EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Défense ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 12 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport spécial de M. Dominique de Legge sur la mission « Défense » et l'article 68 du projet de loi de finances pour 2026 qui lui est rattaché.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - Je structurerai mon propos sur les crédits de la mission « Défense » en trois parties : le contexte, les chiffres et les questions soulevées par ce budget.
S'agissant du contexte, nous le savons tous, le cadre stratégique se dégrade rapidement et profondément.
La revue nationale stratégique publiée en juillet 2025 parle d'une « nouvelle ère », marquée par un risque élevé de guerre majeure de haute intensité en Europe, pouvant impliquer la France et ses alliés à l'horizon 2030. La Russie demeurerait la principale menace, mais d'autres puissances - l'Iran, la Chine et, plus largement, les adversaires du modèle démocratique libéral européen - contribuent, selon elle, à un environnement instable et plus ou moins directement hostile.
Ainsi que l'ont souligné successivement les deux derniers chefs d'état-major des armées, nous devons désormais faire face à des crises qui s'additionnent et non plus à des crises qui se succèdent. Il faut, en outre, nous préparer à un éventuel choc stratégique d'ici à trois ou quatre ans.
En réponse, les nations de l'Otan ont décidé en juin dernier de porter leur effort de défense de 2 % à 3,5 % du PIB d'ici à 2035. Ce relèvement historique de l'objectif est le reflet d'une tendance mondiale à la hausse des dépenses militaires.
Pour ce qui concerne la France, le Président de la République a annoncé le 13 juillet dernier, devant les armées, un effort supplémentaire, par rapport à la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, de 3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros en 2027, ces « surmarches » s'ajoutant aux marches prévues de 3,2 milliards d'euros. La hausse totale des crédits serait ainsi de 6,7 milliards d'euros en 2026 et de 6,2 milliards d'euros en 2027.
J'en viens maintenant aux chiffres du budget proposé.
Les crédits de paiement (CP) de la mission « Défense » atteignent 66,7 milliards d'euros en 2026, en hausse de 6,8 milliards, dont 6,7 milliards hors pensions.
Trois angles d'analyse de ces chiffres me paraissent nécessaires.
Premièrement, du point de vue des finances publiques, la défense est le budget qui augmente le plus en 2026, et de loin. Ce sera la deuxième politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en crédit de paiement, juste derrière l'enseignement scolaire. Cela en dit beaucoup, je le crains, sur l'assombrissement et le durcissement du monde.
Deuxièmement, la dépense militaire ne peut être appréciée qu'en comparaison avec ce que décident nos partenaires et nos compétiteurs. En effet, si la plupart de nos politiques publiques ne concernent que nous, la puissance militaire, elle, ne se mesure qu'à l'échelle du monde. Or, partout, l'effort de défense augmente nettement, souvent plus rapidement qu'en France.
Entre 2021 et 2024, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires françaises ont augmenté de moins de 10 % en euros constants, alors qu'elles progressaient, dans le même temps, de 119 % en Russie, de 93 % en Pologne, de 47 % en Allemagne et de 14 % au Royaume-Uni.
Troisièmement, la hausse du budget doit également être appréciée à la lumière de la réalité opérationnelle de nos armées. Car derrière les milliards d'euros supplémentaires, les difficultés persistent. De nombreux matériels demeurent indisponibles et les taux d'activité restent inférieurs aux objectifs. L'armée de l'air et de l'espace ne peut, par exemple, pas exploiter pleinement tous ses avions, faute de crédits suffisants pour en assurer la mise en oeuvre. Les stocks de munitions et de pièces détachées demeurent limités, et certaines lacunes persistent dans des domaines essentiels, tels que la défense sol-air ou les drones.
Cette situation illustre la fameuse loi d'Augustine, selon laquelle le coût des matériels et de leur entretien progresse plus vite que les budgets, conduisant, paradoxalement, à un resserrement du format des armées malgré l'augmentation des moyens.
J'en viens aux questions soulevées par ce budget.
Premièrement, que finance-t-il ?
