B. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES MOYENS ALLOUÉS À L'ANCT AVEC UN POINT D'ATTENTION SUR SON SCHÉMA D'EMPLOIS
1. Jusqu'en 2024, des exercices antérieurs marqués par la montée en puissance du soutien à l'ingénierie à travers des moyens supplémentaires pour l'ANCT
L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a été créée par la loi du 22 juillet 20197(*). Elle a repris une partie des missions du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) ainsi que les missions de l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux (Epareca) et de l'Agence du numérique.
L'ANCT déploie les grands programmes nationaux d'intervention, d'aménagement numérique et mobile, de revitalisation des centres-villes ou encore d'accès aux services, afin de soutenir les projets portés par les collectivités. Elle intervient également en appui spécifique aux territoires à travers la mobilisation d'une ingénierie dédiée.
Lors de sa mise en place au 1er janvier 2020, l'agence disposait d'un soutien à hauteur de 54 millions d'euros, en AE comme en CP, au titre de sa subvention pour charges de service public (SCSP), portée par le programme 112. Ce montant a été porté à 61 millions d'euros en 2021 pour permettre notamment le doublement du montant de l'ingénierie destinée à appuyer des projets sur mesure portés par les territoires, passant de 10 à 20 millions d'euros. La SCSP a ensuite été stable en 2022 et en 2023 à 63,2 millions d'euros en AE et en CP. Jusqu'alors, cette évolution, compte tenu de la réappropriation de certains moyens portés dans le plan de relance, traduisait finalement une baisse relative des moyens de l'ANCT que le rapporteur spécial avait eu l'occasion d'expliciter par le passé8(*).
Le PLF pour 2024 a conféré une hausse substantielle de la SCSP d'environ 20 millions d'euros pour atteindre 81,461 millions d'euros : il s'agissait de doubler (de 20 à 40 millions d'euros) les crédits consacrés à l'aide à l'ingénierie des collectivités territoriales.
Cette montée en puissance des crédits d'ingénierie de l'ANCT s'est traduite par des possibilités supplémentaires donnés aux préfets d'activer d'avantage, via des marchés publics, le recours à des interlocuteurs qui peuvent conseiller les collectivités, en particulier les plus petites, sur le cheminement à suivre pour tel ou tel besoin en ingénierie et les orienter vers le dispositif le plus à même d'y répondre. À travers ce dispositif, c'est un maillage plus fin de l'action combinée de l'ANCT et des préfectures, auxquelles le rapporteur spécial souscrit pleinement, qui permet de mieux conseiller les collectivités rurales sur des projets qui leur semblent parfois trop lourds à porter, bien que nécessaires et finançables dès lors qu'une aide adéquate leur est apportée. L'année 2024 s'est donc traduite par une montée en puissance des crédits que l'ANCT a consacré à l'ingénierie territoriale, ainsi que par une diversification des formes que ce soutien à l'ingénierie a pu prendre : une enveloppe de 15 millions d'euros a été allouée à l'ensemble des préfets, au ler mars 2024 pour accompagner des mesures d'ingénierie à destination des collectivités territoriales (les « enveloppes déconcentrées »).
Toutefois, la montée en puissance opérée au cours de l'année 2024 n'a pas été conduite au terme de ce qui avait été envisagé initialement puisque l'agence a été impactée en cours d'exercice par diverses mesures budgétaires infra-annuelles, ce qui s'est traduit par l'adoption d'un budget rectificatif9(*). Néanmoins, celles-ci n'ont pas porté atteinte, en 2024, au soutien à l'ingénierie. Elles ont pu être absorbées en particulier par la rationalisation des moyens dédiés aux fonctions support et par une attention toute particulière pour contenir les dépenses de personnel.
La loi de finances pour 2025 a marqué un coup d'arrêt à cette politique puisque l'agence a perdu 20 millions d'euros soit peu ou prou les moyens supplémentaires qui avaient été alloués un an plus tôt : une partie de cette diminution avait pu être « absorbée » par une nouvelle contraction des dépenses de personnel et par une moindre participation aux activités de coopération territoriale européenne de l'ANCT10(*), mais au final ce sont environ 10 millions d'euros en moins sur les crédits destinés à l'ingénierie que l'ANCT avait perdu en 2025. Pour 2026, l'agence subit une nouvelle diminution de ses moyens, dans des proportions toutefois moindres que l'an dernier.
