B. DES CRÉDITS POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE QUI S'ÉLÈVENT À PRÈS DE 380 MILLIONS D'EUROS

1. Une diminution de 43 millions d'euros des moyens consacrés au Pass culture consécutive à sa réforme début 2025

Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 127,5 millions d'euros de crédits (AE = CP) pour le financement du volet individuel du Pass culture. Le montant prévu en PLF pour 2025 était initialement de 210,5 millions d'euros, mais la commission mixte paritaire avait adopté une réduction des crédits du Pass culture. L'économie supplémentaire prévue en 2026 s'élève donc à 43 millions d'euros.

Le Pass Culture représente 25 % des crédits du programme 361. La société par actions simplifiées (SAS) Pass Culture est également le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.

Selon le décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021, le pass Culture comporte désormais deux parts :

- une part individuelle applicable à chaque jeune de 15 à 17 ans, financée par le ministère de la Culture ;

- une part dite collective, destinée exclusivement à financer des activités rattachées à l'éducation artistique et culturelle effectuées en groupes et encadrées par des professeurs. Cette part s'applique aux élèves de la sixième à la terminale scolarisés dans un collège ou lycée public ou privé sous contrat, ainsi qu'à tout élève inscrit en certificat d'aptitude professionnelle sous statut scolaire. Cette part est financée au prorata de leurs effectifs concernés par les ministères en charge de l'éducation nationale, de la mer, des armées et de l'agriculture.

Le volet collectif du Pass Culture

La loi de finances pour 2022 a permis de faire évoluer le dispositif en l'ouvrant aux élèves à partir de la classe de 4e, qui sous la responsabilité des enseignants, bénéficient d'un crédit (25 euros par élève en quatrième et en troisième, 30 euros en seconde et 20 euros en première et en terminale) à dépenser dans un cadre collectif : sortie culturelle, accueil d'un professionnel... Le dispositif a été étendu aux élèves de sixième et de cinquième à compter de la rentrée scolaire 2023.

Sur l'année scolaire 2023-2024, 72 % des élèves éligibles à la part collective ont bénéficié d'au moins une action financée grâce au Pass Culture durant l'année scolaire 2023-2024 et 96 % des établissements scolaires ont effectué au moins une réservation sur la même période.

Pour l'année scolaire 2023-2024, les fonds de la part collective du Pass Culture apportés par le MEN sont utilisés par les établissements dans les domaines suivants :

- atelier de pratique : 17,7 % ;

- conférence rencontre : 7,0 % ;

- projection audiovisuelle : 20,5 % ;

- représentation : 28,5 % ;

- visite guidée : 13,7 % ;

- visite libre : 4,9 % ;

- autre : 7,7 %.

Source : commission des finances d'après le ministère de l'Éducation nationale

Les crédits accordés au Pass culture ne diminuent cependant globalement que de 22 % par rapport à 2025 en tenant compte du volet collectif du Pass Culture, financé par les crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

Évolution des crédits affectés au financement du Pass culture
depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

L'exécution 2023 avait révélé une très importante surconsommation des crédits dédiés au pass : les crédits effectivement exécutés sont supérieurs de près de 15 % à ceux prévus en LFI. Ce faisant, les crédits ont augmenté de 40 millions d'euros entre 2022 et 2023. La surconsommation est moindre en 2023 mais les montants exécutés atteignent tout de même près de 10 millions d'euros de plus que ceux prévus en LFI. Le programme 361 a bénéficié d'un dégel de la réserve de précaution à hauteur de 10,7 millions d'euros en AE et 7,03 millions d'euros en loi de finances de fin de gestion7(*) afin de financer le Pass culture, qui constitue une dépense dite « de guichet ».

La SAS Pass culture note que la réforme engagée en mars 2025 engendre à ce stade un ralentissement à la fois du rythme de consommation de leurs crédits par les jeunes et des inscriptions à 18 ans. Néanmoins, les montants prévus au PLF ne devraient de nouveau pas être suffisants pour 2025. Le ministère indique que, sous toutes réserves, la situation devrait également se reproduire en 2026.

