Audition de Mme Sylvie MOREAU,
chef de service, adjointe du directeur de la population et des migrations,
et de M. Hervé GUICHAOUA,
conseiller technique du directeur de la population et des migrations
sur les questions de travail au ministère de l'emploi,
de la cohésion sociale et du logement
(1er février 2006)

Présidence de M. Georges OTHILY, président

M. Georges Othily, président .- Nous vous remercions, madame et monsieur, d'avoir accepté de répondre à notre invitation.

Conformément aux termes de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, Mme Sylvie Moreau et M. Hervé Guichaoua prêtent serment.

M. Georges Othily, président .- Acte est pris de votre serment. Nous allons tout d'abord écouter votre exposé liminaire, après quoi nous vous poserons quelques questions sur certains points particuliers. Vous avez la parole.

Mme Sylvie Moreau .- Merci, monsieur le président. Je vous prie tout d'abord d'excuser M. Butor, directeur de la population et des migrations, qui est retenu dans une importante réunion ministérielle.

Si vous me le permettez, je vais commencer par positionner les missions de la direction de la population et des migrations par rapport au sujet sur lequel vous nous entendez.

La direction de la population et des migrations est une direction du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement qui a plutôt vocation à prendre en charge des personnes en situation régulière. Par conséquent, nous croisons les sujets dont nous allons parler plus que nous les traitons.

Nous avons par ailleurs trois missions principales, que vous retrouvez dans la construction de notre budget en mode LOLF, ce qui permet de se repérer.

La première concerne la présentation de la position de la France sur le plan international et, surtout, la participation à la régulation des migrations, un sujet dont nous allons parler.

La deuxième est la prise en charge des demandeurs d'asile.

La troisième est l'intégration des personnes migrantes. Par extension, nous avons dans notre budget celui de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, mais elle a son indépendance : ce n'est qu'un rattachement budgétaire.

Je vais commencer par évoquer le sujet des demandeurs d'asile qui, par définition, sont une population en situation régulière. Notre mission est la prise en charge sociale des demandeurs d'asile. A partir du moment où les personnes ont demandé l'asile auprès de l'OFPRA jusqu'au moment où celui-ci rend sa décision, nous avons pour mission de leur accorder la subsistance. A ce titre, il relève de notre budget et de notre compétence de les héberger en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA), mais nous avons aussi, à la disposition des DDASS et des préfets, des crédits d'urgence qui permettent, puisque leur nombre est largement supérieur à notre capacité d'accueil, de les accueillir soit dans des structures collectives, soit en hôtel, en nous efforçant de résoudre les situations d'urgence.

Ce sont des personnes en situation régulière à ce moment-là. Cela dit, dans la mesure où les décisions de l'OFPRA font qu'un grand nombre de migrants est débouté du droit d'asile, ces personnes, qui ne sont pas clandestines puisqu'on les connaît depuis leur arrivée, se retrouvent souvent en situation irrégulière. En attendant qu'elles soient traitées par le ministère de l'intérieur et quelle aient une invitation à quitter le territoire, nous les gardons théoriquement un mois de plus dans nos structures. Sur le plan pratique, nous les gardons plus longtemps : en période d'hiver, nos structures accueillent notamment les personnes fragiles, c'est-à-dire les personnes âgées, les familles et les enfants, et notre République ne se sentirait pas bien de remettre des gens fragiles à la rue. Autrement dit, les délais de sortie de nos dispositifs sont plus longs que la théorie le voudrait.

A ce titre, les difficultés que nous rencontrons tiennent à l'énorme augmentation du nombre de demandeurs d'asile depuis quelques années. Parallèlement, nous avons augmenté massivement le nombre de places en CADA, mais cela n'a pas suffi pour suivre l'augmentation des flux. Des actions parallèles ont donc été menées avec d'autres intervenants comme l'OFPRA pour traiter plus rapidement les recours afin que les gens puissent très vite recevoir une réponse et ne soient pas incités à quitter leur pays et à couper les amarres pour venir dans un pays où, si on met deux ou trois ans à traiter leur dossier, ils ont une chance de ne pas pouvoir retourner chez eux ensuite parce que les enfants seront scolarisés. Toutefois, c'est un sujet qui m'échappe un peu.

Les premiers cas de situations irrégulières sur notre territoire que je peux évoquer avec vous sont les déboutés du droit d'asile.

Nous avons aussi un sujet assez particulier que nous traitons avec d'autres : les mineurs étrangers isolés, qui sont traités autant par le ministère de la justice et l'aide sociale à l'enfance. Nous avons un centre d'hébergement de 33 places en région parisienne, mais c'est l'unique action spécifique que nous faisons seuls à cet égard : ils sont traités collectivement et, du fait des textes de loi de 2002, c'est une question assez différente.

Je vais évoquer assez rapidement un deuxième point, qui a trait aux questions du travail illégal ou irrégulier, sachant que M. Guichaoua, conseiller technique auprès du directeur de la population et des migrations sur les questions du travail, et moi-même pourrons répondre à vos questions sur ce sujet qui n'est pas pris directement en charge par notre direction, mais qui nous touche indirectement dans la mesure où nous travaillons sur les autorisations de travail et la réglementation du travail et où nous assurons la tutelle de l'ANAEM, dont vous avez entendu le directeur, M. Nutte. Nous pourrons donc éventuellement répondre à vos questions ou compléter ses propos, mais nous ne le ferons certainement pas avec plus de pertinence que lui sur un certain nombre de points.

