B. DES INITIATIVES LOCALES DIVERSIFIÉES MAIS QUI SE HEURTENT À DES LIMITES ENDOGÈNES ET EXOGÈNES

Face à ce type de difficultés, les collectivités territoriales sont appelées à intervenir en faveur des bassins et des secteurs concernés en activant les outils juridiques et financiers mis à leur disposition et en encourageant les initiatives locales. Si le mérite de l'adaptation des industries françaises revient évidemment en premier lieu aux entreprises elles-mêmes, bien des élus locaux ont aussi leur part au travers de leurs efforts de promotion des territoires et de soutien aux activités . Toutefois, les situations locales sont très inégales et les bassins industriels ne sont pas tous défendus à l'identique. En outre, les collectivités locales font beaucoup avec relativement peu de moyens, à l'instar de la majorité des PME, et sont aussi contraintes tant par les règles communautaires limitant les aides aux entreprises que par l'émiettement des compétences et des acteurs économiques.

1. L'implication des collectivités locales en faveur du développement économique de leurs territoires

Les lois de décentralisation de 1982 ont donné aux collectivités locales, pour maintenir le tissu industriel et pour développer de nouvelles activités locales, des compétences économiques dans un contexte de réhabilitation de l'entreprise, de restructurations industrielles, de préparation du grand marché européen de 1993 et de chômage structurel. Bien qu'occupant un espace réduit, défini par les textes, l'interventionnisme économique des collectivités a obtenu des résultats significatifs au travers d'outils diversifiés.

a) Les aides à l'immobilier

Le code général des collectivités locales autorise les collectivités à louer et à vendre des bâtiments. En 2002, les aides à l'immobilier des collectivités territoriales de métropole représentaient 132 millions d'euros, dont 59 % provenaient des communes. Ces aides jouent un rôle décisif dans les cas fréquents de carence des financements privés pour le rachat de bâtiments existants ou le financement de nouvelles installations . En 2002, seulement 5 % des 9 milliards d'investissements dans l'immobilier professionnel ont financé des locaux d'activité, soit moins de 450 millions d'euros. Les investisseurs préfèrent en effet financer les locaux commerciaux, les bureaux dans les centres villes et les entrepôts à la croisée d'autoroutes, qu'ils jugent plus faciles à relouer après la défaillance de l'occupant et qui offrent de meilleures perspective de plus-values. Aussi les collectivités locales sont-elles de plus en plus conduites à assurer le risque immobilier pour éviter que la carence de financement ne conduise à l'asphyxie des activités industrielles .

Cette intervention se révèle indispensable sur de nombreuses zones d'activités en périphérie d'agglomération et en milieu rural. Elle est également nécessaire en cas de difficultés de l'entreprise pour générer des liquidités par la vente des murs (exemple : reprise des locaux de la verrerie Daum par la communauté d'agglomération de Nancy). Les collectivités permettent de la sorte aux entreprises qui privilégient la location ou le crédit-bail de préserver leur capacité d'investissement ou, par le jeu de SCI, de devenir propriétaires. De la sorte, leur intervention ancre les PME dans le territoire .

Le régime des aides indirectes a autorisé les collectivités à procéder à des rabais sur les zones éligibles à la prime d'aménagement du territoire. L'offre, composée d'un portage par une collectivité locale pendant la durée du financement du bâtiment (crédit-bail, emprunt) et d'un rabais sur le loyer ou sur l'emprunt, s'est avérée attractive. Dans cette situation, l'entreprise peut contourner la carence ou les exigences des prêteurs privés. En outre, après le paiement du crédit, le chef d'entreprise est souvent devenu, par le biais de SCI, détenteur de l'immobilier, ce qui conduit à limiter le nomadisme des entreprises. En vingt ans, on peut estimer que les collectivités locales ont ainsi permis la modernisation de l'immobilier de plusieurs dizaines de milliers d'entreprises.

Les interventions du département de la Seine-Maritime

La Seine-Maritime a mené une politique exemplaire en la matière à partir de 1979, ayant permis de soutenir la construction de 250 bâtiments. Plusieurs éléments attestent du succès de cette politique :

La majorité des implantations d'atelier relais s'est effectuée en dehors des trois grandes agglomérations du département, autorisant ainsi l'industrialisation du milieu rural et le desserrement du tissu urbain.

Tous les secteurs économiques sont représentés, avec une prédominance des industries mécaniques et du travail des métaux. Les entreprises concernées ont un effectif moyen de 35 personnes.

A 80 %, les aides ont porté sur la construction de bâtiments neufs, le solde sur la rénovation. Le taux d'occupation n'est pas descendu sous 95 % depuis 1990. Le taux de rotation des occupants varie selon l'ancienneté des bâtiments mais reste faible avant le terme du remboursement des emprunts.

Les aides départementales ont aussi facilité l'implantation d'entreprises exogènes comme le fabricant de copieurs et de toners Toshiba sur 30.000 m² ou comme Exxon à Port-Jérôme.

Le risque des petites communes qui portent le financement de bâtiments est limité car la subvention du conseil général a réduit la part restant à garantir. Le montant garanti diminue chaque année du montant des remboursements payés par l'entreprise occupante.

Les collectivités locales ont appris à assortir l'octroi des aides immobilières d'une concrétisation des promesses de création d'emplois : en cas de non respect, le transfert de propriété du bâtiment peut ne pas être réalisé. Ainsi, plus de 10 % des emplois industriels du département sont localisés dans des ateliers relais ou des entreprises ayant perçu une aide départementale pour leur implantation.

Le succès de cette politique départementale doit beaucoup à une mise en oeuvre concertée. Le directeur du comité d'expansion a été avisé dans la sélection des projets, et capable de convaincre les élus communaux et les conseillers généraux de les soutenir.

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