Audition de M. le Général Serge CAILLET,
Sous-directeur de la police judiciaire
à la direction générale de la gendarmerie nationale
et de M. le lieutenant-colonel Georges MASCARO,
chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI)
(1er février 2006)

Présidence de M. Georges OTHILY, président

M. Georges Othily, président .- Mon général et mon colonel, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires M. le Général Serge Caillet et M. le lieutenant-colonel Georges Mascaro prêtent serment.

M. Georges Othily, président .- Nous vous écoutons dans un premier temps, après quoi nos collègues vous demanderont des précisions.

M. le Général Serge Caillet .- Merci, monsieur le président. Je vous propose de vous faire un premier exposé liminaire assez général, après quoi le lieutenant-colonel Mascaro répondra à vos questions précises : il est l'homme de la situation.

Tout d'abord, je tiens à dire quelques mots sur l'action que mène la gendarmerie dans la lutte contre le travail illégal, puis j'évoquerai un bilan et l'évolution que nous constatons, et je vous parlerai enfin de l'action que nous menons pour intensifier cette lutte, puisqu'il s'agit de directives gouvernementales, sans perdre de vue, bien entendu, que votre commission s'intéresse à l'immigration clandestine et à la lutte contre le travail illégal. J'essaierai donc, autant que possible, de mettre en avant ces aspects plus particuliers.

En ce qui concerne notre action, comme vous le savez sans doute, nous n'avons pas une gendarmerie spécialisée qui s'occupe de travail illégal, comme on peut avoir une gendarmerie du transport aérien ou de l'armement ou une gendarmerie maritime. Il y a une quinzaine d'années que la gendarmerie se préoccupe de manière organisée de lutter contre le travail illégal. C'est à partir des années 1990 qu'elle a développé ce qu'on appelle les formateurs relais en travail illégal, qui permettent de spécialiser des personnels à raison de deux par compagnie de gendarmerie départementale, c'est-à-dire par arrondissement, approximativement, ce qui nous fait 850 officiers de police judiciaire qui sont spécialisés dans le domaine.

Ces personnels sont formés par des spécialistes de la délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal (DILTI) avec lesquels nous collaborons étroitement, les stages ayant lieu au Mans ou à Orange.

Bien entendu, depuis que l'Office existe, le chef de l'Office et ses personnels contribuent à l'amélioration de ces formations en intervenant précisément dans d'autres stages que suivent des personnels de la police judiciaire en général, dans notre centre de formation de Fontainebleau, où nous organisons des stages d'officiers de police judiciaire, de gradés directeurs d'enquête, d'officiers chargés du suivi de la police judiciaire dans les groupements, etc. Il nous paraît bon qu'au-delà des formateurs relais sur le travail illégal, tous les personnels aient des informations sur cet aspect.

Nous menons également une action sur les personnels de la gendarmerie des transports aériens et de l'air parce que, comme on peut le comprendre en matière de travail illégal et d'immigration clandestine, c'est évidemment dans les aéroports que l'on trouve une partie des flux qui nous concernent.

J'en viens à l'Office central de lutte contre le travail illégal. En tant que supérieur direct du lieutenant-colonel depuis huit mois, j'observe son action et il me paraît vraiment que la création de cet Office a marqué un tournant au sein de la gendarmerie, ce qui sera bientôt le cas de la police nationale. En effet, l'Office est interministériel, mais vous comprendrez qu'il faut un certain temps pour qu'il élargisse son champ d'action. C'est donc une chose extrêmement importante pour dynamiser la lutte contre le travail illégal.

Cet Office a été créé en mai 2005 du fait de la volonté du ministre de l'intérieur. Il a d'ailleurs été inauguré par les trois ministres de l'intérieur, de la défense et du travail et, comme tous les offices centraux, il a pour mission, outre le fait de réaliser lui-même quelques enquêtes, d'animer et de coordonner le domaine.

Comme tous les offices qui sont créés, il monte en puissance. Il a démarré avec six personnels cette année et comme prévu lors de son installation, il bénéficiera en 2006 d'un renfort de seize personnes (gradés et gendarmes) pour passer en 2007 à un effectif de 23 militaires de la gendarmerie.

Comme c'est un organisme interministériel, et à l'instar des autres offices, il est prévu également qu'il accueille un commissaire de police adjoint et des policiers, de même que notre Office central de lutte contre la délinquance itinérante accueille un commissaire de police, trois officiers de police et quatre gardiens de la paix.

Enfin, nous sommes attachés à ce qu'il ait en son sein des personnels n'appartenant ni à la police ni à la gendarmerie : des corps d'inspecteurs et de contrôleurs du travail, c'est-à-dire des représentants des trois régimes d'emploi : régime général, régime agricole et transports. Nous avons déjà des contacts très fructueux avec l'inspection générale du travail des transports, puisque le directeur général de la gendarmerie a reçu récemment un accord de l'inspecteur général pour la mise à disposition d'un inspecteur à compter du mois de mars, cet inspecteur faisant partie de la Délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal et acceptant sa mutation. C'est dire les excellents rapports que nous avons avec cette délégation.