Le troisième sujet sur lequel nous intervenons a trait à la première partie de notre mission : la participation à la régulation des migrations. Nous intervenons en prestations complémentaires ou en prestataire d'actions du ministère de l'intérieur, dans la mesure où nous assurons la prise en charge sociale des centres de rétention administrative.

Au titre du décret du 30 mai 2005, qui reprécise la manière dont doivent fonctionner les centres de rétention administrative, les ministères sociaux sont en charge de trois actions.

La première consiste à assurer non pas une prise en charge juridique (ce n'est pas une assistance comme celle qu'apportent les avocats, l'Ordre des avocats étant là pour cela), mais une aide à la vigilance juridique des personnes à travers une association d'envergure nationale avec laquelle nous avons passé un marché : il s'agit actuellement de la CIMADE.

La deuxième action est menée par l'ANAEM -je ne sais pas si M. Nutte a eu l'occasion de vous en parler- qui apporte un soutien psychologique et matériel aux personnes retenues et leur rend un certain nombre de services qui peuvent aller de l'achat de savon à barbe au solde de leur livret de Caisse d'épargne avant qu'ils soient reconduits à la frontière, en passant par la récupération et le transfert de leurs bagages jusqu'à leur avion.

La troisième prestation que nous assurons est la prise en charge sanitaire par la passation de conventions avec un hôpital de proximité qui assure des prestations sanitaires en journée (il ne s'agit pas exactement d'une permanence sanitaire puisque ce sont des actions relevant plus de l'infirmerie que de l'hôpital) grâce à des infirmières et des médecins, sachant que les cas difficiles sont transmis à l'hôpital.

Dans le même ordre d'idée, pour une raison probablement historique, nous devons aussi assurer la prise en charge sanitaire de la ZAPI, l'énorme zone aéroportuaire d'attente de Roissy, la prise en charge sanitaire des autres petites zones étant réglée localement par les préfets, en tant que de besoin, parce que ce sont des zones de deux ou trois places alors que la ZAPI de Paris peut faire une centaine de places et qu'elle est particulièrement animée en cas de SRAS ou de crainte de pandémies.

Enfin, pour en rester sur la prise en charge de certaines populations irrégulières, j'évoquerai un point plutôt anecdotique : nous aidons le ministère de l'intérieur à dégager les migrants qui sont clairement irréguliers, voire clandestins, qui s'agglutinent à Sangatte et qui continuent d'arriver. On voit régulièrement dans la presse que la Croix Rouge prend en charge des gens qui arrivent dans le secteur, qui ne souhaitent pas demander l'asile, qui souhaitent clairement passer en Grande-Bretagne et qui attendent là de réussir à passer clandestinement, ce qui constitue pour nous un souci de prise en charge sociale et d'hébergement, mais aussi d'éloignement pour éviter que se reconstitue un nouveau Sangatte. Les personnes peuvent alors être éloignées avec des prises en charge que nous assurons notamment avec des opérateurs comme la SONACOTRA et en ayant recours à nos places d'urgence.

Le dernier point que j'évoquerai concerne les actions que nous menons à l'égard des migrants en situation irrégulière en appui, là encore, du ministère de l'intérieur : il s'agit de la coordination de l'action médicale autour de la procédure applicable aux étrangers malades. Comme vous le savez sans doute, l'ordonnance de 1945 prévoit la possibilité de délivrer la carte « vie privée et familiale » ou la carte de séjour temporaire à des personnes qui ne peuvent pas être reconduites parce que cela présenterait un risque exceptionnel pour leur santé et qu'elles ne trouveraient pas dans leur pays d'origine des soins adaptés. Le préfet prend sa décision sur avis du médecin inspecteur de santé publique de la DDASS et nous gérons cette procédure qui est devenue probablement le dernier rempart avant les reconduites.

Nous assistons depuis trois ou quatre ans à une explosion complète des demandes, avec des difficultés techniques dues à la présentation de faux documents médicaux ou de fausses identités. Ce sont des choses sur lesquelles nous travaillons avec le ministère de l'intérieur pour les réduire, puisque nous sommes passés d'un millier de cartes délivrées, sans parler des avis demandés, dans les années 2000 et 2001, à 5 000 en 2004 et environ 15 000 dossiers. Les cartes n'étant délivrées que pour des durées temporaires ne dépassant pas trois à quatre mois, pour vérifier que la personne n'a pas eu le bonheur de guérir entre-temps, nous avons deux fois plus de demandes d'avis que de dossiers, ce qui crée une charge très complexe pour nos services dans les périodes où nous avons d'autres problèmes de santé publique à gérer.

Voilà à peu près le périmètre dans lequel nous intervenons. Sur ces questions sanitaires, nous sommes souvent en interface entre le ministère de la santé et le ministère de l'intérieur. C'est ainsi que, depuis deux jours, nous travaillons sur les instructions qui pourraient être données à la fois aux DDASS et aux préfets sur la détection potentielle de cas de grippe aviaire pour les gens qui viendraient de pays à risques dans les CRA, les LRA, en ZAPI, etc., sachant que, lorsqu'ils rentrent en CADA, la durée d'incubation est passée et que nous n'avons pas de problème, le suivi sanitaire des CADA étant assuré par le médecin-chef de l'ANAEM.