2. Une très légère diminution en 2026 de la subvention pour charges de service public allouée à l'ANCT
Le projet de loi de finances pour 2025 avait conduit à une diminution tant de la subvention pour charges de service public (SCSP), ramenée à 64,6 millions d'euros en 2025 contre 81,261 millions d'euros en 2024, que de la subvention pour charges d'investissement (SCI) limitée à 3 millions d'euros en 2025 contre 3,8 millions d'euros en 2024. Ces baisses avaient annihilé intégralement l'effort qui avait été consenti en 2024 au titre de la montée en puissance de l'agence dans son rôle de soutien à l'ingénierie territoriale.
Pour 2026, la SCI est reconduite à 3 millions d'euros mais la SCSP est encore réduite de plus d'un million d'euros (63,65 millions d'euros contre 64,6 millions d'euros un an plus tôt).
Le rapporteur spécial attire donc l'attention sur l'impact que pourrait avoir cette nouvelle diminution des moyens de l'ANCT en 2026. Il considère que l'absence totale de marge de manoeuvre de l'agence est inquiétante. Il a d'ailleurs attiré l'attention de la DGCL, qui assure la tutelle de l'ANCT, sur cette situation peu confortable. En particulier, la nouvelle contraction du plafond d'emplois de l'ANCT pour 2026 lui semble intenable.
3. Une nouvelle limitation des moyens en personnel en 2026 qui n'est pas réaliste
La montée en charge des missions s'est traduite par le recrutement d'agents, au niveau central comme au niveau territorial, qui s'est poursuivie jusqu'en 2024 avec le recrutement de plusieurs contractuels de catégorie A. L'ANCT s'est ainsi rapprochée de son plafond d'emploi.
Plafond d'emplois en ETPT de l'ANCT jusqu'en 2026 et exécution de 2021 à 2024
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2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
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Plafond d'emplois en ETPT |
327 |
345 |
367 |
371 |
350 |
320 |
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ETPT effectivement exécutés |
324,65 |
310,88 |
335,64 |
369,18 |
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Source : Commission des finances du Sénat à partir des données fournies par l'ANCT
Toutefois, compte tenu de la diminution des moyens budgétaires alloués depuis 2025 et de l'abaissement du plafond d'emploi de l'opérateur passé de 371 en 2024 à 350 en 2025 et qu'il est prévu, en l'état actuel du PLF pour 2026, de porter à 320, une diminution du nombre de personnes physiques travaillant pour l'agence a d'ores et déjà été anticipée. L'ANCT est arrivée, en 2025, au bout de cet effort de rationalisation comme le soulignent plusieurs bilans, effectués en particulier par le Sénat sur son activité, ses moyens et le niveau de satisfaction qu'elle apporte aux collectivités territoriales.
La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a ainsi lancé une évaluation de l'ANCT trois ans après sa création, intitulée « ANCT : quel bilan pour les élus locaux ? », qui a abouti, à 14 recommandations regroupées autour de trois idées forces auxquelles le rapporteur spécial s'associe : rapprocher l'agence des élus locaux, oeuvrer pour permettre aux collectivités d'avoir accès à de l'ingénierie et davantage consolider l'existant. La délégation aux collectivités territoriales du Sénat a d'ailleurs effectué, 18 mois après ce rapport, un travail de suivi de l'avancement de ces recommandations11(*).
De même, la question de l'adéquation des moyens de l'ANCT aux missions conférées a fait l'objet, à la demande de la commission des finances, d'une enquête de la Cour des comptes sur le fondement de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances qui a donné à lieu à l'établissement de huit recommandations. Une audition pour suites à donner a été organisée le 14 février 2024 à la suite de laquelle un rapport d'information a été publié12(*).
Un nouveau rapport d'information de juillet 2025 consacré au FNADT13(*) a également souligné l'impossible conciliation entre la montée en puissance des missions conférées à l'agence et la diminution progressive des moyens ces deux dernières années à laquelle il faut désormais mettre un terme.
