2. Le FIVA n'a pas tari les recours aux tribunaux

Malgré l'existence du FIVA et un fort taux d'acceptation de ses décisions, on constate une forte croissance du nombre de jugements ; de 300 en 2002 leur nombre passe à 900 en 2003 et probablement plus de 1500 en 2004 (1 217 recensés au 31/01/2005 sachant que le FIVA n'a probablement pas encore reçu l'ensemble des décisions de justice ou ne les a pas encore enregistrées et qu'en outre, un certain nombre de juridictions, malgré la circulaire du ministère de la justice et des lettres de rappel du FIVA ne respectent pas l'article 39 du décret du 23 octobre 2001 leur prescrivant de transmettre leurs décisions au FIVA).

Une partie de cette croissance peut être liée à une meilleure transmission par les greffes des jugements au FIVA. Mais la principale explication est liée à la forte croissance du nombre de reconnaissances de la faute inexcusable de l'employeur.

Sur les 1217 jugements rendus dans le premier semestre 2004, seuls 25 soit moins de 2% ne reconnaissaient pas la faute inexcusable.

Il apparaît donc nécessaire pour une part très importante des victimes d'intégrer la faute inexcusable et ses conséquences dans les calculs d'indemnisation.

a)- La comparaison pour les IPP de 5 % (plaques pleurales).

La comparaison pour les plaques pleurales avec une IPP de 5 % est immédiate. En effet, il n'y a pas de préjudice annexe (frais de soins, tierce personne, préjudice professionnel) et, surtout, le montant versé par le tribunal au titre de la majoration d'incapacité est versé en capital et non en rente (doublement de l'indemnité attribuée pour 5 % d'IPP, qui s'élève à 1682,82 euros en 2005).

Donc la victime peut bénéficier :

- soit, à condition de démontrer la faute inexcusable de son employeur, d'une indemnisation de la juridiction de sécurité sociale comprenant, d'une part, une majoration de son capital pour un montant fixe et, d'autre part, les préjudices extrapatrimoniaux ;

- soit de l'indemnisation par le FIVA de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Indemnisation moyenne jurisprudence et FIVA de 1999 à 2002

en €

1999-2002

IPP 5% (86 décisions)

FIVA 62 ans

Ecart FIVA/Jurisprudence 1999-2002

Moyenne extrapatrimonial

22 623

15 000

-34 %

Patrimonial

1 482

4 100

277 %

Total

24 904

19 100

-21 %

b)- La comparaison pour les IPP supérieures à 9%

La comparaison pour les incapacités de plus de 9 % est très délicate. En effet, au-delà de ce seuil, l'indemnisation de l'incapacité par la sécurité sociale et le montant accordé par le tribunal au titre de la majoration d'incapacité sont versés en rente.

Donc la victime peut bénéficier :

- soit, à condition de démontrer la faute inexcusable de son employeur, d'une indemnisation par la juridiction de sécurité sociale comprenant, d'une part, une majoration de sa rente et, d'autre part, les préjudices extrapatrimoniaux ;

- soit de l'indemnisation par le FIVA de ses préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

En cas de recours aux tribunaux, l'indemnisation calculée en intégrant la majoration de la rente prévue en cas de reconnaissance de la faute inexcusable est supérieure à l'indemnisation obtenue devant le FIVA. Cependant, à compter d'un taux d'IPP de 51 %, plus le taux est élevé plus l'avantage relatif à la majoration pour faute inexcusable se réduit en raison notamment de la progressivité du barème du FIVA ; il est même nul quand l'IPP atteint 100 % et, dans ce cas, la victime bénéficie d'un montant en capital égal au montant du salaire minimum des rentes, soit 15 973,78 euros (valeur 2005). Cependant, la comparaison ne peut pas en rester aux montants théoriques d'indemnisation et doit prendre en compte les modalités concrètes de leur application : or, les pratiques en matière de « consolidation » de pathologie maligne sont variables suivant les organismes de sécurité sociale et certaines victimes ne font pas l'objet d'une consolidation avant le décès 34 ( * ) .

Si la victime est décédée, le conjoint survivant et les enfants de moins de 16 ans (ou jusqu'à 20 ans s'ils sont en apprentissage ou poursuivent leurs études), bénéficient d'une majoration de leur rente. Pour se limiter à la situation du conjoint survivant, celui-ci bénéficie d'une rente égale à 40 % du salaire de la victime si ce conjoint a moins de 55 ans et de 60 % après cet âge. La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur conduit à porter la rente à 100 % du salaire de la victime. Il s'agit d'une disposition plus favorable que la réparation intégrale qui n'indemnise que le seul préjudice économique du conjoint survivant (en réparation intégrale, l'indemnisation vise à ce que le revenu après décès soit au moins égal au revenu avant décès moins la part de consommation de la victime décédée).