Voilà, schématiquement, ce que nous faisons. Je reste à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Georges Othily .- Je vous remercie, madame, et je donne la parole à Monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- J'aurais voulu, comme vous l'avez proposé, avoir des précisions sur tout ce qui touche au droit du travail, c'est-à-dire sur les conditions d'accès des étrangers à l'exercice d'un travail, naturellement, mais aussi sur les règles applicables aux saisonniers. Nous avons constaté qu'il y avait des difficultés dans ces domaines.

Je souhaiterais aussi avoir votre avis sur une proposition qui semble être faite par le ministère de l'intérieur sur les cartes de séjour destinées à attirer des étrangers hautement qualifiés et sur la façon dont tout cela pourrait être mis en place.

Mme Sylvie Moreau .- Je me permets de passer la parole à Hervé Guichaoua.

M. Hervé Guichaoua .- Bonjour. Je m'appelle donc Hervé Guichaoua et je suis directeur du travail et conseiller technique auprès du directeur de la population et des migrations sur les questions de droit du travail.

Je commence par la première question que vous avez posée. L'accès au travail des étrangers repose sur des règles simples et anciennes qui prévoient que tout ressortissant étranger de pays tiers, c'est-à-dire qui n'appartient pas à un périmètre un peu plus large que l'Union européenne, qui souhaite exercer une activité salariée doit être titulaire d'une autorisation de travail.

Mme Sylvie Moreau .- On peut parler de l'Union européenne ancien modèle, sans les nouveaux entrants.

M. Hervé Guichaoua .- Je reviendrai sur la période transitoire pour les nouveaux Etats membres.

Cette autorisation de travail est délivrée au cas par cas, selon des critères qui sont fixés par le code du travail, ou de plein droit pour les catégories d'étrangers qui obtiennent certains statuts. Par exemple, l'étranger qui obtient le statut au titre de la vie privée et familiale a automatiquement un droit au travail en plus du droit au séjour. Dans tous les cas de figure, l'accès au travail se fait sur la base d'autorisations préalables délivrées par l'administration et matérialisées par des documents dont l'appellation varie selon le statut de l'étranger : cela peut être des autorisations provisoires de travail, des cartes de séjour temporaires pour les salariés, des cartes de résident, etc.

Cette règle est générale et absolue : quels que soient la qualification de la personne, la durée de son emploi ou son âge, il y a une obligation générale et absolue d'avoir ce titre de travail. Cela implique que, lorsqu'une entreprise souhaite recruter une personne, elle doit s'assurer de sa nationalité en lui faisant présenter un document officiel attestant de son identité et de sa nationalité, si bien qu'un employeur qui embaucherait un étranger sans titre de travail commettrait une infraction qui est passible du tribunal correctionnel.

En théorie, la règle est simple, et seuls les ressortissants de l'Union européenne, élargie à l'espace économique européen, sont dispensés de cette autorisation de travail puisqu'ils bénéficient de la libre circulation des travailleurs.

S'agissant des dix nouveaux Etats membres qui ont adhéré à l'Union européenne depuis le 1 er mai 2004, nous sommes sous le régime de la période transitoire concernant la libre circulation des travailleurs. En ce qui concerne les ressortissants de huit de ses pays, c'est-à-dire sauf Chypre et Malte qui ont accès au marché du travail comme les ressortissants de l'Union européenne depuis le 1 er mai 2004, on reste sous le régime de l'autorisation de travail classique de droit commun, comme s'il s'agissait d'un ressortissant de pays tiers.

Voilà ce que je peux dire sur le plan du cadrage et il n'y a pas d'exception. Que la personne occupe un emploi de petite qualification ou que ce soit un cadre supérieur à 100 000 € par mois, la personne doit nécessairement avoir une autorisation préalable de travail délivrée par l'administration française. Il s'agit d'une autorisation de travail à durée limitée qui est effectivement renouvelée selon des conditions prévues par le code du travail. Certains de ces renouvellements sont automatiques, selon le cadre juridique et le statut administratif de l'étranger ; d'autres renouvellements sont conditionnels, c'est-à-dire qu'ils sont soumis au respect d'un certain nombre de conditions, le principe étant que les autorisations de travail sont toujours limitées dans le temps. Elles peuvent être limitées à une journée pour des emplois de très courte durée et elles peuvent avoir une durée maximale de dix ans pour les cartes de résident.

S'agissant des travailleurs saisonniers, notamment agricoles, puisque 97 % des travailleurs saisonniers étrangers qui viennent en France travaillent dans le secteur agricole, nous sommes sur le même principe de l'autorisation préalable de travail : ce sont des salariés qui souhaitent exercer une activité professionnelle sur le territoire français. Les saisonniers agricoles viennent en France exclusivement par la procédure dite d'introduction, c'est-à-dire que ce sont des gens qui, lorsqu'ils n'ont pas déjà l'autorisation de travail, ne peuvent la demander qu'à partir de leur pays d'origine, sachant qu'il n'y a pas, sur place, de changement de statut pour obtenir le statut de travailleur saisonnier.

Ces autorisations de travail sont sollicitées par les employeurs, principalement des exploitants agricoles, ou des hôtels, cafés et restaurants qui les embauchent pour les 3 % restants, auprès des directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, qui sont les autorités administratives compétentes en la matière.

