d'importance stratégique, comme l'Indopacifique, sans remettre en cause les investissements dans les régions traditionnellement soutenues par la France.
En second lieu, il est difficile de percevoir l'allocation des financements en fonction de véritables priorités stratégiques. Le caractère évolutif des objectifs prioritaires identifiés par les réunions successives du Cicid ne contribue pas à cette bonne allocation. De plus, force est de constater que les objectifs fixés par le conseil présidentiel et le Cicid sont très englobants, peu précis et donc peu opérationnels.
Depuis 2023, le MEAE et le ministère de l'économie et des finances ont tenté d'organiser un plus grand ciblage thématique des interventions. En particulier, les ambassades doivent désormais préparer des « stratégies-pays » articulées autour de trois des dix objectifs prioritaires du Cicid. Seule une minorité de postes a déjà réalisé ce travail.
Cependant, faute de pouvoir disposer d'un tableau de bord des projets en cours, il est impossible aux responsables de programme de suivre et de piloter l'orientation des financements. Comme les rapporteurs spéciaux ont pu le constater à l'occasion de leur récent contrôle budgétaire sur la prise en compte des questions migratoires dans la politique de développement, le recensement des projets est assuré a posteriori, parfois avec plusieurs années de retard et avec un risque de labellisation artificielle23(*).
Face à ce constat notre politique de développement se trouve confrontée à une alternative.
D'une part, il est possible d'envisager un maintien de la stratégie actuelle de non-ciblage géographique et thématique de notre aide. Cette option permettrait de maintenir l'universalité de notre politique de développement et d'aligner ses interventions sur l'étendue de notre réseau diplomatique, en répartissant les financements bilatéraux entre les postes.
Dans des pays pourtant considérés comme stratégiques par le Gouvernement, l'aide française se situe en retrait par rapport à d'autres partenaires (en Tunisie, elle est inférieure aux financements apportés par l'Allemagne et le Japon).
À ce stade, il semblerait qu'il s'agisse de l'option privilégiée du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.
D'autre part, une autre option consisterait à privilégier une plus forte concentration géographique et thématique de l'aide afin de prioriser sa visibilité et son impact.
Soutenue par la direction du budget, une telle option supposerait une révision de la cible géographique, voire le retour à une liste de pays jugés prioritaires en fonction de leurs besoins (état de vulnérabilité notamment) et de nos intérêts stratégiques. Pour éviter les effets d'abonnement qui avaient conduit à l'abandon de la précédente liste, ces priorités géographiques pourraient ne pas être rendues publiques, hors communication aux rapporteurs concernés des assemblées.
Ce choix impliquerait également une baisse de l'aide française dans un certain nombre de pays, regardés comme non-prioritaires ou dont le niveau de coopération politique serait insuffisant.
2. Une bilatéralisation progressive de notre APD qui oblige à une sélectivité accrue de nos contributions internationales
Pour mémoire, la loi de programmation du 4 août 2021 avait fixé, au V de son article 2, un objectif de renforcement du volet bilatéral de notre aide au développement en disposant que la hausse des moyens devait contribuer « notamment au renforcement, d'ici 2022, de la composante bilatérale de l'aide publique au développement de la France et de la part de cette aide qui est constituée de dons. La composante bilatérale de l'aide publique française au développement devra atteindre, en moyenne, 65 % du total sur la période 2022-2025. Les dons devront représenter au moins 70 % du montant de l'aide publique française au développement, hors allègement de dette et hors prêts aux institutions financières internationales, mesurée en équivalent-don, en moyenne sur la période 2022-2025. »
Stable en volume en 2025 (8,2 milliards d'euros), l'aide bilatérale de la France devrait toutefois progresser en proportion et passer de 57 % à 65 % du total de notre APD, compte tenu de la baisse significative des contributions internationales opérée sur l'exercice 2025.
Toutefois, dans une approche comparative, la part de l'APD bilatérale dans le total de notre aide est relativement moins importante que chez certains de nos partenaires en 2023 selon les données de l'OCDE (lorsque la France se situait à 56 %) : 65 % au Royaume-Uni, 72 % en Allemagne, 77 % au Canada, 82 % au Japon et 91 % aux États-Unis.
Or, la part significative de contributions internationales dans notre aide au développement présente différentes limites :
- tout d'abord, nos versements multilatéraux, qui ont fortement progressé sur la période 2017-2023 (+ 46 %), se caractérisent par une très forte dispersion. Dans une étude réalisée à la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a recensé 271 entités bénéficiaires de contributions de la part de la France en 2023, dont une part non négligeable de contributions de faible montant, au risque d'opérer des financements croisés pour un bénéfice limité en termes d'influence24(*) ;
- ensuite, certains versements internationaux, notamment les participations aux fonds verticaux spécialisés dans le climat, la santé et l'éducation, s'inscrivent dans des cycles budgétaires pluriannuels, généralement de trois ans. L'engagement de la France à participer à leur reconstitution impose de programmer des autorisations d'engagement qui contribuent à rigidifier les dépenses de la mission ;
- enfin, par rapport aux dépenses bilatérales, les contributions internationales sont moins alignées avec nos priorités stratégiques. La France se caractérise, par rapport à ses partenaires, par un recours plus faible au fléchage de ses contributions à des organisations internationales. S'agissant du système onusien, la France ne fléchait que 31 % de ses contributions en 2021, contre 77 % pour l'Allemagne et 69 % pour le Royaume-Uni.
Prenant compte des travaux de la Cour des comptes et de la commission des finances25(*), la loi de finances pour 2025 et le projet de loi de finances pour 2026 ont amorcé une rationalisation de nos contributions internationales (la part des crédits de paiement multilatéraux dans la mission est passée de 46 % en LFI 2025 à 41 % en PLF 2026). Ainsi, pour 2026 :
- d'une part, la direction générale de la mondialisation et la direction générale du Trésor ont engagé une limitation des petites contributions. S'agissant de Bercy, il a été décidé, selon les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux de ne plus réaliser de nouvel engagement, jusqu'à nouvel ordre, en faveur de certains fonds climatiques de petite taille, afin de mieux prioriser les efforts ;
- d'autre part, les ministères ont tenté de limiter l'accumulation des restes-à-payer sur la mission en baissant la participation de la France aux reconstitutions de grands instruments multilatéraux en 2026. La contribution au Fonds africain de développement recule donc de 50 % par rapport au précédent cycle et celle au Fonds pour l'environnement mondial de 66 %. Le Gouvernement a par ailleurs annoncé prioriser des contributions en matière de santé et d'éducation.
À noter qu'en 2025, se fondant sur une étude de sa direction des affaires juridiques, le MEAE avait rééchelonné le paiement de certains engagements passés, jugeant que l'essentiel des contributions volontaires ne faisait l'objet d'aucune obligation juridique en droit international.
Toutefois, si les efforts engagés vont dans le sens d'une bilatéralisation des dépenses de la mission, il est possible d'envisager deux marges de progression :
- en premier lieu, il est désormais indispensable, dans un environnement budgétaire contraint, que le Gouvernement finalise une doctrine d'articulation entre canal bilatéral, multilatéral et européen en matière d'aide au développement. L'élaboration d'une telle doctrine figurait parmi les objectifs fixés par la loi de programmation du 4 août 2021. Cet objectif a été confirmé par la réunion en juillet 2023 du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid), qui a fixé comme horizon la définition d'une stratégie « fin 2023 ». Cependant, à ce jour, cet engagement n'a pas été concrétisé, comme une grande partie des dispositifs prévus par la loi de programmation ;
- en second lieu, dès lors que le Gouvernement a annoncé, dans le cadre du présent projet de loi de finances, prioriser les contributions internationales en matière de santé et d'éducation, où l'efficacité du levier multilatéral est reconnue, il importe de s'interroger sur l'opportunité de poursuivre notre engagement dans certains grands fonds verticaux dont la plus-value n'est pas assurée.
En particulier, selon les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux, les fonds verticaux dans le domaine de l'environnement soulèvent plusieurs difficultés. Leur nombre est trop important et encourage un phénomène de redondance, tandis que les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure en sont les principaux bénéficiaires. La Chine est ainsi devenue la principale bénéficiaire du Fonds pour l'environnement mondial pour lequel la France se réengage pour 100 millions d'euros dans le présent PLF.
Principaux avantages respectifs du recours aux canaux bilatéraux et multilatéraux de l'aide publique au développement
|
Canal multilatéral |
Canal bilatéral |
|
- Soutien à des zones géographiques où les liens bilatéraux sont moins prononcés (ex : Amérique du Sud) ; - Structuration de partenariats avec des pays alliés ; - Substitution au canal bilatéral dans des zones où la présence française est contestée ; - Financement de problématiques à portée universelle ; - Financement d'organismes porteurs de normes. |
- Soutien à des partenaires traditionnels ou prioritaires de la France ; - Investissement dans des thématiques sur lesquelles la France se positionne en avant-garde ; - Visibilité de l'aide française ; - Ciblage plus précis. |
Source : commission des finances
3. La question lancinante de la mesure de l'efficacité de notre APD
Si la France a engagé, au cours de la période 2017-2025, un effort budgétaire sans précédent en matière d'APD, ce dernier ne s'est pas accompagné d'un renforcement de nos moyens d'évaluation.
Certes, la loi de programmation du 4 août 2021 a prévu plusieurs dispositifs d'évaluation de l'APD française dont :
- la publication d'un rapport annuel relatif à la politique de développement de la France, remis chaque 1er juin au Parlement et faisant l'objet d'un débat en séance publique dans les deux assemblées26(*) ;
- la création d'une base de données ouverte sur l'aide publique au développement bilatérale et multilatérale27(*), rapidement installée et pilotée conjointement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'économie et des finances ;
- la mise en place d'une commission d'évaluation de l'aide publique au développement, chargée de mener « des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France »28(*) et de contribuer à la redevabilité de notre politique de développement.
D'une part, les instruments existants sont parfois moins utiles et mobilisables que leurs équivalents étrangers. Concernant la base de données relative à l'aide au développement, le site proposé par le ministère des affaires étrangères britannique est en mesure de proposer au public et aux parlementaires un suivi précis de chaque projet financé et de son état d'avancement29(*). En France, l'outil du Gouvernement ne présente que de grands agrégats de données, à jour de leur validation par le CAD et donc datées de deux ans, et gagnerait à s'aligner sur la base de données britannique.
D'autre part, la mise en oeuvre de ces différents dispositifs a largement tardé. S'agissant de la commission d'évaluation, il a fallu une initiative parlementaire pour accélérer son installation : la loi n° 2024-309 du 5 avril 202430(*), issue d'une proposition de loi déposée par le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, Jean-Louis Bourlanges, a ainsi décidé le rattachement de la commission au ministère chargé des affaires étrangères. Les retards pris dans l'installation de cette commission tenaient en effet à la composition de cette instance et à son rattachement à la Cour des comptes, une telle structure de contrôle se trouvant nécessairement dépendante de « l'expertise des ministères de tutelle et de l'AFD, et donc de l'exécutif, pour conduire ses travaux d'évaluation »31(*).
Depuis l'adoption de la loi du 5 avril 2024, la commission a été dotée de moyens fonctionnement, avec la création d'un secrétariat général fort de cinq ETP, et le collège d'experts a été complété. Le décret n° 2025-117 du 8 février 2025 a, par ailleurs, précisé la mise en oeuvre des missions de la commission et ses priorités, pour l'examen des résultats « pour apprécier leur efficacité, tant sur le plan financier que vis-à-vis des priorités de la politique extérieure et de coopération, ainsi que des intérêts à l'étranger de la France. »32(*) À noter que l'article 5 du décret réserve jusqu'à un quart du programme de travail de la commission aux évaluations demandées par les présidents des deux assemblées.
