C. FACE À UNE FRÉQUENTATION TRÈS DYNAMIQUE, UNE POLITIQUE DE HAUSSE TARIFAIRE DANS LES MONUMENTS LES PLUS VISITÉS

1. Une hausse continue de la fréquentation des opérateurs du programme

La trajectoire de fréquentation des monuments patrimoniaux est en hausse constante en cours des dernières années, un record ayant été constaté en 2023 : par rapport à l'avant-crise sanitaire, la fréquentation annuelle en 2023 a enregistré une progression de plus de 6 %. La fréquentation des monuments nationaux du CMN avait même atteint un nouveau record en 2023 en dépassant de 15 % la fréquentation de 2019.

Si l'année 2024 a entraîné un léger retrait, celle-ci a rebondi en fin d'année 2024 après les jeux Olympiques et a continué à augmenter début 2025 (+ 1,4 % sur le premier quadrimestre 2025 par rapport au premier quadrimestre 2024).

En 2023 et 2024, le nombre de visiteurs cumulés sur l'ensemble des opérateurs du programme 175 a atteint 44 millions. Entre 2022 et 2024, il a crû de 13 %, dans une proportion légèrement inférieure pour les monuments nationaux (+ 10 %) que pour les musées (+ 15 %).

Évolution de la fréquentation des opérateurs du programme

(en nombre de visiteurs et en %)

 

2022

2023

2024

Évolution 2024/2022
( %)

Établissement public du musée du Louvre et musée Delacroix (EPML)

7 808 430

8 861 479

8 738 384

12 %

Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles (EPV)

6 903 609

8 352 135

8 358 074

21 %

Établissement public des musées d'Orsay et de l'Orangerie - Valéry Giscard d'Estaing (EPMO)

4 287 229

5 111 037

4 950 375

15 %

Centre national d'art et de culture - Georges Pompidou (CNAC-GP)

3 009 512

2 621 696

3 204 369

6 %

Établissement public du palais de la porte Dorée (EPPPD)

497 903

635 714

634 946

28 %

Établissement public du château de Fontainebleau

312 693

419 166

425 982

36 %

Établissement public du musée national Picasso-Paris

361 158

558 907

482 405

34 %

Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MUCEM)

456 681

446 614

428 194

- 6 %

Établissement public du musée du Quai Branly (EPMQB)

1 005 357

1 410 641

1 271 151

26 %

Musée national des arts asiatiques Guimet (MNAAG)

171 608

251 342

307 281

79 %

Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA)

275 657

322 898

342 326

24 %

Établissement public de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais

1 033 942

1 191 421

1 226 162

19 %

Établissement public du musée national Jean-Jacques Henner et du musée national Gustave Moreau

72 023

88 212

86 650

20 %

Musée des arts décoratifs (Site Rivoli et Musée Nissim de Camondo (MAD)

953 289

655 177

788 135

- 17 %

Établissement public du musée Rodin (Paris et Meudon)

562 458

612 709

533 252

- 5 %

Établissement public du domaine national de Chambord

1 053 946

1 148 509

1 186 851

13 %

Centre des monuments nationaux (CMN)

10 069 417

11 587 438

11 092 802

10 %

TOTAL

38 834 912

44 275 095

44 057 339

13 %

dont Musées

27 711 549

31 539 148

31 777 686

15 %

dont Monuments nationaux

11 123 363

12 735 947

12 279 653

10 %

Source : ministère de la culture, réponse au questionnaire budgétaire

2. Des recettes propres en hausse du fait d'une politique de hausse tarifaire

Comme l'ensemble des opérateurs de l'État, les opérateurs du ministère de la culture sont soumis à un impératif de développement de leurs ressources propres, d'autant plus que la forte fréquentation des sites et leur caractère patrimonial impliquent des investissements lourds et fréquents.

Depuis 2024, le ministère de la culture a donc engagé une réflexion en ce sens. La politique tarifaire est le principal levier, les grands musées et sites français étant pour la plupart largement en-deçà des tarifs pratiqués dans d'autres pays européens.