Au-delà de ses moyens généraux, l'action de l'ANCT se traduit à travers une multitude de ramifications qui peuvent avoir trait à la politique de la ville, au numérique et aux territoires ruraux. Dans ce cadre, peuvent intervenir des programmes nationaux d'appui, des dispositifs de contractualisation et enfin une offre d'ingénierie « sur mesure » aux collectivités territoriales dont les besoins ne recouvrent pas exactement les programmes.
Dans ce dernier cas, postérieurement à la création de l'ANCT, ont été annoncées diverses mesures de soutien aux territoires, à travers le renforcement des programmes pour un meilleur appui à l'ingénierie territoriale, qui s'est traduit par la mise en place de l'agenda rural auquel a succédé « France Ruralités ».
De l'Agenda rural à France Ruralités
À la demande de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, une mission composée d'élus locaux et de parlementaires a remis en juillet 2019 un rapport comportant 200 mesures destinées à favoriser le développement des territoires ruraux et à améliorer la vie quotidienne de leurs habitants, dans les domaines de l'éducation, de l'accès aux services, de la santé, du numérique, des transports, etc. Parmi celles-ci, 181 propositions ont été sélectionnées et sont mises en oeuvre par l'ensemble des ministères sous le pilotage de l'ANCT.
Ces mesures sont d'ampleur très variable, et concernent différents champs (scolaire au travers des cordées de la réussite, accès aux services administratifs avec les maisons France services, programmes localisés, etc.). Certaines mesures préexistaient d'ailleurs à l'Agenda rural mais y ont été intégrées. Une mission d'évaluation de l'Agenda rural a donc été lancée et a abouti à l'annonce le 6 juillet 2022, par la Première ministre, lors de son discours de politique générale, de la mise en oeuvre d'une nouvelle étape en faveur de la ruralité.
Le 13 octobre 2022, lors de son audition devant la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale portant sur l'action du Gouvernement en faveur des zones rurales, la Secrétaire d'État chargée de la ruralité a annoncé la création de six groupes de travail dans le cadre de la préparation d'une nouvelle feuille de route à destination des territoires ruraux. Des ateliers se sont réunis en complément des réunions thématiques lancées au sein du Conseil national de la refondation (CNR). Ces groupes de travail ont formulé 300 propositions qui ont été remises au Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, à la fin du mois de janvier 2023.
Le 15 juin 2023, la Première ministre a présenté une nouvelle feuille de route que le Gouvernement a souhaité engager au profit des territoires ruraux, dénommée France Ruralités à travers quatre axes : Villages d'Avenir, la dotation aménités rurales, 50 mesures en faveur de la ruralité et une réforme des zonages qui s'est traduite par la création des zones « France ruralités revitalisation » (FRR) le 1er juillet 2024.
Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
4. L'ANCT : le levier de plusieurs programmes nationaux territorialisés
L'ANCT assure la coordination d'autres programmes nationaux territorialisés qui contribuent à la cohésion territoriale. D'ampleur inégale, certains de ces programmes sont aujourd'hui particulièrement identifiés dans les territoires. Plusieurs d'entre eux ne sont que partiellement financés sur le programme 112 mais le rapporteur spécial souhaite en souligner le caractère stratégique. Ainsi, certains développements ci-après peuvent porter sur des dispositifs qui n'apparaissent pas dans l'architecture budgétaire de la mission.
a) Le programme « Action Coeur de ville »
Lancé en décembre 2017 à la suite d'une expérimentation14(*), « Action Coeur de Ville » (ACV) est un programme national destiné à renforcer et développer l'attractivité des villes « moyennes », en faisant le choix d'investir prioritairement dans la revitalisation des centres-villes. Initialement destiné à mobiliser 5 milliards d'euros, le dispositif a été prorogé et a mobilisé depuis sa création environ 11 milliards d'euros, dont une petite partie provient du programme 112.
Budgétairement, le programme repose sur trois principaux contributeurs nationaux, à savoir le groupe Caisse des dépôts et consignations à travers la Banque des territoires, Action logement, l'Agence nationale de l'habitat et, dans une moindre mesure, l'État, notamment à travers le programme 112.
