b) Les limites du dispositif : des défis pour l'enseignement des langues en général
Après dix ans de fonctionnement, les limites des
sections
européennes mettent en lumière un certain nombre de carences
propres à notre système d'enseignement des langues :
- Alors que la circulaire de 1992 précisait que « les
sections européennes devront s'intégrer à la politique
menée en faveur de la diversification des langues vivantes en
France »,
l'anglais est, de loin, la langue
majoritaire
(plus de 57 % des effectifs à la
rentrée 2002), même si sa part est moindre en comparaison à
l'enseignement traditionnel ;
Or il serait opportun de
favoriser l'ouverture de sections pour les langues
les moins enseignées, notamment dans les établissements
attractifs, pour revaloriser l'image de langues telles que l'arabe ou le
portugais, en les intégrant à des filières perçues
comme élitistes.
Sur ce point,
certaines expériences de sensibilisation au
bilinguisme peuvent servir à remédier à la
fragilité des bases de recrutement qui affecte ces sections pour les
langues les moins enseignées : un collège de
l'académie de Versailles propose ainsi aux élèves de
6
ème
et de 5
ème
une préparation
à la section européenne en portugais, par une « option
portugais » facultative, susceptible d'inciter les
élèves à choisir cette langue en LV2 en
4
ème
.
Par ailleurs, le développement de telles
anticipations de l'ouverture
des sections dès l'entrée au collège
serait
souhaitable, notamment afin de prendre en compte la
généralisation de l'enseignement des langues vivantes à
l'école et l'objectif de parvenir à la maîtrise de deux
langues étrangères. Ainsi dans l'académie de Strasbourg
14 % des sections européennes y fonctionnent dès la
6
ème
, dans le cadre des « sections
trilingues ».
RENTRÉE 2002 - EFFECTIFS D'ÉLÈVES DU
SECOND
DEGRÉ
SELON LA LANGUE DE LA SECTION LINGUISTIQUE
Établissements publics de métropole et des DOM
Langue
|
Section
|
% |
Section
|
% |
Langues O |
Ensemble |
% |
Anglais |
4 280 |
41,82 % |
57 125 |
56,5 % |
- |
61 405 |
54,83 % |
Allemand |
1 491 |
14,56 % |
23 422 |
23,17 % |
- |
24 913 |
22,45 % |
Espagnol |
1 974 |
19,28 % |
13 715 |
13,56 % |
- |
15 689 |
14 % |
Italien |
843 |
8,24 % |
5 693 |
5,64 % |
- |
6 536 |
5,83 % |
Américain |
646 |
6,31 % |
- |
- |
- |
646 |
0,57 % |
Portugais |
432 |
4,22 % |
210 |
0,21 % |
- |
642 |
0,56 % |
Chinois |
- |
- |
102 |
0,10 % |
331 |
433 |
0,38 % |
Russe |
- |
- |
301 |
0,30 % |
54 |
355 |
0,31 % |
Tchèque |
2 |
0,01 % |
262 |
0,26 % |
- |
264 |
0,23 % |
Néerlandais |
162 |
1,58 % |
97 |
0,09% |
- |
259 |
0,23 % |
Japonais |
88 |
0,86 % |
- |
- |
150 |
238 |
0,21 % |
Polonais |
115 |
1,12 % |
4 |
- |
- |
119 |
0,1 % |
Arabe |
61 |
0,60 % |
- |
- |
55 |
116 |
0,1 % |
Allemand dialectal |
- |
- |
101 |
0,10 % |
- |
101 |
0,09 % |
Suédois |
81 |
0,80 % |
- |
- |
- |
81 |
0,08 % |
Vietnamien |
- |
- |
- |
- |
36 |
36 |
0,03 % |
Danois |
35 |
0,34 % |
- |
- |
- |
35 |
0,03 % |
Norvégien |
27 |
0,26 % |
- |
- |
- |
27 |
0,02 % |
Autre LV |
- |
- |
78 |
0,07 % |
18 |
96 |
0,09 % |
Ensemble |
10 237 (*) |
100 % |
10 110 (*) |
100 % |
644 |
111 991 |
100 % |
(*)
Les différences d'effectifs à la marge (quelques dizaines
d'élèves) avec le tableau académique proviennent d'une non
réponse relative à la langue de la section
- La
question du suivi entre les niveaux et les filières
,
alors que des parcours cohérents et continus ne sont pas toujours
assurés, constitue un facteur de blocage. Il est donc impératif
de
renforcer la cohérence des réseaux
en prenant en
compte les sections européennes ou autres dispositifs bilingues dans
l'élaboration rigoureuse de la carte des langues,
comme le fait
l'académie de Lille par exemple ;
- Les
difficultés liées au recrutement, à la
formation et à la valorisation des enseignants de DNL
apportent
également des éclairages sur les limites mais aussi les
perspectives en matière de formation initiale et continue des
enseignants :
Ø l'enjeu de la formation des enseignants
dans une
compétence double
(bivalence),
comme c'est le cas en
Allemagne ou dans les filières professionnelles, et de la validation de
cette compétence : il s'agit de proposer aux candidats potentiels une
formation spécifique, comportant des stages à l'étranger.
Ainsi,
certains IUFM ont mis en place des formations adaptées
,
comme l'IUFM de Dijon (modules de sensibilisation à l'utilisation
transdisciplinaire de la langue étrangère ; parcours de
formation à l'étranger) ou celui de Paris, qui met en place
dès la rentrée 2003 des «
options
européennes
» pour les stagiaires
d'histoire-géographie, SVT et mathématiques (incluant un stage de
3 semaines dans le pays de la langue concernée) ; toutefois, de
tels dispositifs, encore trop limités, se heurtent à une
difficulté : à peu près deux tiers des stagiaires
n'ont pas le niveau initial requis pour ces formations...
Ø la nécessité de
mener une politique active de
recensement et de mobilisation d'un vivier de compétences
, tant
parmi les professeurs en postes ou en cours de formation disposant d'une
compétence linguistique suffisante (qui pourrait faire l'objet d'une
certification supplémentaire, et donner lieu à une
décharge horaire valorisant leur profil spécifique), qu'en
direction des enseignants et personnels étrangers.
La formation est le principal défi à relever pour un
développement de masse de ces sections
: il s'agit de
progresser tant par des moyens endogènes, nos efforts propres de
formation, que par des partenariats
via
les échanges
internationaux.
Plusieurs opportunités pourraient être mises
à profit
: favoriser l'accueil de professeurs
« natifs » (échanges postes pour postes dans le
cadre de conventions bilatérales, ou
via
des programmes
communautaires), ouvrir plus massivement le recrutement d'étudiants non
linguistes pour les postes d'assistants de langue, tirer les
conséquences pratiques de l'ouverture depuis 1993 des concours de
recrutement des personnels enseignants aux ressortissants de la
communauté européenne...
Toutefois, le recours à des professeurs étrangers suppose qu'ils
aient, au préalable, une très bonne connaissance des programmes
et du système éducatif français, afin de préserver
la qualité et l'efficacité de l'enseignement.