Dans leur rapport sur le centre des monuments nationaux de 20246(*), les rapporteurs spéciaux soulignaient que le prix moyen d'un billet du CMN s'élevait à 5 euros en moyenne et à 9 euros pour les seules visites payantes. Ce montant était inférieur de deux euros au tarif moyen mis en place par les autres opérateurs du patrimoine. Le CMN définit différents niveaux tarifaires, en fonction de l'attractivité et de la situation des monuments, mais également de sa situation géographique et de son intégration dans le tissu local. Ainsi, les monuments parisiens font-ils l'objet d'une tarification plus élevée. Le CMN assure également tenir compte dans la fixation d'une tarification adaptée des objectifs des monuments : ainsi a-t-il été fait le choix pour la cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts d'opter pour un tarif relativement peu élevé (où par ailleurs environ 40 % des visiteurs bénéficient d'entrées gratuites), afin d'assurer une attractivité pour le public local.

Cependant, afin de poursuivre le développement du CMN et au vu des besoins constants en entretien et en investissement, les rapporteurs spéciaux considéraient qu'il reste des marges d'augmentation tarifaire sur des monuments très fréquentés et tournés vers le tourisme national et international, en particulier à Paris, alors que la fréquentation des monuments parisiens continue de croître (Panthéon à la suite des différentes panthéonisations, ouverture de l'hôtel de la marine, réouverture prochaine des tours de Notre-Dame, etc...).

La troisième recommandation de leur rapport était de relever les tarifs des billets des grands monuments parisiens dont la fréquentation augmente fortement, afin de l'aligner sur les autres opérateurs culturels de la capitale.

Cette recommandation a été rapidement mise en oeuvre. En mai 2025, le CMN a mis en place une tarification en fonction de la saisonnalité dans 8 monuments parmi les plus fréquentés :

- À Paris : l'Arc de Triomphe, la Sainte Chapelle et le Panthéon ;

- En région : les châteaux d'Azay le Rideau et d'Angers, l'abbaye du Mont-Saint-Michel, le château et les remparts de Carcassonne ainsi qu'Aigues Mortes.

Le prix des billets est relevé dans ces monuments de 2 à 6 euros entre avril et septembre. Les tarifs en pleine saison restent identiques à ceux de la basse saison pour les publics les plus modestes qui ne bénéficient pas de la gratuité. Cette hausse saisonnière devrait selon le ministère permettre de dégager 3 millions d'euros dès 2025 et 5 millions d'euros à partir de 2026.

L'autre piste explorée par le ministère est la mise en place d'une tarification différenciée applicable aux visiteurs non-résidents de l'Espace économique européen (EEE) de plus de 18 ans. Cette mesure sera mise en place dans quelques établissements à partir de janvier 2026.

Concernant le choix des sites concernés, la différenciation tarifaire ne sera appliquée qu'aux sites disposant d'un volume important de visiteurs non-résidents européens, plus précisément dont les visiteurs hors EEE représentent plus de 60 % de visiteurs. Sont donc concernés sur la base de ce critère : le musée du Louvre, le château, musée et domaine national de Versailles et pour le centre des monuments nationaux : la Sainte-Chapelle (la Sainte Chapelle et la Conciergerie pour le billet jumelé). Le domaine national de Chambord s'est également porté volontaire.

Chaque établissement est libre de déterminer sa politique tarifaire. En conséquence, le montant de la hausse n'est pas le même dans tous les monuments et varie de 10 euros au Louvre à 2 euros dans certains monuments du CMN.

Principales hausses tarifaires en 2025-2026

(en euros)

Monument

Public concerné par la hausse tarifaire

Hausse tarifaire

Musée du Louvre 

Non-résidents UE

+ 10

Château de Versailles 

Non-résidents UE

+ 3

Sainte-Chapelle 

Non-résidents UE

+ 6

Domaine national de Chambord 

Non-résidents UE

+ 10

Monuments les plus fréquentés du CMN

Tous publics plein tarif, mais en haute saison seulement

+ 2 à + 5

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la culture

Ces hausses tarifaires devraient permettre de dégager plus de 23 millions d'euros de recettes supplémentaires dès 2026. Celles-ci varient selon les opérateurs (en atteignant 15 à 20 millions d'euros pour le Louvre). Le ministère assure que ces estimations prennent en compte l'effet d'éviction du tarif sur les intentions de visite ainsi que les adaptations dans les établissements (logiciels, agents de contrôle, etc.). La direction générale des patrimoines appelle cependant à « la plus grande prudence » quant à l'estimation des gains en 2026. Faute de pouvoir contrôler l'identité de l'ensemble des visiteurs, le musée du Louvre a indiqué lors de son audition tabler sur un risque de fraude d'environ 20 %, en 2026, avec plus de 2 millions de visiteurs impactés. Comme indiqué plus bas, le Louvre estime par exemple devoir s'attendre à 20 % de fraude environ.