Voilà la manière dont la gendarmerie traite le problème du travail illégal.

Je me propose maintenant de vous donner un premier bilan de l'année 2005 et des années précédentes. Je ferai un constat très général et, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous pourrons y revenir dans les détails avec le spécialiste.

Alors que nous avons observé des résultats plutôt stables pendant une dizaine d'années, nous notons qu'ils augmentent depuis trois ans. Il est difficile d'en donner les raisons, mais cette augmentation est due probablement à une intensification du travail illégal en lui-même et, surtout, à sa nature. Je pense aussi qu'elle résulte de la dynamisation de l'action compte tenu des directives gouvernementales et, depuis huit mois, de l'impulsion que donne l'Office central.

Je vous donne des chiffres qui pourront être détaillés tout à l'heure si vous le souhaitez : pour la gendarmerie, nous avons constaté 8.700 infractions en 2005, qui ont donné lieu à 4.480 procès-verbaux (j'arrondis à la dizaine près), contre 8.200 infractions en 2004.

Le lieutenant-colonel Mascaro a également pour rôle d'assurer les relations internationales dans ce domaine, comme tous les offices centraux. A ce titre, nous nous rendons compte que la France est l'un des rares pays d'Europe qui a codifié des textes relatifs à son dispositif de lutte contre le travail illégal au titre tant du code pénal que du code du travail. De ce fait, en France, le champ infractionnel est très large puisqu'il couvre près de 35 contraventions ou crimes et délits qui sont groupés par grande famille d'infractions.

Il existe six grandes familles d'infractions, certaines étant plutôt appréhendées par les officiers de police judiciaire parce qu'elles ont un côté répressif et qu'elles sont plus traditionnellement dans leur champ d'action, d'autres ayant plus la faveur des autres corps de contrôle, en particulier de l'inspection du travail, parce qu'elles nécessitent un examen préalable détaillé des relations contractuelles. Je vais énumérer rapidement les différentes formes de travail illégal sur lesquelles nous pourrons revenir tout à l'heure, tout en reconnaissant que c'est un droit assez compliqué et qu'il faut vraiment des spécialistes pour s'en occuper :

- le travail dissimulé par dissimulation d'activités ou de salariés et le recours au travail dissimulé (c'est ce qu'on entend le plus souvent par travail illégal), qui représentent environ 60 % des infractions constatées ;

- les faux statuts, qui regroupent le faux travail indépendant ou la fausse entrée familiale ;

- la fausse sous-traitance, qui consiste à effectuer un prêt de salariés en s'affranchissant des règles normales et du monopole des agences de travail temporaire ;

- la question complexe de l'intervention des entreprises étrangères en France, qui prend évidemment de l'importance et constitue une problématique à part entière évoluant selon l'élargissement de l'Union européenne ;

- les trafics de main-d'oeuvre étrangère ;

- les conditions de travail et d'hébergement contraires à la dignité humaine, infractions qui sont assez faibles, du moins pour la zone gendarmerie.

M. Jean-Claude Peyronnet .- Les éléments que vous nous apportez concernent-ils uniquement la zone gendarmerie ?

M. le Général Serge Caillet .- J'aurais dû le dire en préambule. Effectivement, cela ne concerne que la zone gendarmerie puisque, comme vous l'avez compris, l'Office est tout à fait récent et que l'un de ses objectifs est de se faire communiquer les statistiques concernant la police nationale. Ce sera fait pour l'année prochaine : l'organisme est trop nouveau et il faut que les circuits s'organisent. Il s'agit donc bien de la zone gendarmerie.

L'une des difficultés que j'observe depuis que le gouvernement s'intéresse de très près au travail illégal, c'est le faible nombre d'indicateurs dont nous disposons pour nos statistiques. Vous savez certainement que police et gendarmerie ont une statistique qui s'appelle la « 4001 » et qui ne regroupe que quatre indicateurs différents :

- le travail dissimulé (qui représente 68 % de nos interventions) ;

- le prêt illicite de main-d'oeuvre (2,5 % de nos interventions) ;

- l'emploi d'étrangers sans titre de travail et autres infractions (8,7 % de nos interventions) ;

- les conditions de travail contraires à la dignité humaine (0,40 % de nos interventions).

Nous réfléchissons actuellement à la manière de disposer de statistiques plus fines et nous nous efforçons de voir dans quelle mesure les personnes en situation irrégulière sont impliquées parce que, bien entendu, même si les deux phénomènes ne sont pas en corrélation immédiate, il y a un lien qu'on ne saurait nier.

