EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 novembre, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport a procédé à l'examen du rapport de M. Pascal Allizard et Mme Gisèle Jourda, et du texte de la commission sur la proposition de résolution en application de l'article 73 quinquies C du Règlement n° 99 (2025-2026), visant à demander au Gouvernement français de saisir la Cour de justice de l'Union européenne pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.

M. Philippe Paul, président. - Nous examinons à présent la proposition de résolution européenne visant à demander au Gouvernement de saisir la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.

M. Pascal Allizard, rapporteur. - Ce projet de résolution européenne, déposé par nos collègues Jean-François Rapin, Dominique Estrosi Sassone et Cédric Perrin, vise à demander au Gouvernement de saisir la CJUE pour empêcher la ratification de l'accord avec le Mercosur.

Cet accord, dont les négociations ont débuté en 1999, a vocation à succéder à un accord-cadre conclu en 1995.

Côté Mercosur, il prévoit une libéralisation de 91 % des droits de douane sur les importations en provenance de l'Union européenne (UE). Pour les produits non entièrement libéralisés, le Mercosur devra accorder un accès supplémentaire au marché sous forme de réductions tarifaires supplémentaires ou de contingents tarifaires : 30 000 tonnes pour les fromages, 10 000 tonnes pour le lait en poudre ou encore 5 000 tonnes pour le lait infantile. L'accord prévoit également la reconnaissance de 350 indications géographiques européennes.

Côté européen, la mise en oeuvre de l'accord se traduira par la suppression de 92 % des droits de douane. Pour les produits non entièrement libéralisés, l'UE accordera également des contingents tarifaires ou des réductions partielles. Cela concernera notamment les produits agricoles, avec des quotas de 99 000 tonnes de boeuf au taux de 7,5 %, 180 000 tonnes de volaille, 16 millions de tonnes de sucre, 450 000 tonnes d'éthanol destiné à l'industrie chimique et 60 000 tonnes de riz en franchise de droits. Certaines exclusions sont toutefois prévues, notamment pour le blé et la viande ovine.

En matière de marchés publics, les parties s'engagent à ouvrir les appels d'offres aux entreprises de l'autre continent.

Au total, selon une étude de la Commission européenne de 2025, la mise en oeuvre de l'accord entraînerait une hausse de 39 % des exportations européennes vers le Mercosur, avec des gains particulièrement importants dans les secteurs de l'automobile, des machines et équipements ou encore de la chimie.

De leur côté, les exportations du Mercosur vers l'UE progresseraient de 16,9 %. Globalement, l'accord augmenterait le PIB de l'UE de 0,05 % et celui du Mercosur de 0,25 % d'ici à 2040.

À la suite de la remise du rapport de la commission d'évaluation du projet d'accord UE-Mercosur en 2020, le Gouvernement a indiqué que la France ne pourrait approuver cet accord qu'à trois conditions : qu'il n'entraîne pas d'augmentation de la déforestation importée au sein de l'Union ; que les politiques publiques des pays du Mercosur soient pleinement conformes à leurs engagements au titre de l'accord de Paris ; enfin, que les produits agroalimentaires bénéficiant d'un accès préférentiel au marché européen respectent, en droit comme en pratique, les normes sanitaires et environnementales de l'Union.

En dépit des modifications apportées à la première version de l'accord, force est de constater que ces lignes rouges françaises n'ont été que très partiellement respectées.

Certes, l'accord de Paris est désormais un élément essentiel de l'accord de partenariat UE-Mercosur et de l'accord commercial intérimaire, qui prévoit, en cas de retrait ou de non-application « de bonne foi » de l'accord de Paris, une possibilité de suspendre l'accord avec le Mercosur. Le caractère flou de la notion de « partie de bonne foi » ouvre toutefois la porte à des divergences d'interprétation.

Par ailleurs, le chapitre « Commerce et développement durable » a été complété par une annexe prévoyant des engagements en matière de lutte contre la déforestation. Bien que juridiquement contraignants, ces engagements ne sont cependant assortis d'aucune sanction commerciale, ce qui en limite la portée.

Surtout, en contrepartie de ces ajouts, les États du Mercosur ont obtenu la création d'un « mécanisme de rééquilibrage », permettant à une partie de demander une compensation si elle estime qu'une mesure prise par l'autre porterait atteinte aux avantages prévus par l'accord.

Or la notion même de « mesure » fait l'objet d'interprétations divergentes et, comme le souligne le projet de résolution, ce mécanisme pourrait limiter la capacité de l'UE à adopter de nouvelles normes environnementales, en contradiction avec plusieurs dispositions du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), de la Charte des droits fondamentaux, mais également avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union européenne et de sécurité juridique.