Exécution des crédits du programme 361 dédiés au Pass Culture depuis 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux ont consacré un contrôle budgétaire au Pass culture dans un rapport d'information de 20238(*). Ils soulignaient que des interrogations demeuraient sur un plan qualitatif. Ces analyses ont été reprises et développées par d'autres rapports rendus en 2024.

S'agissant du volet individuel, ils relèvent que la logique prescriptive du pass demeure relativement faible. Il est, plus largement, regrettable qu'aucun objectif n'ait été assigné à cette politique publique en matière de médiation culturelle, de diversification culturelle ou d'affirmation des droits culturels. Ce faisant, le ministère de la culture prend le risque de résumer le volet individuel du pass à une simple plateforme d'achat de biens et de services.

Il est indispensable qu'il soit plus « éditorialisé » afin de participer à la mise en place d'un véritable parcours culturel qui permette notamment de mieux orienter les réservations vers deux grands absents : le spectacle vivant et les musées. Au-delà de la question de la médiation culturelle, l'accent doit également être mis sur l'accès des jeunes non-scolarisés au pass.

Les rapporteurs spéciaux relèvent par ailleurs que le volet collectif semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass que le volet individuel et que l'articulation entre les deux parts semble insuffisante.

L'évaluation menée par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de mai 20249(*) a aussi livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent « contrastés » et que la capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ». Plus clairement encore, « la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public ne peut être démontrée : l'intensification des pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif semble établie, mais son caractère durable apparaît incertain ; la diversification de ces pratiques est impossible à démontrer. Dans ces conditions, faute de pouvoir établir que l'utilisation du pass Culture favorise la réduction des écarts de pratiques culturelles entre milieux sociaux, l'existence d'effets d'aubaine ne peut être exclue ».

La Cour des comptes a émis des critiques similaires dans son rapport de décembre 202410(*) : « ce réel succès en termes de couverture globale ne saurait toutefois occulter le fait que le pass Culture n'a que partiellement réussi à toucher les jeunes les moins familiers des pratiques culturelles », entretenant ainsi un « effet d'aubaine » pour les jeunes disposant d'un « capital culturel plus élevé ». La Cour alertait notamment sur le coût du Pass culture, dans un contexte financier dégradé. Elle indiquait ainsi que « des arbitrages doivent être pris pour mettre un terme à la croissance non maîtrisée des crédits budgétaires du pass Culture ».

La Cour des comptes proposait plusieurs pistes, dont la réduction du montant du crédit alloué aux jeunes âgés de 18 ans ; la mise sous condition de ressources ; le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux (boursiers) ou territoriaux (quartiers de la politique de la ville, milieu rural). Avant la parution du rapport de la Cour des comptes, la commission des finances du Sénat avait déjà porté un amendement visant à recentrer le dispositif sur les boursiers. Le recentrage sur les seuls boursiers devait ramener le coût du dispositif (sur la base d'hypothèses de consommation et de taux de recours identiques à ceux des deux années précédentes) à 55 millions d'euros.

De façon regrettable, la réforme mise en place par décret en février 202511(*) prend le contre-pied des propositions de réformes du Sénat et de la Cour. Loin d'axer davantage le dispositif sur les jeunes de 15 à 17 ans, comme le préconisaient l'ensemble des acteurs, la réforme concentre l'essentiel du dispositif sur les jeunes âgés de 18 ans et plus. Désormais, les jeunes de 15 à 16 ans sont exclus du dispositif, alors que les jeunes de 18 ans bénéficient de 150 euros, toujours sans condition de ressources.

Une bonification, portant le montant à 200 euros, peut toutefois être accordée pour certains jeunes bénéficiaires d'allocation aux adultes handicapés ou dont les parents ont un revenu inférieur à un niveau fixé par arrêté. L'arrêté n'est cependant toujours pas publié à l'heure actuelle, le ministère ayant indiqué faire face à des difficultés de collecte et de traitement des données, en particulier pour les jeunes mineurs.

