Audition de M. Bernard BASSET,
sous-directeur de la sous-direction « Santé et société »
au ministère de la santé et des solidarités
(18 janvier 2006)

Présidence de M. Georges OTHILY, président

M. Georges Othily, président .- Monsieur le directeur, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, M. Bernard Basset prête serment.

M. Georges Othily, président .- Nous allons commencer par écouter votre exposé liminaire, après quoi nous vous poserons quelques questions.

M. Bernard Basset .- Merci, monsieur le Président. Si vous le permettez, comme j'en ai été invité, je vais commencer mon exposé introductif par un bref rappel des missions de la direction générale de la santé en rapport avec le sujet de la commission d'enquête pour laquelle je suis entendu aujourd'hui ainsi que de celles plus précises dont j'ai la responsabilité.

C'est depuis août 2000 que je suis sous-directeur à la sous-direction « santé et société », qui est en charge de la prévention des comportements susceptibles d'entraîner des conséquences dommageables pour la santé tels que la consommation de certains produits (alcool, tabac, drogues illicites) et la prévention des infections sexuellement transmissibles. Je suis également en charge de la santé des populations précaires ou vulnérables. C'est à ce dernier titre que j'ai eu à travailler sur les problèmes de santé des populations migrantes, en particulier de celles qui séjournent en France sans titre de séjour.

L'action de la direction générale de la santé s'inscrit à la fois dans le cadre global des populations résidentes sur le territoire national et dans la participation au bon fonctionnement du dispositif législatif et réglementaire sur le séjour des étrangers en France, en particulier des étrangers malades.

En premier lieu, le cadre général de la politique de santé a fait l'objet d'une réflexion importante des experts lors de la préparation de la loi du 9 août 2004 relative à une politique de santé publique. Le rapport du groupe national de définition des objectifs traite de ce sujet dans le chapitre qui est consacré à la précarité et aux inégalités et qui concerne non pas uniquement les étrangers, qu'ils soient en situation régulière ou non, mais qui souligne que, sur le strict plan de la santé, les étrangers non communautaires connaissent une situation défavorable par rapport aux principaux déterminants connus des inégalités de santé.

Il constate également que les étrangers en situation irrégulière et, au-delà d'eux, ceux dont le statut est devenu précaire, constituent un groupe particulièrement vulnérable parmi les étrangers, aussi bien en termes de santé qu'en termes de soins.

Il invite enfin à renforcer notre connaissance des problématiques sanitaires des migrants.

Par ailleurs, certains problèmes de santé touchent plus particulièrement les étrangers en fonction de leur pays d'origine. L'infection à VIH, dont nous connaissons tous les conséquences effroyables en Afrique sub-saharienne, se retrouve évidemment en partie parmi les populations originaires de ces pays qui résident en France. C'est pourquoi, dans le cadre de la politique de lutte contre le VIH, un volet spécifique du programme est consacré à la lutte contre le VIH chez les migrants. Il vise essentiellement à améliorer l'information de ces populations, à favoriser les comportements de prévention et à inciter au dépistage.

Au-delà de ces objectifs qui concourent à améliorer l'état de santé de l'ensemble de la population, y compris sur un problème de santé spécifique comme le VIH, nous participons à la mise en oeuvre des dispositions qui découlent de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cet article permet à l'autorité préfectorale de délivrer une carte de séjour temporaire pour des raisons d'état de santé, celles-ci étant elles-mêmes encadrées et devant nécessiter une prise en charge dont le défaut peut entraîner, pour l'étranger, des conséquences d'une exceptionnelle gravité sous réserve qu'il ne puisse bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cette disposition, qui est sous la responsabilité des services préfectoraux, a des conséquences pour l'administration de la santé, essentiellement l'administration déconcentrée. En effet, la décision de l'autorité administrative est prise après avis du médecin instructeur de la santé publique, sauf à Paris où cet avis est formulé par un médecin-chef de la préfecture de police.

L'avis du médecin inspecteur se fonde sur un certificat médical délivré par les médecins agréés ou un praticien hospitalier. Le code prévoit également que le médecin inspecteur peut convoquer le demandeur devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret. Ces commissions médicales n'ont pas encore été mises en place, le décret n'ayant pas été publié, semble-t-il, dans l'attente d'une nouvelle définition de la politique relative à l'immigration. Cependant, le ministre de l'intérieur ayant récemment déclaré qu'il ne modifierait pas le texte sur ce point, je pense que les décrets qui doivent paraître sont prêts.

En ce qui concerne les services centraux, l'action de l'administration de la santé se passe presque exclusivement dans un cadre interministériel, avec le ministère de la cohésion sociale et le ministère de l'intérieur. Nous avons eu en particulier de nombreuses réunions de travail pour la rédaction de ce décret sur la commission médicale régionale.

Je crois pourvoir dire que nous partageons avec les autres départements ministériels un souci commun : ces dispositions concernant les étrangers malades visent à protéger la santé et à prévenir les situations dramatiques qui pourraient résulter, sur ce plan, de la rupture de traitement du fait de l'expulsion des personnes. Pour autant, pour que ces dispositions bénéficient à ceux qui le justifient, elles ne doivent pas être utilisées à d'autres fins. La rigueur dans l'application de cet article, et donc dans l'instruction des dossiers, est indispensable, de même que la fiabilité des avis. C'est pourquoi nous avons été tout à fait favorables à la mise en place des commissions médicales régionales qui permettent aux médecins instructeurs de s'entourer de l'avis d'experts.

Les dernières données dont nous disposons en provenance du ministère de l'intérieur montrent que le nombre de titres de séjour délivrés en 2004 en application de cette disposition serait de 16 000.

