II. LES CONSÉQUENCES DU NON-FINANCEMENT DES 35 HEURES : « SANCTUARISER » LE BUDGET DE L'ÉTAT ET FAIRE PAYER LA SÉCURITÉ SOCIALE

A. « LES DISPOSITIONS DE LA LOI VEIL S'APPLIQUENT » ?

Le déficit du FOREC devrait être pris en compte par le budget de l'Etat, tant en application de la loi dite « Veil » du 25 juillet 1994, qui fait obligation à l'Etat de compenser intégralement toute exonération nouvelle de cotisations sociales, qu'en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, dont l'article 5 a créé le FOREC.

Or, le gouvernement n'a aucune intention de respecter ces prescriptions législatives. C'est lui qui a imposé la réduction du temps de travail, c'est sous sa responsabilité que ses services ont fait de leur mieux pour prévoir un coût largement imprévisible, c'est lui qui a validé ces estimations, c'est lui qui a décidé de présenter des dépenses sous-évaluées et des recettes surestimées, mais c'est aussi lui qui refuse de faire supporter par le budget de l'Etat le coût faramineux de ses choix politiques. Et cela en violation flagrante de la loi !

1. Un nouveau mensonge du ministère de l'emploi et de la solidarité

Au mois de février dernier, votre rapporteur avait adressé un questionnaire à la ministre de l'emploi et de la solidarité sur le financement et l'application de la réduction du temps de travail. Il lui avait notamment posé la question suivante, très précise - peut-être trop : « Quelle interprétation le gouvernement donne-t-il au fait que l'équilibre financier du FOREC est une obligation légale ? Cette obligation, en cas de déséquilibre financier persistant du FOREC, conduirait-elle le budget de l'Etat à verser une contribution à cet organisme ? ».

La ministre a répondu le 17 avril : « l'article L. 131-10 du code de la sécurité sociale précise que « les recettes et les dépenses du FOREC doivent être équilibrées dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale ». Dans le cas où les versements du FOREC aux régimes de sécurité sociale n'assurent pas la compensation intégrale des allégements de charges qui incombent à ce fonds, les dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, relative à la compensation des exonérations de charges instituées après 1994, s'appliquent ».

L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale

Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application.

Cette compensation s'effectue sans préjudice des compensations appliquées à la date d'entrée en vigueur de ladite loi.

Cette réponse était parfaitement claire : le budget de l'Etat serait sollicité pour assurer l'équilibre du FOREC.

Or, dans une note antérieure, datant du 20 mars 2001, adressée au cabinet de la ministre, le directeur de la sécurité sociale évoquait « la décision qui pourrait être prise de laisser la dette 2000 à la charge des régimes [sociaux] », et indiquait que « la créance 2000 ne sera jamais soldée » 9 ( * ) .

Il précisait : « si la décision est prise de laisser le solde (exonérations - recettes encaissées) à la charge des régimes, le texte doit en outre prévoir que la compensation des exonérations entrant dans le champ du FOREC est effectuée à hauteur des recettes encaissées, en affirmant ainsi clairement que la compensation n'est que partielle et déroge à l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale qui prévoit la compensation intégrale par le budget de l'Etat de toute mesure d'exonération. À défaut de disposition en ce sens, les régimes seraient en droit de se retourner vers l'Etat, en faisant jouer ce dernier article ».

Il est clair que la réponse de la ministre n'a rien à voir avec ce que le gouvernement envisageait de faire à l'époque, et qu'elle consistait donc à tromper votre rapporteur.

2. Respecter la loi : pour quoi faire ?

Ainsi, le gouvernement entend s'affranchir des dispositions de la « loi Veil » du 25 juillet 1994.

Mais il n'entend pas plus respecter la disposition législative relative à l'obligation d'équilibre du FOREC, pourtant introduite par sa propre majorité !

En effet, M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, avait déposé un amendement rendant obligatoire l'équilibre des recettes et des dépenses du FOREC. Cet amendement avait été adopté par l'Assemblée nationale et avait reçu un avis favorable du gouvernement, représenté par Mme Martine Aubry, alors ministre de l'emploi et de la solidarité.

Mais la situation financière du FOREC s'est bien trop dégradée et est devenue tellement préoccupante, notamment au vu de ses conséquences sur le budget de l'Etat, que le gouvernement a pris la décision de se soustraire à l'application de la loi. La respecter coûterait trop cher au budget de l'Etat !

Il est vrai qu'un haut-fonctionnaire du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a déclaré à votre rapporteur que l'amendement Cahuzac suscitait la « perplexité » du ministère, le qualifiant d' « amendement de précipitation ».

Un amendement qui soulève les interrogations du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

Votre rapporteur a posé la même question au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Il lui a été répondu que « cette disposition qui figure également dans d'autres textes soulève des interrogations techniques comptables qui en rendent l'application concrète difficile, même si on comprend l'objectif qui sous-tendait ladite disposition. En effet, de quel solde parle-t-on ? Faut-il raisonner en trésorerie ou en droits constatés ? En outre, l'activité de tout établissement public se traduit obligatoirement soit par un excédent, soit par un déficit du compte de résultat car la probabilité que le compte de résultat tombe exactement à zéro est pour ainsi dire nulle ».

Votre rapporteur s'étonne que le gouvernement ait pu donné un avis favorable à un « amendement de précipitation », à moins que cet avis ait été donné ... dans la précipitation !

* 9 Cette note est annexée au présent rapport.

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