Il faut savoir que, jusqu'à une période récente, l'action des unités s'est inscrite dans le cadre d'objectifs au plan national qui ont été fixés par le ministère du travail et qui sont animés par la DILTI :

- l'agriculture,

- le bâtiment et les travaux publics,

- les hôtels, cafés et restaurants,

- le spectacle vivant.

Le ministère du travail et la DILTI nous ont maintenant donné d'autres priorités. Un plan pour l'année à venir a été présenté la semaine dernière au cours d'une réunion de la commission nationale de lutte contre le travail illégal présidée par le ministre, M. Gérard Larcher, à laquelle nous avons participé et que le lieutenant-colonel Mascaro pourra détailler tout à l'heure.

Je donnerai ensuite trois exemples d'actions qui ont été menées en relation avec l'immigration irrégulière pour que vous puissiez voir la manière dont nous intervenons et aussi parce qu'il est intéressant de se pencher sur la manière dont les unités collaborent. En effet, il s'agit d'un domaine qui implique de multiples intervenants (policiers, gendarmes ou représentants du travail) et qui nécessite donc une action coordonnée. Je pense d'ailleurs pouvoir dire que cela fonctionne très bien, notamment dans les départements, sous la coordination des comités opérationnels de lutte contre le travail illégal (COLTI), du moins pour les départements qui en ont.

Par exemple, au cours du deuxième semestre 2005, les gendarmes de la section de recherche de Bordeaux et ceux du groupement de la Dordogne ont mis à jour une filière d'immigration d'origine asiatique ayant pour but d'introduire une main-d'oeuvre d'origine étrangère dissimulée, des ressortissants laotiens, en vue de fournir à bas prix aux employeurs des travailleurs saisonniers -la presse en a abondamment parlé. Une quarantaine de ressortissants étrangers ont fait l'objet de reconduites dans leur pays d'origine et l'enquête se poursuit.

Dans le Rhône, en association avec le GIR de Lyon, qui est dirigé par un commissaire de police, les gendarmes du groupement, assistés des renforts de la sécurité publique (police nationale) et de la police aux frontières (brigades mobiles de recherche), ont mis un terme aux agissements de responsables de quatre restaurants asiatiques qui dissimulaient 24 de leurs compatriotes en situation irrégulière dans quatre restaurants de la périphérie lyonnaise.

En fin d'année 2005, des gendarmes d'Alsace ont interpellé un manager sportif qui recrutait des coureurs à pied en provenance du Kenya et exploitait leurs résultats sportifs en les soumettant à des conditions d'hébergement contraires à la dignité humaine.

Voilà trois exemples qui ont trait à l'immigration irrégulière.

Nous réfléchissons à notre action et nous participons activement au Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI). En ce qui concerne la gendarmerie, c'est une autre sous-direction que la mienne qui suit l'immigration irrégulière, mais, comme l'immigration irrégulière et le travail illégal sont connectés, le lieutenant-colonel Mascaro participe à la plupart des réunions du CICI.

De même, nous participons, cette fois-ci à titre principal -j'y vais moi-même- au Comité national de lutte contre le travail illégal, présidé par le ministre du travail.

On note que la fraude liée à l'intervention des entreprises étrangères venant en France pour effectuer des prestations de services est en augmentation constante.

De même, je vous livre un chiffre qui nous paraît intéressant dans le cadre de vos travaux : la part des auteurs étrangers pour les trois premiers indicateurs (c'est-à-dire le travail dissimulé, le prêt illicite de main-d'oeuvre et l'emploi d'étrangers sans titre) est de l'ordre de 21,5 %, sachant que la population étrangère en France est de l'ordre de 10 %. On voit donc bien que les étrangers sont à l'origine de plus d'infractions, en proportion, que les Français. Je pense me faire bien comprendre.

Enfin, en ce qui concerne le seul indicateur du travail dissimulé, la part des étrangers s'élève à 23,5 % contre 18 % en 2004. On constate donc également une augmentation. Je répète qu'il y a probablement une part d'augmentation de ces délits, mais il s'y ajoute le fait que nous nous en occupons davantage, à la fois sur le terrain et sous l'influence de l'Office. Il ne faut pas sous-estimer ce phénomène : c'est un peu la problématique de toutes les infractions d'initiative que l'on relève.

Pour terminer, il me reste à évoquer la manière dont nous comptons intensifier encore notre action puisqu'il s'agit d'une priorité gouvernementale. Pour cela, l'Office central joue évidemment un rôle fondamental : premièrement, il va s'efforcer d'apporter une assistance sur le terrain en effectifs et en conseils (je répète qu'il s'agit d'un droit extrêmement compliqué et qu'il n'est pas toujours évident de savoir comment procéder) ; deuxièmement, il va s'efforcer de développer un processus informatique pour mieux appréhender les statistiques ; troisièmement, il va rechercher des saisines auprès des magistrats pour pouvoir travailler en cosaisine. Pour cela, nous devons mener une politique d'explication vis-à-vis des magistrats, même si le décret est paru, pour nous faire connaître et faire en sorte que les magistrats prennent l'habitude de nous saisir.

