CHAPITRE II - LE CADRAGE MACROÉCONOMIQUE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996

Retour sur 1993 et 1994

"De la récession à la reprise de la croissance"

Après la récession constatée en 1993 avec un repli du produit intérieur brut de 1,5 % par rapport à 1992, la reprise économique a été en 1994 plus vive que prévu.

Au terme des révisions des comptes nationaux, la croissance réelle en 1994 est évaluée à 2,9 % pour un PIB de 7.383,3 milliards de francs à la fin de l'année.

En 1993, la récession est provenue de deux causes majeures :

- un net repli de l'investissement en général et de l'investissement des entreprises en particulier, celui-ci exerçant un effet dépressif sur l'activité de l'ordre de 0,7 %.

- les variations de stocks, la politique de déstockage des entreprises ayant à elle seule conduit à une décroissance du PIB de l'ordre de 2 %.

Seules deux variables ont pu soutenir l'activité en 1993 :

ï la demande des administrations publiques à hauteur de 0,6 % ;

ï le commerce extérieur pour 0,8 % grâce davantage au repli des importations -+ 0,9 % du PIB- qu'à l'essor des exportations - 0,1 % du PIB.

La reprise de la croissance en 1994, avec pour toile de fond une reprise modérée de la consommation des ménages, est venue de l'investissement, mais surtout des variations des stocks des entreprises.

Contributions à la croissance du PIB en 1993 et en 1994 (prix de 1980) (en %)

1993

1994

Consommation des ménages Consommation Finale des administrations Investissement dont :

- SQS et EI

- Ménages hors EI

- Administrations Publiques

- Autres

Solde extérieur

Variations de stocks

0,1

0,6

- 1,3

-0,7 -0,4

0,0 -0,1

0,8

- 1,8

0,9 0,2 0,3

0,0 0,1 0,1 0,0 -0,3 1,7

PIB

-1,5

2,9

Source : Comptes nationaux - INSEE

Deux phénomènes importants :

L'importance prise par les mouvements de stocks dans les évolutions conjoncturelles observées en 1993 et 1994 doit être soulignée. Hors effets de stocks, la croissance aurait été de 0,2 % en 1993 et de 1,1 % en 1994.

La reprise de l'activité en 1994, bien réelle, est donc moins due au dynamisme des composantes traditionnelles et "lourdes" de la croissance qu'à la variation d'une de ses composantes considérée en générale comme l'une des moins significatives.

L'une des importantes conséquences du rythme de la reprise de l'activité en 1994 -avec une accélération du taux de croissance au second semestre- est d'avoir dégagé un important acquis de croissance pour l'année 1995 puisque, au début de 1995, l'acquis pouvait être évalué à 2 %.

L'acquis de croissance mesure ce que serait le taux de croissance en moyenne annuelle qu'on obtiendrait si le niveau du PIB restait stable.

Il s'agit d'un indicateur avancé de la croissance annuelle.

Exemple : si le PIB des troisième et quatrième trimestres de 1995 restait au niveau atteint au deuxième trimestre -1.928,7 milliards de francs- la croissance réalisée en 1995 serait de 4,2 %, soit le rapport entre la somme des PIB trimestriels en 1995 : 1.908.7 + 1.928,7 + 1.928,7+ 1.928,7 = 7.694,8 et le niveau du PIB en 1994 = 7.383,4 milliards de francs.

Une autre importante conséquence de la croissance de l'année 1994 est qu'elle a permis à l'économie française de récupérer une part de l'écart entre sa production effective et sa production potentielle, qui s'était creusé dans la phase de dépression de l'activité.

Apprécier la production potentielle dans une économie n'est pas simplement un luxe de prévisionniste mais permet de disposer d'un indicateur avancé de l'évolution de grandes variables -salaires, prix, croissance- et de porter un diagnostic sur les problèmes auxquels une économie est confrontée : croissance prévisible du revenu, degré de flexibilité des facteurs de production, compétitivité extérieure...

L'estimation du taux de croissance potentiel est, depuis Malthus, un vieux problème de la science économique, mais il prend une acuité particulière dans une économie de sous-emploi durable.

