IV. DE L'INCIDENCE DE LA MODÉRATION SALARIALE

Une des questions posées par les projections est de savoir si la baisse du chômage à moyen terme qu'elles comportent est compatible avec une inflation stable.

Compte tenu de la croissance simulée dans le scénario central (2,5 % par an), de l'hypothèse d'évolution de la productivité par tête (1,8 % par an) et de l'augmentation de la population active (+ 0,3 % par an en moyenne sur la période 2005-2009 contre 0,5 % par an en moyenne sur 1996-2005 11 ( * ) ), le taux de chômage diminue de 0,4 point par an (soit 100.000 chômeurs de moins chaque année).

Dans le même temps, l'inflation est stable sur la période (+ 1,8 % par an sur 2004-2005 pour les prix de la consommation, soit une évolution comparable à celle de la période 1996-2005).

Depuis les travaux de PHILLIPS en 1958, la liaison entre inflation et baisse du chômage est une des bases de l'analyse macroéconomique. Un demi-siècle plus tard, les débats entre économistes sur la nature et la pertinence de ce dilemme inflation-chômage sont toujours extrêmement nourris, mais finalement assez peu conclusifs.

Cette question peut être présentée aujourd'hui dans les termes suivants :

- il existe un niveau du chômage en dessous duquel apparaissent des tensions sur le marché du travail, des difficultés de recrutement et donc des revendications qui tendent à accélérer l'évolution des salaires et des prix ; ce niveau de chômage « accélérateur d'inflation » 12 ( * ) est actuellement estimé pour la France par la plupart des institutions économiques (OCDE ou Direction de la prévision) autour de 9 %. Donc, en première analyse, on pourrait craindre que le passage du chômage effectif en dessous de ce seuil n'entraîne des tensions inflationnistes ;

- néanmoins, les estimations de ce niveau de chômage « accélérateur d'inflation » -ou NAIRU- varient selon les époques : ainsi observe-t-on finalement que le NAIRU baisse lorsque le chômage effectif diminue ;

- par ailleurs, les périodes où le chômage effectif est passé au-dessous du seuil de l'estimation du NAIRU sont malheureusement trop rares et trop courtes pour en tirer des conclusions sur la robustesse de cette estimation ;

- enfin, la période 1998-2001 a montré qu'une forte baisse du chômage, bien en dessous des 10 % qui correspondaient à l'estimation du NAIRU en 1998, n'a pas entraîné de tensions inflationnistes.

Qu'en conclure pour le moyen terme ? Tout d'abord, que les mesures du niveau de chômage « accélérateur d'inflation » sont certainement valides à court terme, mais qu'elles néanmoins peu de sens pour le moyen terme. On en sait trop peu, en effet, sur le niveau du chômage d'équilibrer13 ( * ) pour en déduire dans quelle mesure une forte baisse du chômage pourrait engendrer à un horizon de cinq ans, une accélération de l'inflation.

Néanmoins, on perçoit a contrario que la compatibilité entre baisse du chômage et stabilité des prix, privilégiée dans cette projection, constitue aussi une incertitude de ce scénario .

Celui-ci suppose que l'économie pourra s'adapter à une baisse prolongée du chômage, afin d'éviter des tensions sur le marché du travail. Cela passe surtout par une modération salariale 14 ( * ) à l'instar de la période 1998-2001 mais aussi par l'approfondissement des politiques de formation, initiale et continue, afin d'accompagner l'adaptation de la main d'oeuvre à l'évolution de l'emploi.

* 11 Soit 60.000 personnes supplémentaires environ sur le marché du travail entre 2005 et 2009 contre 140.000 personnes supplémentaires environ sur 1996-2005.

* 12 Ou NAIRU pour « Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment »

* 13 Que des travaux de l'OFCE, en intégrant des variables telles que le taux d'intérêt et l'évolution de la productivité, évaluent autour de 6 %.

* 14 C'est-à-dire que la progression du salaire moyen par tête ne sera pas supérieure à celle de la productivité : dans ce cas, le taux de marge des entreprises est stable.

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