Audition de M. Claude
PERNÈS, maire de Rosny-sous-Bois,
vice président de
l'Association des maires de France (AMF)
(17 janvier 2006)
Présidence de M. Georges OTHILY, président
M. Georges Othily, président .- Je vous remercie, monsieur Claude Pernès, d'avoir répondu à l'invitation de notre commission d'enquête parlementaire.
Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Claude Pernès prête serment.
M. Georges Othily, président .- Je vous propose de commencer l'audition par un exposé liminaire puis de répondre aux questions de mes collègues.
M. Claude Pernès .- Je représente l'Association des maires de France qui, comme vous le savez, est forte de ses 36.000 maires. Ces derniers sont inégalement confrontés au problème pour lequel vous m'avez convié : l'immigration.
Il se trouve que, pour ce qui me concerne, je suis un maire de banlieue de Seine-Saint-Denis, élu depuis 1983. J'ai donc eu à connaître les évolutions successives des différentes politiques de la ville qui ont été mises en place par les gouvernements qui se sont succédés et je vais essayer, modestement, d'être un témoin un peu plus privilégié des questions liées à l'immigration, notamment à l'immigration clandestine, puisque c'est de cela que nous parlons.
Les maires éventuellement concernés peuvent appréhender l'immigration à travers trois catégories d'actes qu'ils ont à connaître : les mariages, l'attestation d'accueil (l'ancien certificat d'hébergement) et le regroupement familial.
Sans vouloir faire un parallèle direct avec l'immigration clandestine, je pense qu'on peut raisonnablement dire qu'aucun des maires qui signent un certificat d'accueil pour un séjour touristique et familial n'a les moyens de vérifier si l'intéressé qui est accueilli sur le territoire de la commune est retourné dans son pays à l'issue du délai inscrit dans le certificat d'accueil.
Il nous arrive parfois, lorsque nous avons deux candidats au mariage, l'un en situation régulière ou doté d'une carte d'identité française, l'autre en situation irrégulière avec notamment ce fameux certificat d'accueil périmé (ce qui veut dire qu'il est entré sur le territoire avec le certificat d'accueil et qu'il y reste après le délai expiré), de nous demander si nous devons prononcer le mariage.
Le procureur de la République est régulièrement informé de ces situations. Je lui indique que je vais procéder au mariage de M. Untel et de Mme Untel, l'un des deux candidats étant muni d'un simple passeport de nationalité étrangère, d'un titre de séjour périmé et d'un certificat d'accueil lui aussi périmé. Dans 99 % des cas, le procureur de la République demande aux maires de célébrer le mariage.
Quant aux regroupements familiaux, dans les cas que j'ai eu à connaître, ils doivent recueillir l'avis de l'Office des migrations internationales et du maire et il arrive souvent que, quels que soient les avis donnés, le préfet nous informe de l'arrivée sur le territoire de notre commune, en vertu du regroupement familial, de tels ou tels membres de la famille.
Je considère qu'il y a, là aussi, une attention particulière à apporter, sachant que, dans l'intérêt de nos quartiers, nous pouvons avoir parfois intérêt à vérifier que les équilibres sociologiques sont préservés.
Voilà les quelques considérations que je peux faire passer auprès de la commission sur les constats que les maires peuvent être amenés à faire dans leurs rapports à l'immigration dans leur vie de tous les jours.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- D'aucuns suggèrent une responsabilisation des hébergeants. Qu'en pensez-vous ?
M. Claude Pernès .- Jusqu'à présent, du moins jusqu'à la dernière modification de la loi, les certificats d'accueil étaient présentés aux maires ou aux commissaires de police sur simple feuille avec une attestation sur l'honneur. La personne déclarait sur l'honneur le montant de ses ressources et attestait avoir des capacités d'hébergement suffisantes pour tel ou tel ami ou membre de sa famille. Aucune vérification de ces déclarations, puisqu'elles étaient faites sur l'honneur, n'était effectuée.
Aujourd'hui, les maires qui signent ces certificats ont la possibilité de vérifier les ressources et d'envoyer des personnels vérifier sur place les capacités d'hébergement. Ces possibilités de contrôle, et l'exigence d'une assurance, ont provoqué une baisse des demandes d'attestation d'accueil.
Malgré tout, on nous dit bien souvent -mais je n'apporte ici aucune preuve de ce que j'avance à la commission- que si on ne réussit pas à entrer dans telle ville, on y parviendra dans telle autre. Voilà un peu ce qui se dit de temps en temps. Aujourd'hui, nous refusons beaucoup et je confirme que la responsabilisation des familles d'accueil est effectivement une bonne chose.
Maintenant, les maires souhaiteraient avoir la preuve du retour dans le pays de l'intéressé. Moi-même, j'avais une méthode qui valait ce qu'elle valait mais qui était basée sur la confiance. Elle consistait à demander à ces personnes : « Cela me ferait plaisir de recevoir une carte d'amitié lorsque vous serez retourné dans votre pays ». Il est certain que, lorsque je recevais ces cartes, les demandes qui m'étaient faites par la suite par la même famille étaient étudiées avec beaucoup plus de bienveillance.
M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Les maires ont-ils les moyens d'exercer ces contrôles ?
M. Claude Pernès .- C'est un contrôle lourd qui peut amener des situations conflictuelles dans nos services d'état civil, des tensions, voire des insultes de la part de personnes qui ne comprennent pas que des conditions soient posées pour l'accueil de visiteurs étrangers.
Pour ce qui concerne les ressources, nous ne faisons pas des contrôles fiscaux. Nous demandons les fiches de paie ou les preuves de ressources (allocations, RMI, etc.), mais nous ne pouvons pas vérifier s'il s'agit de faux. Nous faisons donc le travail visuel modeste que peut faire un employé à l'état civil sans faire un contrôle de police ou fiscal.
En revanche, pour le logement, nous sommes beaucoup plus stricts et nous envoyons systématiquement un appariteur. Cela dit, je ne peux pas confirmer que toutes les communes ont les moyens de le faire.
M. Georges Othily, président .- Quelle est la part des enfants d'étrangers en situation irrégulière dans les écoles primaires ?
M. Claude Pernès .- La scolarité des enfants est assurée dès lors que la famille est installée dans une commune et quel que soit le parcours l'y ayant conduit. En termes de pourcentages, cela dépend de la situation des communes et je pense qu'une carte assez précise de ces situations doit exister.
Je pourrai uniquement citer un pourcentage sur la commune dont je suis le maire, mais ce ne serait pas significatif. En ce qui concerne les familles immigrées en situation irrégulière ayant des enfants scolarisés, nous devrions être à environ 2 %.
M. Georges Othily, président .- Auriez-vous un document à nous laisser en ce qui concerne la position de l'AMF sur la politique d'immigration et la manière dont elle est ressentie ?
M. Claude Pernès .- La question a été posée à l'AMF et c'est en tant que maire de banlieue que j'ai été chargé de vous parler plus particulièrement de mon expérience.
M. Georges Othily, président .- Les maires d'outre-mer n'ont-ils jamais eu à poser ces problèmes d'immigration au niveau de l'Association des maires de France ?
M. Claude Pernès .- Il n'y a pas de position commune de l'AMF sur ce sujet.
M. Georges Othily, président .- Très bien. Nous vous remercions de votre exposé et des renseignements que vous avez bien voulu nous apporter.