C. FACE À LA POURSUITE DE LA DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT INTERNATIONAL, UN CADRE STRATÉGIQUE RENOUVELÉ ET DES ENGAGEMENTS BUDGÉTAIRES DURCIS
Dans un environnement stratégique toujours plus instable, marqué notamment par la persistance du conflit en Ukraine, les conflits au Proche-Orient et les incertitudes pesant sur la relation transatlantique, la France et ses alliés ont engagé, en 2025, une réévaluation de leurs doctrines et de leurs engagements stratégiques.
Deux événements majeurs ont marqué cette inflexion : d'une part, en France, la publication, en juillet 2025, d'une Revue nationale stratégique (RNS) actualisée, et, d'autre part, le sommet de l'OTAN de La Haye de juin 2025, au cours duquel les Alliés ont décidé un relèvement substantiel de leurs objectifs de dépenses militaires. Parallèlement, la Commission européenne a présenté, en mars 2025, un livre blanc pour une défense européenne, définissant une approche stratégique et industrielle commune à l'échelle du continent.
Le livre blanc « pour une défense européenne »
Présenté le 19 mars 2025 par la Commission européenne, le livre blanc « pour une défense européenne » entend renforcer la cohérence de l'action européenne dans le domaine de la défense. Il met l'accent sur la correction des lacunes capacitaires recensées par les États membres, notamment en matière de défense antiaérienne et antimissile, d'artillerie, de munitions, de drones, de mobilité militaire, de cyberdéfense, de technologies de rupture et de protection des infrastructures critiques.
Le texte énonce plusieurs grandes lignes d'action, notamment un soutien renforcé à l'industrie européenne de la défense (notamment par le regroupement de la demande et une passation collaborative des marchés publics), une aide accrue à l'Ukraine et une intégration progressive de son industrie de défense dans l'écosystème européen, une meilleure préparation de l'Europe face aux crises futures (à travers notamment la constitution de stocks stratégiques, l'amélioration de la mobilité militaire et le renforcement des frontières extérieures), une accélération de l'innovation de défense et, enfin, un renforcement des partenariats stratégiques avec les pays tiers.
Source : commission des finances, d'après le livre blanc pour une défense européenne et les informations de la Commission européenne
1. La Revue nationale stratégique de juillet 2025
Commandée en janvier 2025 par le président de la République au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), la Revue nationale stratégique (RNS) de juillet 2025 met à jour le précédent document de 2022 à la lumière des bouleversements récents. Elle constate l'aggravation de la dégradation de l'environnement sécuritaire mondial, marquée par la multiplication des crises régionales, la montée des menaces transnationales et la combinaison d'enjeux globaux (climatiques, énergétiques, commerciaux, etc.).
La Russie y est désignée comme la menace la plus directe pour la France et la stabilité européenne. Le texte évoque également le rôle déstabilisateur de l'Iran, le durcissement de la posture chinoise et, plus largement, la remise en cause du modèle démocratique libéral européen. Il décrit une entrée dans une ère stratégique nouvelle, caractérisée par un risque accru de guerre de haute intensité sur le continent et par la multiplication d'actions hybrides touchant directement le territoire national.
La RNS de 2025 appelle à un changement d'échelle de l'effort de défense. Elle souligne la nécessité d'accélérer la transformation capacitaire des armées, de renforcer la BITD et de moderniser la dissuasion nucléaire, toujours considérée comme le socle de la souveraineté stratégique. À l'horizon 2030, elle fixe l'ambition d'une France souveraine, résiliente et capable de répondre à l'ensemble du spectre des menaces, au sein d'une Europe plus intégrée et d'une Alliance atlantique15(*) rééquilibrée.
Cette ambition s'articule autour de onze objectifs stratégiques prolongeant les six fonctions définies en 2022 (connaissance-anticipation, dissuasion, protection-résilience, prévention, intervention, influence).
Les onze objectifs stratégiques
consacrés par la Revue nationale stratégique
de
juillet 2025
Objectif n° 1 : une dissuasion nucléaire robuste et crédible ;
Objectif n° 2 : une France unie et résiliente : contribuer au réarmement moral de la nation pour faire face aux crises ;
Objectif n° 3 : une économie qui se prépare à la guerre ;
Objectif n° 4 : une résilience cyber de premier rang ;
Objectif n° 5 : la France, allié fiable dans l'espace euro-atlantique ;
Objectif n° 6 : la France, un des moteurs de l'autonomie stratégique européenne ;
Objectif n° 7 : la France, partenaire de souveraineté fiable et pourvoyeuse de sécurité crédible ;
Objectif n° 8 : une autonomie d'appréciation et une souveraineté décisionnelle garanties ;
Objectif n° 9 : une capacité à agir dans les champs hybrides ;
Objectif n° 10 : la capacité d'emporter la décision dans les opérations militaires ;
Objectif n° 11 : une excellence scientifique et technologique au service de la souveraineté française et européenne.
Source : Revue nationale stratégique de juillet 2025
2. Le sommet de l'OTAN de La Haye : un relèvement historique des objectifs de dépenses militaires
Réunis les 24 et 25 juin 2025 à La Haye, les chefs d'État et de gouvernement des 32 pays membres de l'OTAN ont décidé de porter l'objectif commun de dépenses militaires à 3,5 % du PIB d'ici 2035, contre 2 % actuellement, conformément à l'engagement pris en 2014. Ils ont également fixé un objectif complémentaire de 1,5 % du PIB consacré à la résilience et à l'innovation en matière de sécurité et de défense16(*). Chaque État devra désormais présenter un plan national annuel, et un réexamen collectif est prévu en 2029 afin d'évaluer la soutenabilité budgétaire et l'adéquation capacitaire de ces engagements.
L'OTAN, le coeur de la défense de l'Europe
Créée par le traité de l'Atlantique Nord signé le 4 avril 1949, l'OTAN constitue l'alliance politico-militaire de référence pour la défense collective des États européens, bien davantage que l'Union européenne. Elle rassemble aujourd'hui 32 pays, dont 29 européens, ainsi que la Turquie, le Canada et les États-Unis. L'article 5 du traité prévoit qu'une attaque armée contre un membre est considérée comme une attaque contre tous. Seuls quatre États membres de l'Union européenne - l'Irlande, l'Autriche, Malte et Chypre - ne font pas partie de l'alliance.
Source : commission des finances
Cette décision marque une rupture majeure dans la politique de défense euro-atlantique, mais elle met également en lumière plusieurs limites :
- les situations nationales demeurent très hétérogènes. En 2024, seul un pays (la Pologne) atteignait l'objectif de 3,5 % du PIB, tandis que neuf États n'atteignaient pas encore les 2 %, la France ne le respectant que de justesse ;
Part des dépenses militaires en 2024 au sein de l'OTAN
(en proportion du PIB)
Source : commission des finances, d'après les données de l'OTAN
- les capacités budgétaires et le consensus politique pour y parvenir varient fortement entre pays ;
- des divergences stratégiques sur les menaces, le soutien à l'Ukraine et la position des Etats-Unis au sein de l'OTAN.
* 15 OTAN.
* 16 Ces deux cibles, cumulées, permettent d'afficher une mobilisation globale équivalente à 5 % du PIB, conformément à la proposition avancée initialement par l'administration américaine.