En 2026, la progression des crédits concernera les quatre programmes de la mission et quinze des seize opérations stratégiques. Les principaux postes en progression sont les équipements à effet majeur, en hausse de 3,4 milliards d'euros, l'entretien des matériels en hausse de 609 millions d'euros, la masse salariale hors pensions qui augmente de 552 millions d'euros, les fonctions supports et de logistique en hausse de 538 millions d'euros, la dissuasion nucléaire en hausse de 487 millions d'euros et les infrastructures, dont les dépenses augmentent de 152 millions d'euros.
Les livraisons prévues l'année prochaine sont par ailleurs relativement nombreuses : un sous-marin, des avions A400M, des hélicoptères, des chars Leclerc rénovés, des véhicules Scorpion, des missiles et des drones notamment.
Les effectifs augmenteront, quant à eux, de 800 équivalents temps plein (ETP), conformément à la LPM. Avec la surmarche, nous aurions pu nous attendre à un effort supplémentaire, d'autant que le schéma d'emplois avait été nettement sous-réalisé entre 2021 et 2023, mais il n'en est rien.
Par ailleurs, je dois souligner que la ventilation précise des dépenses associées à la surmarche de 3,5 milliards d'euros est insuffisamment documentée. Le ministère évoque certes un renforcement accéléré des capacités jugées critiques : munitions, drones, capacités spatiales, guerre électronique, connectivité, défense sol-air et moyens aériens. Néanmoins, il peine globalement à distinguer ce qui relève de la marche annuelle ou de la surmarche.
Si cette approche a pu offrir une certaine souplesse de conception du budget, nous avons besoin aujourd'hui de plus de transparence, compte tenu de l'ampleur des montants en cause et des économies opérées dans le même temps sur d'autres missions budgétaires.
J'ai été frappé d'entendre la réponse de la ministre Vautrin sur l'usage qui sera fait de la surmarche : elle ne pouvait pas le dire avec une précision suffisante. En réalité, il me semble qu'elle pourra servir à financer ce qui ne l'était sans doute pas dans la LPM initiale, ce qui pourrait contribuer, je l'espère, à limiter la hausse du report de charges. Elle devrait également servir à accélérer l'exécution de la LPM et à anticiper sa révision, ainsi qu'à, sur certains sujets, ajouter à la programmation des investissements non prévus initialement. Toutefois, je n'ai pas reçu de réponse précise de la part du ministère sur l'utilisation de la surmarche de 3,5 milliards d'euros, ce qui est révélateur de la manière dont le budget de la défense est géré depuis deux ans, avec une fuite en avant du report de charges. Quoi qu'il en soit, cet effort supplémentaire contribuera à nous remettre à niveau en matière d'acquisition de munitions.
La deuxième question que soulève un budget de la défense élevé, c'est celle de sa transparence et de la sincérité de l'exécution. Or la question de la transparence demeure préoccupante.
Outre le fait que la représentation nationale ne dispose pas de la ventilation précise de la surmarche cette année, depuis 2023, les indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité des forces ne sont plus publiés. Je persiste et je signe en continuant à dire que c'est regrettable, car plus le budget augmente, plus l'information du Parlement doit être complète et sincère. Je doute, pour ma part, que nos compétiteurs - à commencer par la Russie - s'informent sur nos capacités à partir des annexes budgétaires. En revanche, le Parlement doit pouvoir exercer pleinement son contrôle. La transparence est en outre un gage de performance.
Concernant la sincérité de l'exécution des budgets de la défense, je souligne qu'il y a encore des progrès à faire.
Le stock de charges reportées, c'est-à-dire les factures non couvertes par les crédits de l'année et dont le paiement est renvoyé à l'année suivante, est passé de 3,9 milliards d'euros à la fin de 2022 à plus de 8 milliards d'euros à la fin de 2024, et pourrait atteindre 8,6 milliards d'euros à la fin de 2026. Dans le même temps, environ 1,8 milliard d'euros de crédits de paiement demeurait gelé début novembre - peut-être que la ministre chargée des comptes publics nous en dira plus lors de son audition. Enfin, le financement des opérations extérieures et du soutien à l'Ukraine a continué jusqu'à présent de reposer sur des ouvertures de crédits en fin de gestion, ce qui fragilise la lisibilité d'ensemble. Je n'ai d'ailleurs pas réussi à obtenir, cette année, la ventilation des surcoûts constatés à ce jour.