Les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux ont indiqué que la commission devrait tenir sa première réunion d'ici la fin de l'année 2025. Compte tenu des retards déjà accumulés, les rapporteurs spéciaux restent prudents sur ce calendrier. En tout état de cause, il est indispensable que la commission établisse au plus vite un programme de travail sur l'impact de notre APD et sur son alignement sur nos priorités stratégiques.
D. LA BAISSE DES MOYENS DE L'AGENCE FRANÇAISE DE DÉVELOPPEMENT DEVRA CONDUIRE À S'INTERROGER SUR SON MODÈLE
1. Un pilotage insuffisant de l'agence qui dispose d'une très forte autonomie dans ses prises de décisions
L'Agence française de développement (AFD) est l'opérateur pivot de la politique de coopération et de développement de la France33(*). Il s'agit d'un organisme disposant à la fois du statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC)34(*) et, depuis 2018, de celui de société de financement, soumis au cadre prudentiel applicable à cette catégorie de société.
Le modèle d'une agence de mise en oeuvre de la politique d'aide au développement se retrouve dans d'autres pays européens. En Allemagne, il existe deux agences assurant le déploiement de l'APD : la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW)35(*), agence de coopération financière, et la Deutsche Gesellschaft für internationale Zusammenarbeit (GiZ)36(*), agence de coopération technique. À l'inverse, il n'existe pas de telle agence au Royaume-Uni.
Selon la direction générale de la mondialisation, auditionnée par les rapporteurs spéciaux, l'AFD a réussi à s'imposer comme un bailleur de premier ordre, avec une dimension qu'il n'aurait jamais dû avoir si l'on considère ce que représente la France dans l'environnement international.
Mais force est de constater qu'au cours des dernières années, l'AFD n'a pas fait l'objet d'un pilotage suffisant. Or, sur la période 2017-2025, les moyens alloués par l'État à l'agence au sein de la mission APD ont progressé de 194 % en AE et de 145 % en CP. Dotée d'objectifs de moyens et sans véritables priorités géographiques et thématiques, l'agence a pu disposer, au cours de cette période, d'une très forte autonomie.
Le directeur général de l'agence, Rémi Rioux, lors de son audition, a insisté sur la difficulté à diriger une institution publique sans perspectives pluriannuelles. C'est vrai aussi dans la période de resserrèrent des crédits dans laquelle nous sommes entrés. Le directeur général a rappelé la difficulté à gérer les ajustements budgétaires sans contrats d'objectifs et de moyens associé, en indiquant que l'AFD aurait perdu « 70 % de ses ressources budgétaires en deux ans ». Cette mise en garde corrobore l'audition de la DGM qui précisait « l'AFD travaille sur des projets de long terme et ne peut pas répondre à la demande de réactivité qu'on nous impose. »
En effet, le dernier contrat d'objectifs et de moyens (COM) signé entre l'agence et sa tutelle, arrivé à échéance en 2024, n'a toujours pas été renouvelé. De manière similaire aux deux exercices passés, la quasi-totalité des auditions menée par les rapporteurs spéciaux a annoncé, comme tous les ans, une signature « proche » de ce COM, sans qu'aucune date ne soit véritablement annoncée. Un document préparatoire serait encore en négociation mais des points de blocage persistent, notamment en raison de l'incertitude pesant sur la trajectoire financière de l'agence.
À l'absence de COM s'ajoute la fin du mandat du directeur général l'agence et le silence du Gouvernement sur sa succession.
Ces retards sont emblématiques du rapport distant que semblent entretenir les deux ministères concernés avec l'exercice de leur tutelle sur l'agence et sont préjudiciables dans un contexte où son modèle d'intervention devra être repensé. Il est vrai que les leviers de pilotage dont disposent les cotutelles peuvent présenter des limites.
En particulier, leur absence de majorité au conseil d'administration de l'AFD ne leur permet pas de bloquer des projets qui ne leur paraitraient pas opportun. Si l'examen par le conseil d'administration du financement d'un projet de développement en Égypte, mené par des entreprises chinoises partiellement implantées au Xinjiang, a finalement été rejeté par le Conseil d'administration il y a plusieurs mois, d'autres projets ont prospérés en dépit d'une opposition conjointe de Bercy et du Quai d'Orsay.
2. La fin de l'abondance des moyens financiers devra, à terme, conduire l'AFD à repenser son modèle d'activité
Pour rappel, l'Agence ne reçoit pas de dotation de fonctionnement de la part de l'État. Cela ne signifie pas que l'activité de l'agence ne représente pas un coût pour les finances publiques. L'AFD perçoit des crédits budgétaires pour la mise oeuvre d'actions relatives à la politique de développement et pour la rémunération des frais associés à ces actions.
Pour plus de 90 %, les crédits budgétaires versés en autorisations d'engagement le sont au titre de :
- la bonification des prêts concessionnels accordés par l'agence à des États ou des organisations internationales (programme 110) ;
- la mise en oeuvre des interventions de la France en dons-projets, le financement des ONG et l'assistance technique dans le cadre de la coopération bilatérale (programme 209) ;
- la rémunération, par l'État, du service rendu par l'AFD.
Montant des crédits budgétaires versés à l'Agence française de développement
(en millions d'euros)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
|||
|
AE |
CP |
AE |
CP |
|
|
Programme 110 - Aide économique et financière au développement |
1 125,34 |
445,00 |
728,13 |
503,16 |
|
Programme 209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
1 064,79 |
1 017,05 |
856,08 |
1 032,85 |
|
Programme 365 - Renforcement des fonds propres de l'Agence française de développement |
145 |
145 |
100 |
100 |
|
Programme 123 - Conditions de vie en outre-mer |
72,35 |
64,94 |
61,35 |
57,88 |
|
Programme 853 - Prêts à l'AFD en vue de favoriser le développement économique et social |
- |
145 |
- |
100 |
|
Total |
2 407,48 |
1 816,99 |
1 745,56 |
1 793,89 |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport à l'exercice 2025, le montant des crédits budgétaires est relativement stable en crédits de paiement avec une baisse limitée à 1,27 %. En revanche, les autorisations d'engagement sont très fortement ponctionnées, avec près de 28 % de baisse par rapport à l'exercice précédent. Cette diminution des AE a pour objectif assumé de réduire le montant des engagements pluriannuels de la mission. Selon les données transmises aux rapporteurs spéciaux, les restes-à-verser de l'AFD représentent un total de 19 milliards d'euros fin 2024.
Pour l'agence, la réduction de ses crédits conduira à une baisse mécanique de son volume d'engagement en subventions et prêts bonifiés. Elle ne pourra qu'être partiellement compensée en prêts non bonifiés, moins orientés vers les zones prioritaires de notre APD. En 2025, le plan d'affaires du groupe pourrait atteindre 12 milliards d'euros (11,1 milliards d'euros hors fonds délégués), soit une baisse d'un milliard d'euros par rapport à 2024.
La diminution de son volume d'activité aura des conséquences réelles sur les dépenses de fonctionnement de l'AFD. Il est ainsi probable que l'agence soit amenée à réduire son plafond d'emploi au cours des années à venir. Dans ce contexte, le projet de nouveau siège du groupe à Paris peut paraître décalé.
Pour autant le ralentissement de l'activité de l'agence aura des effets bénéfiques sur son modèle économique, selon les éléments transmis aux rapporteurs spéciaux. La baisse de l'activité de prêts en particulier devrait réduire les exigences de fonds propres pesant sur cette entité.
II. LES CRÉDITS DE LA MISSION « AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT »
A. LE PROGRAMME 110 : L'AMORCE D'UNE REPRISE EN MAINS DES ENGAGEMENTS PLURIANNUELS
Le programme 110 « Aide économique et financière au développement » retrace les crédits confiés au ministère de l'économie et des finances et, plus particulièrement, à la direction générale du Trésor, pour la mise en oeuvre des actions relevant de l'aide publique au développement.
Les montants de crédits demandés diminuent de 1,1 milliard d'euros en AE et de 223,6 millions d'euros en CP, soit respectivement une baisse de 45 % et de 15 %.
Évolution des crédits du
programme 110 - Aide économique
et financière au
développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
|
Programme/ action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
110 - Aide économique et financière au développement |
2 461,3 |
1 512,7 |
1 352,4 |
1 289,1 |
- 1 108,9 |
- 223,6 |
- 45,05% |
- 14,78% |
|
Aide économique et financière multilatérale |
1 290,4 |
858,4 |
512,1 |
593,7 |
- 778,3 |
- 264,7 |
- 60,32 % |
- 30,83 % |
|
Aide économique et financière bilatérale |
1 170,9 |
601,6 |
825,7 |
601,9 |
- 345,2 |
+ 0,3 |
- 29,48 % |
+ 0,06 % |
|
Traitement de la dette des pays pauvres |
0 |
52,7 |
14,7 |
93,4 |
+ 14,7 |
+ 40,7 |
- |
+ 77,34 % |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Par rapport au programme 209, le programme 110 présente une structuration des dépenses davantage contrainte. Il porte en effet une part conséquente de contributions internationales à des institutions multilatérales de développement pour lesquels les engagements portent généralement sur trois ans. Sur le plan bilatéral, une majorité des crédits de ce programme abonde également des engagements pluriannuels, en particulier au travers du financement de la bonification des prêts de l'Agence française de développement. Dès lors que ces dépenses présentent un caractère pluriannuel, leur remise en cause est complexe.
Le programme 110 se distingue ainsi par le volume très élevé des restes-à-payer découlant d'engagements pluriannuels, le montant des crédits de paiement n'étant jamais équivalent au montant des autorisations d'engagement.
Restes à payer sur les autorisations
d'engagement antérieures à 2026
du
programme 110
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
1. Si les versements multilatéraux du programme diminuent en 2026, le stock d'autorisations d'engagement conduira nécessairement à une progression des crédits de paiement sur les années à venir
L'aide multilatérale portée par le programme 110 est principalement destinée, d'une part, à de grands fonds généralistes comme l'Association internationale de développement (AID) et le Fonds africain de développement (FAD) et, d'autre part, par des fonds sectoriels reflétant les priorités thématiques de la France comme le Fonds vert pour le climat ou le Fonds pour l'environnement mondial (FEM).
Pour 2026, l'exercice devrait être marqué par la reconstitution de plusieurs engagements multilatéraux. Pour rappel, ces reconstitutions font l'objet d'un engagement unique en autorisations d'engagement, avec un échéancier pluriannuel de versement en crédits de paiement. Cette pluriannualité des engagements explique la très forte cyclicité des dépenses de l'action « Aide économique et financière au développement ».
La direction générale du Trésor a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir mené un travail de priorisation dans les reconstitutions de participation à des fonds verticaux. De plus, elle a rappelé que les coupes budgétaires décidées en 2025 avaient conduit au report du paiement de certaines contributions à 2026.
Deux grandes reconstitutions sont prévues en 2026, pour lesquelles, comme l'a indiqué la direction générale du Trésor, nos participations sont revues à la baisse par rapport aux années précédentes, compte tenu de la situation budgétaire et de l'importance de ces instruments :
- d'une part, la contribution au Fonds africain de développement (FAD), au titre de la dix-septième reconstitution de cette entité (2026-2028) : 275 millions d'euros sont donc prévus en AE et 99,1 millions d'euros en CP. Le renouvellement de la contribution de la France baisse de 50 % par rapport à ses versements au FAD-16 (d'un montant de 546,3 millions d'euros). Pour 2026, seule une minorité des CP (30,55 millions d'euros) correspond aux AE ouvertes, le reste découlant du report de la contribution due au titre de l'année 2025, en raison des coupes budgétaires décidées sur le programme 110. Le décaissement des CP pour les années à venir sera donc bien supérieur à celui proposé pour l'année 2026, ce qui ne sera pas sans conséquence pour la budgétisation du programme au cours des prochaines années ;
- d'autre part, la contribution de la France au Fonds pour l'environnement mondial (FEM), qui s'élèvera à 100 millions d'euros (en baisse de 67 % par rapport à notre précédente contribution) et dont 20 millions d'euros seront versés dès 2026.
