B. ORIENTER LES PERSONNES HANDICAPÉES VERS DES ÉTABLISSEMENTS ADAPTÉS

M. Laurent Coquebert, directeur général par intérim de l'Union nationale des parents et amis de personnes handicapées mentales (UNAPEI), a tenu ces propos à la commission d'enquête : « Je pense que l'on peut peut-être parler, lorsqu'un établissement n'a pas les moyens en interne de délivrer la prestation de suivi médical nécessaire à la personne, d'une forme de maltraitance , au corps défendant de l'institution, mais qui n'en produit pas moins ses effets sur la personne concernée. »

1. Favoriser un placement initial adéquat en optimisant le rôle des CDES et des COTOREP

Créées par la loi d'orientation du 30 juin 1975, les commissions départementales d'éducation spéciale (CDES) et les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) sont au coeur du dispositif d'insertion des personnes handicapées.


Les attributions des COTOREP et des CDES

Les attributions des COTOREP

La loi du 30 juin 1975 a créé, dans chaque département, une « commission technique d'orientation et de reclassement » (COTOREP), placée sous l'autorité du préfet, et compétente pour les adultes à partir de 20 ans, et par dérogation pour les jeunes à partir de 16 ans s'ils ne sont plus pris en compte au titre des prestations familiales.

Les attributions des COTOREP sont regroupées essentiellement autour de deux pôles, professionnel et médico-social. En conséquence, les COTOREP sont organisées en deux sections spécialisées :

- la première traite des questions d'insertion professionnelle des personnes handicapées : à ce titre, elle apprécie l'aptitude au travail, reconnaît la « qualité de travailleur handicapé » et oriente soit vers un emploi en milieu ordinaire, soit vers un stage de réadaptation ou de formation, soit vers un emploi en milieu protégé (atelier protégé ou centre d'aide par le travail).

- la seconde est compétente pour les autres cas et relève d'une logique « médico-sociale » : elle apprécie le taux d'invalidité, oriente éventuellement les demandeurs vers un établissement spécialisé, ouvre le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés et de l'allocation compensatrice pour tierce personne.

Les attributions des CDES

Créées par la même loi du 30 juin 1975, les « commissions départementales de l'Education spéciale » (CDES) sont compétentes pour les enfants jusqu'à 20 ans, à condition que ceux-ci ne soient pas entrés dans la vie active.

Les CDES ont deux missions principales :

- elles sont chargées de l'évaluation du taux d'incapacité de l'enfant et d'en déterminer les conséquences (attribution de l'allocation d'éducation spéciale et de la carte d'invalidité) ;

- elles orientent les enfants, en leur proposant soit un projet d'intégration en établissement scolaire ordinaire, soit une prise en charge en établissement d'éducation spéciale (Institut médico-éducatif, Institut médico-professionnel...), soit une prise en charge par un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD).


Malgré ce rôle essentiel, ces commissions, et plus particulièrement les COTOREP, connaissent de multiples dysfonctionnements, ainsi que l'ont souligné de nombreux rapports, et comme l'ont confirmé de nombreux interlocuteurs de la commission d'enquête. Ainsi, un rapport de l'IGAS de 1993 souligne que « près de vingt ans après leur création, les COTOREP éprouvent de grandes difficultés à remplir leur mission de service public auprès des usagers ».

Rien n'a été porté à la connaissance de la commission d'enquête, qui soit de nature à laisser penser que la situation a notablement évolué depuis cet état des lieux.

Le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale résumait ainsi, en juillet 2000, les difficultés des COTOREP : « les COTOREP travaillent, le plus souvent, loin des demandeurs (...). Elles ne disposent que de peu d'informations sur les débouchés concrètement offerts aux personnes qu'elles orientent, entretiennent des relations trop lointaines avec les organismes de sécurité sociale, prennent leurs décisions dans l'ignorance de la jurisprudence les concernant et manquent de statistiques sur les populations dont elles ont la charge ».

Malgré des efforts engagés depuis quelques années, les COTOREP continuent de cristalliser les mécontentements :  l'accueil des personnes handicapées et de leurs familles est inadapté, les délais de traitement des dossiers sont excessifs (le « bilan de l'activité des COTOREP en 2000 », publié par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère des affaires sociales, fait état d'un stock de dossiers en attente de traitement représentant un an d'activité), et il est à proprement parler stupéfiant que la commission d'enquête se soit vue signaler, à de nombreuses reprises, des cas d'absence d'entretien individuel. Elle se demande même si l'entretien individuel constitue une pratique ordinaire des COTOREP avant la prise de leurs décisions, pourtant essentielles pour l'avenir des personnes concernées.

Par ailleurs il semble que les COTOREP orientent souvent les personnes handicapées par défaut, c'est-à-dire en prenant en compte les possibilités locales plutôt que les aspirations et les besoins des personnes handicapées, comme cela a été indiqué à plusieurs reprises à la commission d'enquête.

Le fonctionnement des CDES n'est pas non plus exemplaire. En particulier, le suivi des personnes est minimal. Il se limite le plus souvent au réexamen obligatoire de la décision d'orientation tous les cinq ans. Lors de ces réexamens, l'orientation est généralement simplement confirmée et les familles rarement entendues.

La commission d'enquête se borne à confirmer les principales préconisations formulées par son président dans le rapport présenté au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, intitulé « Compensation du handicap
: le temps de la solidarité » publié en juillet 2002, qui sont toujours d'actualité 58( * ) : garantir à chaque personne la possibilité d'être entendue par la commission, systématiser les entretiens individuels préalables à la prise de décision (dans des conditions satisfaisantes de délais et de composition de l' équipe pluridisciplinaire , en particulier pour les décisions les plus importantes comme l'orientation professionnelle ou le placement en établissement), enfin, proposer un panel de solutions hiérarchisées, laissant les personnes à même d'exercer un choix. Dans cette dernière perspective, Marcel Royez, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), a livré cette réflexion désabusée à la commission d'enquête : « A titre d'exemple, la liberté de choisir son orientation professionnelle n'est quasiment pas offerte aujourd'hui aux personnes handicapées. La plupart d'entre elles sont placées devant le fait accompli. En effet, elles sont orientées d'autorité dans un établissement de travail protégé dans un certain nombre de cas, ou dans un placement direct, laissé aux soins de l'ANPE dans d'autres cas. Il arrive parfois que la prise en charge au titre de la formation professionnelle ou de la rééducation professionnelle leur soit refusée. »

Par ailleurs, le président de la commission d'enquête vient de déposer, conjointement avec M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, une proposition de loi comprenant des règles reprenant les préconisations précédentes, que la commission d'enquête reprend ainsi à son compte dans la proposition suivante.


Proposition

Subordonner toute décision prise par une COTOREP ou une CDES à un entretien préalable obligatoire et approfondi de la personne concernée et de son représentant légal.

Renforcer le caractère pluridisciplinaire de la composition de ces commissions.

Rendre obligatoire la proposition par les COTOREP d'un panel de solutions hiérarchisées, laissant aux personnes concernées la possibilité d'exercer un choix sur leur avenir.

A ces fins, réaménager ces structures au sein d' « agences départementales du handicap », chargées de mettre en oeuvre la compensation du handicap.

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