B. UNE PROTECTION SOCIALE TRÈS INSUFFISANTE, NE COUVRANT PAS LA PERTE DE REVENUS
Les artistes auteurs se sont vus reconnaître un régime de protection sociale, toujours en cours de consolidation. Après des défaillances des organismes historiquement agréés, l'affiliation des artistes auteurs, l'information des assurés et la gestion de l'action sociale ont été confiées à la sécurité sociale des artistes auteurs (SSAA), tandis que le recouvrement des cotisations a été transféré à l'Urssaf du Limousin. L'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à consolider les transferts à l'Urssaf, ainsi que la gouvernance et les compétences de la SSAA.
Pour l'ouverture de leurs droits aux prestations des assurances maladie, maternité, invalidité et décès, les artistes auteurs doivent justifier de ressources supérieures à 600 Smic horaire sur une année. Toutefois si les revenus sont inférieurs à ce seuil, il leur est possible de cotiser sur une assiette forfaitaire de 600 Smic horaire. En outre, des revenus supérieurs ou égaux à 150 Smic horaire brut permettent de valider un trimestre de retraite. Les artistes auteurs ne sont en revanche pas couverts contre les accidents du travail et les maladies professionnelles.
Surtout, leur protection sociale ne comprend pas d'assurance chômage. Les artistes auteurs privés de revenus ne peuvent bénéficier que de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) ou du revenu de solidarité active (RSA). Ces deux allocations, au montant très faible, ne sont pas satisfaisantes.
Si certaines professions peuvent donner lieu à un double statut, selon que la personne exécute une tâche précise et temporaire dans le cadre d'un contrat de travail ou se trouve à l'origine d'une création originale, les artistes auteurs ne peuvent bénéficier du régime de l'intermittence prévu aux annexes VIII et X à la convention relative à l'assurance chômage. Ce régime, qui a concerné plus de 312 000 personnes en 2023 dont 100 000 ont été indemnisées, est réservé aux salariés du spectacle titulaires d'un contrat à durée déterminé.
C. LA PRÉCARITÉ DES ARTISTES AUTEURS EST DONC RÉELLE
La précarité des artistes auteurs s'avère, dès lors, très prégnante ; seuls 22,7 % des artistes auteurs ayant une assiette sociale non nulle gagnaient assez pour ouvrir pleinement des droits sociaux. Le rapport de Bruno Racine, remis au ministre de la culture en 2020 fait état d'une érosion grandissante des revenus artistiques. Les travaux de la rapporteure étayent ce constat. Le déséquilibre des relations contractuelles entre les commanditaires et les artistes auteurs, et l'inadaptation des dispositions régissant le droit d'auteur placent les individus dans « une ubérisation de l'activité artistique », selon les mots de Stéphanie Le Cam, maîtresse de conférences de droit privé.
Cette précarisation se traduit par des effets particulièrement marqués pour les femmes et les jeunes. Les données disponibles sur les revenus montrent que l'écart de rémunération entre les femmes et les hommes s'accroît au cours de la carrière. En outre, les jeunes diplômés sont surexposés aux difficultés économiques liées à un marché de l'art particulièrement compétitif. L'école des Beaux-arts de Paris remarque que, sur les promotions 2017-2021, 56 % de ses diplômés gagnent moins de 15 000 euros par an.
Assiette de revenus moyenne (en euros) selon
l'âge et le sexe en 2022
(hors assiettes nulles)
Source : Commission des affaires sociales, données de l'observatoire des revenus et de l'activité des artistes auteurs.