De plus, s'agissant des contributions en cours, deux versements peuvent être soulignés :
- le versement de la contribution due pour 2025 au Fonds vert pour le climat, au titre de la participation de la France pour la période 2024-2027, de l'ordre de 95 millions d'euros, la contribution pour 2026 ayant été décalée à 202737(*) ;
- et la contribution à l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale, d'un montant de 144,3 millions d'euros et dont une part significative correspond à un report d'une part de la contribution due en 2025.
En effet, la baisse des crédits du programme 110, décidée par le Gouvernement en 2025, a conduit la France à négocier un report du paiement de certaines contributions dues en 2025 à l'année 2026, dont la contribution à l'AID, la contribution au FAD et la contribution au Fonds vert.
2. Sur le plan bilatéral, un effort indispensable de maîtrise des crédits de bonification des prêts de l'AFD
Concernant le volet bilatéral du programme 110, les crédits demandés pour 2026 s'élèveraient à 825,7 millions d'euros en AE et 601,9 millions d'euros en CP, soit une baisse de 30 % des AE et une stabilité des CP par rapport à l'année passée.
En premier lieu, la réduction notable des autorisations d'engagement découle de la volonté de la direction générale du Trésor de maîtriser le volume des engagements pluriannuels de la mission. Dans sa stratégie de pilotage de la politique de développement, l'État assume désormais son intention de limiter le recours à moyen terme aux crédits de bonification. Aussi, les autorisations d'engagement sur cette ligne budgétaire sont réduites de 30 %. Cependant, pour assurer l'exécution des engagements passés, les crédits de paiement progressent de 23 %.
Évolution du coût des
opérations de bonifications
des prêts concessionnels de
l'AFD
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
En outre, les informations transmises aux rapporteurs spéciaux ont signalé un phénomène de surbonification des prêts de l'AFD entre 2018 et 2022, avec des conditions excessivement favorables par rapport au niveau de taux maximal permettant l'éligibilité de ces prêts à l'APD. Il a en a résulté une consommation d'AE pour les exercices 2021 et 2022, supérieure au volume d'aide publique au développement généré.
En second lieu, deux instruments, dont les limites sont pourtant soulignées par l'inspection des finances dans ses différentes revues de dépenses et par la Cour des comptes, sont stabilisés :
- d'une part, le Fonds d'étude et d'aide au secteur privé (FASEP), d'un montant de 23 millions d'euros en AE et de 27,5 millions d'euros en CP, contre 24 millions d'euros d'AE et 28 millions d'euros de CP l'an passé ;
- d'autre part, le Fonds d'expertise technique et d'échange d'expériences (FEXTE) est doté de 23 millions d'euros en AE et de 26 millions d'euros en CP, en légère hausse par rapport à l'exercice passé.
Dans sa revue de dépenses consacrée aux aides aux entreprises en 2024, l'IGF proposait la suppression du FASEP dont les résultats apparaissent insuffisants par rapport à l'objectif de soutien aux entreprises françaises à l'export. De fait, parmi les projets effectivement réalisés « seuls 41 % se font avec une participation d'entreprises françaises, soit 17 % du total des études financées préalablement à un projet aboutissent à la réalisation dudit projet par une entreprise française. »38(*) De même, selon les informations transmises aux rapporteurs, les retombées économiques du FASEP pour les entreprises françaises sont relativement faibles : le taux de transformation en marchés aval obtenus par des entreprises françaises serait entre 0,33 et 0,82 pour un euro engagé sur cet instrument.
Interrogé sur la pertinence de ce maintien, la direction générale du Trésor a défendu devant les rapporteurs spéciaux l'utilité du FASEP en matière d'expérimentation, et a cité des exemples de réussites initiées par ce fonds.
Expertise France : une agence de
coopération technique
dont les moyens sont préservés
L'Agence française d'expertise technique internationale, « Expertise France », est une société par actions simplifiée, membre du groupe AFD depuis le 1er janvier 2022. Elle est placée sous la double tutelle du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'économie et des finances. Il s'agit de l'opérateur chargé de l'expertise et de l'assistance techniques internationales.
L'activité d'Expertise France se répartit entre les opérations bilatérales financées par la commande publique, d'une part, et les opérations multilatérales financées par un bailleur tiers suppléé par l'État si le financement est insuffisant, d'autre part.
Les moyens alloués à cet opérateur reposent à la fois sur le programme 110 et sur le programme 209, ce qui correspond à une répartition des financements entre les deux tutelles. Pour 2025 ce financement se compose essentiellement :
- sur le programme 110, de la dotation versée à Expertise France qui s'élève à 11,6 millions d'euros en AE et 9,2 millions en CP, soit des montants identiques à 2025. Le programme 110 comprend également une enveloppe « Experts techniques internationaux » de huit millions d'euros en AE et en CP dont la gestion est assurée par l'agence ;
- sur le programme 209, en 2026, de la dotation à Expertise France qui représente 23,9 millions d'euros en AE et 22,5 millions d'euros en CP, des crédits en très forte baisse par rapport à 2025 (- 76,1 % en AE et - 69,1 % en CP). Cette diminution s'explique par la création d'une ligne budgétaire autonome pour le financement des experts techniques internationaux (54 millions d'euros en AE = CP).
Par rapport à l'assistance financière, l'assistance technique présente plusieurs avantages : la présence d'une mission d'expertise permet de renforcer la connaissance des besoins du pays partenaire, de constituer une garantie pour les bailleurs internationaux et de constituer un vecteur d'influence pour le pays aidant.
Par ailleurs, d'un point de vue budgétaire, Expertise France fait preuve d'une efficacité appréciable dans la mobilisation de financements européens. L'Union européenne constitue de fait le premier bailleur de l'agence.
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
3. La participation de la France au traitement de la dette des pays pauvres
L'action « Traitement de la dette des pays pauvres » du programme 110 retrace les versements effectués au profit de l'AFD ou d'institutions multilatérales en contrepartie du coût de l'annulation des créances qu'elles détiennent sur des pays en développement.
Pour mémoire, la France préside et assure le secrétariat du Club de Paris qui réunit 22 pays créanciers afin d'apporter des solutions coordonnées et durables aux problématiques soulevées par l'endettement des pays en voie de développement.
En outre, elle est partie à plusieurs accords bilatéraux ou multilatéraux visant l'annulation de l'endettement concessionnel, c'est-à-dire relatif à des emprunts contractés à des conditions préférentielles dans le cadre de la politique d'aide au développement, notamment :
- les accords de Dakar de 1989 et 1994 ainsi que l'accord faisant suite à la Conférence de Paris de 1990 prévoyant l'annulation de créances de l'AFD sur plusieurs pays d'Afrique subsaharienne ;
- les conclusions du sommet du G8 de Gleneagles de 2005 prévoyant l'annulation de certaines créances de l'Association internationale de développement (AID) envers des pays pauvres et très endettés.
Pour 2026, 14,7 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 93,4 millions d'euros de crédits de paiement sont demandés. Les crédits ouverts devraient se répartir entre :
- 14 millions d'euros d'AE et 61,9 millions d'euros de CP afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers la Banque mondiale. Le montant des crédits initialement prévu s'élevait à 83,86 millions d'euros mais, en raison du contexte budgétaire, la France a été contrainte de reporter une part de ce versement sur 2026 et 2027. Un premier versement de 22 millions d'euros a été effectué en 2025 ;
- 0,7 millions d'euros d'AE et 31,6 millions d'euros de CP afin d'honorer la part de la France dans le financement de l'opération d'annulation d'une partie des créances détenues par l'Association internationale de développement sur les pays très pauvres et très endettés (PPTE) envers le Fonds africain de développement.
Interrogée par les rapporteurs sur ce point, la direction générale du Trésor a indiqué qu'à l'occasion de la 4? Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Séville du 30 juin au 3 juillet 2025, la question de la dette a été soulevée. Il y a été rappelé que la restructuration et l'annulation d'une dette ne relèvent pas de la même logique, emportent des conséquences économiques et diplomatiques distinctes, et qu'il faut défendre l'intérêt de la France, également dans cette politique publique.
B. LE PROGRAMME 209 : UNE BILATÉRALISATION DU PROGRAMME DÉCOULANT À LA FOIS D'ÉCONOMIES CIBLÉES ET D'UN EFFET DE PÉRIMÈTRE
Le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » retrace les crédits gérés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mise en oeuvre des opérations de coopération bilatérale, multilatérale et communautaire.
Pour 2026, ce programme devrait supporter la grande majorité des baisses de crédits opérées sur la mission, avec une diminution de ses crédits de paiement de l'ordre de 435 millions d'euros sur les 703 millions d'euros d'économies réalisées par rapport à 2025. Au total, les autorisations d'engagement reculent de 36 % par rapport à 2025 et les crédits de paiement de 22 %. Ces baisses de crédits sont imputées sur l'ensemble des lignes budgétaires du programme, conduisant à :
- réduire le volume d'affaires de l'Agence française de développement de l'ordre de 51 % par rapport à l'année passée, avec une baisse de 300 millions d'euros sur l'aide bilatérale mise en oeuvre par l'agence (220,5 millions d'euros sur le don-projet et 62,5 millions d'euros sur le don-ONG) ;
- baisser l'aide-projet mise en oeuvre par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, au travers du Fonds équipe France (FEF), dont le volume est ramené à 80 millions d'euros ;
- opérer une nouvelle baisse de l'aide humanitaire, d'un montant de 206 millions d'euros par rapport à l'année passée (- 41 %) ;
- rationaliser les contributions volontaires portées par le programme 209. S'agissant des seules contributions volontaires aux Nations unies, les crédits sont ainsi réduits de 30 millions d'euros en AE et de 24 millions d'euros en CP.
Évolution des crédits du
programme 209 - Solidarité
à l'égard des
pays en développement
(en millions d'euros - en pourcentage)
|
LFI 2025 |
PLF 2026 |
Évolution |
Variation en pourcentage |
|||||
|
Programme/ action |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
209 - Solidarité à l'égard des pays en développement |
1 748,1 |
1 976,9 |
1 130,0 |
1 541,9 |
- 618,1 |
- 435 |
- 35,36 % |
- 22,00 % |
|
Coopération |
1 366,9 |
1 560,4 |
650,8 |
1 062,4 |
- 716,1 |
- 498 |
- 52,39 % |
- 31,92 % |
|
Coopération multilatérale |
237,1 |
272,4 |
60,5 |
60,8 |
- 176,6 |
- 211,6 |
- 74,48 % |
- 77,67 % |
|
Coopération communautaire |
144,1 |
144,1 |
124,7 |
124,7 |
- 19,4 |
- 19,4 |
- 13,47 % |
- 13,47 % |
|
Action humanitaire |
- |
- |
294 |
294 |
- |
- |
- |
- |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères indique être contraint à un travail de priorisation considérable. Par exemple, la montée en puissance de la désinformation russe dans les pays du Sahel ou à Madagascar impose de faire de la lutte informationnelle une nouvelle priorité de notre action extérieure.
L'idée défendue est qu'il faut désormais des moyens pour ne pas se faire supplanter sur le terrain par d'autres puissances étrangères : chaque euro dépensé doit tenir compte de l'intérêt direct de la France et des Français.