C'est pourquoi, un amendement parlementaire a prévu que, dans ces situations et suite au recours subrogatoire exercé par le FIVA, la victime pouvait bénéficier d'une « indemnisation complémentaire (...) susceptible d'être accordée dans le cadre d'une procédure pour faute inexcusable de l'employeur 35 ( * ) ». Dans ce cadre, le recours subrogatoire du FIVA devant le juge perd son caractère classique de récupération auprès du responsable pour acquérir une dimension de complément indemnitaire. Pour les victimes entrant dans le champ d'application de l'assurance contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, c'est la garantie que l'indemnisation par le FIVA apportera les mêmes avantages que ceux résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Toutefois, cette analyse suppose que le FIVA exerce le recours subrogatoire dans les mêmes conditions que la victime (si le FIVA s'abstient d'exercer le recours subrogatoire dans ces situations la victime ne bénéficiera pas de la majoration de sa rente). Cette exigence conduit à multiplier le nombre de recours nécessaires au bénéfice des victimes y compris dans des situations où le recours subrogatoire ne présente pas d'intérêt pour le Fonds puisque le responsable de l'exposition ne peut pas être mis en cause directement (employeur disparu, article 40). Le FIVA reconnaît qu'il n'est pas aujourd'hui en mesure d'exercer l'ensemble des recours au bénéfice des victimes qui conservent donc un intérêt important à saisir les juridictions.

Les effets négatifs d'une telle organisation juridique sont importants.

• Les victimes sont contraintes de recourir aux tribunaux pour faire valoir les droits qui leur sont ouverts en cas de reconnaissance de la faute inexcusable, recours contentieux que la création du FIVA avait pour objectif de rendre inutiles.

• Un contentieux est généré qui nécessite des investissements de la part des tribunaux, du FIVA et de l'assurance maladie, laquelle sera bien souvent le réel payeur.

• La multiplication des contentieux tire à la hausse les indemnisations.

Le barème du FIVA a été adopté le 21 janvier 2003. Dès lors, deux effets étaient possibles :

• un effet de concurrence : les victimes opèrent un choix entre le FIVA et les juridictions. Dans les situations où la juridiction est traditionnellement plus favorable, elles engagent une action juridictionnelle. Dans les situations inverses, elles déposent un dossier au FIVA. Il en résulte une augmentation mécanique des montants moyens servis par les tribunaux (il y a plus de décisions supérieures au barème du FIVA et moins de décisions inférieures) ;

• un effet d'homogénéisation : les juridictions se rapprochent du barème du FIVA (certaines en diminuant le montant de leurs indemnisations, les autres en l'augmentant).

Le FIVA constate que c'est le premier effet qui semble pour l'instant dominant et qu'il en résulte une dégradation relative de la place du barème du FIVA.

Ces constats ont amené la Cour à examiner une nouvelle voie. Compte tenu de la nature du dossier, on pourrait considérer qu'il y a présomption de faute inexcusable, présomption que conforte la proportion de décisions judiciaires reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur. A la demande de la Cour, le FIVA a donc calculé le coût différentiel entre une indemnisation réalisée en intégrant automatiquement la faute inexcusable de l'employeur et les indemnisations après reconnaissance de la faute inexcusable devant les tribunaux.

Dans le cas où le FIVA continuerait à n'intervenir que marginalement en matière de faute inexcusable, la majoration pour faute inexcusable par la voie judiciaire devrait avoir un coût global de 17,6M€ ; une reconnaissance automatique devrait avoir un coût de 65,5M€, soit un coût de l'automaticité de cette reconnaissance de 47,9M€ en 2006 36 ( * ) . Le surcoût maximum devrait être atteint en 2027 et s'élever à 150M€ ainsi que le montre l'annexe 6. L'hypothèse d'un développement des recours initiés par le FIVA contre le tiers responsable diminue bien entendu le différentiel, qui serait de 44M€ en 2006, et un maximum de 120M€ en 2027, mais le coût de ces recours serait le plus souvent supporté par la branche AT/MP de l'assurance maladie.

Ce surcoût doit être comparé aux avantages qu'il présente. Cette mesure permettrait à toutes les victimes remplissant les conditions de bénéficier des dispositions plus favorables de la faute inexcusable sans qu'elles aient à recourir aux tribunaux. Elle déchargerait les tribunaux d'un contentieux qui perd une partie de son intérêt quand il a pour effet d'opposer le FIVA et la branche AT/MP qui est son principal financeur. Elle redonnerait à l'action récursoire du FIVA tout son sens en l'amenant à poursuivre les employeurs qui peuvent l'être utilement. Une telle évolution ne serait cependant financièrement acceptable que si le surcoût en était financé par un recentrage du dispositif du FCAATA sur les victimes reconnues de l'amiante.

* 34 La consolidation est le moment où la rente est considérée comme pouvant être fixée, la gravité de la pathologie pouvant être considérée comme définitive.

* 35 Article 53.IV.2 de la loi du 23 décembre 2000 introduit par amendement parlementaire.

* 36 Pour mémoire le budget prévisionnel du FIVA prévoit une dépense d'indemnisation en 2005 de 580M€ ; le surcoût d'une telle mesure pourrait ainsi être de 7,5% en 2006.

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