Prorogé, pour l'instant jusqu'en 2026, dans le cadre d'un nouveau volet du plan (qualifié d'action coeur de ville 2 ou ACV2), le programme a donné lieu à la signature de 182 avenants. Ce deuxième volet intègre désormais un dispositif dédié aux entrées de ville15(*) et porte une attention accrue à l'embellissement des quartiers situés autour des gares ferroviaires.
Les 4 priorités de l'acte 2 du programme Action coeur de ville (ACV)
- Accompagner les villes dans leur transition écologique ;
- Conforter le socle de services, le vivier d'emplois et le rôle de centralité des villes moyennes pour l'ensemble de leur territoire ;
- Revitaliser les villes moyennes dans un cadre de vie accueillant et inclusif
- Accélérer le déploiement des actions, en apportant aux villes l'accompagnement nécessaire à la mise en oeuvre de projets transversaux plus complexes et des financements adaptés.
Source : Réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Le programme accompagne 232 territoires qui représentent 244 communes réparties sur une large part du territoire comme l'illustre la carte ci-après.
Répartition sur le territoire des 244
communes bénéficiaires
du programme « action coeur
de ville » (ACV)
Source : réponse de l'ANCT au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Le rapporteur spécial tire un bilan largement positif d'Action coeur de ville si l'on croit plusieurs indicateurs :
- depuis 2020, la vacance commerciale a diminué dans les communes ACV, malgré une hausse observée en 2023 (dynamique également constatée au niveau national cette dernière année)16(*) ;
- depuis 2018, le taux de vacance structurelle (deux ans ou plus) a diminué plus fortement dans les villes ACV que dans le reste de la France bien qu'il y demeure plus élevé17(*) ;
- 81 % des habitants des villes ACV jugent le programme très utile ou plutôt utile18(*).
b) Le programme « Petites villes de demain »
Dans le prolongement du programme « Action coeur de ville », le programme « Petites villes de demain » (PVD), lancé le 1er octobre 2020, constitue une des mesures reprises dans le plan France Ruralités.
Sur la période 2021-2026, 3 milliards d'euros sont prévus pour le programme, au travers de crédits de droit commun et de crédits du plan France « relance », dont 95 % environ ont déjà été engagés en incluant 1,2 milliard d'euros au titre des subventions à l'investissement pour des projets (subventions des directions régionales de l'action culturelle, dotations d'équipement des territoires ruraux /dotation de soutien à l'investissement local 2021-2022, Fonds vert, etc.), 1,5 milliard d'euros au titre de l'Anah, environ 155 millions au titre du « fonds friche » ainsi que 190 millions d'euros issus de prêts accordés par la Banque des territoires.
1 646 communes de moins de 20 000 habitants ainsi que leurs intercommunalités sont ainsi accompagnées, principalement des communes de plus petite taille que pour le programme ACV mais ayant un rôle de centralité, réparties sur l'ensemble du territoire. En effet, 52 % des communes bénéficiaires comptent moins de 3 500 habitants et 75 % des communes sont rurales19(*).
Les deux programmes ACV et PVD s'appuient sur l'opération de revitalisation du territoire (ORT). L'ORT constitue, pour schématiser, leur outil juridique central. Créée par la loi n° 2018-1021portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique du 23 novembre 2018, dite loi Elan, l'ORT se matérialise par une convention permettant aux collectivités locales de mettre en oeuvre un projet de territoire dans les domaines urbain, économique et social, pour lutter prioritairement contre la dévitalisation des centres-villes. Les habitants des communes PVD représentent environ 11 % de la population nationale. 90 % des communes PVD ont terminé la rédaction de leurs plans d'actions, dont une partie fait office de convention ORT et ont engagé la phase opérationnelle de mise en oeuvre des actions.
c) Villages d'avenir
Le programme Villages d'avenir, vise à aider des communes rurales à réaliser leurs projets de développement à travers un accompagnement en ingénierie. Il vient compléter l'offre d'ingénierie déjà déployée par l'ANCT en zone rurale par exemple à travers les « petites villes de demain » ou le « volontariat territorial en administration ».