C'est un changement de logiciel : on passe d'une aide publique au développement classique à une logique d'investissements solidaires, c'est-à-dire d'engagements qui conjuguent impact local et retombées stratégiques pour la France.
Le cabinet a rappelé que cette approche, pour être efficace, doit néanmoins être dotée de moyens adaptés.
Se pose donc une double question :
- comment formaliser cette nouvelle définition de l'APD ?
- et comment la présenter dans les enceintes internationales ?
Le cabinet évoque également une exigence d'efficacité accrue et alerte les rapporteurs spéciaux sur le risque réputationnel pour la France, lié aux promesses non tenues et aux engagements non honorés.
Enfin, il souligne le rôle essentiel des financements privés et innovants, notamment pour le climat. Un travail de mobilisation de ces fonds est en cours, en lien avec les partenaires du G7, car l'architecture financière internationale actuelle s'effondre et appelle à construire un après. À terme, il faudra certainement que les pays africains renforcent leur propre capacité fiscale pour assurer la soutenabilité de leurs politiques publiques.
1. Sur le plan bilatéral, l'aide-projet devrait continuer de reculer en 2026, en particulier sur l'enveloppe mise en oeuvre par l'AFD
L'aide-projet est définie, selon les pays concernés et les bénéficiaires, comme :
- des dons accordés aux pays les plus pauvres ;
- des prêts à conditions très favorables, accordés aux États ou à des entreprises avec l'aval des États dans les pays à revenu intermédiaire ;
- des prêts accordés à des entreprises ou à des banques, sans l'aval des États, à des conditions améliorées ou à des conditions proches de celles du marché.
L'objectif d'un renforcement de la « composante don » de l'aide publique au développement fixé par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement de février 2018, d'une part, et par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement, d'autre part, avait conduit à une augmentation significative de l'aide-projet. Répartie entre l'aide-projet géré par l'Agence française de développement et l'aide-projet gérée directement par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, cette enveloppe a connu un renforcement significatif et a dépassé le milliard d'euros en 2023.
Cette progression a sans aucun doute été trop significative pour les capacités de décaissement de l'Agence française de développement. Les délais d'instruction et de mise en oeuvre des projets AFD sont particulièrement longs, en raison de contraintes formelles pesant sur l'agence. Il en a résulté un allongement des reste-à-payer et une rigidification progressive du programme 209, l'aide-projet de l'AFD constituant l'une des rares lignes budgétaires du programme qui n'est pas budgétisée en AE=CP.
Prévision du besoin de crédits de paiement de l'aide-projet de l'AFD correspondant aux AE octroyées au 31 décembre 2024
(en millions d'euros)
|
2025 |
2026 |
2027 |
|
|
Dons projets |
627,8 |
541,7 |
444,0 |
|
ONG compte propre |
93,5 |
46,5 |
14,1 |
|
Total |
721,3 |
588,2 |
458,1 |
Note : la ligne « dons projets » est présentée hors Fonds d'innovation pour le développement et Climate Finance Partnership.
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En premier lieu, le projet de loi de finances pour 2026 poursuit le mouvement de réduction des crédits bilatéraux délégués à l'AFD, la loi de finances pour 2025 ayant déjà significativement réduit les crédits budgétaires mis en oeuvre par l'AFD. Ainsi, en 2026 :
- d'une part, les crédits du don-projet de l'AFD se situent à 220,24 millions d'euros en AE et à 622,53 millions d'euros en CP, soit une baisse de près de 66 % en AE et de 23 % en CP ;
- d'autre part, le don-ONG s'inscrit également en baisse par rapport à l'année passée avec 65,20 millions d'euros en AE et 107,43 millions d'euros en CP contre 110 millions d'euros en AE et 131,67 millions d'euros en CP en 2025. Le dispositif I-OSC, qui répond à l'objectif fixé par la loi de programmation de faire transiter une plus forte proportion de notre aide par la société civile, paraît insuffisamment ciblé et évalué par l'AFD. Dans son rapport de résultats annuels 2024-2025, l'agence souligne que ce dispositif « consacre 12 % de ses financements, soit 18 millions d'euros, à 16 projets ECSI [éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale] et 9 projets SMA [structuration du milieu associatif] »39(*), ce qui, sauf erreur des rapporteurs, ne figure pas parmi les objectifs thématiques de notre politique de développement.
Cette réduction des moyens bilatéraux de l'AFD, comme pour les crédits de bonification des prêts, vise, outre une maîtrise de l'enveloppe de la mission, à limiter la progression des engagements pluriannuels qui réduiraient d'autant plus les marges de manoeuvre budgétaires de la mission. À moyen terme, cette mesure d'économie conduira à une réduction du plan d'affaires de l'AFD.
En second lieu, le texte présenté par le Gouvernement propose également de baisser l'aide-projet mise en oeuvre par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Au cours des dernières années, les divers dispositifs d'aide-projet qu'il a gérés ont été regroupés au sein de l'appellation « Fonds Équipe France » (FEF). Cette rationalisation apparente avait permis jusqu'alors au MEAE de préserver cette enveloppe.
Cependant, pour 2026, le volume des FEF serait de 80 millions d'euros, contre 135 millions d'euros l'année passée, soit une baisse de 41 %. Selon la direction générale de la mondialisation, très attachée à la visibilité de cet instrument concentré sur le financement de projets rapides et à fort impact, cette baisse limiterait la capacité des ambassades à financer de nouveaux projets à 30 millions d'euros, le reste étant destiné à payer des projets déjà engagés.
Néanmoins, la direction du budget et les informations transmises aux rapporteurs spéciaux soulignent, en dépit d'une utilité en termes de visibilité politique, les limites significatives du modèle des FEF :
- d'une part, en raison de très faibles montants unitaires, les Fonds équipe France présentent le risque d'un effet de saupoudrage de notre aide. Parmi toutes les lignes budgétaires de la mission APD, il s'agit de l'instrument le plus éparpillé tant en termes géographiques (avec des projets financés dans 124 pays) qu'en termes thématiques (plus de 25 % des projets intervenant dans des thématiques non visées par le Cicid) ;
- d'autre part, la très rapide montée en puissance des FEF a fait peser une charge de travail et de suivi des projets trop importante sur les ambassades, avec un faible pilotage au niveau central. Ainsi, l'évaluation par les pairs réalisée par l'OCDE en 2024 soulignait qu'en l'état « le pilotage stratégique et le suivi opérationnel des Fonds Équipe France, ainsi que leur efficacité en termes de développement suscitent des interrogations, notamment en raison du caractère récent de cet instrument. Lors des missions, le MEAE et les SCAC [services de coopération et d'action culturelle] des ambassades sont apparus trop peu outillés pour gérer de manière prévisionnelle et stratégique une multitude de projets et ainsi renforcer leurs impacts en termes de développement, tout en répondant aux demandes de redevabilité de la part du siège. »40(*)
2. Les contributions multilatérales, essentiellement volontaires, sont réduites de moitié accentuant un effet de « bilatéralisation » du programme
Les versements multilatéraux du programme 209 devraient baisser de 75 % en autorisations d'engagement et de 78 % en crédits de paiement. Hors effet de périmètre, les contributions volontaires en matière humanitaire étant transférées sur une nouvelle action 10 « Aide humanitaire », l'évolution du volume de l'ensemble des versements multilatéraux portés par le programme représente une diminution de 53 % en AE et de 59 % en CP.
Essentiellement volontaires, ces contributions s'apparentent par conséquent à des dépenses discrétionnaires, aisément pilotables d'une année à l'autre. À l'inverse, la structure des versements multilatéraux des programmes 110 et 384 est bien plus rigide.
Les contributions du programme 209 sont regroupées en trois grands ensembles : les contributions à la Francophonie, les contributions volontaires aux Nations unies et les « autres contributions volontaires ».
L'effort de réduction des dépenses porte principalement sur les contributions au système onusien, hors domaine humanitaire dont l'ensemble des crédits est traité infra, qui s'élèvent à huit millions d'euros cette année, contre 50 millions dans le PLF pour 2025. Cette réduction drastique des moyens devrait conduire à une forte rationalisation de nos versements et un recentrage sur les contributions les plus significatives (notamment au bénéfice de l'Unesco et du Programme des Nations unies pour le développement).
Concernant les autres contributions volontaires, au profit d'organismes extérieures au système onusien, elles sont ramenées à 18,5 millions d'euros en AE et à 12 millions d'euros en CP. Toutefois, ce recul s'explique également par un transfert des contributions du Quai d'Orsay en matière de santé, d'éducation et de diplomatie vers le programme 384 « Fonds de solidarité pour le développement ».
3. La poursuite du recul des dépenses de la mission concourant au Fonds européen de développement
Les crédits demandés au titre de la coopération communautaire, qui correspondent à la participation de la France au Fonds européen de développement (FED), poursuivent leur baisse programmée en 2026 pour se situer à 124,7 millions d'euros en AE=CP contre 144,1 millions d'euros l'année passée.
Cette contraction continue était attendue dans la mesure où, dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 (CFP), le FED a été remplacé par un nouvel instrument, le NDICI41(*)/L'Europe dans le monde, doté de 79,5 milliards d'euros pour la période du CFP. Les financements dédiés à ce nouvel instrument seront supportés par le prélèvement sur recettes versé au profit de l'Union européenne (PSR-UE) et ne seront donc pas retracés par la présente mission.
Néanmoins, la pluriannualité de la programmation du FED implique que des versements devront être opérés par la France au moins jusqu'en 2028, date à partir de laquelle l'ensemble des restes à payer auront été apurés.
4. Mieux identifiée au sein de la maquette budgétaire, l'aide humanitaire, de nature discrétionnaire, subit une baisse significative
Selon le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, l'aide humanitaire vise à « assurer l'assistance et la protection des personnes vulnérables et à répondre aux besoins fondamentaux des populations affectées par une catastrophe naturelle ou un conflit ». Ces besoins fondamentaux regroupent l'accès à l'eau, à des soins médicaux ou à la nourriture.
L'aide humanitaire de la France se caractérise par un fort morcellement de ses canaux de financement. Elle transite par des instruments directement pilotés par le centre de crise et de soutien (fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation), la direction de la mondialisation (aide alimentaire programmée), l'AFD (Fonds Minka) et sur les contributions volontaires aux Nations unies. De 2023 à 2025, une provision pour crises majeures, supprimée par la loi de finances pour 2025, permettait d'abonder ces différentes enveloppes, tant bilatérales que multilatérales, en cas de crise internationale imprévue.
Si l'ensemble de ces crédits figurait dans le programme 209, leur présentation était dispersée entre les différentes actions de ce programme, rendant parfois complexe le suivi de ces crédits et l'analyse de leur cohérence d'action. Dans un souci de clarification, la nomenclature budgétaire a été révisée dans le projet de loi de finances pour 2026 afin de regrouper l'ensemble de ces instruments au sein d'une action 10 « Action humanitaire », elle-même divisée en deux sous-actions (« Action humanitaire bilatérale » et « Action humanitaire multilatérale »).
Pour mémoire, l'aide humanitaire avait constitué l'une des dépenses les plus dynamiques de la mission sur la période 2018-2024, hissant la France au dixième rang des bailleurs humanitaires internationaux. L'action humanitaire avait été érigée comme une priorité, tant par les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement de juillet 2023, qui fixait comme objectif d'atteindre une cible d'un milliard d'aide humanitaire en 2023, que par la stratégie humanitaire de la République française pour les années 2023 à 202742(*).
La loi de finances pour 2025 n'a pas épargné ces crédits, avec une réduction de près de la moitié du volume de cette enveloppe, soit un effort de 495 millions d'euros (- 44 %). L'ampleur de cette baisse, majorée au cours des débats budgétaires, s'explique par le caractère discrétionnaire et pilotable de ces dépenses.