La troisième question que pose le présent budget est celle de l'avenir. La défense exige une visibilité longue, car les programmes d'armement engagent l'État pour plusieurs décennies. Le futur porte-avions de nouvelle génération que nous finançons aujourd'hui, par exemple, n'entrera en service qu'en 2038 et sera exploité au moins jusqu'en 2080.
C'est pourquoi une actualisation de la loi de programmation militaire s'impose, comme l'a d'ailleurs indiqué le Président de la République. Trois motifs principaux la justifient : corriger les déséquilibres et tensions budgétaires apparus dès le début de l'exécution de la LPM 2024-2030 ; inscrire les surmarches de 2026 et 2027 dans une trajectoire cohérente et soutenable ; garantir la soutenabilité et la crédibilité de l'effort de défense de la France dans le cadre général des finances publiques. Je précise qu'atteindre un effort de 3,5 % du PIB en 2035 supposerait un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon, au regard des prévisions actuelles de croissance et d'inflation. Il faudrait donc que l'effort supplémentaire, de l'ordre de 0,15 % de PIB par an, soit reproduit chaque année jusqu'à cette échéance : de plus de 6 milliards d'euros aujourd'hui, jusqu'à environ 9 milliards d'euros par an en fin de période.
Je terminerai mon propos par la présentation de l'article 68, rattaché à la mission « Défense ». Il a pour objet de prévenir les conséquences budgétaires potentiellement lourdes d'une erreur de l'administration.
Il vise à valider rétroactivement les décisions administratives par lesquelles le ministère a rejeté les demandes indemnitaires de deux catégories d'agents réclamant le bénéfice cumulé d'anciennes primes et du régime indemnitaire unifié instauré en 2016 pour les remplacer. Cette situation résulte d'une omission juridique, les textes abrogeant formellement les anciens dispositifs n'ayant été pris qu'en 2023.
Une première décision de justice ayant donné raison à un agent, d'autres contentieux ont été engagés sur le même fondement, faisant peser sur le budget de l'État un risque financier évalué à environ 147 millions d'euros. Il s'agirait, pour les agents concernés, d'un effet d'aubaine. L'article 68 vise donc à sécuriser la situation juridique et à préserver les deniers publics.
En conclusion, le budget de la défense pour 2026 me semble à la fois lourd et nécessaire. Il traduit la gravité du contexte international. Mais il appelle aussi transparence et rigueur de la part du Gouvernement et incite à une actualisation de la LPM. La ministre Vautrin nous a annoncé qu'un texte en ce sens serait déposé à l'automne - nous verrons bien, car je rappelle que l'automne finit dans un mois.
Mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Défense » ainsi que l'article 68 qui y est rattaché.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je souscris aux alertes formulées par le rapporteur spécial : la ministre des armées et des anciens combattants doit vous donner les éléments sur la surmarche pour que le budget de cette mission soit examiné en séance dans la plus grande transparence. Le Gouvernement ne peut pas prévoir un tel niveau de dépense dans le budget de la défense sans éclairer le Parlement sur cette décision, car notre rôle est de contrôler l'action du Gouvernement.
Nous relaierons donc la demande du rapporteur spécial auprès du Premier ministre et de la ministre.
Certes, j'entends que certains éléments ne doivent pas être rendus publics, mais ils doivent être transmis au Parlement pour qu'il en prenne connaissance. L'armée est la « Grande muette », mais ce mutisme ne peut pas porter sur les crédits inscrits par le Gouvernement.
M. Jean-Raymond Hugonet. - A-t-on une estimation exacte de la flotte de Rafale et de sa capacité opérationnelle compte tenu de la ventilation des crédits ?