Il s'agit avant tout d'accompagner les communes dans la conception et la réalisation de leurs projets, en veillant à fluidifier les rapports, dans les politiqués menées, avec l'établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient. Cet accompagnement se traduit par une diffusion des dispositifs et outils déjà mis en oeuvre par l'État et ses opérateurs, par les collectivités territoriales et par les acteurs privés présents sur le territoire. L'ANCT veille, dans la mise en oeuvre de ces projets, à la prise en compte par les communes concernées des objectifs de transition écologique.
Le programme est décliné en lien avec les moyens d'ingénierie locaux existants au sein des services de l'État et des collectivités ou de leurs groupements. Sans que cette liste soit exhaustive, plusieurs thèmes ont été identifiés comme prioritaires à ce stade : construction, réhabilitation et rénovation de logements, valorisation et réhabilitation du patrimoine culturel, organisation de l'offre de soins et d'initiatives « d'aller-vers »20(*) dans le domaine médical, etc.
Une fois entrées dans le programme, les communes bénéficiaires doivent arrêter une feuille de route pour la durée de leur accompagnement. Cette feuille de route permet d'identifier les projets prioritaires que la collectivité souhaite conduire pour son développement à 5 ans.
Là aussi, les communes éligibles au programme sont des communes rurales, au sens de l'Insee, ou des « petites centralités » qui ne seraient pas déjà couvertes par d'autres dispositifs d'appui de l'ANCT. Ce sont donc bien des territoires ruraux, éprouvant des difficultés à mobiliser des capacités d'ingénierie, qui constituent la cible du dispositif « Villages d'avenir ».
2 965 communes de moins de 3 500 habitants ont ainsi été sélectionnées depuis le lancement de labellisation le 1er janvier 2024.
Ce soutien à la ruralité à travers « villages d'avenir » se traduit depuis le 1er janvier 2024 par l'existence de 100 postes de chef de projet21(*), mutualisés à l'échelle départementale et placés sous l'autorité des préfets de département. Selon l'organisation retenue par ce dernier, ils peuvent être positionnés au sein des préfectures ou des directions départementales interministérielles (DDI). Ces 100 postes de chefs de projets sont répartis dans 94 départements, les cinq départements22(*) comptant 95 % de communes rurales et 60 % de population rurale bénéficiant de deux chefs de projets tandis que les quatre départements23(*) les plus fortement urbanisés du bassin parisien et certains DROM24(*) ne bénéficient pas de chefs de projets. Cette répartition territoriale a fait l'objet d'une instruction ministérielle25(*).
Le plafond de rémunération de chaque chef de projet a été porté à 80 000 euros, charges comprises, pour un total qui s'élevait à 8 millions d'euros pour 2024 et qui sera porté, le rapporteur tient à le souligner dans ce contexte de diminution drastique des crédits du programme 112 pour 2025, à 8,1 millions d'euros dans le PLF pour 2025. Cette augmentation, d'exactement 107 239 euros, découle du relèvement du taux de cotisation au compte d'affectation spéciale afférent. À ce stade, le rapporteur spécial relève par ailleurs qu'aucun indicateur de performance n'a été mis en place, compte tenu du caractère récent du dispositif, mais il ne manquera pas pour autant de solliciter rapidement son évaluation
d) Fabrique de territoires et manufactures de proximité : deux dispositifs portés par le programme « nouveaux lieux nouveaux liens » dont les crédits disparaitraient dans la version actuelle du PLF pour 2026
Le programme « nouveaux lieux - nouveaux liens » comporte deux dispositifs de soutiens aux tiers lieux : « Fabrique de territoires » et « Manufactures de proximité ».
Les tiers-lieux sont des espaces physiques dédiés au « faire ensemble » : il peut s'agit d'espaces de coworking, de micro-folies26(*), de campus connecté, d'atelier partagé, de fablab27(*), de garage solidaire28(*), de social place, de makerspace29(*) ou encore de friche culturelle qui contribuent à la vitalité des territoires. Ces lieux des transformations du travail, de la transition écologique ou encore de l'apprentissage, offrent un accès flexible et convivial à des usagers qui y trouvent aussi un accès au numérique.