Un effort d'une proportion similaire est demandé pour l'année 2026, avec une baisse des crédits de l'ordre de 41 %. Avec une enveloppe totale d'un montant de 294 millions d'euros, l'aide humanitaire revient à un niveau antérieur à l'année 2021 mais demeure largement supérieure aux montants moyens de la période 2017-2020. Cette enveloppe doit s'adapter aux crises humanitaires dans le monde.
Évolution des crédits liés à l'aide humanitaire entre 2018 et 2026
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
S'agissant du volet bilatéral de cette aide, les deux principaux instruments connaissent une réduction marquée de leurs volumes respectifs :
- d'une part, le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS), instrument de réaction rapide du MEAE piloté par le CDCS, est relativement préservée, comme l'année précédente, avec un budget de 194 millions d'euros en AE=CP, contre 220 millions d'euros en 2025 ;
- d'autre part, l'aide alimentaire programmée (AAP), instrument dédié aux problématiques de sécurité alimentaire, est plus que divisée par deux et s'élève à 50 millions d'euros, contre 130 millions d'euros l'année dernière.
En outre, conséquence de la baisse des crédits, l'enveloppe « gestion et sortie de crise » (huit millions d'euros en 2025) est supprimée et voit une partie de ses crédits ventilés entre les autres canaux de l'aide humanitaire bilatérale43(*).
Cette première simplification des instruments de l'aide humanitaire de la France devrait inspirer une révision plus générale. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères devrait tirer les conséquences de la baisse de ses moyens d'intervention et fusionner les instruments bilatéraux d'aide humanitaire. La distinction entre le fonds d'urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) et l'aide alimentaire programmée (AAP), dont les rapporteurs spéciaux ont eu l'occasion de souligner les chevauchements44(*), ne paraît plus pertinente dans un contexte de rétrécissement de ces enveloppes. Plus que de nouveaux acronymes, les rapporteurs spéciaux estiment que la baisse des financements de l'aide humanitaire devra être compensée par des efforts de simplification et de coordination entre les différents canaux d'aide.
Comparaison de la répartition de l'aide humanitaire entre 2025 et 2026
(en millions d'euros)
Note : année 2024 à gauche et année 2025 à droite.
Source : commission des finances
Par ailleurs, le volet multilatéral de l'aide humanitaire est également réduit à portion congrue. Le volume des contributions volontaires aux entités des Nations unies menant des actions d'urgence et de stabilisation, avec un total de 50 millions d'euros (contre 150 millions d'euros en 2025) est divisé par trois dans le projet de loi de finances.
En revanche, les rapporteurs spéciaux notent, non sans un certain étonnement, que les priorités assignées à ces versements multilatéraux ont été multiplié par deux45(*).
Comme l'année passée, les rapporteurs spéciaux soulignent néanmoins que les efforts d'économies réalisés sur l'aide humanitaire ne se confirmeront pas forcément en exécution. À cet égard, l'aide humanitaire présente presque des similitudes avec une dépense de guichet. La définition d'un montant évaluatif n'empêche pas une aggravation de la dépense en cours d'année en cas de survenance d'une crise internationale. Le volontarisme de la France en réaction à la dégradation du contexte international au cours des dernières années laisse supposer que, si un besoin urgent se présentait, les lignes de crédits dédiées à l'aide humanitaire seraient abondées par des ouvertures ou des redéploiements de crédits.
À titre d'exemple, fin 2024, le Président de la République avait annoncé l'engagement de 100 millions d'euros supplémentaires pour soutenir le Liban.
C. LE PROGRAMME 365 : UNE OPÉRATION BUDGÉTAIREMENT NEUTRE POUR LES FINANCES DE L'ÉTAT
Depuis 2021, la maquette de la mission « Aide publique au développement » comprend un programme dédié au renforcement des fonds propres de l'AFD. Confié à la direction générale du Trésor, le programme 365 permet un abondement de l'agence en capital afin de respecter le cadre prudentiel applicable aux sociétés de financement.
En effet, l'évolution du cadre réglementaire européen, avec l'entrée en vigueur en juin 2021 du règlement (UE) 20219/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 201946(*), dit « CRR2 », a conduit à exclure du périmètre des ressources prises en compte pour le calcul des ratios prudentiels les « ressources à conditions spéciales » (RCS) qui sont des prêts accordés annuellement par le Trésor à l'AFD à des conditions très préférentielles.
Pour assurer le respect de la limite du ratio grands risques à 25 % des fonds propres de l'AFD, les opérations successives menées sur le programme 365 ont conduit à une conversion des prêts de ressources à condition spéciale en fonds propres.
Le renforcement des fonds propres voté en loi de finances initiale pour 2021 a pris la forme d'une augmentation de capital de l'ordre de 500 millions d'euros, directement comptabilisée dans les fonds propres réglementaires, et d'une conversion du stock des ressources à conditions spéciales souscrite par l'AFD auprès du Trésor pour 920 millions d'euros. Cette opération de conversion de RCS en prise de participation de l'État a été réitérée :
- en 2022, pour un montant de 190 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;
- en 2023 puis en 2024, pour un montant de 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ;
- en 2025, pour un montant de 145 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Pour 2026, ce sont 100 millions d'euros qui sont demandés pour assurer cette action. Concrètement, cette opération se traduit par les mouvements budgétaires suivants :
- l'AFD remboursera de façon anticipée le prêt préférentiel du Trésor de 100 millions d'euros qui lui est versé cette année et qui est retracé au programme 853 du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » ;
- le programme 365 versera 100 millions d'euros au compte d'affection spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE) ;
- celui-ci versera une dotation en capital à l'AFD d'un montant de 100 millions d'euros.
En comptabilité budgétaire, cette opération se traduit par une suite d'opérations se compensant partiellement pour aboutir à un décaissement net pour l'État de 100 millions d'euros.
En comptabilité nationale, cette opération est neutre pour le budget de l'État, dans la mesure où elle constitue une prise de participation et n'est donc pas comptabilisée comme une dépense.
D. LE PROGRAMME 370 : AUCUNE RESTITUTION DE BIENS MAL ACQUIS ANTICIPÉE EN 2026
En application de la loi de programmation du 4 août 2021, un nouveau programme a été introduit par la loi de finances pour 2022 afin de mettre en oeuvre l'engagement de la France pour la restitution des biens mal acquis. Cette évolution est venue concrétiser une initiative portée par le Sénat qui avait adopté, dès 2019, une proposition de loi relative à l'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.
Le programme 370 est doté au fur et à mesure de l'encaissement du produit de la vente des biens mal acquis par l'Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC). Cette dernière opère sous la double tutelle du ministère de la justice et du ministère de l'économie et des finances. L'objectif de ce dispositif est de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations victimes des infractions, via la mise en oeuvre d'actions de développement dans le pays concerné et en accord avec ce dernier.
En loi de finances initiale pour 2024, le programme 370 avait été alimenté pour la première fois avec l'ouverture de 6,1 millions d'euros en AE=CP. Ce versement correspondait aux cessions issues de l'affaire « Obiang » du nom du fils de l'ancien président et lui-même vice-président de la Guinée-Équatoriale, Teodorín Obiang, condamné définitivement par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de biens mal acquis.
Pour 2025, un total de 140,3 millions d'euros devait être inscrit sur le programme 370. Un amendement du Gouvernement, déposé en séance au Sénat, avait cependant drastiquement réduit ce montant, pour le ramener à 32 millions d'euros. Ce montant correspondait à un premier versement, issu de la vente de biens confisqués à Rifaat al-Assad, oncle de l'ex-président Syrien.
En revanche, pour 2026, aucun crédit n'est demandé sur le programme 370.
E. LE PROGRAMME 384 : L'AMORCE D'UN REGROUPEMENT DES CONTRIBUTIONS MULTILATÉRALES SUR UN SEUL ET MÊME PROGRAMME
Pour rappel, la création d'un nouveau programme budgétaire 384, par la loi de finances pour 2025, correspondait à la budgétisation du fonds de solidarité pour le développement (FSD).
Cette dernière tirait, tardivement, les conséquences de la réforme de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. En effet, l a Lolf, dans sa version révisée par la loi organique du 28 décembre 2021, dispose à son article 2 que « Les impositions de toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les articles 34, 36 et 51 » et à son article 34 que cette affectation ne peut se faire qu'au profit de personnes morales autres que l'État.
Or, le FSD faisait jusqu'alors l'objet d'un financement à partie du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF). Dès lors que le FSD était dépourvu de personnalité morale et que les taxes affectées ne présentaient pas de lien direct entre l'objet de la dépense et l'assiette de la taxe, cette opération devenait indispensable.
Les rapporteurs spéciaux estiment cette réforme nécessaire pour se conformer à la loi organique, particulièrement bienvenue d'un point de vue budgétaire.
En particulier, la création du nouveau programme a permis, pour l'exercice 2026, d'adopter une budgétisation dissymétrique en AE ? CP permettant un meilleur suivi des engagements pluriannuels auprès de grands fonds multilatéraux, ce qui explique en partie la forte progression des AE dans le PLF 2026. Comme le rappelle la Cour des comptes dans sa note d'évaluation budgétaire au titre de l'exercice 2024 « dans un contexte de maîtrise de la dépense publique, la budgétisation en AE ? CP contribue à plus de lisibilité et de transparence du point de vue de la soutenabilité. »47(*)
La budgétisation du FSD permettra, par ailleurs, un meilleur suivi de ses financements dans les documents budgétaires, par une justification au premier euro, et renforcera l'information du Parlement. À cet égard, les parlementaires disposeront d'une plus grande marge d'appréciation dans leur examen du projet de loi de finances.
Dans le projet de loi de finances pour 2026, le programme 384 regroupe à la fois :
- d'une part, des contributions multilatérales pilotées par la direction générale du trésor, pour un montant de 251 millions d'euros, soit la contribution au Fonds vert pour le climat (pour 148,8 millions d'euros) et la contribution à la Facilité financière internationale pour la vaccination (pour 109,2 millions d'euros) ;
- d'autre part, les contributions suivies par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, pour un total de 487 millions d'euros.
Par rapport à l'exercice 2025, pour 2026, le programme 384 s'est vu transférer plusieurs contributions multilatérales auparavant inscrites sur le programme 209. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a ainsi fait le choix de regrouper au sein du FSD l'ensemble des contributions multilatérales en matière de santé mondiale, d'éducation et de diplomatie féministe, d'égalité de genre et droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR).
Au-delà d'un souci de cohérence thématique, la direction générale de la mondialisation a indiqué aux rapporteurs spéciaux que ce transfert vise essentiellement à honorer des engagements qui devaient être décaissés en 2025 et avaient été décalés en raison de la baisse des crédits du programme 209.
En 2026 comme en 2025, le Gouvernement défend une sanctuarisation du programme, en indiquant que « compte tenu de son fonctionnement spécifique et de l'historique du FSD, le programme 384 ne sera soumis à aucune régulation budgétaire ni à des mesures de mise en réserve. Il bénéficiera également de reports automatiques de crédits. »48(*)
La création d'un programme séparé et sanctuarisé pour nos contribution multilatérales apparaît justifié pour le rapporteur spécial Raphaël Daubet, dans l'objectif de la préservation des biens publics mondiaux. Ces enjeux nécessitent une approche multilatérale dont la visibilité budgétaire doit être renforcée.
III. LES CRÉDITS DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS »
Le compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers » retrace les prêts consentis à des États dans une logique d'aide publique au développement, à l'exception du compte 854 relatif à la participation de la France au désendettement de la Grèce et qui ne supporte plus aucune dépense.
