CHAPITRE VI :

LES FINANCES SOCIALES, BÉQUILLE DES FINANCES PUBLIQUES ?

Pour la deuxième année consécutive, les comptes de la sécurité sociale présentent, en apparence, des résultats vertueux. Mais, comme l'année précédente, force est de se rendre à l'évidence : ces apparences sont, pour une large part, factices. Un fragile excédent du régime général qui masque des disparités croissantes entre branches et, une fois encore, l'impossible maîtrise des dépenses de santé ; un excédent « historique » des comptes des administrations de sécurité sociale qui n'en rend que plus flagrante leur déconnexion avec l'évolution des comptes de l'Etat et qui risque bien d'être « réquisitionné » pour assurer le financement des dépenses sociales décidées par le gouvernement.

A cet égard, la décision, prise par le ministère de l'emploi et de la solidarité, de repousser de trois semaines la réunion de la commission des comptes de la sécurité sociale est révélatrice. Elle traduit les difficultés qu'a rencontrées le gouvernement pour arrêter sa position non seulement sur les prévisions d'équilibre de la sécurité sociale pour 2001, et notamment sur sa capacité à respecter l'objectif national de progression des dépenses d'assurance maladie (l'ONDAM) cette année, mais aussi, et surtout, sur le financement des allégements de charges liés à la mise en place des 35 heures, véritable « pomme de discorde » entre le gouvernement et les partenaires sociaux d'une part, entre le ministère de l'emploi et de la solidarité et celui de l'économie et des finances d'autre part.

I. DES FINANCES SOCIALES DÉCONNECTÉES DES FINANCES DE L'ÉTAT

A. L'AMÉLIORATION DES SOLDES DES FINANCES SOCIALES

1. La situation du régime général

Après son retour à l'équilibre comptable en 1999, le régime général de la sécurité sociale présente un solde excédentaire, en encaissements et en décaissements, de 5,2 milliards de francs en 2000. En comptabilité de droits constatés, cet excédent s'établit à 4,4 milliards de francs.

La commission des comptes de la sécurité sociale avait estimé en septembre dernier que ce solde s'élèverait à 3,3 milliards de francs d'excédent. Par rapport au mois de septembre, les recettes et les dépenses sont revues à la baisse, respectivement de 1,3 et 3,2 milliards de francs. Ces écarts sont le résultat de mouvements complexes.

L'absence de couverture d'une partie des exonérations de cotisations sociales (pour 13,2 milliards de francs) pèse sur les recettes, qui bénéficient en revanche de rentrées de CSG plus élevées que prévues (+ 8,2 milliards de francs en métropole), particulièrement sur les revenus du capital.

Recettes consolidées du régime général

De 1999 à 2001

(en milliards de francs et évolution en %)

1999

2000

2001 prév.

Milliards
de francs

Evolution en %

Milliards
de francs

Evolution en %

Milliards
de francs

Evolution en %

Cotisations (1)

867

1,8

907,4

4,7

966,6

6,5

Impôts et taxes affectés (2)

284

12,1

309,7

9,1

319,6

3,2

Transferts (3)

70,8

1,7

62,7

- 11,5

60,7

- 3,2

Contributions publiques

37,9

17,7

34,5

- 9

33,7

- 2,2

Autres recettes (4)

27,2

17,5

28,8

5,9

28,5

- 0,9

Total Recettes

1 286,9

4,6

1 343

4,4

1 409,1

4,9

(1) y compris les exonérations prises en charge

(2) CSG. Taxes diverses (assurances automobiles, alcools, tabacs, publicité pharmaceutique) en métropole

impôts de 1 % sur les revenus des capitaux et les valeurs mobilières

(3) Transferts divers entre organismes de sécurité sociale et autres transferts reçus

(4) Recours contre tiers, produits financiers, recettes diverses, recettes DOM

Source : direction de la sécurité sociale

S'agissant des dépenses, les montants constatés en assurance maladie sont supérieurs aux estimations, pourtant déjà fortement relevées, du mois de septembre, mais les dépenses sont moindres que prévues dans les autres branches. Les prestations vieillesses connaissent peu de changements mais les dépenses de la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) sont au total inférieures de 3,4 milliards de francs aux prévisions de septembre en raison de la non réalisation du versement de 2,9 milliards de francs au Fonds de réserve des retraites. Enfin, les dépenses de la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) se révèlent légèrement inférieures aux prévisions.

Au total, l'excédent du régime général en 2000 se concentre sur la branche famille et sur les accidents du travail. La CNAV dégage un petit excédent, en retrait sur le résultat de l'année précédente. Le déficit de la branche maladie se réduit mais reste très substantiel (- 6,1 milliards de francs).

En outre, l'année 2000 a été marquée par une forte progression de l'emploi et de la masse salariale (environ 6 %). Cependant les recettes du régime général ont augmenté sensiblement moins vite que l'assiette salariale qui en constitue pourtant le principal déterminant. L'écart s'explique en partie par la montée en régime des exonérations qui n'ont pas été intégralement remboursées au régime général. Y ont également contribué la réduction de la prise en charge par l'Etat de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et la diminution des transferts du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) à la CNAV.

Au total, l'augmentation des recettes du régime général a été pratiquement la même en 2000 qu'en 1999 (4,4 % contre 4,6 %). Les dépenses ont connu une accélération (4 % contre 3,2 %) entièrement imputable à la branche maladie (5,9 % après 2,8 %).

Pour 2001, la commission des comptes de la sécurité sociale prévoit un excédent du régime général de 7,9 milliards de francs. Les soldes par branche seraient dans l'ensemble assez proches des résultats de l'année 2000, avec une réduction du déficit de la branche maladie et un léger recul de l'excédent de la CNAF. Les dépenses de la CNAV et de la CNAF augmenteraient sensiblement plus vite en 2001 que les années précédentes en raison des revalorisations de prestations intervenues en début d'année, et d'une forte croissance de leurs transferts à d'autres organismes de sécurité sociale (compensations, versements de la CNAF au FSV). Pour l'ensemble du régime général, la hausse des dépenses serait de 4,7 % en 2001, contre 4 % en 2000.

Mais l'excédent retrouvé n'enlève rien à la fragilité persistante des comptes sociaux dans la mesure où cet excédent servira avant tout à financer le surcoût des 35 heures -estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 12,5 milliards de francs en 2000 s'agissant du régime général et à 13,2 milliards de francs tous régimes confondus- ainsi que la mise en place du plan « médicaments » annoncé le 7 juin dernier par la ministre de l'emploi et de la solidarité qui devrait permettre de dégager des économies de l'ordre de 4 à 5 milliards de francs en année pleine.

Solde financier du Régime général

(en milliards de francs)

1997

1998

1999

2000

2001 (p)

Maladie

- 14,4

- 15,9

- 8,9

- 6,1

- 3,6

Accidents du travail

0,3

1,5

1,1

2,4

3,2

Vieillesse

- 5,2

- 0,2

3,7

1,0

2,0

Famille

- 14,5

- 1,6

4,8

7,9

6,3

Régime général

- 33,8

- 16,2

0,7

5,2

7,9

(p) prévisions

Source : CCSS juin 2001

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