Cela dit, l'Office a déjà été saisi à titre principal en mai 2005 puisqu'il dispose actuellement de quatre dossiers et qu'au tout début de l'année 2006, il a été saisi en cosaisine dans le cadre d'une filière d'immigration moldave avec l'Office central de répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre (OCRIEST).

A cette occasion, je tiens à souligner combien la collaboration entre l'OCRIEST et l'OCLTI est excellente. Il n'est pas de semaine, voire de jour, sans que le lieutenant-colonel Mascaro et le commissaire divisionnaire Pajaud se téléphonent et se coordonnent. De la même manière, lorsque l'Office a été créé, j'ai eu souvent des entretiens approfondis avec le directeur central de la police aux frontières. Nous avons mis au point le décret ensemble pour qu'il n'y ait pas de chevauchements de compétence, comme c'était le cas au départ.

C'est d'ailleurs pourquoi, dans le décret concernant l'OCLTI, il est prévu, d'une part, une coordination des quatorze services centraux de police et de gendarmerie par la direction centrale de la police judiciaire, comme c'est prévu pour tous les offices, et, d'autre part, une coordination particulière entre l'OCLTI et l'OCRIEST par la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF).

Le lieutenant-colonel Georges Mascaro est en train de mener une action énergique pour rencontrer les divers partenaires des administrations que j'évoquais tout à l'heure. En effet, les divers organismes d'inspection du travail sont des administrations que nous connaissions mal et il a bien fallu déterminer leurs diverses compétences et leurs responsables pour nouer des contacts fructueux.

Je conclurai en soulignant les excellentes relations que nous entretenons avec la délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal (DILTI). Je rencontre très fréquemment Mme le préfet Horel et je peux vraiment dire que chacun a trouvé sa place : la DILTI qui continue de mener les actions qu'elle assurait auparavant et l'OCLTI qui joue son rôle répressif, puisque c'est son but. Je pense qu'il y a de la place pour tout le monde.

Voilà, monsieur le président, l'exposé liminaire que je comptais vous faire. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

M. Georges Othily, président .- Je vous remercie. Si vous le voulez bien, nous allons passer tout de suite aux questions.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Est-il possible d'apprécier, selon vous, l'importance de l'emploi illégal d'étrangers en situation irrégulière ? Je vous demande simplement une estimation ou une fourchette.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Je peux vous dire que les infractions relevées à l'encontre des étrangers en situation irrégulière, peu ou prou et bon an mal an, représentent environ 10 % des verbalisations. En fait, la part des étrangers mis en cause augmente dans tous les créneaux d'activité, comme l'a dit le général tout à l'heure, et on s'aperçoit que les étrangers qui ont eu la chance de bénéficier de régularisations au bout d'un certain temps reproduisent exactement les mêmes schémas que ceux dont ils ont été victimes quelques années auparavant. C'est peut-être l'une des explications qui conditionne cette augmentation des étrangers impliqués comme auteurs et non pas comme victimes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Autrement dit, ils passent dans le rôle de l'employeur et ils réutilisent la même filière qu'eux-mêmes ont utilisée antérieurement.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Tout à fait. Ce sont des grands classiques, mais, malheureusement, ce sont ceux que nous avons dans notre besace. Je peux notamment vous citer l'exemple de Kurdes qui emploient à leur tour d'autres Kurdes de régions avoisinant celle dont ils sont originaires en Turquie et qui mettent en place tout un dispositif comprenant la filière de recrutement en Turquie, la filière « d'importation » sur le territoire métropolitain via l'Europe, puis la filière d'accueil et la filière de réseau organisé de fournisseurs de travail. Nous avons affaire à un certain nombre d'employeurs peu scrupuleux qui se trouvent impliqués dans cette boucle alors que les têtes de ces réseaux, c'est-à-dire les lieutenants, les financiers et les organisateurs, sont également kurdes, dont on s'aperçoit qu'ils ont été régularisés il y a une demi-douzaine d'années.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Dans quelles conditions ont-ils été régularisés ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Soit dans des conditions préfectorales, soit parce que ces gens sont arrivés sur le territoire une ou deux fois de façon irrégulière, qu'ils ont vu par la suite leur situation évoluer en fonction des conditions dans lesquelles ils ont été interpellés et qu'ils ont pu bénéficier de cette régularisation. Ils peuvent alors faire venir un certain nombre d'amis qui, eux aussi, ont été introduits en France de façon régulière, et ils reproduisent ensuite ces schémas.

M. Bernard Frimat .- Vous avez dit que la part des étrangers est de 10 % dans l'ensemble des verbalisations.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- C'est la part des étrangers mis en cause comme auteurs d'infraction...