Recettes attendues de la hausse différenciée de la tarification

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses du ministère de la culture

Concernant la mise en place d'une tarification à l'entrée à Notre-Dame de Paris, celle-ci n'est toujours pas à l'ordre du jour du fait de l'opposition du clergé.

Le cadre juridique applicable à la tarification d'entrée dans les lieux de culte
et le cas de Notre-Dame de Paris

Le cadre général

L'article 17 de la loi du 9 décembre 1905 portant séparation des Églises et de l'État dispose que « la visite des édifices [du culte] et l'exposition des objets mobiliers classés seront publiques : elles ne pourront donner lieu à aucune taxe ni redevance ». Contrairement à ce qui est parfois avancé, cette disposition n'avait pas pour but de garantir le libre accès des édifices aux fidèles. Elle avait pour objet, comme le montrent les travaux parlementaires, de s'assurer que toute personne, quelle que soit sa religion ou son absence de religion, pourrait visiter les édifices et les objets mobiliers classés.

L'article L. 2124-31 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) déroge à l'article 17 de la loi de 1905, en disposant que « lorsque la visite de parties d'édifices affectés au culte, notamment de celles où sont exposés des objets mobiliers classés ou inscrits, justifie des modalités particulières d'organisation (...) cet accès (...) donne lieu, le cas échéant, au versement d'une redevance domaniale dont le produit peut être partagé entre la collectivité propriétaire et l'affectataire ». Le CG3P précise que l'accès payant peut concerner des « parties d'édifices ».

Dans les 87 cathédrales appartenant à l'État, affectées au ministère de la Culture par décret du 4 juillet 1912, les visites payantes sont assurées par le Centre des monuments nationaux (CMN), établissement public auquel l'État (ministère de la Culture et ministère des Finances) a confié la gestion domaniale des édifices, par convention de gestion renouvelée le 18 octobre 2019. À la cathédrale Notre-Dame de Paris, le CMN assure ainsi directement la visite payante du circuit des tours, mais l'association Maurice-de-Sully assure celle du trésor, ces activités non cultuelles faisant l'objet d'une convention établie entre le CMN, le clergé affectataire cultuel, l'association Maurice-de-Sully et l'État, ministère de la Culture.

Le cas de Notre-Dame de Paris : une tarification qui ne suppose pas de modification législative

Pour être conforme aux dispositions combinées de l'article 17 de loi du 9 décembre 1905 et de l'article L.2124-31 du CG3P, l'institution d'un droit d'entrée pour la cathédrale Notre-Dame de Paris - au-delà des tarifications existantes pour le trésor et le circuit de visite des tours - pourrait concerner une partie de la cathédrale, par exemple le déambulatoire,

Les recettes issues de cette nouvelle tarification pourraient être partagées entre l'État et le clergé (cf. art. L.2124-31 du CG3P). Une partie pourrait être utilisée par chacune des parties pour financer les dépenses relatives au fonctionnement de la cathédrale relevant de sa responsabilité (notamment la sûreté pour le clergé et la sécurité pour l'État). Ces recettes pourraient également être dirigées par le ministère de la Culture vers les travaux de restauration d'édifices religieux classés ou inscrits au titre des monuments historiques, notamment en milieu rural - selon des modalités à préciser - ou, par l'administration compétente, vers les travaux de restauration d'édifices religieux non protégés au titre des monuments historiques.

En application des lois de séparation des Églises et de l'État, toute activité ayant lieu dans un édifice du culte requiert l'accord du desservant, affectataire cultuel, qui apprécie sa compatibilité avec l'exercice du culte. Cette subordination de tout usage d'un lieu de culte à son affectation cultuelle est rappelée de manière constante par la jurisprudence, notamment dans le cadre des deux décisions 135842 (4 novembre 1994) et 284307 (25 août 2005) du Conseil d'État.