Par ailleurs, pourriez-vous nous donner quelques éléments chiffrés et préciser les perspectives qui se dessinent concernant le système de combat aérien du futur (Scaf) ? Un bras de fer oppose la maison Dassault, qui est capable de le réaliser seule, à certains de nos alliés, notamment allemands, qui ne souhaitent pas qu'il en soit ainsi.
Mme Nathalie Goulet. - Entre 2007 et 2017, j'étais membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, où nous évoquions régulièrement les drones et notre incapacité à en avoir. J'aimerais que le rapporteur spécial nous en dise plus sur le processus décisionnel du ministère des armées et des anciens combattants, car il semble que le problème ne soit pas résolu.
Ma seconde question porte sur les guerres d'influence et d'ingérence. A-t-on prévu une coordination avec le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ? En effet, les travaux de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères ont montré que, face à cet enjeu, la communication dans le cadre de ce programme était importante. Le ministère des armées et des anciens combattants a-t-il prévu de se doter d'un programme réalisant le même type de travail, ou du moins de se coordonner avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ?
M. Marc Laménie. - Concernant les effectifs et les moyens humains, des difficultés de recrutement ont pu apparaître, ainsi qu'un problème de fidélisation. Cela représente un coût. Où en est-on ?
De nombreux sites militaires ont disparu dans les territoires. Le patrimoine militaire immobilier reste un enjeu important. Pourriez-vous nous préciser ce qui n'a pas été vendu ou cédé aux collectivités territoriales ?
M. Pascal Savoldelli. - Le fait que le ministère ait fixé le plafond du report de charges à 7,5 milliards d'euros pour fin 2025 ne peut que nous interroger individuellement et collectivement, car cela délégitimise le vote du Parlement, d'autant que cela se répète d'une année sur l'autre. Le rapporteur spécial recommande de « corriger les déséquilibres apparus dès l'exécution de la LPM 2024-2030 » et mentionne d'« importantes tensions et rigidités budgétaires » , ce qui est une formulation diplomatique pour décrire la situation. Qu'en est-il précisément de ces « tensions et rigidités budgétaires » ou, autrement dit, quel est le problème ?
M. Michel Canévet. - Nous sommes tous conscients de la nécessité de doter nos armées des moyens d'exercer leur mission, mais nous devons tenir compte d'un contexte budgétaire qui est particulièrement difficile. L'effort demandé cette année est très significatif et notre inquiétude est renforcée par le fait que les demandes supplémentaires de crédits sont très mal documentées.
Le report de charges nous préoccupe également et nous partageons l'incompréhension que le rapporteur spécial exprime à ce sujet depuis plusieurs années.
L'absence de documentation doit-elle nous inciter à resserrer les moyens dédiés aux armées ? Faut-il prévoir une augmentation plus mesurée des crédits en tenant compte de la réalité des finances publiques ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il y a quelques mois, nous avons assisté à une conférence sur le financement de l'industrie de la défense, à Bercy.
La réorganisation au sein de la direction générale de l'armement (DGA) est-elle en lien avec le fait que le temps de latence entre les commandes qui sont faites auprès des industriels de la défense et le décaissement par le ministère est très important et en décalage avec ce qui avait été annoncé à Bercy ?
M. Vincent Capo-Canellas. - L'article 68 se justifie par le fait que le coût du risque de condamnation qui pèse sur le ministère est estimé à 147 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Toutefois, n'est-il pas paradoxal de demander au Parlement de jouer le rôle que l'administration aurait dû jouer initialement ? Pourquoi avoir attendu la chaîne des contentieux pour finalement demander - ou presque - au Parlement d'inverser la décision de la juridiction administrative ? Nous pourrons sans doute le faire, mais cela nous place dans une position qui n'est pas la meilleure. Comment expliquer autant de légèreté ?
