3. Disposer au sein des établissements d'un personnel suffisamment « rodé »
Une
difficulté particulière a été signalée par
Mme Catherine Milcent, psychiatre, administratrice d'Autisme France, à
la commission d'enquête. Lors de la création d'un nouvel
établissement, il s'avère dommageable que la totalité du
personnel et des résidents arrive simultanément,
particulièrement dans les unités accueillant les personnes
handicapées dont l'approche est la plus difficile. Ainsi, durant les
premières années d'existence de l'établissement, les
directeurs et les équipes sont parfois amenés à
démissionner, tandis que le risque de maltraitance redouble.
Il conviendrait donc, pour certains établissements ou certaines
unités, que les prises en charge de personnes handicapées
puissent s'effectuer progressivement
. Cela permettrait aux équipes
de prendre leurs marques, de mettre en place des activités et de
commencer à fonctionner dans de bonnes conditions. Il s'agirait ensuite
d'augmenter progressivement le nombre de prises en charge jusqu'à
atteindre la capacité maximale.
La concrétisation d'une
telle démarche impliquerait cependant une modification de certaines
règles de financement de l'établissement.
4. Disposer de locaux adaptés
La géographie des lieux doit tendre vers la plus grande banalisation compatible avec la satisfaction des besoins spécifiques aux personnes accueillies.
a) La taille des structures
Il faut,
plus encore pour les personnes handicapées que pour les autres
personnes, des structures à taille humaine. Peut-on
décréter la taille optimale des établissements ?
D'après M. Patrick Gohet, délégué
interministériel aux personnes handicapées, la question de la
dimension se pose surtout en termes de seuil maximum :
«
Le nombre de résidents ne devrait pas excéder
vingt dans un foyer
,
quarante
dans une maison d'accueil
spécialisé et
soixante dans un centre d'aide par le
travail
. De plus, outre la taille, la conception architecturale et la
localisation de la structure sont des éléments importants.
Elle doit être intégrée le plus près possible de
la Cité.
Les structures seront de plus en plus conçues selon
un modèle éclaté notamment lorsqu'elles sont
composées de logements.
Ainsi plusieurs appartements dépendant
d'une même institution pourront-ils être localisés sur des
sites différents.
».
Il ne faut pas occulter que la faiblesse de la taille des structures, si elle
est un facteur de bientraitance, présente un coût indirect
lié à l'existence de moindres économies d'échelle,
qui doit être évalué et pris en charge. Sinon, la recherche
d'économie qui pourrait en résulter serait susceptible de
constituer indirectement une cause de maltraitance.
Ainsi, il est
souhaitable que les établissements accueillent un petit nombre de
personnes handicapées, mais soient réunis dans des structures
plus importantes.
b) Les chambres et les lieux de vie
Les
personnels que la commission d'enquête a rencontrés dans ses
déplacements ont souvent insisté sur l'importance de
l'environnement de la personne handicapée. Il doit être le moins
médical, le moins carcéral et le plus familier possible.
Il
faudrait, dans toute la mesure du possible, autoriser les familles à
organiser et à décorer les chambres des personnes
handicapées.
Il est nécessaire que l'intimité soit
préservée, l'idéal étant, sauf cas particuliers,
que la personne handicapée dispose d'une chambre seule, et que l'espace
réservé à la toilette permette de s'isoler
. Cette
intimité apparaît, d'une manière générale,
d'autant plus souhaitable que la journée se passe en
collectivité. Les nouvelles structures tiennent
généralement compte de cette contrainte, mais
certains
établissements plus anciens devraient, en tant que de besoin, être
réaménagés.
Des lieux de vie doivent être attribués aux
« unités de vie »,
sous-ensembles de
l'établissement destinés à rassembler les personnes
accueillies par petits groupes auxquels, notamment, il devrait être
proposé des activités susceptibles d'intéresser l'ensemble
de leurs membres. D'une façon plus générale, l'article
15
59(
*
)
de la loi du 2 janvier
2002 dispose : «
Les établissements [...] s'organisent
en unités de vie favorisant le confort et la qualité de
séjour de personnes accueillies, dans des conditions et des
délais fixés par décret
».
La nécessité de permettre l'accès des personnes
handicapées à une vie de couple épanouie doit encore
renforcer ces exigences
. A cet égard, les propos tenus par M. Claude
Meunier, directeur général adjoint de l'Association des
Paralysés de France, peuvent être utilement
rapportés :
« il faut permettre aux personnes
résidant dans ces institutions plus anciennes d'avoir une vie sexuelle
épanouie
. Il s'agit d'une question de moyens, mais pas
uniquement.
Cela passe
par un travail de l'équipe des
professionnels et par un changement des mentalités, mais aussi
par un
réaménagement des superficies de nos établissements
.
Les petites chambres individuelles comprenant des lits pour une personne ne
sont ainsi pas adaptées à une vie de couple. Au moment de la
construction de certains foyers de vie, il y a maintenant plus de vingt ans,
personne n'était gêné à l'idée qu'il fallait
traverser un couloir et se rendre dans une salle commune pour prendre une
douche.
Aujourd'hui, il est nécessaire de donner aux gens les moyens
de préserver leur intimité, ce qui implique de repenser
l'agencement, de casser les murs et de reconstruire
».