Pour accompagner et accélérer la dynamique de développement des tiers-lieux dans les territoires, en garantissant leur diversité et consolidant les projets existants, l'État a lancé, en 2019, un appel à manifestation d'intérêt (AMI) des « fabriques de territoire », existantes ou en projet. 300 fabriques ont ainsi été initialement identifiées - 150 implantées en quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et 150 dans les territoires ruraux - avant de nouvelles vagues de labellisation supplémentaires qui ont porté à 407 le nombre de tiers-lieux financés au 1er janvier 2025.
Concrètement, le programme vise à soutenir les tiers-lieux dédiés à la production. Il s'agit de petites unités de production locale qui animent et apportent des services à une communauté professionnelle, en capacité de recréer de l'activité localement tout en préservant les savoir-faire dans les territoires. Ainsi, le dispositif se décline en quatre grands objectifs : des créations d'activités pour redynamiser les territoires, le développement d'espaces de travail partagés, le déploiement de la formation et la transmission des savoir-faire ou encore la relocalisation de la production, notamment via un soutien aux artisans.
Les critères de sélection ont garanti une diversité des projets finalement retenus : agriculture partagée, médiation numérique, aide aux démarches administratives, fabrication - création et réparation, formation et enseignement, accès à la culture, etc. Il y a environ 6 candidatures pour un tiers-lieu labellisé, ce qui montre la sélectivité et l'attractivité du mécanisme. Les zones rurales ont été particulièrement ciblées, puisqu'une Fabrique sur trois est située dans des zones peu denses ou très peu denses au sens de la grille communale de densité de l'Insee, et une sur quatre dans des communes de moins de 2 000 habitants. Une attention particulière a été portée, lors de cette deuxième vague de labellisation, aux départements ruraux ne comptant aucun ou quasiment aucun tiers-lieu (Ariège, Haute-Corse, Haute-Saône, Haute-Savoie, Cher, Corrèze, Indre-et-Loire, Pyrénées-Orientales, Vosges et Mayotte). Environ la moitié des tiers-lieux soutenus se trouvaient en QPV et 29 % en zones « France ruralités revitalisation » le 1er juillet dernier (cf. infra).
Chaque fabrique est financée par l'État pour trois ans, le temps pour ces structures de conforter leur équilibre économique. En 2024, le programme a continué de se concentrer sur ces priorités, avec un budget de 8,8 millions d'euros, visant à couvrir les arrondissements encore non desservis et à soutenir les fabriques existantes. Seule une partie des crédits de fabrique des territoires relève du programme 112.
En parallèle, depuis 2021, 100 manufactures de proximité ont été labellisées et soutenues (directement par un soutien en dépenses de fonctionnement, d'investissement et indirectement via une aide à l'ingénierie) à hauteur de 250 000 euros annuels par manufacture, en moyenne pour 3 ans. En 2024, une enveloppe de 800 000 euros est venue renforcer ce soutien, en gratifiant 16 des 100 Manufactures d'un appui complémentaire de 50 000 euros pour leurs actions en matière de structuration des filières. Ces manufactures de proximité, tiers-lieux emblématiques pour la relocalisation de la production dans les territoires, sont réparties dans 16 régions et 68 départements. Sur les 100 manufactures labellisées, 48 sont situées en zones rurales, 39 en petites et moyennes villes, 18 en territoires prioritaires30(*). Les principales filières représentées sont les métiers d'art (20 %), le réemploi (20 %) et le textile (10 %).
Implantation géographique des 100 lauréats « manufactures de proximité »
Source : l'ANCT
Le projet de loi de finances déposé pour 2026 supprime totalement les crédits du programme « nouveaux lieux-nouveaux liens », même si 700 000 euros destinés à l'animation au niveau national du réseau des 3 500 tiers-lieux qui existent au total en France sont maintenus. Le rapporteur spécial estime que la suppression de la totalité des 10,5 millions d'euros qui avaient été adoptés en 2025, d'ailleurs sur une initiative sénatoriale, n'est pas entendable. Il plaide pour le rétablissement de ces crédits dans le cadre de l'examen du texte par le Parlement.
e) Le programme « territoires d'industrie » : une diminution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement pour 2026
Lancé fin 2018 par le Premier Ministre, pour une durée initiale de 3 ans, et s'inscrivant dans une stratégie de tentative de reconquête industrielle du territoire, le programme « territoires d'industrie » (TI) a fait l'objet, en mai 2023, d'une annonce, par le Président de la République d'un renouvellement jusqu'en 2027.