En droit national, l'effet dissuasif de ce mécanisme pourrait en outre constituer une atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale et, par conséquent, être contraire à notre Constitution.

Concernant le principe de précaution, s'il est bien mentionné, son champ d'application apparaît très restreint : il ne couvre explicitement ni la sécurité sanitaire des aliments ni la santé humaine.

Enfin - et c'est un point majeur -, sauf exception pour certains règlements européens dotés d'un article « miroir », comme l'interdiction des antibiotiques utilisés comme activateurs de croissance, les règles européennes de production ne seront pas imposées aux importations provenant du Mercosur.

Cette situation, source de distorsion de concurrence au détriment de nos agriculteurs, n'est pas acceptable.

J'ajoute que le règlement proposé par la Commission, qui vise à « opérationnaliser » la clause de sauvegarde bilatérale figurant dans l'accord, qui permet le retrait temporaire des préférences tarifaires en cas de danger avéré pour certaines filières, ne semble qu'imparfaitement répondre aux inquiétudes du monde agricole.

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et pour celles que notre collègue Gisèle Jourda développera concernant la procédure retenue par la Commission, nous vous proposons d'adopter la présente proposition de résolution, telle qu'amendée par les modifications que nous vous soumettrons dans quelques instants.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Comme vient de le rappeler Pascal Allizard, le contenu de l'accord entre l'UE et le Mercosur est contestable en soi, notamment au regard des risques qu'il comporte pour l'environnement et pour l'agriculture européenne.

Mais, au-delà de ces enjeux de fond, la procédure de ratification retenue par la Commission européenne fragilise la légitimité démocratique de l'accord UE-Mercosur et sa légalité doit, selon nous, être examinée par la CJUE.

Tout d'abord, malgré l'opposition exprimée par plusieurs États membres, dont l'Autriche, l'Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et la France, la Commission européenne a choisi d'aller au bout des négociations, de manière précipitée, fin 2024.

Alors que l'accord était discuté depuis 1999, et que des échanges se poursuivaient encore en 2023 et 2024 sur un instrument additionnel concernant le développement durable, Ursula von der Leyen a décidé de conclure les négociations le 6 décembre 2024 à Montevideo. C'est un passage en force, qui a ignoré les réserves exprimées par plusieurs gouvernements.

Ensuite, la Commission a décidé de « scinder » l'accord, alors même que cela ne correspond pas au mandat fixé par le Conseil.

En 1999, celui-ci avait demandé la négociation d'un accord d'association - c'est-à-dire commercial et politique - relevant à la fois des compétences exclusives et partagées. Il avait même rappelé en 2018 que les accords avec le Mexique, le Mercosur ou le Chili devaient rester des accords mixtes, devant par conséquent être ratifiés par l'ensemble des États membres.

Pourtant, le 3 septembre 2025, la Commission a présenté deux textes séparés : un accord de partenariat incluant les volets politique et commercial, et un accord commercial intérimaire, centré uniquement sur la libéralisation des échanges. Ce faisant, elle s'est écartée du mandat de négociation que lui avait confié le Conseil sur deux points essentiels.

D'une part, elle a transformé l'accord intérimaire en véritable accord autonome, alors qu'il ne devait être qu'un auxiliaire de l'accord d'association.

D'autre part, elle a proposé la signature et la conclusion d'un accord de partenariat et non d'un accord d'association, comme le prévoyait le mandat de négociation de 1999. Or l'accord d'association est une catégorie juridique particulière prévue à l'article 217 du TFUE, dont la procédure au Conseil requiert l'unanimité.

En d'autres termes, la Commission européenne a modifié, de sa propre initiative, la base légale de l'accord qu'elle a négocié pour pouvoir éviter un éventuel veto d'un État membre.

Au fond, cette scission vise à contourner les Parlements nationaux et les États membres : le volet commercial pourrait s'appliquer quand bien même un ou plusieurs États refuseraient de ratifier l'accord de partenariat.

En affaiblissant ainsi le rôle des États membres, cette méthode réduit encore un peu plus l'assise démocratique d'un accord déjà largement contesté par l'opinion publique.

D'un point de vue juridique, cette démarche soulève de nombreux doutes. Comme le rappelle le projet de résolution, elle pourrait contrevenir aux principes d'attribution, d'équilibre institutionnel et de coopération loyale prévus par les traités.

S'y ajoutent les interrogations sur le principe de précaution, ainsi que sur le mécanisme de rééquilibrage, qui pourrait limiter la capacité de l'Union à prendre de nouvelles mesures environnementales, comme l'a déjà indiqué Pascal Allizard.