Le ministère indique « qu'à terme, la réforme prévoit que les jeunes éligibles se voient automatiquement crédités du « Coup de pouce Culture », sans avoir besoin d'en faire la demande ». Les seuils seront arbitrés de manière à viser, tous critères confondus, une proportion d'environ 30 % de bénéficiaires du Pass pour l'attribution de ce « Coup de pouce Culture ».

Impact de la réforme du Pass culture par tranches d'âge

Âge

Avant la réforme

Après la réforme

15 ans

20 euros

0

16 ans

30 euros

0

17 ans

30 euros

50 euros

18 ans

300 euros

150 euros

+ une bonification de 50 euros sous conditions

Source : commission des finances du Sénat

En outre, la réforme de 2025 n'aura atteint son plein effet budgétaire qu'en différé, dès lors que les jeunes acquièrent des droits au Pass culture qu'ils peuvent ensuite mobiliser pendant les trois années suivantes. Les jeunes inscrits avant mars 2025 bénéficient toujours de crédits sur une enveloppe totale de 300 euros. En conséquence, une extinction éventuelle du dispositif devrait s'accompagner du maintien de financements pendant trois ans.

La transformation de la SAS Pass culture en opérateur de l'État

Plusieurs rapports, y compris celui publié au nom de la commission des finances par les rapporteurs spéciaux en 2023 recommandaient l'évolution de la SAS Pass Culture en opérateur de l'État. Elle interviendra le 1er janvier 2026.

L'objectif de cette transformation est de répondre aux demandes de transparence accrue de son action vis-à-vis du Parlement, et de piloter les emplois de la SAS en lui affectant un plafond d'emplois autorisé en loi de finances. En conséquence :

- la SAS Pass Culture est inscrite à l'annexe budgétaire du PLF concernant les opérateurs ;

- l'opérateur est donc désormais sous plafond d'emplois, qui s'élève pour 2026 à 176 ETPT.

Le statut juridique de l'opérateur (établissement public industriel et commercial ou à caractère administratif) n'est quant à lui pas fixé. Le ministère indique attendre le résultat d'une phase de réflexion préalable : « la SAS pass Culture a engagé des économies sur ses dépenses de fonctionnement, une objectivation des coûts analytiques de ses activités, et va ouvrir un chantier de diversification de ses ressources en lien avec sa tutelle ».

Source : commission des finances d'après le ministère

2. Des moyens conservés pour l'éducation artistique et culturelle en dehors du Pass Culture

Si le Pass Culture représente une part importante des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, l'État finance d'autres actions sur le programme 361. Au-delà du Pass Culture, le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle (EAC) se matérialise par deux lignes de crédits dédiées.

Répartition des crédits de l'action 2
« Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » en 2026

(en % et en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle proprement dite sont stables par rapport à 2025. La LFI pour 2025 avait cependant déjà diminué d'environ 20 % les crédits dédiés par rapport à l'exécuté 2024.

Évolution des crédits prévus pour l'éducation artistique et culturelle
hors Pass Culture

(en millions d'euros)

 

Exécution 2023

LFI 2024

LFI 2025

PLF 2026

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Éveil artistique et culturel

       