Quant au report de charges, il a des conséquences pour les entreprises, notamment les PME. D'autres administrations publiques font état de douze à vingt-quatre mois de retard dans les règlements. Disposons-nous d'un indicateur clair pour évaluer ces retards ? Comment améliorer la situation qui est très pénalisante pour la chaîne des producteurs de l'industrie de défense ?
M. Claude Raynal, président. - Vous avez mis l'accent sur la question de la transparence et, même si, en matière militaire, les mots n'ont pas toujours le même sens qu'ailleurs, l'information du Parlement reste un enjeu fondamental.
Il semble que nous soyons dans un système à contre-emploi, avec, d'un côté, la perspective d'une diminution de la dépense publique, ou du moins une réflexion sur le sujet, et, de l'autre, un effort marqué sur le budget de la défense. Les Français en restent pour l'instant au discours qu'on leur tient : il faut remettre l'armée à niveau, car nous n'avons pas fourni les efforts suffisants durant les années précédentes. Mais il peut aussi y avoir un retournement et ils finiront par se demander pourquoi l'État met autant d'argent dans la défense au détriment d'autres missions.
Par conséquent, il serait prudent que le Gouvernement mette en place une procédure permettant d'obtenir du Parlement un soutien d'autant plus clair qu'il sera bien informé.
Notre rapporteur spécial devrait être totalement informé de manière à pouvoir nous livrer une analyse claire des sujets, pas forcément entièrement détaillée, mais engageant sa responsabilité et sa compétence. Nous gagnerions à ce que le ministère accepte cela.
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je suis intimement convaincu qu'il est impossible de continuer à demander aux Français de faire un effort en matière de défense si, à un moment donné, on ne leur donne pas l'information. Il faut justifier cette demande. Il est inacceptable que le Gouvernement cherche à faire des économies dans toutes les missions, mais annonce, au détour d'une conférence de presse, plus de 3,5 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour la mission « Défense » sans nous expliquer précisément les dépenses associées ni proposer de trajectoire pour atteindre l'objectif de 3,5 % de dépenses militaires en proportion du PIB en 2035.
Je remercie le président de notre commission et le rapporteur général pour leur soutien concernant ma demande d'informations.
Pour être tout à fait transparent, j'ai accès à un certain nombre d'informations et je vous en ai donné quelques-unes. Il y a quelques années, nous avions des difficultés à en faire voler certains pour des raisons techniques. Cette fois cela a pu être pour des raisons budgétaires.
Le report de charges au ministère des armées n'est en soi pas choquant, car il s'agit du seul ministère ayant un véritable budget d'investissement avec des autorisations d'engagement qui, par définition, porteront sur plusieurs années. En revanche, il est préoccupant et choquant que le report de charges atteigne un tel niveau. En effet, jusqu'en 2022, le report de charges ne pouvait pas être supérieur à 10% du budget hors dépenses de personnel. Puis Mme Borne a autorisé le ministère à doubler la part du report de charges de 10 % à 20 %. Or, fin 2024, cette part atteignait 23,9 %. Les ministres temporisent en disant que ce taux augmente en début de LPM et qu'il baissera en fin d'exécution, une fois que les paiements auront été étalés, mais je constate que ce n'est pas le cas à ce jour.
Nous sommes donc confrontés à un problème de sincérité budgétaire et il est de notre responsabilité de dénoncer cette pratique. Certes, un léger report de charges est acceptable, mais il ne peut pas atteindre de telles proportions.
En outre, ce report de charges trouve en partie son origine dans le sous-financement initial de la LPM. Rappelez-vous les débats que nous avons eus il y a trois ans : le budget de la LPM avait été fixé à 400 milliards d'euros, puis abondé de 13 milliards d'euros de recettes seulement partiellement documentées. Avec mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avions souligné dès le départ qu'il manquait 13 milliards d'euros, mais le Gouvernement avait rétorqué en évoquant le report de charges : déjà, l'on prévoyait ainsi de financer la dépense avec le report de charges. Il y avait notamment dans ces 13 milliards d'euros des recettes exceptionnelles, notamment des remboursements de la sécurité sociale vers le service de santé des armées, ainsi que des royalties pour des participations dans un certain nombre d'entreprises. Mais ces recettes n'ont pas toutes été au rendez-vous.