Ce chiffre permet d'estimer la population des personnes qui en bénéficient parmi la population migrante. Si on le rapporte à la population totale des étrangers en France, soit 3,3 millions, cela représente environ 0,48 % de la population étrangère.

On peut aussi le rapporter aux étrangers en situation irrégulière, mais, à cet égard, nous n'avons évidemment que des fourchettes assez larges et imprécises. Le ministère de l'intérieur estime que la population irrégulière se situe entre 200 000 et 400 000 personnes. Ces 16 000 étrangers malades représenteraient donc 4 à 8 % de cette population en situation irrégulière.

Nous pouvons également rapporter les titres de séjour délivrés dans ce cadre au nombre total de titres de séjour délivrés pour les années 2000, 2001 et 2002 (nous n'avons pas les données pour les années suivantes). Les titres délivrés en application de l'article représenteraient autour de 1 % de l'ensemble des titres de séjour délivrés ces années-là. On ne peut donc pas dire que ces dispositions soient fortement utilisées par les étrangers séjournant en France. Elles doivent en outre continuer à bénéficier uniquement à ceux dont la santé est en danger.

Pour être complet sur l'action des services de la direction générale de la santé, je dois vous dire que nous avons également participé à la réflexion sur la réforme de l'aide médicale d'Etat même si, là encore, nous n'avons pas la responsabilité du dossier au sein du ministère. C'est le même souci qui nous a guidés : garantir la protection et la santé des personnes et celle des enfants à naître et éviter l'éventuel dévoiement de procédure.

J'ai essayé, monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, de vous apporter de manière assez synthétique une description de ce que nous faisons. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

M. Louis Mermaz .- J'aurai une simple question à vous poser, monsieur le directeur. S'il apparaît qu'un étranger en situation irrégulière a une maladie grave, bénéficie-t-il d'une assistance médicale ?

J'ai eu à connaître le cas d'une dame qui vient du Burkina-Faso et que j'ai vue à l'hôpital en allant voir quelqu'un d'autre. D'après ce qu'elle m'a dit, elle est entrée clandestinement, elle a été admise dans un service pour une maladie très grave et elle a été soignée. Est-ce normal ?

M. Bernard Basset .- Tout à fait.

M. Louis Mermaz .- Je m'en réjouis pour elle et je trouve cela très bien, mais je vous pose la question : une personne en situation irrégulière qui est gravement malade a-t-elle le droit d'être reçue à l'hôpital et soignée chez nous sans être inquiétée ? Comment cela se passe-t-il ?

M. Bernard Basset .- Il y a eu récemment une circulaire sur l'aide médicale d'Etat qui concerne les soins médicaux urgents. Je pense que vous faites référence à une situation de ce type.

M. Louis Mermaz .- Elle était atteinte d'une leucémie avancée.

M. Bernard Basset .- Oui, c'est indiscutable. Pour ma part, je vous ai décrit la procédure qui concerne des personnes qui ne sont pas forcément dans un état de détresse dramatique mais dont on considère que leur état de santé ne leur permet pas de rentrer dans leur pays et qu'il pourrait s'aggraver. Dans ce cas, elles font une demande auprès de la préfecture et leur dossier est instruit sur la base d'un dossier médical.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- La question que je vais vous poser concerne moins la procédure que l'état sanitaire des personnes que nous accueillons. Avez-vous des éléments sur l'importance de leurs difficultés de santé, notamment outre-mer ?

M. Bernard Basset .- Nous avons des éléments globaux sur les raisons médicales qui conduisent à bénéficier de cette procédure. En France entière, nous avons environ 15 % de personnes qui en bénéficient pour raison d'infection au VIH.

Par ailleurs, j'ai les chiffres globaux, mais sans détail par pathologie, pour la Guyane et Mayotte.

Pour la Guyane, en 2004, nous avons eu 544 avis, dont 535 étaient positifs (176 hommes et 359 femmes).

Pour Mayotte, j'ai les chiffres de 2002, 2003 et 2004. En 2002, sur 203 avis reçus, 160 étaient favorables (soit 79 %) ; en 2003, sur 286 dossiers reçus, 238 étaient favorables (soit 83 %) ; en 2004, sur 433 avis reçus, 300 étaient favorables (soit 69 %). Je précise qu'il ne s'agit pas forcément de nouveaux dossiers et qu'il peut y avoir des cumuls puisque les autorisations sont sur une certaine période. L'année 2004, par exemple, peut cumuler des autorisations qui couraient précédemment.

Quant à la Réunion, nous avons des chiffres très faibles : 70 personnes par an, ce qui est marginal.

En ce qui concerne le détail des pathologies de la France entière, je peux vous laisser le document si vous le souhaitez.

M. Georges Othily, président .- Il nous sera utile, en effet.

Pouvez-vous par ailleurs nous indiquer le coût de l'AME ?

M. Bernard Basset .- Je n'en suis pas en charge, mais je me suis renseigné sur ce point. Les derniers chiffres des flux sur les quatre derniers trimestres étaient de 360 millions d'euros, et ce après les nouvelles dispositions qui ont été prises sur l'AME, alors qu'auparavant nous en étions plutôt à 500 millions d'euros. Je tire ces chiffres d'une réponse à un questionnaire parlementaire sur ce sujet.

Quant au nombre de bénéficiaires, je vous laisse le document : ce sera plus simple.

M. Georges Othily, président .- C'est parfait. Nous vous remercions, monsieur le directeur, des précisions extraordinaires que vous venez de nous donner et qui vont beaucoup nous servir.

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