0,20

0,20

0,20

0,20

Éducation artistique et culturelle en temps scolaire

26,95

26,96

24,04

23,94

26,64

26,64

26,64

26,64

Éducation artistique et culturelle hors temps scolaire

30,5

30,51

14,01

14,12

19,29

19,29

19,29

19,29

Goût du livre et de la lecture

16,55

18,64

21,47

21,47

6,55

6,55

6,55

6,55

Actions des conservatoires

14,38

14,38

14,14

14,14

13,36

13,36

13,36

13,36

Partenariats et contractualisation avec les collectivités territoriales

15,23

15,23

15,28

15,44

11,35

11,35

11,35

11,35

Éducation aux médias et à l'information

9,38

9,37

7,4

7,4

3,14

3,14

3,14

3,14

Formation des acteurs de l'éducation artistique et culturelle

9,27

9,26

7

7

1,84

1,84

1,74

1,74

Compensation gratuité enseignants

3,94

3,84

4

4

3,20

3,20

3,20

3,20

Total

126,19

128,19

107,34

107,5

85,56

85,56

85,46

85,46

Source : commission des finances

Les crédits diminuent tendanciellement à l'échelle des dernières années. S'agissant de la différence entre 2023, d'une part, et 2024 et 2025, d'autre part, elle résulte en grande partie de la fin de crédits spécifiquement affectés au financement de l'Été culturel (actions d'EAC pendant les vacances d'été) qui n'a été possible en 2023 et 2024 que par le redéploiement de crédits en gestion.

Le ministère indique que la diminution des crédits constatée entre 2024 et 2025 s'explique en grande partie par des évolutions de périmètre. S'agissant de la formation des acteurs de l'EAC, la baisse (- 4,9 millions d'euros) s'explique par un redéploiement des crédits pour la formation des acteurs concourant à la démocratisation culturelle hors scolaires (participation à la vie culturelle des publics adultes en situation spécifique par exemple), désormais programmés sous d'autres sous-actions.

Les montants portés par le programme 131 doivent cependant être mis en regard du montant global en faveur de l'éducation artistique et culturelle. La Cour des comptes indique dans un récent rapport12(*) que l'effort public consacré à l'éducation artistique et culturelle s'est élevé en 2023 à 3,5 milliards d'euros, dont 3 milliards d'euros de financements de l'État et environ 600 millions d'euros des collectivités territoriales. L'essentiel est porté par l'éducation nationale, qui dépense annuellement plus de 2,6 milliards d'euros pour la rémunération des enseignements artistiques. En conséquence, les 86 millions d'euros prévus sur le présent programme ne sauraient être immédiatement assimilés à une réduction de l'effort de l'État en direction de l'EAC.

Organisation de l'éducation artistique et culturelle

Source : Cour des comptes

La Cour est directement critique sur l'organisation générale de l'écosystème de l'éduction artistique et culturelle ; le constat d'une « mosaïque d'interventions, pas toujours lisible pour les établissements scolaires tant les acteurs sont nombreux, conduit à préconiser la recherche d'une meilleure articulation entre leurs dispositifs et financements respectifs, qu'il s'agisse d'en assurer la complémentarité ou de les fusionner dans des dispositifs communs cofinancés ».

Cette remarque va dans le sens des interrogations régulièrement exprimées par les rapporteurs spéciaux quant à l'efficacité des crédits sur le programme 361, alors que la multiplication d'actions ou de sous-actions pour des montants faibles peuvent faire craindre un risque de saupoudrage.

À titre d'exemple, il n'existe pas dans les documents budgétaires d'indicateurs spécifiques à l'éducation artistique et culturelle hors Pass Culture. L'indicateur n° 2 (Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle) est en effet largement tiré par la part collective du Pass et ne permet pas d'avoir une image claire des publics concernés et de l'impact concret de ces actions.

Le ministère indique mener « une réflexion sur la rationalisation des actions menées dans le cadre de l'EAC pour évaluer la pertinence et la portée de son financement ». Les rapporteurs s'en félicitent et espère que cette réflexion débouchera en effet sur une approche clarifiée.


* 7 Loi n° 2024-1167 du 6 décembre 2024 de fin de gestion pour 2024.

* 8 Le Pass culture face au défi de la diversification des pratiques culturelles, rapport d'information n° 866 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023.

* 9 Les impacts de la part individuelle du Pass Culture, IGAC 2024 - N° 2024-15.

* 10 Premier bilan du pass Culture, Cour des comptes, 17 décembre 2024.

* 11 Décret n° 2025-195 du 27 février 2025 relatif au « pass Culture ».

* 12 L'éducation artistique et culturelle au bénéfice des élèves de l'enseignement scolaire, Cour des comptes, février 2025.

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