M. Bernard Frimat .- Comme auteurs ou comme victimes ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Comme auteurs. 10 % des auteurs sont des étrangers employeurs d'étrangers sans titre.

M. Bernard Frimat .- D'accord. Cela veut donc dire que, dans l'ensemble des étrangers, 10 % d'auteurs en situation régulière emploient des travailleurs étrangers en situation irrégulière ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Exactement. Nous avons aussi des étrangers en situation parfaitement régulière soit qui ont vu leur évolution personnelle évoluer au fil du temps, soit qui, pour les mêmes raisons économiques que les employeurs français, sont aspirés dans la spirale infernale du travail illégal. Il s'agit parfois de ressortissants français mais aussi, le plus souvent, de leurs nationaux, c'est-à-dire qu'ils se retournent vers les gens qu'ils connaissent.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- La précision est d'importance. Peut-on estimer le nombre d'étrangers en situation irrégulière victimes du travail clandestin, pour être plus clair ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Je n'ai pas de statistiques sur cette donnée. Je pense que nous devrions pouvoir mettre au point des indicateurs pertinents sur le sujet. Cependant, comme vous l'a expliqué le général dans son propos liminaire, notre existence n'a que quelques mois et je n'ai pas l'ensemble des représentants des différentes administrations. Il est certain que, pour l'affaire dont j'ai parlé et que nous avons traitée à la fin de l'année 2005, ces indicateurs seront pris en compte. En effet, nous traitons l'aspect des auteurs d'infraction et lorsque nous arrivons sur les chantiers, nous récupérons un certain nombre de victimes, mais comme ces personnes sont elles-mêmes en situation irrégulière, elles tombent sous le coup des infractions à la législation sur les étrangers. C'est un travail qui se fait en collaboration avec les services de la police aux frontières et ces gens font ensuite l'objet d'un traitement particulier et réglementaire.

A cette occasion, il est important de comptabiliser ces gens. Je ne pourrais vous donner cette comptabilité que sur deux affaires, ce qui ne serait pas significatif sur le plan statistique. En revanche, à l'avenir, pour tout ce qui touchera à l'infraction de départ, qui est celle du travail illégal, essentiellement le travail dissimulé, lorsque nous aurons des victimes, notamment étrangères, nous relèverons des éléments statistiques.

M. le Général Serge Caillet .- Je me permets d'intervenir sur ce sujet qui me tient à coeur. Comme j'ai eu l'occasion de le dire dans le cadre de la commission de lutte contre le travail illégal, certaines personnes qui sont en infraction sont aussi des victimes. Il faut savoir que des représentants syndicaux s'expriment dans cette commission de lutte contre le travail illégal et j'ai donc eu l'occasion de leur dire que je veille à donner des directives aux gendarmes pour qu'ils interviennent, dans ce cadre, de manière humaine, c'est-à-dire que nous ne sommes pas du tout dans le cadre du grand banditisme. Comme il est compliqué de distinguer entre les victimes et les auteurs, je suis extrêmement attentif à cela. En commission, j'ai d'ailleurs demandé aux représentants syndicaux qu'au cas où ils auraient connaissance de comportements qui n'iraient pas dans ce sens, ils puissent me le dire, parce que c'est un domaine très particulier.

M. Bernard Frimat .- Je vais essayer de résumer ce que vous nous avez dit et qui est fort intéressant, et si vous n'êtes pas d'accord avec mon assertion, vous me le direz, notre problème étant de nous assurer d'avoir bien compris tous les éléments que vous nous apportez. Si je comprends bien, le travail illégal n'est pas en adéquation avec la présence des étrangers : c'est une chose qui est beaucoup plus vaste. Au demeurant, le travail illégal fait office d'appel d'air sur des filières d'étrangers. En formulant les choses ainsi, suis-je en train de déformer votre pensée ou de la traduire ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- C'est exactement cela. On ne peut pas mettre exactement en corrélation l'aspect du travail illégal et les phénomènes migratoires en disant que le travail illégal est uniquement l'apanage des seuls étrangers en situation irrégulière sur le territoire national. Il serait faux de le dire. Tout d'abord, il faudrait définir ce qu'est un étranger en situation irrégulière. De même, la problématique des migrations en provenance d'Asie ou d'Afrique n'est pas la même que celle des pays de l'Union européenne, comme l'histoire du plombier polonais dont on a beaucoup parlé dans la presse et qui relève plutôt de la problématique de l'intervention des entreprises étrangères en France.

On ne peut donc pas corréler les deux phénomènes et, en tout cas, les chiffres sont là pour le dire : je répète que les auteurs étrangers mis en cause pour l'emploi d'étrangers sans titre représentent 10 % des infractions.