La croissance potentielle est, en première analyse, celle qui résulterait d'un plein emploi des facteurs de production corrigé par la prise en compte des gains de productivité. Mais, compte tenu des rigidités structurelles ou des tensions sur les prix des facteurs qu'occasionnerait ledit plein emploi, le taux de croissance durable est, malheureusement, inférieur à celui qui en résulterait.

Le consensus -l'opinion moyenne des experts- établit le taux de croissance potentielle de l'économie française à 2,5 %.

La croissance réalisée en 1994 -2,9%- excède ainsi le rythme de la croissance potentielle.

Cependant, compte tenu de l'écart entre la production effective et la production potentielle qui s'était creusé au cours de la récession, la croissance réalisée en 1994 n'a permis de regagner que 8 % de cet écart.

Dans ces conditions, d'importantes marges de croissance restent disponibles.

Le projet de loi de finances pour 1996 est bâti sur une hypothèse de croissance du PIB de 2,8 % qui est le chiffre médian d'une fourchette allant de 2,5 % à 3 % de croissance.

Cette prévision comporte un certain nombre d'aléas qu'on ne doit sans doute pas cumuler mais dont la probabilité de réalisation s'est quelque peu renforcée entre le moment où ont été élaborées les prévisions économiques pour 1996 et celui où est rédigé ce rapport.

En atteste le glissement de la tonalité des débats économiques entre septembre et octobre 1995 vers un optimisme plus mesuré, voire vers une certaine inquiétude.

I. LES ENCHAÎNEMENTS MACROÉCONOMIQUES

A. LA PRÉVISION ASSOCIÉE AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1996

Contributions à la croissance du PIB

(Contributions à la croissance du PIB en points)

La croissance serait de 2,8 % en 1996.

Quelle confiance accorder aux prévisions économiques ?

"L'erreur de prévision est inhérente à tout exercice de prospective.

Les années récentes ont été marquées par d'importantes révisions en baisse des prévisions de croissance. Ainsi, pour 1991, la prévision associée à la loi de finances tablait sur une évolution du PIB de 2,7 % pour une réalisation de 0,6 % dans les comptes semi-définitifs de l'INSEE ; pour 1993, l'écart est plus fort encore entre les 2,6 % du rapport économique, social et financier et l'estimation actuelle d'une baisse de 1,5%. Ces corrections, pour importantes qu'elles soient, ne sont pas tout à fait exceptionnelles : l'année 1975 a vu une erreur de 3,9 points (entre 4,2 % prévus et 0,3 % réalisés) ; d'importantes erreurs en sens inverse ont été commises : 2,9 points en 1969 (entre 5 % prévus et 7,9 % réalisés) et, plus près de nous, 2,1 points en 1988 (entre 2,2 % prévus et 4,3 % réalisé).Mais nombre d'années ont été plus satisfaisantes pour les prévisionnistes.

Au total, la précision moyenne de prévision à un an a pu être estimée sur la période 191990 à environ 1 à 1,5 point ; elle est encore comprise entre 0,5 et 1 point pour une prévision réalisée à l'été de l'année considérée. En effet, d'une part, le compte provisoire de l'INSEE apparaît lui-même comme une estimation du compte définitif à 0,5 point près pour le PIB. D'autre part, les budgets économiques soutiennent la comparaison avec les différents organismes et aucun n'apparaît systématiquement meilleur que les autres.

Enfin, si le "consensus" combinant les prévisions disponibles paraît en moyenne un meilleur prédicateur que chacun des organismes pris isolément, il paraît toujours possible d'obtenir un meilleur résultat que lui."

Source : Notes bleues n° 34 - mars 1994.

1. L'environnement international

La contribution du commerce extérieur à la croissance serait nulle après avoir été positive -0,3 point- en 1995.

L'environnement international serait marqué par une croissance de 2,7 % dans les pays de l'OCDE contre 2,5 % en 1995. L'économie américaine réussirait son atterrissage en douceur et l'activité reviendrait au niveau de la croissance potentielle, soit 2,8 %. En Europe, après la pause observée en 1995, une reprise se dessinerait en particulier en Allemagne où la croissance serait de 2,9 % en 1996.

