3. Quelques progrès ont toutefois été récemment enregistrés
Il convient toutefois de nuancer cette analyse de l'exercice du contrôle des établissements par les autorités de tutelle, dans la mesure où de nouveaux outils ont été mis en place, qui devraient permettre de renforcer l'efficacité de ce contrôle.
a) Le programme pluriannuel d'inspection préventive
Une
réhabilitation des missions d'inspection des DDASS a été
amorcée en 1999, à la suite du rapport de l'IGAS sur le
renforcement des fonctions d'inspection de premier degré.
Dans une note d'orientation du 18 mars 1999
42(
*
)
, le ministère a appelé
les services déconcentrés à consacrer davantage de temps
aux missions d'inspection et a fait part de la création de deux outils
d'appui à la disposition des inspections de premier degré :
la
mission d'appui aux fonctions d'inspection
(MAFI), placée sous
l'autorité de l'IGAS, chargée de la mise au point de guides
méthodologiques d'inspection sur des thèmes prioritaires ainsi
que de la définition des programmes de formation adaptés à
ces priorités, et les
missions régionales et
interdépartementales d'inspection, de contrôle et
d'évaluation
(MRIICE), chargées de la planification et du
pilotage des inspections.
C'est dans ce cadre qu'a été lancé, en 2001, un programme
pluriannuel d'inspection qui, pour la première fois, s'inscrit dans une
démarche préventive en matière de maltraitance dans les
établissements sociaux et médico-sociaux.
Le
programme pluriannuel d'inspection préventive
L'objectif des contrôles
Ils sont au nombre de cinq :
- vérifier que les conditions et les modalités d'accueil
respectent la santé, la sécurité,
l'intégrité, le bien-être physique et moral et la
dignité des personnes accueillies ;
- repérer les risques en identifiant les points critiques dans le
fonctionnement de la structure et dans l'attitude des personnels ;
- soutenir, développer et capitaliser les bonnes pratiques ;
- formuler toute proposition pour améliorer la qualité de
l'accueil ;
- sanctionner, le cas échéant, les insuffisances et les
abus, en proposant au préfet du département d'adresser des
injonctions aux établissements.
Les structures visées par le programme
Les établissements répondant à l'objectif minimum du
programme de contrôle (2.000 établissements) doivent remplir deux
conditions :
- assurer une prestation d'hébergement ;
- relever de la compétence de l'État ou de la
compétence conjointe de l'État et du département.
Après accord avec le président du conseil général,
le programme pourra être étendu aux établissements relevant
d'une compétence exclusive du département.
La démarche d'inspection
Compte tenu du caractère préventif du programme d'inspection, la
démarche comporte deux étapes :
- une auto-évaluation par l'établissement de son
fonctionnement qui doit associer l'ensemble des personnels de la
structure ;
- une inspection sur place par la DDASS, avec le concours éventuel
de la MRIICE.
Le calendrier
Le
programme se déroule en deux phases :
- une phase préparatoire, en 2001 et 2002, durant laquelle ont
été élaborés les outils d'inspection, et notamment
un guide « vade-mecum » de repérage des risques, et
les axes prioritaires du plan de formation ;
- une phase opérationnelle, qui s'échelonne jusqu'en 2006,
basée sur un programme annuel de contrôle de 2 à 8
établissements par DDASS, en fonction de la taille du
département.
Au-delà du programme lui-même dont il est encore difficile de
percevoir les résultats, un premier progrès a été
réalisé avec la conception d'un
« Guide de la
mission d'inspection »
, dont le caractère pratique a
été accentué par rapport aux grilles d'évaluation
existantes, et qui est axé sur les « clignotants »
devant permettre le
repérage des risques
de violence et de
maltraitance.
Dans la perspective de leur participation à ce programme d'inspection
préventive, les DDASS se sont attachées à rationaliser le
choix des établissements à inspecter et à associer les
établissements concernés à ce choix, à travers des
grilles d'auto-évaluation.