En ce qui concerne le secteur agricole, les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle travaillent en liaison avec les services de l'inspection du travail en agriculture pour s'assurer que les exploitants agricoles s'acquittent de leurs obligations sociales. Par conséquent, si l'examen du dossier correspond aux conditions posées par le code du travail, c'est-à-dire si le marché local du travail ne permet pas de recruter des travailleurs saisonniers français ou étrangers déjà résidents et si l'exploitant agricole s'acquitte de ses obligations sociales, il est donné à l'exploitant agricole une autorisation d'emploi de ce travailleur étranger selon les règles de droit commun.

Sur le fond, il n'y a donc pas d'exception ou de différence de traitement. Il y a simplement des modalités particulières, comme il en existe pour d'autres catégories d'étrangers qui souhaitent travailler, mais, sur le fond, on est sous le régime de l'autorisation préalable.

Les travailleurs saisonniers, par nature, occupent un emploi temporaire et les visas d'autorisation de travail qui leur sont donnés ne peuvent pas excéder six mois. J'ajoute que, dans les cas prévus par le code du travail et à condition qu'il y ait un arrêté préfectoral local, ces contrats de travail saisonnier peuvent être d'une durée exceptionnelle de huit mois. A l'issue de son contrat de travail, cette personne étrangère doit en principe repartir dans son pays d'origine, mais il est vrai qu'aujourd'hui, on rencontre quelques difficultés pour s'assurer du retour effectif de la personne dans son pays d'origine. Nous allons donc modifier la loi, mais cela suppose d'avoir des échanges avec un certain nombre de pays dont je vais vous parler, pour conditionner l'attribution d'un nouveau contrat de travail saisonnier à la preuve du retour effectif du travailleur saisonnier dans son pays.

Nous devons tout d'abord recueillir l'avis de trois pays : le Maroc, la Tunisie et la Pologne, puisque nous avons des accords de main-d'oeuvre qui permettent de faire venir de façon simplifiée leurs ressortissants en qualité de travailleurs saisonniers, et nous allons proposer à ces pays un système qui permettrait de s'assurer de façon directe du retour effectif des personnes dans leur pays ou, en tout cas, de conditionner l'autorisation de contrat de travail saisonnier au retour effectif de l'intéressé dans son pays à l'issue du contrat saisonnier autorisé.

En volume, on peut considérer que les trois pays que je viens de citer représentent presque 100 % des travailleurs saisonniers, puisque les autres nationalités sont vraiment très marginales par rapport à ce flux de Marocains, de Tunisiens et de Polonais. Jusqu'à une période récente, les ressortissants marocains étaient la première nationalité venant en France en qualité de travailleurs saisonniers mais, depuis l'année dernière, ils sont dépassés de quelques dizaines d'unités par les Polonais.

M. Bernard Frimat .- En valeur absolue ?

M. Hervé Guichaoua .- Nous avons aujourd'hui environ 16 000 travailleurs saisonniers, dont 97 % dans agriculture, et je n'ai pas en tête les chiffres exacts par nationalité, mais nous devrions en être à 7 000 et quelques centaines de Polonais, 7 000 et quelques centaines moins quelques dizaines de Marocains (Marocains et Polonais étant donc quasiment à égalité) et à environ 900 Tunisiens. Les deux grandes catégories de ressortissants qui composent la population des travailleurs saisonniers agricoles sont donc, grosso modo, les Marocains et les Polonais à parts presque égales.

S'agissant maintenant de la question sur l'attractivité, la DPM s'inscrit dans le cadre d'un travail interministériel qui a été lancé il y a plus de deux ans et demi et qui vise à rendre la France plus attractive pour les investisseurs étrangers, et cela se traduit notamment, en ce qui concerne les responsabilités et les missions de la DPM, par la facilitation de la délivrance des titres de travail à certaines populations qui souhaitent venir en France et par la facilitation du changement de statut d'étudiants à haut potentiel qui souhaitent rester en France à la fin de leurs études.

Sur la première catégorie de populations que l'on appelle les cadres dirigeants et de haut niveau, nous avons élaboré des circulaires en 2004, en collaboration avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur, pour faciliter l'accueil de ces personnes dans les postes consulaires, leur arrivée en France et la délivrance de leur titre de séjour et de leur titre de travail en France. Par exemple, nous demandons aux directions départementales du travail de traiter ces dossiers en dix jours en confiant à l'ANAEM un rôle d'interface entre les différentes administrations impliquées, c'est-à-dire les directions du travail, les préfectures et le ministère des affaires étrangères.

C'est un système qui fonctionne depuis 2004 et que nous sommes en train d'améliorer à la demande du gouvernement et de l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII). Nous avons ainsi finalisé notre circulaire qui vise à élargir le périmètre des bénéficiaires de ce dispositif permettant d'accueillir beaucoup plus facilement en France des cadres dirigeants et des cadres de haut niveau, c'est-à-dire des cadres qui perçoivent plus de 5 000 € par mois et qui viennent en France soit pour implanter des filiales étrangères, soit pour procéder à l'extension de filiales étrangères, soit pour acheter des entreprises françaises en difficulté.