La demande mondiale adressée à la France s'accroîtrait de 7,5 % contre 8,9% en 1995.

Le solde des échanges extérieurs passerait d'un niveau record en 1995 de 100,4 milliards de francs à un niveau toujours élevé de 92,8 milliards de francs.

La prévision est construite à partir d'une hypothèse conventionnelle de gel des parités à leur niveau moyen du 21 au 25 août 1995.

Entre le mois de décembre 1994 et le mois de juillet 1995, le cours du franc a été affecté par des turbulences sur le marché des changes. Face à notre monnaie, le dollar et la lire italienne se sont dépréciés de façon importante (-19%), ainsi que la livre anglaise (-8,6%) et la peseta (- 0,9 %) dans une moindre mesure. A l'inverse, au cours de la même période, d'autres monnaies sont restées à peu près stables vis-à-vis du franc : le yen (1,2 %), le mark (0,2 %), le franc suisse (1,2 %), le florin (0,2 %), le franc belge (0,2 %).

Dans l'ensemble, ces mouvements de parité dont certains s'apparentent à de réelles dévaluations compétitives écornent la compétitivité de nos produits.

Certains secteurs sont plus touchés que la moyenne. C'est le cas pour l'aéronautique à cause de la concurrence américaine, du textile et des cuirs et chaussures à cause de la concurrence des pays d'Asie, dont la monnaie est liée au dollar, de l'Italie ainsi que de l'Espagne. En revanche, d'autres branches ont peu ressenti les derniers mouvements de change comme les métaux ferreux, les matières plastiques et le transport terrestre (notamment le secteur automobile où les effets de la dépréciation du dollar, de la lire et de la peseta ont été compensés par l'appréciation du mark et du yen).

Compte tenu de la volatilité observable sur le marché des changes et de la stratégie de dépréciation du dollar conduite par l'administration américaine, l'hypothèse d'un gel des parités apparaît fragile mais raisonnable.

Fragile, parce que le creusement sans précédent du déficit extérieur aux États-Unis provoque une baisse conséquente du dollar et des pertes de compétitivité en Europe, et parce que l'orientation du commerce extérieur américain reste hypothétique.

Raisonnable, parce que les mouvements du dollar sont susceptibles de modifier les parités entre les autres monnaies dans un sens qui peut compenser les effets sur la compétitivité de la France de la dépréciation du dollar.

On ne peut cependant pas ignorer les conséquences associées à ce dernier scénario qui pourrait accentuer les tensions entre les monnaies européennes et orienter dans un sens non souhaitable les politiques monétaires en Europe.

2. La demande intérieure

Hors stocks, la contribution de la demande intérieure à la croissance du PIB s'élèverait à 2,7 points.

La consommation des ménages s'accroîtrait de 2,3 % en volume.

Cette progression serait obtenue malgré une inflexion de gains de pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages qui n'augmenterait que de 1,6 % en 1996.

Les revenus d'activité resteraient bien orientés avec un gain de 1,3 % du salaire par tête et une progression de l'emploi salarié non financier non agricole de 2,1 %. Toutefois l'hypothèse d'un rééquilibrage progressif des comptes sociaux qui a été posée conduit à une économie de dépenses de l'ordre de 32 milliards de francs qui correspond à une amputation du même montant du revenu disponible brut des ménages.

La croissance de la consommation proviendrait donc, pour beaucoup, d'une baisse du taux d'épargne des ménages qui se replierait de 0,6 point, passant de 13.8 à 13,2 % entre 1995 et 1996 après une progression de 0,4 point l'an dernier.

L'investissement total augmenterait de 5,1 %, ce qui proviendrait d'une accélération du rythme d'investissement des entreprises (+ 8 % en 1996 contre + 6,3 % en 1995). Cette évolution résulterait d'une situation de solvabilité des entreprises plus favorable (les frais financiers absorbent le quart du bénéfice d'exploitation contre le tiers il y a trois ans) et de forts besoins d'augmenter les capacités de production installées.

L'inflation resterait maîtrisée malgré une accélération en 1995 de l'inflation sous-jacente de 1 à 1,9%.

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