N° 194
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026
Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 décembre 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à simplifier la sortie de l'indivision successorale,
Par M. Jean-Baptiste BLANC,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, M. Marc-Philippe Daubresse, Mmes Laurence Harribey, Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, Lauriane Josende, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. Jean-Baptiste Blanc, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Thani Mohamed Soilihi, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Anne-Sophie Patru, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
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Assemblée nationale (17ème législ.) : |
823, 1004 et T.A. 63 |
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Sénat : |
415 (2024-2025) et 195 (2025-2026) |
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L'ESSENTIEL
La proposition de loi n° 415 (2025 - 2026) visant à simplifier la sortie de l'indivision successorale, adoptée le 6 mars 2025 par l'Assemblée nationale et inscrite au Sénat dans l'espace réservé du groupe Union centriste, porte des mesures affectant principalement le droit des indivisions successorales mais aussi des successions vacantes. L'objectif affiché par les auteurs du texte est de « simplifier » les sorties de ces indivisions et le règlement des successions vacantes, notamment pour répondre aux situations de blocage qui peuvent être constatées sur le terrain. Celles-ci peuvent entraîner une dégradation des biens, autant dommageable aux indivisaires qu'à la collectivité.
Tout en souscrivant à ces objectifs, la commission a, sur proposition de son rapporteur, Jean-Baptiste Blanc, adopté 9 amendements afin de tenir compte des difficultés juridiques identifiées lors de ses travaux, et de proposer des solutions y répondant de façon plus adéquate.
I. LE DROIT DE L'INDIVISION ET DES SUCCESSIONS VACANTES OPÈRE UNE CONCILIATION EXIGEANTE ENTRE LE RESPECT DE LA PROPRIÉTÉ ET LE RÈGLEMENT DES SITUATIONS DE BLOCAGE
A. LE PRINCIPE DE L'UNANIMITÉ A ÉTÉ PROGRESSIVEMENT ASSOUPLI MAIS DEMEURE LA RÈGLE POUR LES PARTAGES AMIABLES
L'indivision est un régime juridique qui s'applique à un bien ou à un ensemble de biens partagé entre plusieurs propriétaires, dits indivisaires, qui disposent ensemble de pouvoirs concurrents sur celui-ci. Comme son nom l'indique, l'indivision successorale rassemble les héritiers et les légataires d'un même actif successoral avant qu'il ne soit partagé entre eux.
Le législateur est intervenu pour faciliter la gestion de ces indivisions qui sont, par nature, sujettes à des conflits puisqu'elles résultent fréquemment d'un divorce ou d'un désaccord lors d'une succession. La loi distingue désormais à cet égard trois catégories d'actes :
Ø les actes conservatoires, qui recouvrent les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, peuvent être pris sans habilitation par un seul indivisaire, dans la mesure où ils préservent lesdits biens d'un péril ;
Ø les actes d'administration, qui découlent de l'exploitation normale des biens indivis, peuvent être pris à la majorité des deux tiers des droits indivis, à condition d'en informer les autres indivisaires ;
Ø les actes de disposition, donc de vente, des biens indivis demeurent quant à eux régis par le principe d'unanimité.
L'indivision doit en toute hypothèse aboutir au partage des biens indivis, soit en nature, en procédant à la répartition par lots, soit en valeur, en ventilant le montant obtenu lors de leur aliénation. Chaque copartageant reçoit alors des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l'indivision.
Lorsque les indivisaires échouent à s'entendre à l'amiable, le code civil prévoit l'éventualité d'un partage judiciaire, que n'importe quel indivisaire peut provoquer, conformément au principe, énoncé à l'article 815 du même code, selon lequel « nul ne peut être contraint à demeurer dans l'indivision ». Il existe deux procédures de partage judiciaire :
Ø le partage judiciaire « simple », dans le cadre duquel le tribunal ordonne le partage, s'il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les indivisaires sont capables et présents ou représentés, ce sans qu'un notaire ne soit nécessairement désigné ;
Ø le partage judiciaire « complexe », lors duquel le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations, compte tenu de leur complexité.
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Nombre annuel de demandes de partages judiciaires, toutes catégories1(*) |
L'objectif du législateur demeure toutefois de
faciliter le partage amiable pour réserver le partage
judiciaire aux cas les plus sensibles, et d'inciter à la sortie
de l'indivision, pour éviter les situations de blocage.
Parallèlement aux grands principes décrits supra,
plusieurs procédures ont donc été adoptées pour
atteindre ces objectifs, notamment en permettant à un copartageant
de mettre en demeure un indivisaire défaillant de se faire
représenter sous trois mois au partage amiable, en permettant aux
titulaires de deux tiers des droits indivis de saisir la justice en vue d'une
autorisation de vente d'un bien ou encore, en outre-mer et en Corse, où
s'observe une situation de désordre foncier sévère, en
abaissant les seuils nécessaires pour vendre,
par procédure
notariale et sans intervention judiciaire, des biens indivis.
Ces règles dérogatoires doivent toutefois être conciliées avec le respect du droit de propriété, protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Le respect du droit de propriété encadre également la gestion des successions vacantes. Une succession est déclarée vacante lorsqu'il ne se présente personne pour la réclamer et qu'il n'y a pas d'héritier connu, lorsque tous les héritiers y ont renoncé ou lorsqu'ils n'ont pas opté, de manière tacite ou expresse, après un délai de six mois. Le juge désigne alors la direction nationale d'interventions domaniales, la Dnid, curatrice de la succession au nom de l'État. La Dnid est chargée de la gestion de l'actif successoral du défunt et du règlement de ses dettes en procédant, le cas échéant, à la vente des biens.
* 1 Source : ministère la justice (DACS). Il s'agit de la moyenne sur la période 2018-2024.