Nous réservons aussi un régime plus favorable à leurs familles, c'est-à-dire à leurs conjoints et leurs enfants, en leur permettant de déposer des demandes groupées de visas dans les postes consulaires et en facilitant le changement de statut des conjoints qui, une fois arrivés en France, souhaitent travailler. Ces conjoints arrivent en effet avec un statut qui n'est pas celui de salarié ou de travailleur et nous leur proposons donc, s'ils souhaitent travailler ou s'ils trouvent un emploi avec une rémunération supérieure ou égale à 2 000 €, de faciliter le changement de statut.

S'agissant maintenant des étudiants à haut potentiel, comme nous les appelons, nous travaillons avec les ministères concernés, c'est-à-dire notamment le ministère de l'éducation nationale, le ministère de la recherche, le ministère de l'intérieur et le ministère des affaires étrangères, sur une procédure qui permettrait aux étudiants que ces entreprises souhaitent recruter de rester en France. En effet, nous avons aujourd'hui un régime de droit qui considère que les étudiants étrangers qui viennent en France pour étudier doivent repartir dans leur pays puisqu'ils sont venus pour suivre des études et non pour le travail.

Au début des années 2000, nous avions prévu déjà des exceptions à ce principe en prévoyant des possibilités de changement de statut de façon bienveillante mais qui étaient laissées à la discrétion des directions départementales du travail et nous avons décidé de rédiger une circulaire un peu plus directive qui, sous réserve des arbitrages finaux qui ne sont pas encore intervenus, permettrait à des étudiants à haut potentiel, c'est-à-dire qui justifieraient d'études équivalant au niveau master, de rechercher librement et d'occuper un emploi dans les six mois qui suivent leurs études et d'obtenir sans difficulté leur changement de statut comme travailleur, c'est-à-dire sans opposition de la situation de l'emploi, dès lors qu'ils trouveraient un emploi avec une rémunération égale ou supérieure à 2 500 €. J'annonce ce chiffre avec prudence puisque les arbitrages définitifs n'ont pas encore été fixés, mais c'est néanmoins le niveau de rémunération qui fait l'objet de discussions pour l'instant.

Ce système permettrait aux étudiants et aux entreprises qui le souhaitent de participer au développement économique de la France en conservant sur le territoire français ces personnes qui, en principe, si on applique strictement les textes, n'ont pas vocation à rester sur le territoire français à l'issue de leurs études.

En ce qui concerne le projet de carte « capacités et talent » que vous évoquiez, je ne peux vous en parler qu'avec des réserves puisqu'il se tient cet après-midi une réunion interministérielle sur le projet de loi sur l'immigration qui doit arbitrer et valider tous ces éléments. L'idée générale, c'est qu'il n'y aurait pas nécessairement coïncidence entre le public dont je viens de parler et les bénéficiaires de cette carte mais qu'elle pourrait être attribuée à des personnes qui seraient choisies par les pouvoirs publics en raison de leurs compétences, de leurs connaissances, de leur projet économique, culturel ou artistique et de l'intérêt que ce projet peut présenter pour l'économie française et, de façon générale, pour la France.

C'est donc un nouveau titre de séjour, sous réserve des validations dont je viens de vous parler, qui vaudrait également autorisation d'avoir une activité professionnelle, salariée ou non, pour une durée qui n'est pas tout à fait arbitrée pour l'instant et qui serait renouvelée ensuite dans des conditions qui restent à déterminer.

En l'état des discussions interministérielles, les membres de la famille du titulaire de cette carte bénéficieraient de la même carte « capacités et talent » dont l'appellation reste elle aussi à valider, mais nous serions sur un périmètre un peu différent de celui que je viens d'évoquer pour les deux catégories précédentes.

M. Bernard Frimat .- Vous nous avez parlé des mesures qui se préparent et vous avez évoqué le travail saisonnier. J'avoue que je ne comprends pas bien comment on peut demander aux Polonais de prouver qu'ils sont rentrés chez eux dans la mesure où, s'ils n'ont pas une autorisation de travail, ils ont quand même le droit de circuler librement sur le territoire de l'Union. Cela me semble donc une mesure un peu curieuse.

M. Hervé Guichaoua .- Votre remarque est tout à fait pertinente. L'obligation de retour ne vaut effectivement que pour les Tunisiens et les Marocains puisque les Polonais bénéficient de la liberté de circulation, et il est vrai que les difficultés que nous rencontrons historiquement concernent essentiellement les Marocains, les Tunisiens étant beaucoup moins nombreux. Ma remarque avait donc un caractère général sachant que, si quelque chose est inscrit dans la loi, cela aura bien sûr un effet général et concernera l'ensemble des travailleurs saisonniers, mais que nous sous-entendons que cela ne concernera pas les travailleurs saisonniers qui restent soumis à autorisation de travail mais qui bénéficient de la liberté de circulation, ce qui est le cas des ressortissants des nouveaux Etats de l'Union européenne pendant la période transitoire.

M. Bernard Frimat .- Si j'ai bonne mémoire, ce régime transitoire est de cinq ans.

M. Hervé Guichaoua .- Il est de sept ans au total divisés en trois étapes. Les deux premières années viendront à expiration au 1 er mai 2006. Ensuite, s'il est décidé de prolonger cette période transitoire, ce sera pour une durée de trois ans, ce qui nous emmène au mois de mai 2009. Enfin, il restera une prolongation possible de deux ans pour aller jusqu'aux sept ans.