Quant au nombre de victimes, je n'ai pas de fourchette et je ne pense d'ailleurs pas que l'on puisse le voir actuellement dans les statistiques qui remontent à la délégation interministérielle à la lutte contre le travail illégal puisque, comme vous le savez, toutes les procédures établies par l'ensemble des services et corps de contrôle en matière de travail illégal remontent à la délégation interministérielle où elles sont analysées et exploitées. Chaque procédure fait l'objet d'une fiche spécifique rédigée par l'enquêteur, qu'on appelle la fiche d'analyse et de verbalisation du travail illégal (FAVTI) et qui permet justement d'aller plus avant dans l'analyse et l'exploitation des statistiques avec notamment les catégories socioprofessionnelles les plus impliquées.

En revanche, nous n'avons pas véritablement d'indicateurs s'agissant de la nationalité. C'est une chose qui sera à mettre au point.

M. Jean-François Humbert .- Avez-vous une idée précise des zones de notre pays dans lesquelles les infractions évoquées sont constatées ? Y a-t-il des régions de notre pays qui sont plus exposées que d'autres à l'emploi de ces travailleurs irréguliers ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Là encore, la création récente de l'Office ne me permet pas de porter un jugement totalement digne de foi. En revanche, nous observons un certain nombre de phénomènes et il suffit pour cela de voir les statistiques de la DILTI. Evidemment, aucune région de France n'est véritablement épargnée par le phénomène, mais il touche de façon préférentielle, dans son aspect mafieux, certaines régions, celles qui sont en adéquation avec l'essor économique du pays ou en tout cas les bassins économiques les plus actifs. On les trouve essentiellement sur la façade méditerranéenne et dans le sillon rhodanien, on les trouve aussi beaucoup en Rhône-Alpes, en allant jusqu'aux marches sud de la Bourgogne et jusqu'à la Loire, et on les trouve enfin en région parisienne et dans le nord de la France.

Cependant, cela demande une étude beaucoup plus approfondie pour déterminer les problèmes parce que le phénomène mafieux se diffuse. Le général a parlé d'une affaire en Dordogne et je ne pense pas que cette région soit réputée pour être un bassin industriel dont les activités économiques sont très importantes. Pour autant, c'est un secteur agricole important et dynamique qui a permis la mise en place de réseaux mafieux qui visaient à « l'importation » de main-d'oeuvre étrangère. On voit donc que c'est une affaire qui touche l'ensemble du pays, même si on peut cibler un certain nombre de régions où les chiffres sont beaucoup plus importants.

M. Jean-François Humbert .- En ciblant lesdites régions, n'a-t-on pas la démonstration des points de passage éventuels de ces immigrés illégaux ? Souhaitent-ils s'installer à proximité de l'endroit où ils sont entrés ou vont-ils plus loin ? Pourquoi parlez-vous notamment de la façade méditerranéenne et de Rhône-Alpes ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Parce que ce sont des portes traditionnelles d'entrée, au même titre que l'Alsace ou le nord de la France.

M. Jean-François Humbert .- Cela veut donc dire qu'on les retrouve principalement dans ces régions.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Tout à fait.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- On parle beaucoup de la filière chinoise et on en entend parler régulièrement comme étant une filière très organisée et très structurée qui vit en autarcie et qui gère à la fois le départ, le transport et la destination. Pouvez-vous mesurer ce phénomène ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Là encore, je ne peux pas vous annoncer de chiffres. Je sais que la filière chinoise, par définition, est l'un des secteurs d'activité les plus importants. Mes relations avec l'OCRIEST sont telles que j'ai connaissance de ces phénomènes. Cela étant, il est vrai que, sur le bassin parisien, les unités de gendarmerie qui ont l'habitude de traiter le travail illégal depuis plus d'une dizaine d'années le réalisent à plus de 80 % de leur temps sur le milieu chinois. Je ne dis pas pour autant que c'est un phénomène limité à la région parisienne, mais il est vrai que l'essentiel de l'activité des unités de gendarmerie qui font de la police judiciaire et qui, au niveau de la région parisienne, sont « spécialisées » dans des groupes spécifiques pour lutter contre le travail illégal est tourné vers le monde chinois.

M. Georges Othily, président .- Avez vous des chiffres ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Non, je n'ai pas de chiffres.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Nous parlons beaucoup de la métropole, mais, sur l'outre-mer, la commission a eu l'occasion de se déplacer en Guyane et en Guadeloupe, secteurs dans lesquels la gendarmerie paraît mobilisée. Pensez-vous que les moyens sont suffisants ou que la problématique est très différente de celle de la métropole ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- On n'est jamais totalement satisfait des moyens dont on dispose. Cela étant, nous avons en permanence le devoir d'animer une réflexion pour essayer de développer les meilleures parades à tout type de délinquance. Cette réflexion vaut pour le travail illégal mais aussi pour toutes les activités délictuelles.