Ce programme cherche à soutenir l'activité industrielle sur certains territoires, la formation et la mobilité des salariés, l'attractivité des métiers industriels et, dans la mesure du possible, la transition écologique des friches industrielles, ces sujets étant impactés par le débat, toujours en cours31(*), sur le zéro artificialisation nette (ZAN).
Compte tenu de l'ensemble des éléments, 183 sites labellisés TI, portant 2 600 actions, font l'objet d'un accompagnement prioritaire de l'État, en lien avec Business France, la Banque des Territoires et les collectivités territoriales concernées. Concrètement, des moyens sont mobilisés en ingénierie et en investissements par l'État et les opérateurs impliqués afin d'accompagner la reconversion de friches industrielles (en lien avec le Fonds Friches), de favoriser l'acquisition de foncier et d'immobilier d'entreprise et, à terme, de sécuriser des chaînes d'approvisionnement. Les crédits alloués par l'Etat transitent par cinq programmes depuis le lancement du dispositif.
Action conduite par chacun des programmes
finançant le dispositif
Territoires d'industrie depuis son
lancement en 2019
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Programme |
Action |
|
112 |
Financement des chefs de projets |
|
112 |
Ingénierie sur-mesure ANCT et partenariats |
|
134 |
VTE et accélérateurs |
|
363 |
Fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires - France Relance |
|
424 |
AMI Rebond industriel - France 2030 |
Source : ANCT
Ces 183 sites rassemblent 630 intercommunalités dans les 18 régions françaises, dans le cadre d'un dispositif qualifié de « rebond industriel », pour lequel le programme 112 cofinance ainsi une cinquantaine de chefs de projets, ainsi que des mesures d'ingénierie à travers l'ANCT32(*).
Le rapporteur spécial constate avec inquiétude la diminution des crédits fléchés vers les territoires d'industrie via le programme 112 (3 millions d'euros en AE comme en CP, contre 4 millions d'euros en AE et 5,5 millions d'euros en CP en 2025). Toutefois, il ne dispose pas à ce stade du détail de l'ensemble des crédits qui seront destinés au dispositif en 2026 et rappelle que le label TI n'est que partiellement financé sur ce programme. Il souhaite donc clarifier le volume total des crédits dont disposera Territoires d'industrie pour s'assurer qu'un réabondement n'est pas nécessaire.
f) La reconduction des crédits pour financer le volontariat territorial en administration
Dans le cadre de l'Agenda rural, le Gouvernement a annoncé la mise en place, en 2021, du volontariat territorial en administration (VTA), dispositif permettant par des contrats de mission pour de jeunes diplômés de niveau bac + 2 minimum pour une durée de 12 à 18 mois au service du développement des projets de territoires ruraux (au-delà de 12 mois, le dispositif doit être financé par la collectivité). Le rapporteur spécial se réjouit de l'existence du dispositif tout en regrettant, comme les années précédentes, que le VTA ne puisse donner lieu à plus de 12 mois de financement, les plus petites collectivités n'ayant pas les moyens de compléter le financement des six mois supplémentaires.
Ce dispositif se poursuit dans le cadre de France Ruralités. L'enveloppe ouverte en 2025, de 5 millions d'euros, est reconduite pour 2026 en AE comme en CP.
* 7 Loi n° 2019-753 du 22 juillet 2019 portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.
* 8 Cf. Rapport général n° 115 (2022-2023), tome III, annexe 6, volume 2, de M. Bernard Delcros, déposé le 17 novembre 2022 sur le projet de loi de finances pour 2023 : Cohésion des territoires - Aménagement des territoires.