Les prêts accordés s'inscrivent dans le cadre de la politique française de développement en participant à la mise en oeuvre du programme d'action d'Addis-Abeba, de juillet 2015, dans sa partie « dette et soutenabilité de la dette ». Ces prêts permettent de renforcer la stabilité macroéconomique des pays bénéficiaires et d'y encourager les conditions d'une croissance durable.
Détail des crédits du compte de concours financiers
(en euros)
|
Programme |
Recettes |
AE |
CP |
Solde |
|
851 - Prêts à des États étrangers en vue de faciliter la vente de biens et de services concourant au développement du commerce extérieur de la France |
267 855 717 |
600 000 000 |
828 640 452 |
- 560 784 735 |
|
852 - Prêts résultant de l'exécution d'accords conclus avec les gouvernements étrangers et portant consolidation des dettes de leur pays envers la France |
42 805 044 |
211 793 211 |
211 793 211 |
- 168 988 167 |
|
853 - Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers |
121 500 000 |
0 |
100 000 000 |
+ 21 500 000 |
|
854 - Prêts aux États membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro49(*) |
- |
0 |
0 |
- |
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
A. LE PROGRAMME 851
Les crédits du programme 851 correspondent au montant des prêts qui peuvent présenter un caractère concessionnel consenti ou qui sont consentis à d'autres États pour la réalisation d'opérations qui participent au développement du commerce extérieur français.
Les autorisations d'engagement du programme représentent les montants que l'État envisage d'octroyer sous forme de prêts l'année suivante tandis que les crédits de paiement, sont constitués des décaissements effectifs des prêts passés ou futurs. En miroir, les recettes du programme sont formées des versements d'intérêts ou de remboursements de capital par les États débiteurs.
Pour 2025, 600 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement. Ils visent, comme l'année dernière, à financer des projets d'infrastructures dans les pays émergents du Maghreb, d'Afrique occidentale et d'Asie ainsi que des projets de reconstruction en Ukraine.
S'agissant des crédits de paiement, 828,6 millions d'euros sont prévus au titre de l'exercice 2025. Les principaux décaissements concernés sont liés aux financements de projets d'infrastructures dans les secteurs des transports, du numérique, de l'énergie, de l'eau, de la santé et de la sécurité civile.
B. LE PROGRAMME 852
Les crédits du programme 852 correspondent aux prêts octroyés pour la mise en oeuvre d'accords d'annulation ou de consolidation des créances détenues par l'État et ses opérateurs (AFD et ancienne Banque française du développement, aujourd'hui Natixis) envers des pays en développement. Les prévisions de dépenses sont établies en fonction des hypothèses de traitement susceptibles d'être conclus à court terme dans le cadre du Club de Paris.
Les recettes du programme sont constituées des remboursements du capital effectués par les pays emprunteurs. Le remboursement des intérêts est enregistré au budget général de l'État.
Pour l'année 2025, les montants demandés en AE et en CP, de l'ordre de 211,8 millions d'euros résultent des hypothèses faites par le Gouvernement quant au volume de traitement de dettes susceptibles d'être conclues au cours de l'année à venir.
Les prévisions de dépenses reposent sur la poursuite du refinancement au titre du Cadre commun du traitement de flux accordé au Ghana, pour un montant de 10,6 millions d'euros. Les opérations de traitement de la dette de l'Éthiopie devraient représenter la majeure partie des décaissements, avec 201 millions d'euros.
C. LE PROGRAMME 853
Les crédits du programme 853 correspondent aux prêts octroyés par l'État à l'AFD à des conditions très préférentielles pour permettre à l'agence, par la suite, d'offrir des financements concessionnels à des États étrangers ou des organisations internationales. Les recettes du programme sont constituées des remboursements par l'AFD de ces « ressources à conditions spéciales » (RCS) perçues auparavant. Ce programme est mis en extinction progressive.
En 2024, les crédits demandés s'élèvent à 100 millions d'euros en crédits de paiement et correspondent au décaissement de prêts concédés les années précédentes. Pour mémoire, cette dépense s'inscrit dans le cadre de l'opération de renforcement des fonds propres de l'AFD portée par le programme 365 et décrite supra.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le jeudi 6 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Aide publique au développement (APD) » et le compte de concours financiers (CCF) « Prêts à des États étrangers ».
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial sur la mission « Aide publique au développement (APD) » et le compte de concours financiers (CCF) « Prêts à des États étrangers ». Nous accueillons M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Nous avons l'honneur, avec mon collègue M. Canévet, de vous présenter nos observations concernant les crédits de la mission « Aide publique au développement » pour l'année 2026. Pour la troisième année consécutive, la mission est mise à contribution pour l'effort de redressement de nos finances publiques. La baisse des crédits de la mission est de l'ordre de 14 % en autorisations d'engagement (AE) et de 16 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances pour 2025, qui avait déjà opéré d'importantes coupes budgétaires. Si l'on se réfère à la loi de finances de 2024, à périmètre constant, la baisse des moyens est de l'ordre de 45 %.
Entre 2024 et 2026, l'APD a été la mission la plus ponctionnée du budget de l'État par rapport à son volume. Cette baisse considérable répond à l'impératif de redressement des comptes publics et doit, par ailleurs, s'apprécier au regard de la forte progression des crédits engagés depuis 2017. Pour utile qu'elle puisse être à la réduction du déficit public, il n'en demeure pas moins que cette déstabilisation du volume des crédits a des conséquences importantes.
De telles contractions, appliquées sans préparation, mettent les administrations à rude épreuve et les contraignent à réviser dans l'urgence les programmations, les partenariats et les engagements. La désorganisation peut aller jusqu'à poser un problème de modèle économique pour nos opérateurs et aboutir à des plans sociaux, comme cela nous a été signalé lors des auditions.
La brutalité des coupes budgétaires intervient dans un contexte de bouleversement majeur des équilibres mondiaux, d'instabilité politique intérieure et, surtout, d'absence de doctrine et de stratégie. Lors des auditions, il nous a été signalé que, pour la première fois en 2025, nous n'avons pas pu honorer certains de nos engagements multilatéraux.
Le cabinet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères alerte, lui aussi, sur le risque réputationnel pour la France si les engagements ne sont pas tenus. L'Agence française de développement (AFD), quant à elle, déplore l'absence de cadre stratégique ; pour rappel, cet opérateur n'a plus de convention d'objectifs et de moyens (COM) depuis 2024. Notre audition a fait apparaître les difficultés à gérer l'institution publique sans perspectives pluriannuelles.
Du côté des bénéficiaires, la multiplication des crises - et leur inscription dans le temps - déstabilise de nombreux États pour lesquels l'assistance internationale est cruciale. En retour, l'effondrement de la sécurité et de la santé dans ces États multiplie les enjeux pour notre pays, en particulier sur les plans sanitaire et migratoire. À cet égard, la diminution de 41 % des crédits alloués à l'aide humanitaire limitera nos capacités d'action.
J'insiste donc pour que les décisions budgétaires intègrent à la fois l'importance du volet diplomatique de notre action extérieure et la nécessité d'une actualisation réfléchie de notre stratégie, sans quoi les remèdes pourraient être pires que les maux.
Le recul de l'APD en France ne constitue en rien une exception. Dans un environnement international en profonde mutation, cette politique publique - aussi bien son architecture financière que ses présupposés politiques : la solidarité internationale et le multilatéralisme - est remise en cause. Nous vivons un monde de ruptures, où la montée des nationalismes et des enjeux de souveraineté, exacerbée par la compétition entre les puissances, met en danger les logiques de coopération, de paix et de solidarité.
Il s'agit de porter un regard lucide sur l'APD. Cette politique a sans doute échoué à convaincre de son utilité et de son efficience. Nous avons le devoir, au-delà de la critique, de la repenser et de réfléchir à son avenir : aux côtés de la politique de défense, par exemple, dans une forme de complémentarité organisée ; en bâtissant des partenariats stratégiques globaux, comme le fait l'Europe avec succès ; en identifiant les limites du bilatéralisme qui, contrairement à ce que l'on a tendance à croire, ne répondra pas à tous les défis.
Si nous devons conserver une approche exigeante de cette politique, il importe de ne pas céder à certains élans de notre époque. En brisant un outil certes imparfait, mais reconnu et produisant des effets, nous nous privons d'un levier indispensable dans un environnement stratégique incertain.
Pour l'ensemble de ces raisons, je me prononcerai pour le rejet des crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financier « Prêts à des États étranger ».
M. Michel Canévet, rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ». - Comme vient de l'indiquer mon collègue, la mission « Aide publique au développement » voit ses crédits diminuer de 700 millions d'euros entre 2025 et 2026. La forte contraction des crédits constitue le revers d'une trajectoire de dépenses qui, ces dernières années, fut ambitieuse. Entre 2017 et 2023, les crédits de la mission ont augmenté de 40 %. Dans un contexte budgétaire dégradé, il n'est en rien illégitime de s'interroger sur le volume et la qualité de nos dépenses publiques.
En volume, le niveau des crédits de la mission demeure supérieur de 20 % à l'exécution de 2017 - et même de 53 % si l'on retraite les contributions à la politique européenne de développement, aujourd'hui intégrées dans le prélèvement sur recettes du budget de l'État en faveur de l'Union européenne (PSR-UE).
Outre la France, dix pays donateurs de l'OCDE - dont l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Pays-Bas -, ont annoncé des réductions de leur APD pour la période 2025-2027. Pour certains pays, la réduction est plus forte encore que celle qui est fixée par la France.
L'augmentation des moyens de notre politique de développement présentait deux limites principales.
En premier lieu, le quasi-doublement des moyens de la mission s'est accompagné d'une rigidification croissante des dépenses. Le caractère pluriannuel de certaines contributions multilatérales et de plusieurs dépenses bilatérales, notamment les bonifications de prêts de l'AFD, contribue à limiter les marges de manoeuvre budgétaires de la mission pour les années à venir. C'est particulièrement vrai pour le programme 110, sur lequel la DGT s'est efforcée, pour l'exercice 2026, de limiter l'engagement de nouvelles AE. Selon les données transmises aux rapporteurs spéciaux, les restes à verser de l'AFD représentaient un total de 19 milliards d'euros à la fin de l'année 2024.
En second lieu, la trajectoire de notre APD a conduit à un risque de sous-exécution des crédits et de dispersion géographique et thématique des dépenses. Concernant notre aide bilatérale, 124 pays et entités territoriales bénéficient de versements de la part de la France, contre seulement 60 pour l'Allemagne et 30 pour la Suède. L'APD bilatérale de la France représente en moyenne 5 % de l'APD reçue par les bénéficiaires.
Sur le plan multilatéral, la Cour des comptes précise que nous avons contribué à 271 entités multilatérales en 2023, parfois pour des sommes modiques et donc peu efficaces. Depuis deux ans, un travail a été engagé par la DGT et la DGM pour réduire le nombre d'entités bénéficiaires et abandonner des instruments plus accessoires.
Notre politique de développement comporte des axes d'amélioration amorcés dans ce projet de budget. L'évolution du montant des crédits de l'APD doit être l'occasion de mieux définir nos objectifs et la doctrine d'utilisation de nos instruments. Nous avons identifié trois volets sur lesquels le Gouvernement devra prolonger les efforts entamés.
Premièrement, se pose la question du ciblage de notre politique de développement. Notre aide est dispersée géographiquement, avec un risque de saupoudrage et de dilution de nos efforts. Nous devrons choisir dans les prochains mois entre une concentration de l'aide à une liste de pays jugés prioritaires en fonction de leurs besoins et de nos intérêts stratégiques, ou le maintien de l'universalité de nos versements.