C'est pourquoi nous estimons qu'il est politiquement et juridiquement justifié de saisir la CJUE, conformément à l'article 218, alinéa 11 du TFUE. La CJUE pourra alors dire si ces accords sont compatibles ou non avec les traités.

D'ailleurs, 145 eurodéputés issus de 5 groupes et de 21 nationalités avaient déjà demandé cette saisine le 14 novembre dernier. Il est regrettable que cette proposition de résolution de nos collègues eurodéputés n'ait pas été inscrite à l'ordre du jour du Parlement européen, au motif que la procédure n'en était pas encore au stade du Parlement.

Mes chers collègues, la balle est donc désormais dans le camp des États membres, qui ont la possibilité de saisir la CJUE sur ces différentes questions. Tel est l'objet de la présente proposition de résolution européenne.

Mme Michelle Gréaume. - Le débat relatif à l'accord entre l'Union européenne et le Mercosur est devenu, depuis 2019, un débat global sur notre agriculture. Par manque de cohérence, le Président de la République a alterné déclarations de refus et signaux d'ouverture diplomatique, avant de se dire « plutôt positif » lors de son déplacement à Belém début novembre. Cette évolution erratique a brouillé la ligne française et donné le sentiment que notre pays pourrait finir par accepter une version amendée de l'accord. Les syndicats agricoles, les ONG et de nombreux parlementaires dénoncent ces reniements.

Pendant ce temps, la Commission européenne accélère. Elle pousse un accord commercial intérimaire, scindé du volet politique, qui entrerait en vigueur sans ratification nationale, contournant ainsi les parlements. Or, les risques pour nos filières agricoles sont concrets. Pour la viande bovine, il s'agit de 99 000 tonnes sud-américaines, avec un coût de production de 30 % inférieur et l'usage d'hormones, entraînant une perte de valeur pour les éleveurs. Pour les volailles, ce sont des volumes massifs à bas coût, avec des normes sanitaires plus faibles. Pour le sucre et l'éthanol, ce sont des importations qui mettent en péril les coopératives et les usines françaises.

Il y a aussi des risques pour la santé publique : l'importation de produits utilisant des pesticides interdits en Europe expose nos concitoyens à des résidus toxiques, tout comme l'usage massif d'antibiotiques dans les filières bovines et avicoles, qui favorise la propagation de souches résistantes, un danger réel rappelé par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ces flux commerciaux ne sont pas seulement des chiffres : ils signifient moins de revenus pour nos agriculteurs, des exploitations en difficulté et des familles contraintes de renoncer à leur métier. Derrière chaque tonne importée, il y a des vies et des parcours agricoles menacés.

À travers ce projet de résolution européenne, nous proposons clairement de nous opposer à la signature et à l'application provisoire de l'accord, puis de saisir la CJUE pour contester la légalité de la scission du traité et garantir un débat démocratique. C'est un acte de protection pour nos agriculteurs, pour la santé des citoyens et la cohérence de nos engagements climatiques. C'est aussi un acte de démocratie qui réaffirme que les parlements nationaux doivent être consultés. Notre devoir est de défendre nos agriculteurs, nos concitoyens et la parole donnée par la France.

M. Didier Marie. - Je félicite nos rapporteurs, qui ont dû travailler dans l'urgence. Bien que l'accord avec le Mercosur soit sur la table des négociations depuis 1999, Mme von der Leyen et la présidence danoise ont décidé d'accélérer son calendrier de ratification, dans un contexte de revirement de la Commission européenne sur toute une série de mesures visant à accélérer la libéralisation de notre économie et de nos relations commerciales internationales, au nom de la géopolitique et de la compétitivité. Je pense, entre autres, à la remise en cause du devoir de vigilance et du reporting extrafinancier, ou encore au renvoi aux calendes grecques de la loi sur la déforestation.

Nos rapporteurs ont eu raison de souligner les tergiversations de l'exécutif. Totalement opposé à cet accord dans un premier temps, il a ensuite dit qu'il n'était pas si mal... Enfin, lors des dernières questions d'actualité au Gouvernement, le ministre des affaires européennes a déclaré que le compte n'y était pas et qu'il restait des lignes rouges : clause de sauvegarde renforcée, mesures miroirs pour lutter contre les pesticides et protéger l'alimentation animale, renforcement des contrôles sanitaires.

On ne sait toujours pas quelle position l'exécutif défendra au Conseil. On sait en revanche qu'il ne peut plus réunir une minorité de blocage, comme il l'avait imaginé un temps.