M. Bernard Frimat .- C'est une mesure tout à fait extraordinaire de contre-publicité française dans les pays concernés puisqu'elle est reçue par les ressortissants de ces pays, et surtout par ceux qui n'ont pas du tout envie de travailler chez nous, comme totalement discriminatoire. C'est donc un élément qui fait débat.

Je souhaiterais encore vous demander une chose, mais sans doute ne pourrez-vous pas me répondre. Vous avez dit qu'il y avait 16.000 travailleurs saisonniers réguliers. Le ministère du travail a-t-il une idée du nombre de saisonniers irréguliers ? Je vous pose cette question parce que nous avons cru comprendre que les travailleurs saisonniers réguliers et irréguliers avaient parfois des éléments d'existence commune, notamment dans le domaine agricole, un régulier pouvant amener avec lui quelques irréguliers dans un parfait mélange.

M. Hervé Guichaoua .- Nous n'avons pas de chiffres sur le nombre de travailleurs étrangers en situation irrégulière dans le secteur agricole, même si des contrôles sont opérés dans les exploitations agricoles, parfois dans des conditions difficiles, par les services d'inspection du travail et par les agents de la Mutualité sociale agricole. En revanche, nous savons -c'est pourquoi nous souhaitons mieux contrôler et gérer ce flux migratoire de travail- qu'il se pose un certain nombre de problèmes de non-retours dans le pays et que certaines conditions de travail et d'hébergement sont parfois à la limite de la légalité. Si vous questionnez les directions départementales et les services de l'inspection du travail, de l'emploi et de la protection des salariés agricoles des Bouches-du-Rhône ou du Gard, ils vous diront qu'ils sont très attentifs aux conditions d'emploi de ces salariés, qu'ils soient français ou étrangers, par les exploitants agricoles et qu'effectivement, à chaque fois qu'ils ont l'occasion de rencontrer des situations à la limite de la légalité en termes de travail, d'emploi ou d'hébergement, ils font des observations ou transmettent des procédures au parquet.

Il est vrai que c'est un sujet fort préoccupant et c'est pourquoi la DPM, pour ce qui la concerne, puisque nous n'avons pas de « tutelle » (si je peux employer ce terme bien qu'il ne soit pas adapté) sur les services de l'inspection du travail et encore moins sur l'agriculture, essaie au moins de s'assurer qu'une fois que ces personnes ont achevé l'exécution de leur contrat de travail saisonnier, elles puissent repartir dans leur pays.

Nous envisageons également une autre action, puisque vous avez sans doute vu dans la presse qu'un certain nombre de personnes installées au Maroc se prévalaient de servir d'intermédiaire et, en fait, racketaient les travailleurs marocains venant travailler en France. Cela s'explique par le fait qu'aujourd'hui, sur le plan purement administratif, nous conservons la procédure d'introduction classique et habituelle qui existe en France, à savoir la procédure de recrutement nominatif qui permet à l'employeur, qu'il soit dans le secteur agricole, dans la coiffure ou dans l'industrie, de demander nominativement l'introduction de M. ou de Mme Untel qui se trouve au Brésil, en Afrique du Sud, aux Etats-Unis ou au Maroc.

Nous allons donc proposer aux Marocains -nous avons eu une rencontre bilatérale avec les services de l'ambassade du Maroc et du consulat marocain à Paris- de passer par une procédure qui existe pour la Pologne : le recrutement anonyme. Cela permet à l'exploitant agricole de déclarer ses besoins, sous réserve qu'ils n'aient pas pu être pourvus par le marché local du travail, et ce sont les service de l'ANAEM présents au Maroc, qui, en collaboration avec les services habilités de l'équivalent du ministère du travail marocain, feront le choix des salariés pour éviter que celui-ci soit fait par des intermédiaires non agréés sur place et pour faire en sorte qu'en France, on ne rencontre pas des problèmes non pas avec les exploitants agricoles mais avec les chefs de culture.

Nous essayons de traiter ce problème à la fois par une assurance sur le retour de la personne dans son pays et par la remise en vigueur de cette procédure d'introduction anonyme qui existait il y a vingt à vingt-cinq ans et qui n'est pas du tout interdite par les accords de main-d'oeuvre dont j'ai parlé tout à l'heure.

Mme Catherine Tasca .- Pouvez-vous nous préciser ce que recouvre la garantie du retour ? En quoi cela consiste-t-il ? Vous avez dit que vous teniez beaucoup à avoir l'assurance du retour, mais quel type d'assurance peut-on avoir dans ce domaine ?

M. Hervé Guichaoua .- Nous imaginons -mais nous n'en sommes qu'au stade de la réflexion- qu'il y ait une présentation physique de la personne soit dans les locaux officiels d'un organisme à désigner au Maroc, soit dans les locaux de la mission de l'ANAEM qui se trouve au Maroc. Cela permettrait d'avoir une vérification directe de la présence de la personne qui viendrait se présenter physiquement et qui pourrait, à l'occasion, montrer un document officiel attestant de sa qualité et signer éventuellement un papier.

Il s'agirait donc d'une présentation physique dans les locaux de l'ANAEM, comme c'est le cas avant leur départ : les personnes se présentent physiquement dans les locaux de l'ANAEM puisqu'elles passent sur place une visite médicale d'aptitude. L'ANAEM ayant la liste des salariés qui ont été autorisés à venir travailler en France, on peut imaginer qu'un tel système puisse fonctionner.

