B. UNE PÉNURIE DE TRAVAILLEURS SOCIAUX SYMPTOMATIQUE DE CONDITIONS DE TRAVAIL DIFFICILES

Selon le HCTS, les postes vacants dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) à but non lucratif ne cessent d'augmenter, atteignant plus de 35 000 postes en 2023. Cette même année, plus de 71 % des établissements déclaraient avoir des difficultés de recrutement, d'attractivité et de fidélisation de leurs salariées1(*). En l'absence de mesures, la situation n'ira pas en s'améliorant puisque la pyramide des âges dans les professions sociales va aggraver les tensions. Dans le champ de l'action sanitaire, sociale et médico-sociale, l'Opérateur de compétences (Opco) anticipe ainsi 90 000 départs en retraite dans les trois prochaines années.

Ce constat s'explique principalement par les conditions de travail des travailleuses sociales. Les acteurs entendus en audition ont premièrement insisté sur le taux particulièrement élevé d'accidents du travail ou de maladies professionnelles (AT-MP). Selon les données de l'assurance maladie, l'hébergement social et médico-social demeure, en 2024, le premier secteur représenté parmi les accidents du travail en lien avec des affections psychiques ou des risques psycho-sociaux.

Ce secteur est également marqué par une paupérisation de ses travailleuses. Si les rémunérations en équivalent temps plein (ETP) sont basses, en prenant en compte les nombreux temps partiels, le salaire moyen est, en réalité, plus faible encore, en s'établissant à 1 296 euros par mois. En audition, les syndicats ont également insisté sur l'absence complète d'échelle des salaires dans les branches concernées. En conséquence, les salariés débutent leur carrière au Smic et y demeurent longtemps, sans progression salariale.

Salaire mensuel net des professionnelles du social en 2023,
en équivalent temps plein (ETP)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, données de la Drees

C. UN DÉFAUT DE FINANCEMENT PUBLIC QUI COMPROMET LA MISE EN oeUVRE DES REVALORISATIONS SALARIALES

Le faible dynamisme des salaires s'explique en partie par les règles encadrant le dialogue social dans la branche associative sanitaire, sociale et médico-sociale (BASS) et la branche de l'aide à domicile (BAD). Les accords collectifs doivent être soumis à agrément du ministre chargé de l'action sociale pour être opposables aux financeurs publics (État, sécurité sociale, collectivités locales). Or, pour des raisons de soutenabilité financière ou des motifs en opportunité, plusieurs avenants salariaux n'ont pas été agréés ces dernières années. Les salaires minima hiérarchiques (SMH) en bas de grille se retrouvent donc en situation de non-conformité au Smic.

Le défaut de financement des revalorisations salariales s'est également fait jour avec l'extension de la prime « Ségur » à l'ensemble des travailleuses sociales. L'accord du 4 juin 2024 a généralisé la prime Ségur à l'ensemble des professionnelles de la BASS, pour un coût estimé à 170 millions d'euros annuels pour les départements. Si une compensation financière partielle, à hauteur de 85 millions d'euros, a finalement été convenue entre le Gouvernement et Départements de France, de nombreux départements resteront dans l'incapacité de compenser aux structures l'entièreté des coûts salariaux supplémentaires.

Une proposition de loi ne saurait toutefois résoudre à elle seule l'ensemble des enjeux relatifs au financement des revalorisations salariales. La rapporteure estime qu'il revient au Gouvernement d'entendre la difficulté des départements à faire face au dynamisme des dépenses et d'entamer une réflexion d'ensemble pour mettre fin au sous-financement chronique des politiques sociales départementales.


* 1 Les travailleurs sociaux étant en grande majorité des femmes, la désignation au féminin rend compte de cette réalité.

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