La CJUE reste donc l'un des derniers moyens de s'opposer à la ratification de cet accord, et c'est pourquoi il est absolument nécessaire de pousser l'exécutif dans ses retranchements. Malheureusement, cette démarche ne sera pas suspensive, seul le Parlement européen ayant la faculté, s'il vote une résolution permettant de saisir la CJUE, de suspendre la ratification.

En effet, le Parlement doit délibérer et, tant que la CJUE ne s'est pas prononcée, il ne peut pas le faire, ce qui signifie un report de la ratification de plusieurs mois.

Cette volonté de passage en force de la Commission pose tout d'abord un problème de fond, car, manifestement, nous ne sommes pas d'accord avec les termes de cet accord. Elle pose aussi un problème institutionnel, car la Commission européenne contourne les textes et l'avis du Conseil européen, les États membres devant voter à la majorité qualifiée sur un accord de partenariat, et non à l'unanimité sur un accord d'association. Elle contourne aussi les parlements nationaux, qui n'auront plus à s'exprimer sur le sujet.

Pour toutes ces raisons, nous soutenons cette démarche de saisine de la CJUE.

M. Rachid Temal. - Ce texte est assez symptomatique des deux mandats présidentiels, qui ont commencé à la Sorbonne sur les questions européennes et se terminent avec une France totalement affaiblie.

La Commission européenne se sent de plus en plus puissante, sur ce sujet comme sur d'autres, en particulier la défense. On voit bien qu'il y a un dysfonctionnement, mais les États membres en sont aussi responsables, puisqu'ils laissent de plus en plus de marges d'action à la Commission.

Nous avons parfaitement raison d'entreprendre cette démarche, mais il serait bon, aussi, qu'une puissance comme l'Europe réfléchisse à sa vision du commerce international. En nous opposant, sans doute pour de bonnes raisons, aux accords avec le Canada et le Mercosur, prenons garde à ne pas apparaître comme un continent fermé qui ne voudrait commercer avec personne. D'autant que la Commission, dans le même temps, continue de signer des accords, notamment avec l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean). Quel modèle de commerce international voulons-nous porter dans le monde de demain ?

M. Alain Joyandet. - La Commission a outrepassé ses droits par rapport au mandat qui lui avait été donné par le Conseil, instance démocratique de l'Union européenne. C'est une façon de contourner les intérêts des États membres, et c'est très grave. C'est un événement de plus qui contribue à éloigner les peuples des institutions européennes et qui alimente le doute sur la légitimité des décisions qu'elles peuvent prendre. Il relance aussi le débat, pertinent, entre une Europe fédérale qui se construit petit à petit et l'Europe des nations, que nous sommes plusieurs ici à vouloir privilégier. À mes yeux, la résolution devrait rappeler encore plus fermement la nécessité pour la Commission européenne de respecter le Conseil, qui, je le redis, est une institution démocratique.

La décision de saisir la juridiction européenne, que j'encourage, ne sera pas suspensive. Existe-t-il une jurisprudence en la matière ? Des procédures de ce type ont-elles déjà été engagées, et pour quels résultats ? Avons-nous la moindre chance de voir aboutir cette procédure ou allons-nous, une fois de plus, ne faire que ralentir un processus qui, de toute façon, ira jusqu'à son terme ? Je songe notamment aux agriculteurs français, qui sont particulièrement concernés par ce dossier.

M. Pascal Allizard, rapporteur. - Non, il n'y a pas de précédent. C'est un peu un saut dans l'inconnu, mais il faut le faire.

M. Mickaël Vallet. - Voilà une manifestation supplémentaire, loin d'être inédite, du caractère « adémocratique » de la Commission européenne. En continuant de la sorte, nous allons finir par tuer l'idée européenne, qui, depuis plusieurs siècles, est basée sur une culture des libertés publiques qui respecte l'apport des minorités à la majorité.

Ce n'est pas la première fois que cela arrive, mais l'opinion publique et les parlements ne s'en émeuvent que maintenant. Dans des temps pas si lointains, on a fait revoter les Irlandais jusqu'à ce qu'ils acceptent le bon traité. On a fait avaler par le Parlement français réuni en Congrès ce que les Français avaient rejeté par référendum en 2005. On laisse Mme von der Leyen se piquer de questions de défense alors qu'elle n'en a absolument pas la compétence. On a laissé l'Eurogroupe et l'excellent Jean-Claude Juncker commettre un coup d'État monétaire en Grèce sans que cela émeuve grand monde, un exemple dont M. Trump s'inspire aujourd'hui en Argentine...

