B. DE L'INTERVENTION DE LA PUISSANCE PUBLIQUE

Les outils dont disposent les pouvoirs publics nationaux et locaux pour orienter l'économie sont nombreux. Aux dispositions normatives générales portant sur l'éducation et la formation professionnelle, le droit du travail, la fiscalité, la normalisation, s'ajoute toute une gamme de mesures sectorielles destinées à inciter ou à protéger : aides financières, exonérations de charges, réglementations temporaires, etc. Mais, en matière de délocalisations, il est indispensable, avant d'examiner les moyens les plus efficaces pour intervenir, de s'interroger sur la légitimité même de l'intervention . En d'autres termes, est-il socialement et économiquement justifié que la puissance publique s'efforce de contrarier une évolution offrant globalement d'incontestables avantages macro-économiques ?

1. Une indispensable prudence au plan économique

Doit-on supprimer les aides aux entreprises qui délocaliseraient ? Doit-on interdire à l'administration d'accorder des marchés à des entreprises ayant délocalisé tout ou partie de leur processus de production ? Doit-on soutenir des secteurs uniquement au regard des risques de délocalisations auxquels ils sont exposés ?

Des lors que les délocalisations apparaissent à bien des égards comme un processus économique normal et globalement bénéfique, il semble très préjudiciable à votre commission d'entrer dans des logiques de sanction ou de soutien uniquement axées sur la notion de délocalisation , telles qu'elles ont pu être récemment évoquées ici ou là. D'une part, la définition de cette notion est, on l'a vu, très délicate, ce qui rendrait en pratique l'édiction de normes particulièrement difficile et leur application génératrice de multiples contentieux . D'autre part et surtout, de telles politiques conduiraient inévitablement à entretenir de manière artificielle des secteurs d'activité , avec pour conséquences perverses au niveau global :

- d' empêcher les mutations nécessaires permettant la modernisation desdits secteurs et leur bonne insertion dans la nouvelle division du travail, dont ils n'auraient d'ailleurs pas forcément à souffrir à l'issue de la période d'adaptation ;

- de rendre irrationnelle, donc inefficace, l'allocation des ressources publiques , aux montants évidemment limités : autant il est économiquement justifié d'encourager les entreprises à se placer sur les bons créneaux des échanges internationaux, notamment en soutenant leurs efforts d'innovation, autant il ne l'est pas de les aider à se maintenir artificiellement dans des conditions faussant la concurrence. On ajoutera que de telles mesures de soutien seraient terriblement dispendieuses puisqu'il faudrait en permanence injecter des fonds supplémentaires pour permettre à l'entreprise d'échapper aux règles de la concurrence internationale.

Ainsi, pas plus qu'un retour au protectionnisme, votre commission n'est favorable à des dispositions prises sur le fondement des « délocalisations », critère éminemment contestable et dangereux. Tout au plus pourrait-il être envisagé, comme y réfléchissent au demeurant les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, selon les informations données à votre groupe de travail par M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, de soumettre le bénéfice des aides publiques au respect d'un contrat passé par l'entreprise , afin d'éviter les situations de « localisation opportuniste » rarement pérenne.

En revanche, elle estime tout à fait nécessaire d'adopter des mesures de soutien ayant des objectifs de croissance clairement définis . Celles-ci pourront, de surcroît, permettre dans certains cas d'anticiper les risques de délocalisation . Ainsi devrait-on par exemple envisager de modifier le droit actuel afin de pouvoir conditionner l'attribution des aides publiques ou l'accès aux marchés publics à des critères sociaux, environnementaux ou d'investissements en R&D . De même serait-il certainement opportun de définir les quelques secteurs ou activités jugés stratégiques et devant, de ce fait, bénéficier de fonds publics, afin d' éviter le saupoudrage qui, s'il contente davantage d'acteurs, n'a qu'une efficacité limitée.

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