Deuxièmement, il paraît indispensable de poursuivre la bilatéralisation de notre aide. Il est désormais incontournable, dans un environnement budgétaire contraint, que le Gouvernement finalise une doctrine d'articulation entre canal bilatéral, multilatéral et européen en matière d'aide au développement. Nous devrons également nous interroger sur l'opportunité de poursuivre notre engagement dans certains grands fonds verticaux dont la plus-value n'est plus assurée.
Troisièmement, il apparaît nécessaire de concrétiser l'objectif d'une meilleure évaluation de cette politique publique. Nous attendons avec impatience les premiers travaux de la commission d'évaluation décidée en 2021.
En conclusion, je vous invite à adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du CCF « Prêts aux États étrangers ».
M. Patrice Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères sur les programmes « Aide économique et financière au développement » et « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - En vingt ans, l'APD a permis de sauver 60 millions de vies grâce à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose, et aussi de scolariser 30 % d'enfants supplémentaires. Il reste beaucoup à faire, sachant que 18 % de la population mondiale vit dans une situation de pauvreté multidimensionnelle et que plus de 300 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire en raison des conflits et du changement climatique.
Dans le détail de l'enveloppe budgétaire, on observe une nette réduction des crédits dédiés à la solidarité pour les pays en développement, alors que la diminution des crédits alloués à l'aide à l'accompagnement économique est moindre.
Les crédits pour les contributions multilatérales sont également en forte diminution, afin de maintenir ceux qui sont dédiés à l'aide bilatérale. Nous sommes très éloignés à la fois des perspectives fixées par l'ONU il y a plus de cinquante ans - 0,7 % du revenu national brut (RNB) - et des ambitions portées par la loi de programmation sur l'aide au développement de 2021. L'État ne respecte pas les règles qu'il se donne à lui-même ; en termes d'exemplarité, cela me semble problématique. Il s'agit de redéfinir clairement les orientations, de fixer des objectifs stratégiques et de retravailler la doctrine en la matière.
Les deux objectifs de cette réorientation budgétaire - la solidarité et l'économie - sont liés. Le développement, en effet, est toujours multidimensionnel : pas de développement économique sans éducation ni amélioration sanitaire de la population.
L'APD est aussi un élément d'influence dans notre contexte géopolitique. Nous donnons à nos concitoyens une image erronée de la manière dont nous pouvons répondre aux défis qui se présentent à nous ; je pense notamment à la question du réchauffement climatique et à la gestion des flux migratoires. Ces sujets ne peuvent se traiter qu'à un niveau global et, en baissant les crédits de l'APD, nous donnons le sentiment d'un repli national ; comme si, en agissant à l'intérieur de nos frontières, nous pouvions répondre à ces défis. Ce repli nationaliste s'inscrit dans un cadre populiste qui ne contribue pas à renforcer les valeurs aujourd'hui contestées de la République.
Mme Nathalie Goulet. - J'étais membre de la commission des affaires étrangères quand nous avions inscrit l'évaluation dans les textes relatifs à l'aide au développement. Nous sommes bientôt en 2026, peut-être faut-il réactiver cette évaluation prévue depuis 2021 ? S'il manque des documents ou des décrets, nous avons besoin de le savoir.
Sachant que l'union fait la force, comment s'établit la répartition de l'aide au développement avec nos voisins européens ?
Enfin, comment s'articulent l'aide au développement et le travail effectué par les fondations privées ? N'est-il pas opportun de travailler avec ces fondations qui, bien souvent, disposent de moyens plus importants que les États ?
M. Rémi Féraud. - Il ressort deux enjeux de ce rapport : d'une part, l'évolution des crédits et, d'autre part, leur efficacité. Sur ce dernier point, je fais confiance à l'avis des rapporteurs spéciaux. Concernant l'évolution des crédits, nous déplorons une forte baisse. Dans ce contexte budgétaire contraint, le budget de l'État le plus sacrifié en 2026 en valeur absolue est celui de l'APD. Naturellement, il est plus facile de couper dans ce budget. Si l'on peut comprendre ce choix, il n'en demeure pas moins politique.
Sur la durée, on constate une forme de stabilité. J'y vois un assez bon résumé du « macronisme » : annoncer des ambitions fortes et, à la fin, se retrouver au point initial. Cela crée beaucoup de frustrations. On peut être inquiet, à l'avenir, pour les enjeux en termes de vaccination, de santé publique mondiale et de migration.
Pensez-vous que l'objectif de 0,7 point du PIB soit encore réaliste ?
Des ONG et des agences vous ont-elles fait part de leurs difficultés ? Je pense notamment à Sidaction, qui a exprimé sa sidération dans un communiqué. En effet, si l'on veut éradiquer la transmission du VIH dans le monde, la question dépasse naturellement les frontières nationales. Je pense également à l'Unicef, qui a interpellé certains d'entre nous sur les enjeux de l'enfance dans le monde, sachant que tout cela s'inscrit dans le cadre d'un désengagement américain revendiqué par M. Trump. Avez-vous pu dégager des priorités d'action avec certaines ONG ?
M. Marc Laménie. - Ma première question porte sur les moyens humains. Entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et les ambassades, quelle est la répartition des effectifs ?
Vous avez évoqué une évaluation insuffisante de notre politique d'aide au développement, avec une référence à la loi du 4 août 2021. Celle-ci sera-t-elle un jour mise en application ?
Enfin, la baisse significative de l'aide humanitaire interpelle alors que les besoins dans le monde ne cessent de croître.
M. Pierre Barros. - Au-delà de la diplomatie nationale et internationale, il existe aussi une diplomatie portée par les collectivités territoriales. Pour ces dernières, l'APD et l'AFD sont des soutiens importants. Cela peut passer par des partenariats et des amitiés qui finissent par construire des projets de coopération décentralisés. La diminution des moyens risque de briser les initiatives portées par ces collectivités. Il s'agit d'un très mauvais signal, avec des effets potentiellement délétères sur le long cours.
Ceux qui ont pris des engagements dans le cadre de ces projets de coopération décentralisés s'interrogent sur le fait que ceux-ci se concrétisent bien sur place. En effet, on déplore des blocages bancaires, notamment de la part de la Banque de France, qui empêchent de porter les projets. Cela s'ajoute au désengagement constaté de l'APD.
Mme Christine Lavarde. - Si j'ai bien compris, l'AFD n'a pas de COM depuis 2022. Ce problème, valable pour de nombreuses institutions, est exacerbé quand il s'agit de gérer des montants aussi considérables. Vous questionnez la lisibilité budgétaire, mais celle-ci doit s'accompagner d'une lisibilité opérationnelle.
M. Raphaël Daubet, rapporteur spécial. - Pour répondre à Nathalie Goulet, la commission d'évaluation, telle que celle-ci a été décidée dans le cadre de la loi du 4 août 2021, devrait se réunir prochainement. Tout a été mis en place pour cela.
L'APD européenne existe, elle est financé par les contributions des États membres au budget de l'UE et est principalement déployée au travers de l'instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale (Ndici), qui n'est pas sans poser des questions de transparence. Cette APD européenne tend à se développer, dans la période récente, sous la forme de partenariats stratégiques globaux avec les pays du voisinage proche. Elle a fait évoluer sa doctrine, et les retours que nous avons sont plutôt positifs. Cela reste une aide transitant par un canal multilatéral, ce qui signifie que la signature de la France n'est pas visible.
La question de la mobilisation des financements privés a été soulevée dans les auditions. Tout le monde est convaincu que ces fonds privés doivent participer à l'aide au développement. Le cabinet du ministère de l'Europe et des affaires étrangères a entamé un travail pour développer l'effet levier de notre aide sur ces fonds privés, notamment sur la question climatique. Dans un moment où l'architecture financière s'effondre, le sujet sera évoqué lors du G7.
Monsieur Féraud, la baisse des crédits déstabilise nos administrations. À cela s'ajoute ce qui me semble le plus problématique, une absence de doctrine et de stratégie.
Le 0,7 % du RNB, prévu dans la loi de 2021, ne me semble pas réaliste. Dès le départ, les rapporteurs spéciaux de la commission des finances avaient considéré que ces objectifs étaient trop ambitieux, compte tenu de l'état de nos finances publiques et de la rapidité de l'effort demandé. Cette loi apparaît aujourd'hui caduque, et une nouvelle loi de programmation annuelle mériterait d'être pensée.
Les ONG ont exprimé de nombreuses difficultés et inquiétudes. Le monde de l'humanitaire est aujourd'hui en état de sidération. Les États-Unis étaient les premiers contributeurs non pas de l'aide au développement, mais de l'humanitaire. On nous a signalé de nombreuses fermetures d'hôpitaux et de laboratoires en Afrique.
La DGM s'interroge sur le multilatéralisme et alors que nous avons confié à cette direction l'organisation du prochain One Health Summit, il convient qu'elle dispose des moyens d'assurer sa mission, ce dont je n'ai pas eu de certitudes.
Le multilatéralisme est combattu, car il donne aujourd'hui le sentiment de ne pas répondre aux intérêts nationaux. On s'apercevra un jour que l'on ne peut pas reconstruire Gaza sans aide et que le multilatéralisme devra retrouver une place. Comment faut-il le reconfigurer ? La France travaille avec plusieurs de ses partenaires européens, dont l'Allemagne, pour se répartir l'engagement dans les fonds multilatéraux. Dans le contexte d'un désengagement américain, l'objectif est de retrouver une place dominante.
Monsieur Laménie, la mission ne comporte pas de dépenses de personnel. Celles-ci ont été transférées en 2025 à la mission « Action extérieure de l'État ». Pour information, on recense actuellement un peu plus 3 000 équivalents temps plein (ETP) à l'AFD. S'agissant des personnels en ambassades, il est difficile d'isoler, compte tenu de la diversité de leurs missions, le nombre d'ETP qui concourent à la mission au sein des services de coopération et d'action culturelle (Scac).
Les projets de coopération décentralisés sont une manière de faire évoluer l'APD. Même si cela n'est pas facile à mettre en oeuvre pour toutes les collectivités et à tous les échelons, il existe des marges de manoeuvre.
Madame Lavarde, le dernier COM date de 2022, et il s'étalait sur la période 2022-2024. Concernant l'AFD, il s'agit d'être lucide quant au grossissement de l'opérateur en termes à la fois de dépenses et d'actions. C'est à nous et au ministère de tutelle de fixer le cap. Nous avons sans doute trop lâché la bride, et il est temps d'assigner à l'opérateur des objectifs précis. La DGM relève toutefois les excellents résultats de l'AFD dans de nombreux endroits du monde. Simplement, l'opérateur a pris une dimension excessive et difficilement soutenable pour un pays comme la France.
M. Michel Canévet, rapporteur spécial. - La baisse des crédits ne peut être assimilée à un signe de repli nationaliste ou populiste. Il ne me semble pas juste d'interpréter les choses de cette façon. Il s'agit de tenir compte de la réalité budgétaire de notre pays, et toutes les politiques publiques de notre pays en sont affectées. Cela ne signifie pas que l'on ne fera plus rien. Le niveau des crédits alloués demeure supérieur à celui de 2017. Des moyens importants restent à disposition, il s'agit de mieux cibler les actions.
Vous avez évoqué la commission d'évaluation de l'aide au développement. Celle-ci a été décidée par la loi du 4 août 2021 ; sa composition a connu de nombreux atermoiements, de telle sorte qu'une loi intermédiaire fût nécessaire pour définir son rattachement au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Les experts ont été nommés, la commission a été dotée d'un secrétariat général, et elle devrait tenir sa première réunion avant la fin de l'année.
Monsieur Féraud, la question de la santé reste un enjeu prioritaire. L'organisation du One Health Summit, prévu à Lyon en 2026, montre la volonté de la France de s'investir dans ce domaine.