Cela dit, il reste à voir si le retour est exigé dans les quinze jours ou les trois semaines, certains exploitants agricoles nous ayant dit que certaines de ces personnes, après avoir fait la saison en France, complètent leurs revenus en faisant une petite saison en Espagne. La question est donc de savoir si on leur demande de se présenter physiquement sous une semaine, quinze jours ou trois semaines, mais nous mettrons un délai relativement court et il s'agira bien d'exiger une présentation physique de la personne, selon des modalités à définir, ce qui permettra au moins de vérifier que, dans un délai déterminé, cette personne est effectivement revenue au Maroc, la vérification se faisant avec une pièce d'identité.

M. Jean-Claude Peyronnet .- Vous avez évoqué, madame Moreau, la question des mineurs isolés et la prise en charge par la DPM, notamment, des déboutés du droit d'asile, mais avez-vous des relations avec les collectivités locales ? Sur le terrain, en effet, l'expérience montre que des conflits de compétences lourds surgissent entre l'Etat et les conseils généraux, ceux-ci ayant l'obligation de prendre en charge les familles avec enfants, qu'elles soient régulières ou non. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?

Mme Sylvie Moreau .- Je ne pourrai pas être extrêmement précise parce que plusieurs directions travaillent sur le sujet et que ne suis pas sûre d'être la personne la plus compétente. Effectivement, la direction générale de l'action sociale, qui suit beaucoup toutes les questions d'enfance et de mineurs au ministère, rappelle régulièrement que les mineurs sont un sujet qui ressort des collectivités locales, c'est-à-dire que ce sont les départements qui en ont la charge, mais nous pouvons avoir des mineurs qui déposent une demande d'asile, notamment des jeunes de 16 à 18 ans, et nous avons donc mis en place en 1999 un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés demandeurs d'asile (CAOMIDA), à Boissy-Saint-Léger, dans lequel nous avons 33 places et que nous gérons avec la DDASS. J'ajoute que participent à la gestion et à la régulation de ce centre les départements et les tribunaux pour enfants de Paris et d'Ile-de-France.

Il faut savoir que 40 % des demandeurs d'asile qui viennent en France arrivent à Paris, ce qui justifie l'installation de cette structure, dans laquelle nous prenons en charge les jeunes pour une durée maximale de douze mois en faisant de l'hébergement et de l'accompagnement socio-éducatif et scolaire. Nous essayons en même temps de leur assurer les apprentissages sociaux minimaux en ce qui concerne le français et la vie en société. Cela reste néanmoins un sujet de préoccupation.

M. Jean-Claude Peyronnet .- Je suppose que vous savez que, le dimanche soir, lorsque des gamins d'un âge certain se trouvent dans la rue et se font « ramasser », ils sont mis au foyer de l'enfance du département par le procureur.

Mme Sylvie Moreau .- J'ai bien compris, monsieur le sénateur, que ces 33 places pour la France sont notoirement insuffisantes, mais nous nous adressons là à des mineurs qui sont déjà des adolescents ou des préadolescents, puisqu'un enfant de cinq ans peut difficilement demander l'asile et être conscient de cette affaire.

M. Jean-François Humbert .- Vous nous avez expliqué beaucoup de choses, madame, et j'avoue que je n'ai pas saisi l'intégralité de ce que vous avez indiqué. J'ai bien compris que, lorsque les demandes d'asile sont accordées, il n'y a pas de problème puisque les personnes sont en situation régulière, mais qu'il y a manifestement quelques difficultés lors de la mise en oeuvre de la procédure d'étrangers malades. Vous avez cité des chiffres que je voudrais vous voir confirmer pour ce qui me concerne. En effet, j'ai noté rapidement que l'on serait passé de 1 000 à 5 000 cartes en 2004 et qu'il y aurait entre 10 000 et 15 000 demandes qui ne seraient pas satisfaites, mais je n'ai pas bien compris tout ce passage.

Je suis désolé de vous obliger de revenir un peu en arrière, mais je pense que c'est un point intéressant puisque cela suppose que ces demandes ont été faites par des demandeurs d'asile qui ont été déboutés.

Mme Sylvie Moreau .- Non, pas uniquement. La difficulté réside dans le fait que nous disposons de plusieurs sources statistiques, dont certaines sont informelles. Le passage de 1 000 à 5 000 vient d'une source du ministère de l'intérieur et il correspond au nombre de cartes qui ont été délivrées. Quant au passage de 2 800 premières délivrances en 2001 à 6 200 premières délivrances en 2004, ce sont des chiffres qui nous remontent par les médecins et qui sont incertains, et je comprends que ce soit un peu compliqué. Ce n'est donc pas une statistique exacte puisqu'ils ne sont pas destinataires de la décision du préfet. En même temps, je souhaitais surtout attirer votre attention sur l'accroissement des volumes.

Nos médecins inspecteurs de santé publique ont des préoccupations beaucoup plus importantes que de tenir des statistiques et nous n'avons donc pas tous les départements qui répondent tout le temps, mais il s'avère qu'en 2004, sur 94 départements recensés, nous avons eu 16 000 dossiers véritables, sachant qu'ils ont traité en fait 33 000 dossiers qu'ils ont vus plusieurs fois. On peut considérer qu'ils sont sollicités en moyenne deux fois sur un dossier et un même demandeur dans l'année.