Cependant, la problématique doit être sensiblement différente. Elle est surtout ciblée sur la zone des Antilles et de la Guyane. Il est vrai que les spécificités géostratégiques globales font qu'elle a un aspect tout à fait particulier : on ne parle pas d'interventions d'entreprises étrangères polonaises ou même canadiennes ou sud-américaines en Martinique. En revanche, on parle de migrants honduriens ou salvadoriens soit dans le bâtiment, soit dans les plantations. Autrement dit, c'est assez différent et c'est une spécificité liée à la géostratégie locale.

M. Bernard Frimat .- Une fois que vous êtes intervenu en verbalisation, que se passe-t-il dans la suite de l'opération ? Transmettez-vous un certain nombre de procédures à l'ANAEM et au procureur ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Tout à fait. Notre verbalisation suit le canal habituel vers les magistrats. En revanche, pour le signalement à l'ANAEM, le Comité interministériel de contrôle de l'immigration (CICI) a donné récemment des directives pour rappeler la nécessaire obligation d'adresser les procédures à l'ANAEM. Pour nous, je ne dis pas que cela n'avait pas lieu d'être, une piqûre de rappel faisant toujours du bien. Nous avons donc développé à nouveau des avis dans nos unités en le faisant dans les codifications, puisque nous avons des mémentos spécifiques en matière de travail illégal auxquels les officiers de police judiciaire peuvent se référer lorsqu'ils traitent une affaire de travail illégal.

Par ailleurs, le général nous a parlé tout à l'heure d'un véritable réseau de 850 officiers de police judiciaire spécialisés dans cette matière et dont l'activité, en tant qu'officiers de police judiciaire, se limite au seul travail illégal. Ce sont des gendarmes qui ont d'autres activités par ailleurs, mais il est vrai qu'en manière de police judiciaire, ils sont vraiment spécialisés sur ce type de procédures qu'ils connaissent parfaitement. L'ensemble des procédures est donc bien communiqué à l'ANAEM en vue d'un recouvrement.

M. le Général Serge Caillet .- J'ai assisté à quelques réunions du CICI, ou plus exactement du groupe d'experts, et le mérite de cet organisme, depuis une année, a justement été de remettre en liaison les responsables nationaux (police, gendarmerie, inspecteurs du travail et magistrats) parce qu'on s'est rendu compte que les différentes procédures administratives qui devaient être appliquées en cas d'interpellation n'étaient pas forcément suivies dans certains départements. Nous avons désormais une véritable synergie entre les différents acteurs et entre les procédures pénales ou civiles. Comme je l'ai dit, ce sont des affaires très complexes.

Il y a huit mois, quand nous avons démarré, chaque administration était un peu dans son coin avec ses propres procédures alors qu'il est nécessaire de travailler ensemble parce que le public ne comprend pas que les choses ne soient pas traitées simultanément. Dans le cadre du CICI, il a été fait un travail d'harmonisation et nous avons élaboré un certain nombre de textes auxquels nous avons participé, chacun donnant son point de vue. Je pense que nous avons donc beaucoup progressé.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- En ce qui concerne la plus-value que peut amener l'Office de lutte contre le travail illégal, le général vous a donné tout à l'heure les grandes familles d'infractions. L'une n'est pas suffisamment développée à mon sens : tout ce qui relève des conditions de travail et des conditions de logement et d'hébergement contraires à la dignité humaine. En l'occurrence, on a affaire à un crime grave, puisque passible des plus lourdes peines, et on s'aperçoit que c'est une facette par laquelle les enquêteurs abordent trop rarement le travail illégal.

J'en veux pour preuve l'affaire récente dont j'ai parlé sur le milieu kurde. Lorsque nous avons trouvé les camps de base où étaient parqués -le mot n'est pas trop fort- ces pauvres Kurdes qui travaillaient sur les chantiers, il est apparu dans les procédures a posteriori, alors qu'au départ, nous avions passé un accord avec le magistrat pour ajouter cette incrimination dans la procédure, que nous n'avons pas pu la matérialiser parce que les enquêteurs n'ont pas su constituer le dossier procédural et les éléments permettant de caractériser l'infraction, par exemple la prise de photos et un certain nombre de prélèvements faits en matière de police technique et scientifique.

C'est l'un des aspects auquel je m'attache parce que, dès que l'on touche à des phénomènes mafieux et organisés (le général vous a parlé tout à l'heure de sportifs kenyans que l'on faisait courir tous les week-ends), c'est une facette de cette lutte qui doit véritablement être remise au goût du jour.

