4. Les décrets d'avances

Le régime des décrets d'avances porte une atteinte au caractère limitatif des crédits mais aussi et surtout au principe d'une autorisation parlementaire préalable de la dépense. Au moment de l'aborder, il faut ne pas oublier de citer l'hypothèse, d'utilisation très rare, des dépassements de crédits résultant de circonstances de force majeure, mentionnée par l'article 35 de l'ordonnance.

Hors cette occurrence et celle, déjà envisagée, des décrets d'avances pris pour faire face à des calamités ou à des dépenses urgentes ou imprévues, dans cette dernière situation, l'abondement des crédits d'un chapitre n'augmente pas le volume initial du budget. Il existe trois catégories de décrets d'avances qui, quant à elles, ont cet effet :

- la première, organisée par l'article 10 de l'ordonnance, concerne les crédits provisionnels, et devrait disparaître avec cette catégorie de crédits ;

- la deuxième ouvre la faculté d'augmenter les crédits en cas d'urgence et de nécessité impérieuse d'intérêt national. En ce cas, le respect de l'équilibre financier des lois de finances en vigueur n'est pas exigé. La gravité de l'atteinte portée à l'autorisation parlementaire suppose, en contrepartie, qu'un projet de loi de finances portant ratification de ces crédits soit déposé immédiatement ou à l'ouverture de la plus prochaine session du Parlement. Très heureusement, la condition de nécessité impérieuse d'intérêt national se rencontrant rarement, ce cas d'ouverture de crédits par décrets d'avances semble assez théorique. Il pourrait être d'autant plus facilement envisageable de le supprimer que le régime de session unique du Parlement et la facilité de convoquer celui-ci en session extraordinaire -exigence bien naturelle en cas de " nécessité impérieuse d'intérêt national " - permettent au gouvernement d'obtenir rapidement des crédits du Parlement ;

- la troisième catégorie de décrets d'avances est la plus répandue. Elle correspond à la situation où l'urgence motive des ouvertures de crédits supplémentaires, sans que celles-ci n'affectent l'équilibre financier défini par la loi de finances. Elle doit respecter des conditions de forme, avec l'intervention d'un décret pris sur avis du Conseil d'Etat et une demande de ratification dans la plus prochaine loi de finances.

Evolution des ouvertures par décrets d'avance et des annulations associées

Nombre de décrets d'avance

Montant (en millions de francs)

Part dans les crédits initiaux nets
(en %)

Ouvertures

Annulations associées

Solde

Ouvertures

Annulations

Solde

1980

2

3.496

610

2.886

0,67

0,12

0,55

1981

2

285

-

285

0,05

-

0,05

1982

1

2.150

250

1.900

0,27

0,03

0,24

1983

-

-

-

-

-

-

-

1984

2

3.780

2.781

999

0,4

0,3

0,1

1985

-

-

-

-

-

-

-

1986

1

630

530

100

0,06

0,05

0,01

1987

3

7.284

5.219

2.065

0,69

0,5

0,19

1988

2

4.362

2.733

1.629

0,40

0,25

0,15

1989

2

5.073

6.573

- 1.500

0,44

0,57

- 0,13

1990

2

2.803

3.743

- 940

0,23

0,31

0,08

1991

1

1.500

-

1.500

0,12

-

0,12

1992

2

14.781

4.781

10.000

1,12

0,36

0,76

1993

1

5.000

5.000

0

0,36

0,36

0,00

1994

2

7.245

7.170

75

0,50

0,49

0,01

1995

1

600

600

0

0,04

0,04

0,00

1996

2

17.731

14.851

2.880

1,14

0,95

0,19

1997

2

12.836

12.781

55

0,81

0,81

0,00

1998

2

6.037

5.358

679

0,38

0,33

0,04

Le montant des ouvertures de crédits par décrets d'avances est variable selon les années. Il atteint parfois des niveaux élevés et même si, alors, les ouvertures de crédits ainsi réalisées ne représentent qu'une faible proportion des crédits ouverts, comparées aux mesures nouvelles de la loi de finances, elles deviennent sensiblement plus significatives.

Cette situation pourrait constituer une exception admissible au principe de l'autorisation parlementaire préalable si la condition d'urgence et celle d'un respect de l'équilibre financier défini par les lois de finances étaient toujours réunies.

Tel n'est pas le cas et, comme l'écrivait l'auteur du manuel de législation financière du centre de formation professionnelle du ministère de l'économie et des finances 31 ( * ) : " L'urgence est donc souvent invoquée alors même que les circonstances ne le justifient pas " ; " les crédits supplémentaires ne sont pas toujours gagés par de véritables recettes... ou sont payés par des recettes supplémentaires estimées mais non encore constatées ".

La pratique des décrets d'avances apparaît donc abusive.

C'est la raison pour laquelle elle doit être soumise à des conditions plus strictes que celles actuellement en vigueur. Un avis préalable des commissions des finances devrait ainsi être prévu. L'exigence formelle d'une constatation des annulations de crédits et des recettes supplémentaires venant financer les ouvertures de crédits pourrait également être posée.

* 31 Edition de novembre 1987.

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