B. UN DÉBUT D'EXÉCUTION DE LA PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE MARQUÉ PAR DE FORTES TENSIONS ET DES RIGIDITÉS ACCRUES
Dans un rapport publié en mai 202513(*), le rapporteur spécial a souligné que le démarrage de l'exécution de la LPM 2024-2030 s'est effectué dans un contexte de fortes tensions et rigidités budgétaires, traduisant l'absence de toute marge de manoeuvre.
En effet, si les lois de finances pour 2024 et 2025 respectent la trajectoire fixée par la LPM, la première année de mise en oeuvre a révélé des limites en exécution. En 2024, les dépenses de la mission « Défense » se sont élevées à 58,43 milliards d'euros, soit un dépassement de 1,67 milliard d'euros par rapport aux crédits initiaux. Ce surcroît de consommation résulte principalement des surcoûts liés aux opérations extérieures et aux missions intérieures (OPEX et MISSINT), au renforcement du flanc Est de l'OTAN et au soutien apporté à l'Ukraine.
Malgré l'ouverture en gestion de crédits supplémentaires destinés à couvrir une partie de ces surcoûts, un besoin de financement d'environ 1,2 milliard d'euros demeurait en fin d'exercice, concentré pour l'essentiel sur le programme 146 « Équipement des forces ». Cette situation trouve son origine dans plusieurs facteurs : une sous-évaluation initiale et récurrente des surcoûts opérationnels, une interprétation divergente du périmètre du financement interministériel prévu par la LPM pour les OPEX et MISSINT, ainsi que des difficultés à mobiliser en cours d'année des crédits additionnels suffisants, dans un environnement budgétaire général particulièrement contraint pour l'État.
Soucieuse de préserver la trajectoire capacitaire prévue par la programmation, le ministère des armées a veillé à maintenir le niveau d'acquisitions. Cependant, cette situation s'est accompagnée d'une dégradation préoccupante du niveau de report de charges14(*) de la mission, qui a doublé en deux ans, passant de 3,9 milliards d'euros fin 2022 à plus de 8 milliards d'euros fin 2024. Parallèlement, les restes à payer - engagements juridiques à honorer dans les années à venir - atteignaient 99 milliards d'euros à la même date. La mission « Défense » apparaissait ainsi contrainte par une rigidité croissante et aiguë de ses dépenses, réduisant très fortement sa capacité d'adaptation aux aléas.
* 13 Les perspectives de financement des objectifs fixés par la loi de programmation militaire, rapport d'information n° 615 (2024-2025), déposé le 14 mai 2025, Dominique de Legge.
* 14 Le report de charges est une notion budgétaire qui regroupe les dépenses qui constituent des dettes certaines et qui auraient dû être réglées en année N mais dont le règlement est reporté en année N+1, voir infra.