Les médias en parlent beaucoup et on en discute souvent, mais il est vrai que, pour l'heure, les enquêteurs n'y sont pas suffisamment sensibilisés. C'est l'un des aspects sur lesquels les officiers de police judiciaire peuvent se recentrer. Autant l'inspecteur du travail pourra aller vérifier les relations contractuelles et s'attacher à développer un peu plus l'aspect qui concerne la vérification de la comptabilité, à rechercher un certain nombre d'éléments ou à les transmettre, notamment à l'ANAEM, autant l'officier de police judiciaire pourra se recentrer sur la répression de cette infraction, même s'il n'est pas spécialiste, à condition, d'une part, qu'il soit sensibilisé et, d'autre part, qu'il ait un minimum de formation pour la caractériser. En effet, même si elle paraît évidente à relever, elle nous oblige à respecter certaines règles, lorsqu'on veut l'ajouter à la procédure, qui ne sont pas toujours respectées à l'heure actuelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- En dehors du constat de l'infraction, les poursuites engagées contre les donneurs d'ordres sont-elles systématiques et à chaque fois efficaces ? En clair, y a-t-il au final un jugement devant un tribunal correctionnel ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Tout d'abord, c'est le ministère de la justice qui pourra vous le dire. Pour ma part, je ne peux que vous donner un sentiment.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Vous transmettez la procédure et le parquet transmet l'affaire.

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Je transmets la procédure et il y a ensuite un certain nombre de déferrements et de présentations de déferrements ou de convocations par des officiers de police judiciaire : cela dépend de la nature et de la gravité des faits. Force est de constater que, vu des enquêteurs, nous avons le sentiment que les sanctions ne vont peut-être pas jusqu'au bout et ne sont pas suffisamment lourdes.

En revanche, tout ce qui a trait au travail illégal est quand même un champ infractionnel qui, lorsqu'il arrive sur le bureau des magistrats, reçoit un oeil avisé en ce sens que les classements sans suite n'existent quasiment pas ou sont vraiment minoritaires.

Il restera peut-être à revoir le niveau de la sanction, et c'est ce qui explique ce sentiment des policiers et gendarmes qui se disent qu'encore une fois, ils n'ont pas été suivis, c'est-à-dire qu'ils ont fait beaucoup de travail pour peu de choses. Là encore, nous n'avons pas à porter un jugement sur ce point. Il faut simplement voir que ce sont des domaines très particuliers. J'ai parlé de formation des officiers de police judiciaire sur une thématique particulière, mais c'est valable pour l'ensemble des infractions du travail illégal. Il faut aussi former tous les magistrats, qui ne sont pas tous formés en cette matière. De même, les gros pools financiers dans les tribunaux de grande instance les plus importants sont une plus-value intéressante.

Il s'agit donc d'un canevas général. Nous constatons que peu de procédures échappent au jugement et que le niveau des sanctions peut paraître insuffisant en regard des investissements des enquêteurs, mais il faut entrer dans les détails, voir comment la procédure a été amenée et ce qui a été recherché. Il faut donc prendre tout cela avec beaucoup de mesure.

Par exemple, le meilleur moyen d'envoyer en détention provisoire un organisateur kurde impliqué dans le réseau dont je vous ai parlé était justement de pouvoir démontrer qu'il hébergeait et traitait ces gens de façon indigne. Cela n'a pas été fait. Pour autant, sur les sept objectifs principaux qui étaient ciblés par ce dossier, cinq ont quand même été présentés et écroués.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Pensez-vous qu'il existe une véritable différence, dans la lutte contre l'immigration clandestine, entre la zone gendarmerie et la zone police ? Y a-t-il des situations et des fonctionnements différents ?

M. le Lieutenant-colonel Georges Mascaro .- Je ne parlerai pas en tant que spécialiste puisque je n'ai pas cette compétence dans mon office central, mais je n'ai pas le sentiment que les enquêteurs de l'une ou l'autre administration traitent différemment les procédures. Maintenant, les caractéristiques de cette immigration sont évidemment très différentes -et j'en reviens aux considérations citées précédemment- selon qu'on se trouve dans une zone d'accueil, dans une zone de passage, dans un point d'entrée, etc.

M. le Général Serge Caillet .- Je peux répondre d'après mon expérience de commandant de compagnie et de groupement à La Rochelle. L'interpellation des personnes en situation irrégulière relève de la sécurité publique pour la police nationale et des brigades de gendarmerie, que vous connaissez, pour la gendarmerie. Ensuite, quand on a interpellé la personne, on la remet la plupart du temps au représentant local de la police aux frontières. Autrement dit, il y a deux modes d'action, deux services de sécurité qui remettent la personne à un spécialiste, mais c'est la DCPAF qui s'en occupe ensuite et donc, à mon avis, le traitement est à peu près le même.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Sur le plan de la procédure, le traitement est le même, mais sur le plan des situations, les caractéristiques peuvent être un peu différentes.

M. le Général Serge Caillet .- Dans tous les cas, c'est la DCPAF qui s'occupera de la personne. Le traitement est donc unifié.

M. Georges Othily, président .- Mon général et mon colonel, nous vous remercions.

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