* 9 Le conseil d'administration de l'Agence a adopté ce budget rectificatif lors de sa séance du 20 juin 2024 et a arrêté le budget de l'ANCT à 205,83 millions d'euros en AE et 197,30 millions d'euros.
* 10 Il s'agit en particulier de la participation de l'ANCT aux 22 programmes « Interreg 2021-2027 » qui sera sensiblement réduite en 2025.
* 11 Les conclusions de ce rapport d'information du 7 novembre 2024 peuvent être consultées en ligne.
* 12 Rapport d'information n° 337 (2023-2024) précité de M. Bernard Delcros, déposé le 14 février 2024, au nom de la commission des finances du Sénat, pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, intitulée « l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), un outil à consolider - exécution 2020 2022 ».
* 13 Rapport d'information n° 803 (2024-2025), présenté par M. Bernard Delcros, déposé le 1er juillet 2025 au nom de la Commission des finances du Sénat, intitulé « Sauver Le FNADT : l'aménagement du territoire à la croisée des chemins ».
* 14 Le Gouvernement a souhaité, à partir de 2014, conforter la présence de centres-bourgs plus dynamiques dans les zones rurales ou périurbaines, considérant que la perte d'attractivité de nombreuses petites communes et villes moyennes est un phénomène qui touche tout autant la qualité de vie et la cohésion sociale que le développement économique local. 23 % de la population française vit dans des villes moyennes, et 26 % de l'emploi total, en France, y est concentré. Dans ce contexte, le Commissariat général à l'égalité des territoires - CGET (intégré depuis à l'Agence nationale de la cohésion des territoires - ANCT) a piloté, en partenariat avec la Direction de l'habitat, l'urbanisme et des paysages (DHUP) et l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH), une expérimentation visant à donner aux collectivités territoriales des outils pour agir sur la revitalisation des centres-bourgs.
* 15 Afin d'inciter à l'embellissement de certains aménagements, l'association Paysage de France « distingue » chaque année depuis 2020 quatre endroits de France qu'elle considère comme « moches » : la médiatisation de cette démarche et le débat public qui en a résulté a grandement contribué à l'intégration du dispositif « entrées de ville » dans le deuxième volet d'ACV.
* 16 Le taux de vacance commerciale s'établissait à 12,10 % dans les villes ACV en 2023 selon les données du Codata.
* 17 Ce taux de vacance structurelle des communes ACV s'établit à 4,6 % en 2022 selon les données Lovac.
* 18 D'après le baromètre du centre-ville et des commerces.
* 19 Au sens de la grille communale de densité de l'Institut national de la statistique et des études économiques.
* 20 C'est-à-dire de transporter le corps médical vers le patient.
* 21 À ces 100 postes financés sur le programme 112 s'ajoutent 20 postes financés par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA).
* 22 Il s'agit des Hautes-Alpes, du Cantal, de Loir-et-Cher, de la Haute-Marne et des Vosges.
* 23 I s'agit de Paris, des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
* 24 La Réunion et Mayotte.
* 25 Instruction interministérielle IOML2320999 relative à la mise en oeuvre du programme « Villages d'Avenir ».
* 26 Une micro-folie est une plateforme culturelle qui intègre un musée numérique au coeur d'un équipement déjà existant.
* 27 Un fablab est un lieu ouvert à des personnes pour les aider à formaliser un projet au stade de prototype.
* 28 Il s'agit d'un garage participatif - ou garage associatif- qui permet de réparer soi-même, ou de faire réparer, son véhicule à moindre coût.
* 29 Il s'agit d'un atelier de fabrication numérique.
* 30 Le total est supérieur à 100 car certaines manufactures peuvent être en quartier prioritaire de la ville et dans une ville moyenne simultanément.
* 31 Une proposition de loi n° 124 (2024-2025) visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux a d'ailleurs été déposée au sénat par MM. Guislain Cambier et Jean-Baptiste Blanc, le 7 novembre 2024.
* 32 Toutefois, l'essentiel des crédits provient du plan France 2030 ainsi que du fonds d'accélération des investissements industriels dans les territoires qui ne relèvent pas du présent programme.