Le ministère indique que la réflexion pour la mise en place d'une tarification de l'accès à la cathédrale (au-delà des tarifications existantes pour le trésor et le circuit de visite des tours), à laquelle la ministre de la Culture s'est déclarée favorable, n'a pas connu d'avancement récent, dans la mesure où le clergé - dont l'accord est indispensable - a plusieurs fois exprimé son opposition de principe à ce projet.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

3. L'établissement public du musée du Louvre, des recettes élevées mais des investissements structurants à anticiper
a) Des financements de l'État stables mais dont le poids dans les recettes du musée diminue

La SCSP versée à l'établissement en 2026 devrait s'élever à 90,4 millions d'euros (soit 88 millions d'euros après application de la réserve de précaution), ce qui en fait le cinquième opérateur du ministère en termes de subvention. La SCSP est relativement stable au cours des dernières années (elle était de 93 millions d'euros en 2018). En parallèle, la subvention pour charges d'investissement du musée a également décru jusqu'en 2025, avant de repartir à la hausse en 2025 et 2026 dans le cadre du financement du projet Louvre - Nouvelle renaissance (cf. infra).

En conséquence, les subventions de l'État représentent un poids continuellement décroissant dans le total des recettes du musée : il était de 42 % en 2018 contre seulement 28 % en 2026.

Le Louvre a pour particularité d'avoir un des taux de recettes propres parmi les plus élevés des opérateurs culturels (68 % de ses recettes proviennent de ressources propres). Celles-ci sont par ailleurs en forte croissance (en hausse de 10 points depuis 2018), tirées par la hausse des recettes de mécénat et celles de billetterie.

Recettes de billetterie du musée du Louvre

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances d'après le Louvre

La hausse des recettes de billetterie constatée récemment (+ 8 millions d'euros entre 2024 et 2025) découle en grande partie de la hausse des tarifs d'entrée en 2024. Sur le moyen terme, la fréquentation du musée est stable au cours de la dernière décennie, les 9 millions d'euros de visiteurs annuels ayant été atteints en 2012 et conservés depuis, à l'exception des suites des attentats de 2015 et de la crise sanitaire. En outre, depuis 2022, le nombre annuel de visiteurs ne peut plus croître dans d'importantes proportions du fait de la jauge fixée à 30 000 visiteurs par jour.

b) Le projet de transformation du musée Louvre - Nouvelle renaissance

Le projet « Louvre - Nouvelle Renaissance » a été annoncé par le Président de la République en janvier 2025. Celui-ci, prévu pour s'échelonner jusqu'en 2034, doit constituer une refondation complète du musée, notamment afin de faire face à la croissance de la fréquentation et aux besoins d'investissement et de modernisation du musée.

Le musée indique que le projet comporte deux volets architecturaux :

- l'opération « Grande Colonnade », la plus médiatique, doit permettre la création de nouveaux accès au musée depuis l'esplanade de la Grande Colonnade et de nouveaux espaces muséographiques sous la Cour Carrée, en particulier un parcours dévolu à la Joconde faisant l'objet d'une tarification spécifique ;

- l'opération « Louvre Demain », constitue un plan plus classique de rénovation du patrimoine et des infrastructures de l'établissement, à travers la définition de schémas directeurs pluriannuels en deux phases.

Le projet se veut en grande partie autofinancé. Ce devrait être intégralement le cas pour les travaux de la grande colonnade, dont le projet de financement repose uniquement sur des ressources propres. Les schémas directeurs devraient quant à eux nécessiter une hausse de la subvention pour charges d'investissement de 10 millions d'euros par an. Le musée indique que l'intégralité des marges de manoeuvre financière dégagées par la hausse de la billetterie devrait être réinjectées dans le financement des schémas directeurs.

Plan de financement du projet Louvre Nouvelle Renaissance

Source : musée du Louvre

Le musée indique que la trésorerie fléchée de l'établissement devrait augmenter en conséquence, le « besoin de fléchage dépassant le solde final de trésorerie à compter de 2028 ».

En dehors des grands projets d'investissement, l'essentiel des dépenses du Louvre est consacré à ses dépenses de personnel (43 %), les acquisitions et entretien des collections représentant 9 % du total des dépenses.

Ventilation des dépenses du musée du Louvre en 2025

(en %)

Source : commission des finances d'après le Louvre


* 6 Le centre des monuments nationaux, un succès pour la politique du patrimoine, un modèle économique à préserver, rapport d'information n° 765 (2023-2024), déposé le 18 septembre 2024.

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