L'indicateur est simple : les intérêts moratoires, qui représentaient 13 millions d'euros en 2022, sont de 60 millions d'euros pour les seuls dix premiers mois de l'année.
Madame Paoli-Gagin, en ce qui concerne l'industrie de défense, la DGA est très consciente du temps de latence. Lorsqu'elle a une relation de payeur direct des sous-traitants, notamment pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes industries (PMI), elle arrive à régler le problème. La situation devient plus compliquée lorsque cela n'est pas le cas et que leur paiement relève des grands donneurs d'ordre. En effet, dès lors que les grands donneurs d'ordre ne sont pas payés, ils peuvent être tentés de ne pas honorer leur propre paiement auprès de leurs sous-traitants. Quoi qu'il en soit, il n'est pas très sérieux de faire porter le financement d'une mission de souveraineté par des entreprises, quelle que soit leur importance.
Les militaires se sont mis d'accord sur la définition technique du Scaf, et c'est une bonne nouvelle. Cependant, les constructeurs sont favorables à la théorie du ruissellement, de sorte que Dassault et Airbus veulent tous les deux construire l'avion. Or comme nous l'avons vu avec l'A400M, la construction d'un avion avec plusieurs intervenants pose des problèmes de responsabilité.
Madame Goulet, les drones sont apparus comme un dispositif essentiel dans le cadre de la guerre en Ukraine. J'ai cru comprendre que Renault avait l'ambition d'investir dans ce domaine en Ukraine et il y a d'autres acteurs, français et étrangers, dans ce domaine devenu stratégique.
Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur le sujet de la guerre d'influence. Les connexions que vous évoquez se font principalement au niveau du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).
Monsieur Laménie, il a en effet été très difficile d'atteindre les objectifs de recrutement en 2023, mais la situation s'est rétablie dans les années suivantes et nous n'avons plus de difficultés ni en matière de recrutement ni pour ce qui est de la fidélisation. Faut-il voir là les effets d'une amélioration de la rétribution des militaires ou bien ceux d'un contexte économique où l'offre d'emploi est moins importante ? Je dirais que c'est sans doute les deux.
Aujourd'hui, nous pourrions faire mieux si nous le souhaitions. En effet, la limite au recrutement est budgétaire et n'est pas liée à la difficulté de trouver les effectifs sur le marché du travail.
Sur la fermeture des sites et le devenir du patrimoine immobilier, il n'y a pas eu d'évolution nouvelle depuis deux ans. Le patrimoine qui est en bon état finit par se reconvertir. Cependant, certains casernements offrent peu de possibilités.
Monsieur Capo-Canellas, sur l'article 68, il apparaît que le ministère a pris un décret en 2023 pour régulariser la situation ; ce que l'on nous demande en réalité, c'est une sorte de validation législative pour conforter ce décret. Ce n'est pas glorieux, mais je suggère d'accéder à la demande de l'administration.
M. Vincent Capo-Canellas. - Comment évoluent les délais de paiement pour les PME ?
M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La situation ne semble pas empirer et aurait même tendance à s'améliorer, car le ministère et la DGA ont désormais conscience qu'il faut être vigilant. Néanmoins, le gel des crédits peut poser des difficultés supplémentaires en fin d'année.
M. Claude Raynal, président. - Avec le rapporteur général, nous vous proposons d'adresser une lettre au Premier ministre lui demandant de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires pour disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'examen du projet de loi de finances. Nous lui demanderons de réfléchir à une solution qui permette de concilier la discrétion nécessaire et l'information la plus complète possible du Parlement.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».
EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ
Article 68
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 68.
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Réunie à nouveau le mercredi 26 novembre 2025, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Action extérieure de l'État », « Aide publique au développement », « Cohésion des territoires », « Culture », « Immigration, asile et intégration », « Investir pour la France 2030 », « Monde combattant, mémoire et liens avec la nation », « Sport, jeunesse et vie associative », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.