M. Jean-François Humbert .- Sur un même demandeur, il y aurait donc deux dossiers ?

Mme Sylvie Moreau .- Si le demandeur dit qu'il a la tuberculose, on lui dit qu'on va le soigner pour cela, d'autant plus qu'il n'est pas question qu'il aille dans la nature pour la répandre autour de lui, mais au bout de six mois, sa carte de séjour temporaire étant terminée, il refait une demande et on doit examiner à nouveau le dossier sur lequel il peut avoir ou non un avis favorable.

M. Jean-François Humbert .- Pourriez-vous nous donner par écrit des statistiques plus précises ? Vous nous avez donné des fourchettes dans votre première intervention et vous nous donnez maintenant des chiffres beaucoup plus précis. Serait-il possible d'avoir quelque part des statistiques plus précises là-dessus ?

Mme Sylvie Moreau .- Comme j'ai prêté serment, je serais très ennuyée de vous dire que les chiffres que je vous donne sont justes parce que, je le répète, la source statistique est aléatoire, qu'elle ne provient pas de services statistiques et qu'il s'agit de simples remontées d'informations que nous consolidons. Cela dit, je peux vous envoyer très facilement le premier chiffre que je vous ai donné, à savoir l'augmentation de 2 000 à 5.000, puisque ce sont des sources officielles du ministère de l'intérieur.

M. Jean-François Humbert .- Pour les 10.000 à 15.000 qui sont devenus 16.000 et quelques, ne pouvez-vous pas nous fournir des choses plus précises ?

Mme Sylvie Moreau .- Je peux vous communiquer une information informelle. En effet, je ne souhaiterais pas que ce soit pris comme une information formelle, sachant que nous suivons cela moins dans un objectif de statistiques que de charge de travail de nos médecins pour vérifier notre capacité de mettre en oeuvre la procédure et de l'optimiser. Il est vrai qu'il faut l'optimiser.

M. Jean-François Humbert .- On peut vous suivre sur la charge de travail, mais vous comprendrez que nous sommes quasiment obligés de poser des questions précises. Si des chiffres se baladent entre 10.000 et 15.000, ce n'est pas rien, de même qu'entre 1.000 et 5.000 alors qu'il y en a 6.000 et quelques, si je vous ai bien entendue dans votre seconde intervention. Est-il possible de fournir à la commission des chiffres plus précis ?

Mme Sylvie Moreau .- Il est possible de le faire sur la première fourchette et je vous les transmettrai incessamment. Quant à la deuxième, je vous donnerai plutôt des ordres d'idée statistiques parce que je ne saurai pas vous jurer qu'une statistique informelle remontée sur un coin de bureau par des médecins est parfaitement exacte. Ce ne sont que des ordres de grandeur.

M. Bernard Frimat .- Je suppose qu'il n'y a pas de liaison automatique avec le droit d'asile.

Mme Sylvie Moreau .- Il n'y a pas de liaison automatique, en effet. Nous pensons simplement qu'une fois que les gens sont sur le point de repartir, c'est leur dernier rempart : ils ont épuisés les premiers paragraphes de l'ordonnance de 1945 et il ne leur reste plus que l'article 313-11, 11 ° .

M. Jean-François Humbert .- Si on en arrive au dernier alinéa de l'article en question, cela veut bien dire qu'il y a un lien avec les refus d'asile. Je suppose que c'est lié au refus du statut de réfugié.

Mme Sylvie Moreau .- Cela peut être lié aussi à tous les autres refus.

M. Jean-François Humbert .- Pourriez-vous éventuellement nous faire une distinction ?

Mme Sylvie Moreau .- Je n'ai aucun moyen de faire un lien puisque ce sont les préfets qui saisissent les médecins. La personne demande au préfet de surseoir à sa reconduite à la frontière au motif de sa maladie et le préfet saisit le médecin individuellement, mais il n'y a pas de système d'information qui traite les gens d'un bout à l'autre. Peut-être les préfets pourraient-ils le faire avec l'AGDREF, mais ce n'est pas possible à notre niveau.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Pour terminer, madame, pourriez-vous nous communiquer votre rapport d'activité sur l'année 2005, dans la mesure où il serait prêt ou en cours de préparation ?

Mme Sylvie Moreau .- Je peux vous donner celui de 2004, mais celui de 2005 n'est pas prêt.

M. François-Noël Buffet, rapporteur .- Nous sommes également preneurs de celui de 2004.

Par ailleurs, vous avez évoqué le cas des étrangers de haut niveau et les circulaires qui existent, l'une du 26 mars 2004 et l'autre du 7 mai 2004 relative aux conjoints. Il nous serait utile d'avoir ces circulaires et leur bilan d'application.

Enfin, votre direction ayant « commis » des statistiques relatives à la procédure des étrangers malades qui datent de 2003, nous souhaiterions disposer de quelque chose de plus récent pour avoir des chiffres plus précis.

Mme Sylvie Moreau .- Je vous ferai parvenir ces éléments.

M. Georges Othily, président .- Nous vous remercions beaucoup, madame, et nous attendons donc avec impatience les documents que nous vous avons demandés.

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