Il reste que, comme le soulignait Mme Catherine Jacquet devant la
commission d'enquête, le caractère innovant de cette
démarche consistant à associer les établissements au
contrôle a été reçue de manière
mitigée par les structures :
« Lorsque j'ai
présenté cette grille dans mon département, je dois
reconnaître qu'elle n'a pas été accueillie avec le plus
grand enthousiasme. Chaque établissement a rempli son questionnaire,
mais aucun d'entre eux n'a tenté de me contacter pour obtenir de plus
amples détails, ce qui est pourtant toujours le cas lorsque les
établissements doivent remplir des questionnaires leur offrant
éventuellement la possibilité d'obtenir quelques moyens
supplémentaires. »
b) L'amélioration de la formation des inspecteurs
Le
nouveau statut du corps des inspecteurs des affaires sanitaires et
sociales
43(
*
)
a
porté
de 12 à 18 mois la durée de la formation des
élèves-inspecteurs et la fonction d'inspection occupe
désormais une part importante de cette formation
. Elle comporte
ainsi un module théorique de trois mois sur les aspects concernant
spécifiquement les missions d'inspection et, surtout,
un stage
pratique
.
La connaissance des publics est également mieux prise en compte dans
cette formation et des
modules d'approfondissement spécifiques aux
questions relatives aux personnes handicapées
ont été
mis en place.
On peut toutefois
regretter que l'accent n'ait pas été
suffisamment mis sur la formation aux méthodes de recueil de
témoignages auprès de personnes présentant des
difficultés d'expression
. Cette faiblesse est d'ailleurs reconnue
par M. Jean-Marc Lhuillier, professeur de droit à l'ENSP :
« Les stagiaires se demandent quel comportement adopter pour
détecter les mauvais traitements et comment ils doivent interroger les
personnes handicapées. (...) Les agresseurs choisissent, en effet, de
s'attaquer à ces personnes parce qu'ils savent pertinemment qu'elles ne
pourront pas s'exprimer. Après avoir dressé ce constat, nous
devons nous efforcer, avec une grande discipline, de recueillir les
témoignages des personnes handicapées mentales ou
présentant un défaut d'oralité. A l'heure actuelle, les
formations prenant en compte cet aspect n'existent pas. »
Si elle comprend qu'une telle formation puisse ne pas trouver sa place au stade
de la formation initiale des inspecteurs, du fait de son caractère
extrêmement spécialisé face à l'étendue des
compétences visées, la commission d'enquête estime qu'en
revanche,
des modules de formation continue devraient être
conçus sur ce sujet
. En effet, seule une formation de ce type
permettra aux inspecteurs d'étendre réellement leurs entretiens
aux personnes accueillies et donc de disposer d'une vision globale des
situations, notamment en cas d'atteinte aux droits de la personne.
c) Le renforcement des pouvoirs des inspecteurs des affaires sanitaires et sociales
La loi
du 2 janvier 2002 confirme la réhabilitation de la mission de
contrôle et d'inspection confiée aux DDASS, à travers deux
dispositifs :
-
le caractère pluridisciplinaire des inspections a
été renforcé
par l'obligation de réaliser des
inspections conjointes aux inspecteurs des affaires sanitaires et sociales et
aux médecins-inspecteurs de santé publique ;
-
une assermentation des inspecteurs des affaires sanitaires et
sociales
sera mise en place, avec la parution d'un décret
d'application, afin de leur permettre de dresser des procès-verbaux
d'inspection faisant foi jusqu'à preuve du contraire.
L'absence d'assermentation des inspecteurs n'était en effet pas sans
inconvénient, comme le soulignait Mme Catherine Jacquet :
« Les inspecteurs des affaires sanitaires et sociales ne sont pas,
aujourd'hui, assermentés. Par conséquent, il n'y a pas de
distinction pour l'inspecteur, comme cela apparaît en matière de
droit du travail, et il n'y a pas d'effet d'indépendance. La libre
appréciation
[des faits constatés]
est entre les mains de
son supérieur hiérarchique, voire du préfet, sous
réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure
pénale concernant l'obligation de signalement au procureur de la
République des crimes et délits. La protection faite par
l'administration est une protection juridique. Pour autant, le fonctionnaire
est exposé à des poursuites par les personnes qu'il peut
être conduit à accuser. Enfin, la prise en charge par la direction
de l'administration générale, du personnel et du budget n'est pas
systématique. »
D'après les informations rassemblées par la commission
d'enquête, le projet de décret, en cours de concertation avec les
représentants du corps des inspecteurs, devrait préciser les
infractions susceptibles d'être constatées par les inspecteurs,
les conditions dans lesquelles ils pourront effectuer des saisies
conservatoires, ainsi que les sanctions encourues par les personnes qui
tenteraient de faire obstruction à une mission d'inspection.
Encore une fois, la commission d'enquête ne peut que demander que soient
mises en oeuvre, dans les plus brefs délais, ces mesures
réglementaires indispensables au bon fonctionnement des missions
d'inspection.