Concernant l'AFD, il s'agira de redimensionner les effectifs. Les moyens en personnels de l'Agence ayant fortement augmenté de 646 ETP entre 2018 et 2025, nous allons revenir à un niveau qui reste significatif. Le COM est arrivé à échéance sans que l'on ait pu signer un nouveau contrat. Un projet est préparation mais sa conclusion se fait attendre. Par ailleurs, le mandat de directeur général est arrivé à échéance le 1er octobre dernier ; pour le moment, aucune procédure n'a été engagée pour le renouvellement du poste. Au sein du conseil d'administration de l'AFD, les deux ministères de tutelle n'ont pas la majorité, ce qui complique l'influence de celui-ci.
En conclusion, je reste favorable à l'adoption des crédits de la mission et du CCF, alors que mon collègue, M. Daubet, s'y oppose.
La commission a décidé de proposer d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Aide publique au développement » et du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
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* *
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 6 novembre, la commission des finances a adopté sans modification les crédits de la mission ainsi que les crédits du compte de concours financiers.
Je vous propose l'adoption d'un amendement de réduction des crédits, de l'ordre de 200 millions d'euros, afin de ramener les crédits de la mission à leur niveau de 2019, retraité de l'inflation.
Je rappelle que, entre 2017 et 2024, les crédits de la mission ont augmenté de 95 %, soit un quasi-doublement du budget. Il s'agissait de l'un des taux de progression les plus importants constatés sur l'ensemble des missions du budget de l'État.
L'amendement II-1 (FINC.2) est adopté.
Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Aide publique au développement » sous réserve de l'adoption de son amendement. Elle confirme sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte de concours financiers « Prêts à des États étrangers ».
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Cabinet du ministre de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE)
- Mme Marie PHILIPPE, directrice de cabinet de la ministre déléguée ;
- Mme Caroline JOLY, conseillère budget, réformes et administration ;
- Mme Marion BIGET, conseillère Amériques, Diplomatie économique, Climat et Développement ;
- M. Jean-Philippe POURTIER, adjoint au sous-directeur des moyens et des opérateurs.
Ministère du Budget - 7e Sous-direction Budgets de l'agriculture, de l'alimentation, de la forêt, des affaires rurales, de l'aide publique au développement, de l'action extérieure de l'État, de l'immigration, de l'asile et de l'intégration
- M. Louis PASQUIER DE FRANCLIEU, sous-directeur.
Direction générale du trésor (DG Trésor)
- Mme Shanti BOBIN, sous-directrice des affaires financières multilatérales et du développement - MULTIFIN ;
- Mme Laura QUINCAMPOIS, adjointe à la cheffe du bureau Aide publique au développement (MULTIFIN 5)
- Mme Rebecca AMORE, adjointe au chef de bureau Endettement, financement international et secrétariat du club de Paris (MULTIFIN 1) ;
- M. Samuel ADJUTOR, adjoint au chef de bureau Afrique subsaharienne, coopération monétaire et AFD (MULTIFIN 2) ;
- Mme Coline MOUCHEL dit GRAINVILLE, adjointe à la cheffe du bureau MULTIFIN 5 au SAMD ;
- M. Sofien ABDALLAH, conseiller parlementaire et relations institutionnelles.
Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international
- Mme Anne GRILLO, directrice générale ;
- M. Jean-Philippe POURTIER, adjoint au sous-directeur des moyens et des opérateurs ;
- Mme Solène DISLAIRE, rédactrice à la sous-direction de la stratégie et de la synthèse budgétaires.
Agence française de développement (AFD)
- M. Rémi RIOUX, directeur général ;
- M. Philippe BAUMEL, responsable du secrétariat des instances en charge des relations avec les administrateurs et le Parlement.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2026.html
* 1 De l'ordre de 21,1 % entre 2017 et 2026 selon les données de l'Insee.
* 2 Sans compter que les dépenses de personnel concourant au programme 209 ont été transférées en 2025 sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État », dans un souci de centralisation des dépenses de titre 2 relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur un même programme support.
* 3 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2023.
* 4 Rapport d'information n° 779 (2023-2024) de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, au nom de la commission des finances pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le financement des actions multilatérales de la France - exercices 2017 à 2023.
* 5 Hubert de Milly, Les déterminants institutionnels de l'impact de l'aide publique au développement sur l'économie rurale des pays "à régime d'aide" : l'APD, pièce d'un équilibre de faible niveau ou incitation au développement ? thèse de doctorat, 2002, Institut national agronomique Paris-Grignon.
* 6 OCDE, Réductions de l'aide publique au développement : projections de l'OCDE pour 2025 et à court terme, Note de synthèse, juillet 2025.
* 7 Le secrétaire d'État Marco Rubio a pris les fonctions d'administrateur de l'agence tandis que tous les programmes d'aide ont désormais vocation à être directement gérés par le Département d'État.
* 8 Matthieu Boussichas, Bruno Cabrillac, Clara Pugnet, « Comment la fermeture de l'USAID va affecter l'allocation de l'aide publique au développement mondiale », Fondation pour les études et recherches sur le développement international, Note brève n° 284, juin 2025.
* 9 OCDE, Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement, Évaluation par les pairs, France, 2024.
* 10 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2023.
* 11 Plus précisément, trois réunions du 31 juillet 2013, du 30 novembre 2016 et du 8 février 2018.
* 12 Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Éthiopie, Gambie, Guinée, Haïti, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Sénégal, Tchad, Togo.
* 13 L'objectif d'orientation de l'aide vers les dix-neuf pays prioritaires n'était en tout état de cause pas respecté. En 2020, aucun de ces pays ne percevait une aide bilatérale de la France supérieure à celle octroyée au dixième pays bénéficiaire en termes de volume d'aide bilatérale, à savoir la Turquie.
* 14 Actuellement, 44 États sont considérés comme des PMA par le Comité des politiques de développement (CPD), un organe subsidiaire du Conseil économique et social des Nations unies : Afghanistan, Angola, Bangladesh, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cambodge, Tchad, Comores, Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Haïti, Îles Salomons, Kiribati, Lesotho, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Myanmar, Népal, Niger, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan du Sud, Soudan, Timor oriental, Togo, Tuvalu, Ouganda, République centrafricaine, République démocratique du Congo, République démocratique populaire Lao, République unie de Tanzanie, Yémen, Zambie.
Depuis 1971, seuls huit États sont sortis de la liste des PMA : le Botswana en 1994, le Cap-Vert en 2007, les Maldives en 2011, Samoa en 2014, la Guinée équatoriale en 2017, Vanuatu en 2020, le Bhoutan en 2023 et Sao Tomé-et-Principe en 2024.
* 15 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 16 Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des comptes publics, 16 juillet 2025.
* 17 De l'ordre de 21,1 % entre 2017 et 2026 selon les données de l'Insee.
* 18 Sans compter que les dépenses de personnel concourant au programme 209 ont été transférées en 2025 sur le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État », dans un souci de centralisation des dépenses de titre 2 relevant du ministère de l'Europe et des affaires étrangères sur un même programme support.
* 19 Michael A. Clemens et Todd J. Moss, « Le mythe des 0,7 % : origines et pertinence de la cible fixée pour l'aide internationale au développement », De Boeck Supérieur - « Afrique contemporaine », 2006/3 n° 2019, p. 173 à 201.
* 20 Conseil d'État, « L'État et les monopoles régaliens : défense, diplomatie, justice, police, fiscalité », cycle de conférence du Conseil d'État 2013-2015.
* 21 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 22 OCDE, Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement, Évaluation par les pairs, France, 2024.
* 23 Rapport d'information n° 67 (2025-2026) de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, au nom de la commission des finances, sur la prise en compte des questions migratoires dans la politique de développement, déposé le 23 octobre 2025.
* 24 Cour des comptes, Le financement des actions multilatérales de la France, Communication à la commission des finances du Sénat, juillet 2023.
* 25 Rapport d'information n° 392 (2021-2022) de MM. Vincent Delahaye et Rémi Féraud au nom de la commission des finances sur les contributions de la France au financement des organisations internationales, déposé le 26 janvier 2022 et rapport d'information n° 779 (2023-2024) de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, au nom de la commission des finances pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur le financement des actions multilatérales de la France - exercices 2017 à 2023.
* 26 Article 3 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
* 27 La plateforme a été mise en ligne en 2022 : https://data.aide-developpement.gouv.fr.
* 28 Article 12 de la loi n°2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.
* 29 https://devtracker.fcdo.gov.uk/.
* 30 Loi n° 2024-309 du 5 avril 2024 relative à la mise en place et au fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement instituée par la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021.
* 31 Avis n° 529 fait par Jean-Claude Requier au nom de la commission des finances sur le projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, déposé le 13 avril 2021.
* 32 Article 1er du décret n° 2025-117 du 8 février 2025 relatif aux modalités de fonctionnement de la commission d'évaluation de l'aide publique au développement.
* 33 À noter que l'AFD, à l'instar d'Expertise France et de tous les organismes intervenant sur la mission, n'est pas considérée comme un opérateur au sens de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf). Le « jaune » opérateur, annexé au projet de loi de finances de l'année, ne mentionne pas cet organisme.
* 34 Conformément à l'article R. 515-6 du code monétaire et financier.
* 35 Traduction : établissement de crédit pour la reconstruction.
* 36 Traduction : agence de coopération internationale allemande pour le développement.
* 37 Sur le total des 1,2 milliard d'euros de dons au Fonds Vert pour sa deuxième reconstitution, le programme 110 ne porte que 616,5 millions d'euros, le reste étant inscrit sur le programme 384.
* 38 Inspection générale des finances, Revue de dépenses : les aides aux entreprises, mars 2024.
* 39 Agence française de développement, L'essentiel du groupe AFD - Bilan et perspectives 2024-2025, mai 2025.
* 40 OCDE, Examens de l'OCDE sur la coopération pour le développement, Évaluation par les pairs, France, 2024.
* 41 Pour Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.
* 42 Centre de crise et de soutien, Stratégie budgétaire de la République française 2023-2027.
* 43 En réalité, une nouvelle enveloppe « crédits aide budgétaire post-conflit et sortie de crise » est créée au sein de l'action 02 « Coopération bilatérale », pour un montant de 8 millions d'euros.
* 44 Voir notamment le rapport d'information n° 725 (2023-2024) de MM. Michel Canévet et Raphaël Daubet, au nom de la commission des finances, sur l'aide alimentaire dans le cadre de l'aide publique au développement déposé le 10 juillet 2024.
* 45 Outre le « soutien aux réfugiés et déplacés », l'« appui à la sécurité alimentaire » et la « défense du droit international humanitaire », l'aide humanitaire multilatérale a désormais également pour objectifs la « réponse aux besoins humanitaires des enfants » et la « réponse aux urgences de manière transversale ».
* 46 Règlement (UE) 20219/876 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019 modifiant le règlement (UE) no 575/2013 en ce qui concerne le ratio de levier, le ratio de financement stable net, les exigences en matière de fonds propres et d'engagements éligibles, le risque de crédit de contrepartie, le risque de marché, les expositions sur contreparties centrales, les expositions sur organismes de placement collectif, les grands risques et les exigences de déclaration et de publication, et le règlement (UE) no 648/2012.
* 47 Cour des comptes, Analyse de l'exécution budgétaire 2024, Mission Aide publique au développement, avril 2025.
* 48 Programme annuel de performances, Mission « Aide publique au développement », Annexe au projet de loi de finances pour 2026.
* 49 Aucun déboursement n'a eu lieu depuis 2012 sur ce compte et aucun n'est à prévoir à l'avenir.
