Je me félicite de constater que le Parlement français, de manière transpartisane, ouvre les yeux sur les méthodes autoritaires de la Commission, même si elles se cachent derrière le sourire de façade de Mme von der Leyen. Comme le disait Philippe Séguin, visionnaire sur le sujet il y a trente-cinq ans, mais qui avait raison tout seul : la France n'est pas n'importe quel pays et la France n'est pas le Dakota du Sud. Encore faut-il que la France elle-même ne s'éloigne pas du fait démocratique. Or, plus le temps passe, moins nous avons de leçons à donner en la matière.

Jean-Claude Juncker déclarait qu'aucun choix démocratique n'était possible face aux traités européens. Il va bien falloir tôt ou tard remettre les choses au carré du point de vue des parlements nationaux !

M. Guillaume Gontard. - Nous voterons évidemment cette résolution, qui pose aussi la question de la perte d'influence de la France au niveau européen.

S'agissant du Mercosur, les premières manifestations datent de 1999. Cet accord est contesté depuis longtemps, et nous avons eu de nombreuses possibilités de l'arrêter ou d'agir sur ses orientations. Nous payons aussi le manque de clarté de nos positions politiques sur ce traité.

Aujourd'hui, je me réjouis de constater que nous percevons ses dangers, notamment pour notre agriculture, et que nous tentons collectivement de nous y opposer. C'est aussi la démonstration que l'autorégulation des marchés par la compétitivité conduit toujours à la dégradation de la biodiversité, à la surexploitation des sols et à la malbouffe. Cet accord reste prisonnier du monde d'avant, fruit d'errances productivistes en totale contradiction avec les enjeux climatiques.

Il doit aussi nous conduire à nous interroger sur la manière dont nous comptons peser sur la révision à venir de la PAC. J'espère que, collectivement, nous serons beaucoup plus clairs sur ce que nous souhaitons pour l'agriculture française et européenne.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous voterons bien entendu cette résolution des deux mains.

La France a toujours défendu l'idée que le paquet commercial devait demeurer joint au paquet investissement, seule façon pour que les parlements nationaux puissent se prononcer. J'ai moi-même tenu cette position dans les conseils des ministres du commerce de l'Union européenne de 2017 à 2019. On ne peut que regretter que le Parlement européen, ces derniers jours, ait déclaré irrecevables des résolutions qui visaient à saisir la CJUE. Nous encourageons donc le Gouvernement à le faire au titre de ses prérogatives nationales.

Nous sommes tous membres de formations politiques représentées au niveau européen, et il est utile aussi que nous agissions sur le front de la diplomatie parlementaire. J'ai le souvenir de discussions parfois tendues avec mes homologues du PSOE en Espagne ou du SPD en Allemagne, qui étaient très enthousiastes à l'idée de conclure un tel accord. Il est donc utile que nous puissions porter notre message auprès des différentes formations politiques européennes.

Puisqu'il a été fait référence au discours de la Sorbonne, je note toutefois que la France a pu peser utilement pour réorienter en partie la politique commerciale de l'UE. J'ai notamment en tête toutes les dispositions relatives au contrôle des investissements étrangers sur le continent européen. Longtemps, la France a été vue comme la patrie colbertiste de service qui faisait du protectionnisme. Mais c'est grâce à un certain nombre d'idées françaises que l'Europe est aujourd'hui mieux armée pour faire face à des tentatives de prises de contrôle de brevets ou d'entreprises.

M. Philippe Paul, président. - Venons-en à l'examen des amendements.

Les amendements de précision COM-1, COM-2, COM-3 et COM-4 sont adoptés.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à préciser que, en l'absence de clauses miroirs, et compte tenu des écarts constatés dans les normes sanitaires et phytosanitaires, la mise en oeuvre de l'accord se traduira par une distorsion de concurrence au détriment de l'agriculture européenne.

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement de précision COM-6 est adopté.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - En proposant la signature, la conclusion et la mise en oeuvre provisoire d'un accord de partenariat, et non d'un accord d'association, la Commission européenne s'est manifestement écartée du mandat de négociation qui lui avait été donné par le Conseil. Nous entendons dénoncer cette dérive à travers l'amendement COM-7.

L'amendement COM-7 est adopté.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - L'amendement COM-8 vise, premièrement, à s'interroger sur la compatibilité du mécanisme de rééquilibrage prévu dans l'accord avec les principes d'autonomie de l'ordre juridique de l'Union européenne et de sécurité juridique, et à signaler en outre qu'il est susceptible de porter atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale.

L'amendement COM-8 est adopté.

La proposition de résolution européenne est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.

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