PREMIÈRE
PARTIE
UN BUDGET POUR 2026 QUI ACCROÎT L'EFFORT
DE
DÉFENSE AU-DELÀ DE LA PROGRAMMATION
I. DANS UN ENVIRONNEMENT STRATÉGIQUE DÉGRADÉ, UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PLURIANNUELLE ACCÉLÉRÉE
A. À LA SUITE DE L'AGRESSION RUSSE CONTRE L'UKRAINE, LA LPM 2024-2030 A RENFORCÉ L'EFFORT DE DÉFENSE SANS ÉLARGIR LE FORMAT DES ARMÉES
L'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a constitué un tournant stratégique majeur pour la sécurité européenne. Elle a marqué le retour de la guerre de haute intensité sur le continent et la réapparition de l'affrontement entre États souverains, avec un emploi décomplexé de la force. Le conflit a par ailleurs révélé l'élargissement du champ de la conflictualité. À la terre, à la mer et à l'air s'ajoutent désormais notamment l'espace, le cyberespace, l'information et les fonds marins.
Ce contexte a conduit le Parlement, à l'initiative du Gouvernement, à interrompre par anticipation la loi de programmation militaire (LPM) 2019-20258(*) et à en adopter une nouvelle couvrant la période 2024-2030, entrée en vigueur le 1er août 20239(*). Cette LPM poursuit et amplifie l'effort dit de « réparation » entrepris par la LPM 2019-2025.
Une contraction durable du format des armées sous l'effet de la baisse de l'effort de défense dans les dernières décennies
La part des dépenses militaires dans la richesse nationale (PIB) est passée, en France, de 7,6 % du PIB en 1953 à 1,85 % en 2013, avant de se stabiliser autour de 2 %. En volume (à valeur de monnaie constante), les crédits de défense n'ont progressé que d'un peu moins de 10 % entre 1986 et 2021, tandis que le coût des équipements augmentait beaucoup plus rapidement, en raison de leur sophistication technologique croissante.
Ce déséquilibre a conduit à une réduction marquée du format des armées. Entre 1991 et 2021, le nombre de chars de combat est passé de 1 349 à 222, celui des avions de chasse de 686 à 254, et celui des grands bâtiments de surface de 41 à 1910(*).
Ce mouvement traduit la tension entre ressources budgétaires contraintes et exigences capacitaires toujours plus élevées.
Source : commission des finances
Part des dépenses militaires en proportion du PIB en France entre 1950 et 2021
(en proportion du PIB)
Source : commission des finances, d'après les chiffres de la Banque mondiale et du SIPRI11(*)
La LPM 2024-2030 prévoit une enveloppe de 400 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) pour la période, hors contribution au CAS « Pensions », en hausse de 105 milliards d'euros par rapport à la précédente programmation.
Trajectoire budgétaire de la LPM 2024-2030
(en milliards d'euros courants)
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2024 |
2025 |
2026 |
2027 |
2028 |
2029 |
2030 |
Total |
|
LPM 2024-2030 |
47,2 |
50,5 |
53,7 |
56,9 |
60,4 |
63,9 |
67,4 |
400,00 |
|
Variation par rapport à l'année N - 1 |
+ 3,3 |
+ 3,3 |
+ 3,2 |
+ 3,2 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
+ 3,5 |
Note : Le périmètre de la LPM 2024-2030 porte sur les CP de la mission « Défense » à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions ».
Source : commission des finances du Sénat
Les CP de la mission, à périmètre constant, hors contribution au CAS « Pensions », doivent, selon la LPM12(*), être portés à 67,4 milliards d'euros en 2030. La trajectoire programmée prévoit ainsi un taux de croissance annuel moyen de 6,1 % des crédits de la mission.
Trajectoire en crédits de paiement prévue par la LPM 2024-2030
(en milliards d'euros courants et en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après la LPM 2024-2030
Doivent s'y ajouter 13,3 milliards d'euros tirés de trois leviers :
- un financement interministériel du soutien à l'Ukraine (1,2 milliard d'euros) ;
- des ajustements de dépenses (6,2 milliards d'euros) ;
- des ressources extrabudgétaires (5,9 milliards d'euros, REB).
L'effort budgétaire porté par la LPM vise plusieurs priorités, dont les principales sont :
- la modernisation des équipements, qui n'avait néanmoins pas empêché de décaler des cibles à l'horizon 2035 sur certains segments pourtant majeurs concernant les trois forces, notamment le programme Scorpion de l'armée de Terre et le programme Rafale ;
- le renforcement net des effectifs du ministère des armées de 6 300 ETP et de 40 000 réservistes ;
- l'augmentation des niveaux de préparation, de capacités opérationnelles et de disponibilité des matériels ;
- le renforcement de la base industrielle et technologique de défense (BITD) en France et en Europe.
Dans un contexte de hausse du coût des matériels, l'enveloppe budgétaire prévue par la LPM 2024-2030 permet ainsi d'assurer la modernisation des armées. En revanche, elle ne permet pas véritablement le rehaussement de leur format.
* 8 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 9 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
* 10 Rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat sur : « Une LPM qui laisse de nombreux enjeux capacitaires », M. Cédric Perrin et Mme Hélène Conway-Mouret, 7 juin 2023.
* 11 Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), institut de référence mondiale, spécialisé dans la recherche en matière de conflits et d'armement.
* 12 LPM 2024-2030 dont la trajectoire budgétaire est finalement réhaussée à compter de 2026 et qui va être actualisée, voir infra.

